Biologie

Bio News

 Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be

© budabar B. • © Chignell/Flickr

 

Un agent dispersant nommé… éléphant

Même si on estime sa population africaine globale à 500 000 têtes, ­l’éléphant d’Afrique – espèces des forêts et des savanes réunies – est jugé menacé en raison du ­braconnage dont il fait l’objet et surtout, de la réduction rapide de ses effectifs. En 1930, par exemple, ceux-ci étaient 10 fois plus élevés que ce qu’ils sont aujourd’hui. Le territoire occupé est également très étendu, ce qui crée des isolats et rend plus difficiles les échanges génétiques. 

L’éléphant des savanes, en particulier, est également un grand marcheur, ce qui lui est souvent ­nécessaire pour assouvir un appétit à hauteur de sa taille. Et une partie de ce qu’il avale finit bien ­entendu dans les matières fécales qu’il dépose au hasard de ses pérégrinations. 

La réalité serait évidemment banale si on ­s’arrêtait à ce seul constat. Mais les fèces ­déposées ne sont pas innocentes pour l’environ­nement dans la ­mesure où elles contiennent des graines que le tube digestif de l’animal n’a pas ­digérées et qui se retrouvent de-ci, de-là, ­assorties d’un épais fertilisant naturel qui les ­englobe et qui peut ­aider à leur germination. 

Un étudiant a eu l’idée d’aborder cette problématique et a calculé la distance que peut ­parcourir le pachyderme pendant le temps nécessaire à sa ­digestion; un temps qui peut varier de 33 à 96 heures. Et le résultat est que l’animal peut ­couvrir des distances proches de 65 km, ce qui lui permet d’assurer une dispersion des graines et de réensemencer des sols où la plante ingérée avait peut-être disparu. 

Du coup (les oiseaux migrateurs mis à part), ­l’éléphant des savanes apparaît comme l’animal qui assure la dispersion spontanée d’espèces végétales sur la plus grande distance; une parti­cularité qui avait échappé jusque-là aux observateurs. Et il contribue à sa façon au maintien de la diversité spécifique. Voilà une bonne raison supplémentaire ­d’assurer la présence massive de ce «gros porteur» en terre africaine !

Science, 2017; 356: 11

Une bactérie anti-obésité ?

À une époque où une proportion de plus en plus importante d’individus est en ­surpoids – 10% de la population atteint un seuil d’obésité – tous les moyens ­biomédicaux sont mis en œuvre pour contrer ce qui devient un problème de société. En aval de l’excès ­pondéral se situent en effet les patho­logies cardiovasculaires et articulaires ainsi que, on le sait, le diabète de type 2. 

Pour les cas les plus graves (et de plus en plus pour d’autres), la chirurgie bariatrique est la ­solution. Ceux qui y recourent ignorent toutefois souvent qu’un régime sévère doit suivre et qu’à défaut, le retour à l’excès de poids est souvent la règle. On sait aussi que celui qui a beaucoup trop ­mangé et n’a pas fait d’exercice a peu de risques de changer ­diamétralement ses habitudes. Il est par conséquent important, pour des raisons de santé ­publique et d’allègement des soins qui y sont relatifs, de trouver des alternatives. Plusieurs types de traitement existent déjà et mènent à des résultats chez ceux qui optent pour un changement ­d’hygiène de vie. D’autres font l’objet de recherches et dévelop­pements et, à ce titre, il apparaît aussi que la ­modification du microbiote pourrait mener à des résultats. 

On sait à quel point le contenu microbien de notre tube digestif (le microbiote, par conséquent) est important dans notre bilan alimentaire et pondéral. Or, on a constaté que les individus qui présentent un syndrome métabolique responsable de leur surpoids, ont une microflore digestive ­modifiée. En particulier, un germe ­important, Akkermansia muciniphila voit sa population diminuée de façon significative. Mais si on opère une réduction chirurgicale de l’estomac ou que l’on traite le patient obèse avec de la Metformine (un antidiabétique), on ­observe au contraire et en marge de la perte de poids, une augmentation de cette population. La conclusion semble donc claire: il existe un lien entre cette bactérie particulière et l’état ­pondéral. Logique quand on sait que ce sont les bactéries digestives qui règlent la résorption des matières alimentaires. 

Les chercheurs ont donc focalisé leur ­attention sur cet Akkermansia qu’ils ont servi à des ­souris obèses sous différentes formes, ce qui, dans le meilleur des cas, leur a permis de ­réduire leur masse de graisse. Et on a observé que la pasteuri­sation (chauffage à 60-90 °C puis ­refroidissement rapide) permet à ces bactéries de conserver leur fonction. La ­ré-inoculation sécurisée de colonies sélectivement traitées dans le tube digestif pourrait par conséquent constituer une option «thérapeutique» pour des patients humains obèses ou en surpoids, avec l’espoir de voir leur masse pondérale diminuer ­ensuite. 

