Technologie

Police scientifique: comme à la télé ?

1e partie

Virginie CHANTRY • virginie.chantry@gmail.com

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Eh bien la réponse est non ! Mais ne soyez pas déçu. Même si l’on n’est pas encore à l’ère des écrans holographiques, l’univers de la Police Technique et Scientifique de la police fédérale belge n’en est pas moins fascinant. Si vous êtes fan de la série télé Les Experts, de Las Vegas, Miami ou Manhattan, suivez nos traces ! C’est en effet l’occasion d’en savoir plus sur la réalité de ces spécialistes des indices matériels. D’ailleurs, vous savez sûrement que le titre original de la série américano-canadienne est CSI: Crime Scene Investigation ? Alors allons-y ! Investiguons la scène de crime, analysons les indices et trouvons le coupable. Je miserais peut-être bien sur le Colonel Moutarde, dans la cuisine, avec le chandelier…

La Police Technique et Scientifique (PTS) intervient dans les enquêtes criminelles réalisées par les 2 niveaux de structure de la police intégrée – soit les polices locale et fédérale – et dont le but est d’identifier l’auteur d’un crime. La police locale s’organise en différentes zones et agit au niveau des quartiers, de la circu­lation ou des enquêtes, au sein de la zone en question. La police fédérale, en plus de ­missions d’appui à la police locale, est orientée vers des tâches plus spécialisées ainsi que des actions à une échelle supra-locale. Soit d’ordre adminis­tratif, ayant trait au maintien de l’ordre, soit d’ordre judiciaire dans la lutte contre le crime (traite des êtres humains, terrorisme, trafic de drogue, etc.). La PTS et ses laboratoires font partie de la police judiciaire fédérale.

Science forensique

La science forensique est au cœur de leur activité. Le mot forensique est un néologisme issu de ­l’anglais: forensic science peut se traduire par science judiciaire, criminalistique ou médico-­légale. Cette discipline consiste à appliquer une démarche et des méthodes scientifiques dans un cadre judiciaire afin d’élucider les circonstances d’un crime ou d’un délit à l’aide de traces trouvant leur origine dans un transfert de matières au cours de l’activité illicite. Cette trace matérielle, visible ou non à l’œil nu, peut consister en une marque, un objet ou un signal. Ses caractéristiques ­physiques, chimiques et biologiques, alliées à d’autres informations comme la source dont elle provient, peuvent aider à comprendre ce qui s’est produit au cours de l’action et donc constituer un élément de preuve précieux au processus judiciaire. On parle alors de pièce à conviction. Mais pour arriver à cela, la trace doit être pertinente à l’enquête et soumise à divers processus d’exploitation.Ce concept éclairci, dirigeons-nous à présent vers les laboratoires de terrain. Ils sont au nombre de 14 sur le territoire belge, un par arrondissement judiciaire. Au sein de la Police Technique et Scientifique, les laborantins, que l’on appelle également enquêteurs CSI ou forensiques, font partie soit du personnel opérationnel (fonctionnaires de police), soit CALog (Cadre Administratif et Logistique). À noter que ce type de personnel travaille dans des fonctions civiles d’appui administratif, logistique ou technique et scientifique, et ne porte pas d’uniforme. Dans le respect du code d’instruction criminelle et de la procédure judiciaire, les enquêteurs CSI sont en charge des tâches suivantes:

  • • L’imagerie de la scène de crime, des victimes et des traces ainsi que la recherche et le prélèvement de ces traces;
  • • L’exploitation de ces éléments (analyse, comparaison avec les éléments de référence ­présumés…);
  • • La formulation objective et factuelle de conseils et d’hypothèses, avec un certain degré de probabilité, à destination du magistrat directeur d’enquête et du policier en charge de l’enquête tactique.

Enquêteurs forensiques sur la scène d’un crime perpétré dans un parc à Gand.

La panoplie de l’enquêteur CSI

Lorsqu’un crime est commis, entrent d’abord en scène des policiers faisant partie des services d’inter­vention de la police locale. C’est à eux de décider, selon les directives du magistrat en charge de l’enquête, s’il y a lieu de faire appel à la PTS. Ils sont également tenus d’assurer la protection active des traces et supports de traces, notamment par la mise en place d’un périmètre d’exclusion judiciaire. En second lieu, viennent les enquêteurs tactiques responsables des investigations liées à ­l’affaire mais aussi les enquêteurs forensiques, dont le rôle est d’évaluer la scène de crime et de récolter les traces pertinentes à ­l’enquête. Ces ­derniers doivent d’abord considérer un aspect essentiel: la protection de ces traces. Il faut en effet éviter toute action qui pourrait contaminer, détruire ou altérer la scène de crime. C’est pourquoi ils ont à dispo­sition des masques, gants, charlottes, combi­naisons et sur-chaussures jetables. Leur outil principal ? Les yeux: l’observation de la scène de crime est à la base de toute investigation. C’est pourquoi l’enquêteur forensique est en possession de lampes portatives souvent LED, qu’il s’agisse de sources de lumière blanche ou forensique. Un éclairage forensique est puissant et permet d’observer à des longueurs d’onde particulières afin de révéler des traces invisibles à l’œil nu sur la scène de crime ou en laboratoire si l’objet a pu être emporté. Par exemple, les UV servent à mettre en évidence la présence de certaines fibres textiles ou traces biologiques par fluorescence. Ce phénomène a lieu lorsqu’un atome absorbe de l’énergie sous forme de lumière à une certaine longueur d’onde, dans cet exemple des UV, et réémet de la lumière à une autre ­longueur d’onde, dans ce cas-ci dans le visible.

