Physique

Exposition aux rayonnements cosmiques galactiques: ça craint !

Henri DUPUIS • dupuis.h@belgacom.net

© NASA • © CERN

Une étude publiée dans Space Weather (mais oui, il existe une météo spatiale !) révèle que l’exposition de notre système solaire au rayonnement cosmique galactique ne cesse de croître. Pas de panique, cela concerne avant tout les futurs astronautes…­

Nous savons depuis longtemps que nous sommes littéralement «bombardés» par des particules plus ou moins énergétiques en provenance du soleil bien sûr mais aussi du reste de notre galaxie et même au-delà. Des centaines de ces particules, chargées ou neutres, nous traversent à chaque seconde… Sans ­compter les milliards de neutrinos par cm2 et par seconde, qui nous transpercent comme si nous n’existions pas. À tel point du reste qu’ils ne sont en général pas pris en compte dans les études sur les rayonnements cosmiques. L’atmosphère terrestre nous protège pour l’essentiel mais des expériences ont rapidement montré que l’altitude joue un rôle primordial: à 1 500 m, l’exposition au rayonnement est double par rapport au niveau de la mer et dans un avion, à 8 000 m, elle est 100 fois supérieure. Mais que se passe-t-il hors de cette atmosphère, dans l’espace ? C’est ce que montre l’étude qui vient de paraître (1).

Les chercheurs se sont intéressés à la mesure de la partie non solaire de ce rayonnement, c’est-à-dire le flux cosmique galactique. Ce sont les particules les plus énergétiques, souvent éjectées par les explosions de supernovae, ces étoiles ­massives en fin de vie. Ce rayonnement est constitué pour une bonne part (à environ 97%) de noyaux légers ionisés (noyaux d’hydrogène ou protons, noyaux d’hélium ou particules alpha); le reste est constitué de noyaux lourds (parfois même du fer) et d’électrons. L’énergie dont sont dotées ces particules provient de leur vitesse relativiste que les physiciens traduisent en énergie cinétique exprimée en électron-volt (eV), soit l’énergie transmise à un électron lorsqu’on l’accélère dans un champ électrique de 1 Volt sur une distance de 1 m. Ainsi, certaines des particules des rayons cosmiques galactiques atteignent par exemple 1020 eV ! Soit l’équivalent de 106 milliards de protons au repos. Ou encore une énergie de 16 joules… en se rappelant qu’un joule est une énergie suffisante pour élever d’1 m une pomme d’une centaine de grammes. Autre caractéristique qui distingue ce rayonnement de celui en provenance du soleil: il est isotrope, c’est-à-dire le même dans toutes les directions et donc toute la surface terrestre y est exposée en même temps.

Le Soleil tout de même

Ce n’est cependant pas sur la Terre que les mesures de l’étude ont été effectuées mais sur la Lune, donc un corps sans atmosphère protectrice, ce qui donne en quelque sorte une mesure brute du rayonnement cosmique galactique. Une étude semblable avait déjà été réalisée en 2014 par la même équipe avec le même équipement, le détecteur CRaTER (Cosmic Ray Telescope for the Effects of Radiation) embarqué à bord de la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter (LOR) qui orbite autour de la Lune depuis 2009 (voir illustration ci-dessous). Cette étude avait permis de ­prédire que le débit de dose produit par le rayonnement cosmique galactique devrait augmenter de 20% entre le moment de la mesure et aujourd’hui. Comment une telle prédiction est-elle possible ? Grâce à l’activité de notre Soleil ! Le champ magnétique de notre étoile agit en effet comme un bouclier contre les particules chargées venant de l’espace galactique; le rayonnement cosmique galactique est donc moindre lorsque l’activité solaire est forte. Or l’activité magnétique du Soleil connaît un cycle de 11 ans environ, comprenant des maxima et des minima. Ce caractère cyclique permet de prédire l’activité solaire et donc l’intensité du rayonnement cosmique. D’où la prédiction de croissance mentionnée précédemment. Le Soleil étant étudié depuis longtemps, nous sommes aujourd’hui à la fin du cycle 24, un cycle très faible, dont le maximum d’activité magnétique a été le plus faible depuis le cycle 12, soit en 1880. Pire, les cycles 23 et 24 affichent les minima les plus plus longs depuis 1880. Les mesures publiées aujourd’hui ont donc fait mentir les prédictions: ce n’est pas une augmentation de 20% qui s’est produite, mais bien de 30%. Et le cycle 25 (dont le maximum est attendu en 2025) ne devrait pas être meilleur. Autrement dit, tout ce que nous envoyons dans l’espace est soumis à un débit de dose plus élevé par exemple que lors des missions Apollo. Est-ce grave ?

Le rayonnement cosmique galactique est ionisant c’est-à-dire qu’il produit des ionisations (arrachement d’électrons) dans la matière qu’il traverse. Et il est permanent, contrairement au rayonnement de même type mais d’origine solaire qui ne se produit que sporadiquement, lors des éruptions.  Ce type de particules traverse sans problème les parois d’un vaisseau spatial mais, malgré leur énergie acquise, l’être humain ne ressent rien lorsqu’il est traversé. À une exception, lorsqu’elles frappent la rétine: les astronautes voient alors un flash lumineux, phénomène décrit pour la première fois lors des vols Apollo. À long terme cependant, des mutations cellulaires sont possibles avec comme conséquence des cancers et des mutations génétiques. Pas de quoi rassurer alors qu’on parle de voyages vers Mars.

(1) Update on the worsening particle radiation environment observed by CRaTER and implications for future human deep-space exploration, N.A. Schwadron et al. Space Weather, 17 mars 2018.


LA MASSE DU W

C’est une étude publiée dans The European Physical Journal C qui ­l’annonce: une équipe du CERN a réussi une mesure de la masse du boson W avec une grande précision. C’est une première due à des mesures effectuées sur 14 millions de bosons W produits par le LHC du CERN. Découverts en 1983 (également au CERN), les bosons W (il en existe un W+ et un W) sont les vecteurs (avec le Z0) de la force électrofaible qui régit les interactions entre les leptons et les quarks. Les nouvelles mesures de masse ont confirmé qu’il s’agit là d’une des particules les plus lourdes qu’on connaisse: 80 fois plus qu’un proton. Cette particule est au cœur du ­processus de fusion nucléaire qui permet aux étoiles de brûler, donc de produire des éléments de plus en plus lourds, projetés dans l’espace et servant de «briques» pour la formation des planètes. Au départ, la théorie supposait que les particules de ce type, porteuses de forces, devaient être dépourvues de masse. Ce qui se ­heurtait au fait que le boson W devait avoir une masse importante pour expliquer qu’il ­pouvait agir à très courte portée. Il a donc fallu imaginer un autre mécanisme, supposant l’existence d’un autre boson… celui de Brout-Englert-Higgs. C’est ce mécanisme, qui valut le Prix Nobel à notre compatriote François Englert, qui confère donc sa masse au boson W.

Des physiciens du CERN
annoncent la découverte
du boson W
lors d’une conférence de presse
le 25 janvier 1983. 

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