Pas plus que les autres, il ne s’agit d’un remède ­miracle; mais il peut constituer une option certifiée «naturelle», en marge d’un autre traitement, éventuellement plus radical. À condition bien entendu que le patient traité s’astreigne aussi à modifier ses habitudes alimentaires; ce qui ­n’apparaît à ­l’évidence pas le plus facile à envisager !

Médecine/sciences, 2017; 33(4): 373-375


Bio zoom

Dracula (petit dragon) Simia (singe), plus communément ­appelée «Orchidée singe», fait partie d’une famille de plus de 110 variétés différentes.

Toutes ont la particularité de ressembler à une tête de singe et la ­plupart de celles qui ont été découvertes proviennent des forêts ­montagneuses et humides d’Équateur ou du Pérou. 

Insolite

Quel est l’élément le plus ­favorable à la santé des aînés ?

La présence d’un animal de compagnie. On le sait intuitivement, mais quelques valeurs chiffrées permettent d’en préciser les ­réalités. Les propriétaires d’un chien sont par exemple 69% plus nombreux que les autres à faire une promenade pendant leur temps de loisir; ils sont également 34% de plus à satisfaire aux 150 minutes d’exercice physique hebdomadaire ­recommandé.

La vue d’un animal de compagnie, chien ou chat, augmente d’un facteur 2,5 le taux sanguin d’ocytocine, l’hormone qui favorise le partage et la relaxation, qualifiée pour cette raison d’«hormone du bien-être». Être stressé (par le travail, notamment) fait passer les pressions diastolique et systolique en moyenne de 80/120 à 100/155 mm de Hg si, dans l’environnement immédiat, c’est le conjoint (ou la conjointe) qui est présent(e). Mais elle n’augmente qu’à hauteur de 83/123 si c’est un animal qui tient compagnie… 

Bien entendu, la présence d’un animal réduit le sentiment de ­­solitude; une réduction évaluée à 36% (soit plus d’1/3) sur un ­échantillon de 830 personnes des 2 sexes, âgées de 60 ans et plus. Les chiens et chats, surtout, mais aussi les oiseaux et les NAC (les nouveaux animaux de compagnie), apportent un bien être ­objectivable à leurs propriétaires. À condition toutefois d’éviter les risques de morsure ou autres blessures diverses, ainsi que des ­réactions allergiques toujours possibles.

Nature, 2017; 543: S42-S43

Une maladie peut en cacher une autre

Les abeilles mellifères nous sont chères à 3 titres au moins: elles ­produisent le miel évidemment, elles contribuent largement à la pollini­­sation (notamment des fruitiers) et elles offrent à une foule d’amateurs une occupation à la fois riche d’informations et de satisfactions au grand air.  Mais ces insectes sont aussi sensibles à des agents externes ­(pesticides, en particulier) ainsi qu’à des pathogènes, tous concourant à la réduction ­fréquemment rapportée des ­effectifs. 

Plusieurs pathogènes étant endémiques, il est conseillé, dans certains pays au moins, de traiter les ruches de façon préventive à l’aide d’antibiotiques, et en particulier avec des tétracyclines. Quelques maladies de l’abeille sont en effet redoutables, au rang desquelles les loques (européenne et américaine) sont en première ligne. Elles imposent des traitements curatifs quand ­l’attaque a eu lieu, mais aussi préventifs pour anticiper toute mauvaise ­surprise. L’idée n’est en soi pas mauvaise; encore fallait-il s’assurer que le traitement ­lui-même ne cause pas d’altération à l’abeille, en particulier au niveau de son tube digestif, dans lequel les colonies bactériennes sont nombreuses. Et on sait maintenant à quel point ces colonies interviennent dans le métabolisme général des êtres vivants. 

Des scientifiques ont par conséquent comparé le microbiote (la communauté des germes digestifs) d’abeilles traitées pendant 5 jours avec les tétracyclines utilisées, à celui de témoins. Comme on pouvait intuitivement l’imaginer, il apparaît que l’antibiotique administré induit une perturbation tant dans la diversité que dans l’abondance des germes identifiés. L’altération est sans doute transitoire mais s’inscrit tout de même dans le temps, et les auteurs constatent que pendant cette période d’altération, les abeilles traitées apparaissent plus sensibles à d’autres bactéries pathogènes, ­notamment du genre Serratia. Ils en concluent très logiquement qu’un traitement préventif aux tétracyclines altère la santé de celles qu’on souhaite au contraire préserver. Mais c’est à mettre en balance avec le risque potentiel que présenterait une atteinte massive de l’essaim. C’est tout le principe de l’assurance: envisager à titre préventif un coût modéré et récurrent, pour éviter une catastrophe dont le coût serait d’un autre ordre de magnitude. 

Il appartient à chaque apiculteur de mesurer, là où ses ruches sont implantées, où se situent les risques réels. Et d’envisager ensuite la stratégie à mettre en œuvre.

http://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.2001861

Aussi longtemps que possible! 