À tout moment, il faut pouvoir connaître l’origine d’une trace et à quelle affaire elle appartient.
Chaque trace pertinente à l’enquête est donc inventoriée et photographiée.

1/ Recherche de traces papillaires par technique de poudrage sur une arme blanche à l’aide d’un plumeau, instrument plus délicat que le traditionnel pinceau.

2/ Valise d’enquêteur forensique: pinceaux, poudres, écouvillons et pinces de prélèvement ne sont que quelques-uns des outils de l’enquêteur CSI.

3/ Une trace de semelle de chaussure est indirecte: même s’il est prouvé, grâce à des défauts et des caractéristiques particulières, de quelle chaussure elle provient, un lien doit encore être fait entre la paire de chaussures et la personne qui les portait.

Allant de pair avec l’observation, on trouve 2 ­instruments dans la valise de l’enquêteur forensique (voir photo 2): la traditionnelle loupe et l’appareil photo­graphique, absolument capital. Deux types de clichés sont réalisés sur une scène de crime: les photos d’illustration et les photos des traces. Les premières doivent rendre compte de l’état ­général de la scène de crime de façon la plus objective possible. Si l’affaire est évoquée devant une cour ou un tribunal, ces photos doivent être présentées à toutes les parties et leur donner une vue précise des lieux du crime. Dans le second cas, certaines traces ne peuvent être transportées hors de la scène de crime. D’autres sont localisées sur des supports fragiles qui risquent de se dégrader en cas de manipulation. Il est alors indispensable de les fixer sur une photo pour pouvoir les étudier ultérieurement. Elle doit être précise et donc respecter quelques règles: le plan de la photo doit être parallèle à celui dans lequel est située la trace afin d’éviter tout effet de perspective et déformation. L’éclairage doit être optimal afin de maximiser le rendu. Enfin, à côté de la trace photographiée, doit être placé un repère métrique permettant d’établir sa taille.Pour sélectionner les traces pertinentes à ­l’enquête, l’enquêteur forensique doit se poser les bonnes questions en fonction de ce qu’il observe et des connaissances qu’il a du dossier. Les traces sont ensuite prélevées à titre conservatoire. Selon la stratégie et les éléments de ­l’enquête, l’enquêteur CSI en collaboration avec le magistrat et l’enquêteur tactique, décidera par la suite des analyses à réaliser sur les prélèvements pertinents.

Traces papillaires

Parmi les traces, celles laissées par les doigts sont sans doute les plus connues du grand public. Sur les doigts, la paume des mains et la plante des pieds, la peau forme de fines crêtes dites papillaires. La dactylo­scopie est l’étude des motifs formés par ces crêtes sur les doigts: les empreintes digitales. Les traces papillaires ou dactyloscopiques en sont des représentations partielles. Ces éléments biométriques (1) ­exploités depuis plus d’un siècle dans les enquêtes ­criminelles sont les plus courants. Comme les empreintes digitales sont uniques, immuables et presque inaltérables, les traces papillaires sont des traces directes: elles permettent d’identifier un individu de manière irréfutable.

Il existe 2 types de traces papillaires:

  • • Visibles: directement observables, il peut s’agir de traces positives si de la matière est ­déposée, ou négatives si de la matière est prélevée (doigts sur une trace de suie).
  • • Latentes: invisibles à l’œil nu, ces traces sont dues à des dépôts de sécrétions (eau, graisse, sels…) produites par les glandes du derme. Pour être mises en évidence, elles doivent être observées en lumière rasante ou révélées à l’aide de divers procédés.

Le plus utilisé est certainement le poudrage. Une poudre fine, blanche ou noire dans la plupart des cas mais qui peut aussi être fluorescente, doit être appliquée délicatement sur la surface ­d’intérêt (voir photo 1). À l’enquêteur forensique de faire le bon choix de poudre pour obtenir le meilleur contraste selon la couleur du support car il n’aura qu’une seule chance de prélever la trace. La poudre adhère aux corps gras résiduels laissés par les doigts une fois la sueur évaporée, ce qui met en évidence les crêtes. La trace peut alors être photo­graphiée directement ou récupérée par transfert sur une surface adhésive ou gélatineuse, auquel cas elle devra ensuite être digitalisée (scannée ou photo­graphiée) en labo. Elle peut alors être ­insérée dans la base de données nationale et comparée aux traces ou empreintes digitales d’un potentiel ­suspect.

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Éléments biologiques

Sur la scène de crime peuvent également être relevées des traces biologiques (sang, sperme ou salive), élément le plus courant après les traces papillaires. Ces traces sont biométriques et directes car, une fois la substance identifiée via un test de confirmation et le profil génétique obtenu, elles correspondent à une et une seule personne, à l’exception des vrais jumeaux. Encore faut-il que l’échantillon contienne suffisamment ­d’informations pour extraire l’ADN. Ces traces peuvent être prélevées à l’écouvillon ou à la gaze stérile, après humidification de la surface d’intérêt avec du liquide physiologique ou un nébuliseur d’eau minérale. L’avantage de la gaze stérile est qu’elle est plus abrasive et donc ­recommandée pour prélever les microtraces. Par contre, sa ­surface de récolte est plus grande, il faudra donc en prélever un morceau pour analyse en labo, ce qui diminue la quantité d’informations utilisées. Dans le cas de l’écouvillon, la partie ayant récolté le ­prélèvement peut être entièrement analysée. Mais la flexibilité de cet outil a pour conséquence une pression moindre appliquée sur la trace. Il est donc recommandé pour les fluides biologiques.

Pour révéler des traces de sang qui ont été ­nettoyées et donc invisibles à l’œil nu, plusieurs recettes chimiques sont utilisées en labo ou sur scène de crime. Une solution particulière est nébulisée sur la zone d’intérêt et si du sang est présent, une réaction se produit et fait apparaître la trace à photographier. Il peut s’agir par exemple d’un phénomène de fluorescence ou encore de chimioluminescence, réaction chimique donnant lieu à l’émission de lumière. Si la présence de sang est confirmée, elle ne garantit pas pour autant que le profil ADN peut être obtenu. Encore faut-il qu’un prélèvement puisse être réalisé et que ce dernier contienne des globules blancs, porteurs d’ADN contrairement aux globules rouges. À noter que les analyses ADN sont effectuées par des labos accrédités sur demande du magistrat.

Il existe bien d’autres traces, chacune ayant sa propre méthode de prélèvement et d’analyse. La semelle de chaussure en est un des plus célèbres exemples (voir photo 3). ­L’enquêteur CSI peut également être confronté à des résidus de tir, des traces végétales, des insectes (entomologie forensique), des traces d’oreille sur une porte, une empreinte dentaire… En plus de tous les indices classiques, il doit toujours se poser les bonnes questions et conserver un esprit ouvert afin de repérer les traces pertinentes à l’enquête.

L’enquête se poursuit. Le coupable court toujours. Suite donc au prochain ­épisode !

(1) ­la biométrie est la science qui permet l’identification formelle d’un individu par l’analyse de ses caractéristiques physiologiques (morphologiques comme les empreintes digitales et l’iris, ou biologiques comme le sang et l’urine) et comportementales (démarche, gestuelle…).

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Merci à Pierre Simon de la PTS de Liège, Robert Vankan de la PTS de Luxembourg, Eric Snoeck de la PJF de Liège, et Laurent Coucke, Laurent Sartorius, Ikram Gharrafi et Caroline Dereyne de la DJT.

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Techno-Zoom

Chaque matin, c’est pareil ! Le réveil sonne, on se lève et puis… il faut faire le lit ! En plus, on n’a pas toujours bien ­dormi, on a eu chaud ou froid… Si vous vous reconnaissez dans ce ­scénario, ce qui suit va probablement éveiller votre intérêt. La ­startup montréalaise Smartduvet a mis au point un «drap» du même nom doté d’un système appelé Breeze. Grâce à cela, non ­seulement le lit se refait tout seul mais en plus, on peut définir 2 zones de température différente au sein du même lit ! Très légère et gonflable, cette couche supplémentaire se place sur la couette, le tout se glissant dans la housse. Elle est ­composée de différentes parties dans lesquelles l’air peut ­circuler et est dotée d’un appareil de contrôle à placer ­en-dessous du lit. Il contient une pompe puissante mais silencieuse qui ­injecte de l’air dans le Smartduvet, soit dans les chambres à air princi­pales, soit dans des canaux plus étroits. Dans le premier cas, l’air rend sa forme initiale au duvet, qui entraîne avec lui la couette et la housse: le lit se refait sans même devoir se ­pencher dessus. Dans le deuxième cas, de l’air conditionné est envoyé dans un réseau secondaire afin de contrôler la température de chaque côté du lit sans gonfler le réseau principal. Il faut savoir que l’oxygénation et la circulation d’air dans la couette pendant le sommeil diminue l’humidité des draps et la transpiration nocturne, et par là même le risque ­d’acariens. Disponible en différentes tailles, cette couette maline est ­dotée d’une appli grâce à laquelle il est possible de définir l’heure à laquelle le lit doit être fait et de choisir la température de son côté du lit alors qu’on est encore assis dans le canapé…

www.smartduvet.com

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