Permettre à une grossesse d’être menée intégralement in vitro est un fantasme ancien, offrant à des femmes désormais sans utérus d’enfanter ou à d’autres de ne pas engager leur corps dans cet investissement physiologique long de 9 mois. Ce que la technique «in vitro» permet aujourd’hui ne dépasse pas les tout premiers jours de conception et un arsenal ­juridique consensuel interdit d’ailleurs d’excéder le 14e jour de développement hors du corps. Cela n’interdit toutefois pas à la recherche de progresser tant que ce sont des espèces animales, et en particulier les mammifères, qui sont ­impliquées. Et on pense à un cas de figure particulier qui concerne l’espèce humaine, et qui pourrait profiter de ce type de recherche: la grande prématurité. Plutôt que le début de grossesse, c’est donc plutôt sa dernière partie qui intéresse les chercheurs et cliniciens attachés à la gestation «ex vivo».  

Un enfant qui naît avant 37 semaines est déclaré prématuré; une réalité qui concerne 8% environ des grossesses. Dans les cas les plus sévères, l’expulsion peut avoir lieu bien plus tôt, la limite de viabilité pour l’enfant étant fixée à 24 ­semaines. Naître à ce moment – mais plus tard également – expose le fœtus forcément immature à une série de ­complications ­pulmonaires et autres, qui peuvent hypothéquer sa survie ou le laisser, sa vie durant, supporter des ­séquelles ­permanentes.  

L’alternative ? Replacer le fœtus expulsé trop tôt dans un utérus humain maintenu sous perfusion pour ­entretenir sa fonction. Cette option connaît quelques développements, grâce notamment à des scientifiques scandinaves. ­Encore faut-il disposer au bon moment de cet utérus-là. La vraie bonne solution consiste à mettre au point une poche artificielle, stérile, dont l’alimentation est là aussi réglée sur les besoins trophiques de l’organisme en devenir. C’est dans cette perspective que des scientifiques américains ont récemment publié leur recherche obtenue avec des ­fœtus de mouton, ­maintenus vivants pendant 4 semaines dans de telles conditions. Les résultats semblent avoir ­progressivement répondu à l’attente, même si, pour les besoins de l’étude, la plupart des agneaux ont été sacrifiés dès la naissance. Le seul qui ait été ­maintenu en vie a survécu apparemment sans séquelles pendant un an. 

Pour encourageants qu’ils soient, ces résultats restent encore limités. Ils font également l’impasse sur un des problèmes majeurs des accouchements avant terme: le risque d’infection du fœtus, mis ensuite en couveuse. Mais sans doute ­celui-là sera-t-il traité quand les autres, plus déterminants, auront été résolus. 

http://scim.ag/artwomb

Et ensuite… 

On peut a priori penser que tout enfant, pour se démarquer de ses parents, a ­envie de faire mieux qu’eux, d’accéder à un niveau social meilleur; une façon d’apporter la preuve qu’il a réussi là où eux ont peut-être échoué ou n’ont pas eu les ressources pour y arriver. Cette réalité, qui n’est pas systématique, a toutefois ­tendance à s’émousser; en tout cas aux États-Unis, où des chercheurs ont mené récemment une étude sociologique à ce propos, en ­focalisant sur des jeunes adultes. La problématique est ­complexe; elle tient à l’époque, aux possibilités d’accéder à des études, aux aptitudes à voyager autant qu’à bien d’autres paramètres mis en équation qui, pour certains, sont propres au pays de l’oncle Sam. 

Parmi les résultats les plus saillants, il apparaît que pour la génération née après 1940 (pendant, juste, ou après la Guerre), les aspirations à bénéficier d’un niveau de vie meilleur que celui les ­parents est une réalité pour 92% des jeunes. Alors qu’on ­pourrait imaginer que la proportion s’accroît encore ensuite, on note au contraire qu’elle chute à 50% pour les enfants nés en 1984, les trentenaires ­d’aujourd’hui. Les «Trente Glorieuses» sont sans doute pour quelque chose à cette réduction, mais elles ­n’expliquent pas tout. Les aspirations de la «génération Y» (née après 1980) ne sont plus les mêmes que celles de leurs parents. On note par exemple que les jeunes de 1940-50 pouvaient ­prétendre à 2 ans de scolarité de plus que leurs géniteurs, alors que l’accroissement, entre 1940 et 1980, n’est plus que 0,75 an en moyenne. 

S’il fallait encore s’en convaincre, on constate à ­travers ces quelques valeurs (américaines, on le rappelle), qu’une génération n’est pas l’autre. ­Chacune intègre ce qui constitue les moyens, les facilités, les difficultés mais aussi les tendances propres à son époque pour définir ce que sera son avenir. À ­chacun de rapprocher les réalités ­évoquées de ce qui constitue son expérience propre.

Science, 2017; 356: 382-383 et 398-405

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