Qui est-ce?

Dorothy CROWFOOT HODGKIN

Jacqueline Remits •  jacqueline.remits@skynet.be

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Je suis…

Pionnière de la diffractométrie de rayons X. Née au Caire, je suis la fille d’un archéologue, John Crowfoot, et de Grace Mary Crowfoot. Pendant mes 4 premières années, je partage mon temps entre l’Asie mineure, au gré des fouilles de mon père, et l’Angleterre où je retourne quelques mois par an pour voir mes grands-parents. Durant la Première Guerre mondiale, séparée de mes parents, je vis au Royaume-Uni, dans la famille ou chez des amis. Après la guerre, pour parfaire mon éducation, ma mère décide que nous restons toutes 2 en Angleterre. C’est la période la plus heureuse de ma vie. En 1921, j’entre à l’école Leman. Je voyage souvent pour rendre visite à mes parents, au Caire ou à Khartoum. À travers leur éthique puritaine, mon père et ma mère ont une forte influence sur mon humilité et ma tendance à me mettre au service des autres. Très tôt, je développe une passion pour les sciences. Ma mère m’encourage dans cette voie. Mon éducation m’a bien préparée à l’université. Je commence à étudier la chimie au Somerville College, alors l’un des collèges de l’Université d’Oxford réservé aux filles. Puis, j’étudie à l’Université de Cambridge sous la tutelle de John ­Desmond Bernal, mon professeur de physique qui aura une grande influence sur moi. J’y apprends les techniques et en particulier, le potentiel de la diffractométrie de rayons X pour déterminer la structure des protéines.

     

Cette méthode de cristal­lographie permet de déterminer la géométrie en 3 dimensions de molécules complexes, en particulier les molécules d’origine biologique. En 1934, je reviens à Oxford et, 2 ans plus tard, je deviens chercheuse au Somerville College, un poste que j’occuperai jusqu’en 1977. En 1937, je me marie avec Thomas Hodgkin qui est aussi, pendant un temps, membre du parti communiste. Mon mari aura une carrière variée, enseignant, éducateur, historien et économiste. Nous aurons 3 enfants. Mon mentor, John Desmond Bernal, m’influence beaucoup, scientifiquement et politiquement. Scientifique réputé, il est aussi membre du parti communiste jusqu’à l’invasion de la Hongrie par l’URSS. Je me réfère toujours à lui comme à un «sage». Je l’aime et je l’admire sans réserve. À certaines périodes, nous vivons ensemble, nos mariages respectifs n’étant pas heureux. En 1960, je suis nommée Wolfson Research Professor à la Royal Society. Je reçois le prix Nobel de chimie en 1964 pour mes travaux en cristallographie. Un an plus tard, j’obtiens l’ordre du Mérite décerné par le Royaume-Uni, puis deviens chancelier de l’Université de Bristol (1970). Un poste que j’occuperai jusqu’en 1988. De 1972 à 1975, je dirige l’Union internationale de cristallographie. En 1976, je reçois la médaille Copley, décernée par la Royal Society de Londres. Mon travail sur l’insuline est le plus important de ma vie.


À cette époque…

Quand j’entame mes travaux sur l’insuline, Marie Curie meurt à 66 ans, ses travaux sur la radio­activité ayant usé son organisme. L’année où je reçois le prix Nobel, en 1964, les Beatles, qui ont débuté à Liverpool, sont au sommet de leur gloire. Ils viennent en effet de réussir l’impossible en alignant 5 de leurs chansons aux 5 premières places du hit-parade aux États-Unis. En 1969, alors que j’aboutis enfin à la structure de l’insuline, le 21 juillet, les astronautes américains Neil Amstrong et Edwin Aldrin sont les premiers à marcher sur la Lune, emmenés par la ­capsule spatiale Apollo 11 au sommet d’une fusée Saturn 5. En 1977, quand je prends une retraite bien méritée, 3 grands artistes disparaissent: la cantatrice grecque Maria Callas, René Goscinny, le père d’Astérix et Obélix, et Charlie Chaplin qui fait entrer Charlot dans l’éternité.

J’ai découvert…

La structure de l’insuline. C’est l’un de mes
principaux sujets de recherche. Je commence mes ­travaux en 1934 quand le professeur de chimie Robert Robinson m’offre un échantillon de ­cristaux d’insuline. Cette hormone me fascine par sa complexité et ses larges effets dans le corps. Toutefois, la cristallographie à rayons X n’est pas encore assez au point pour faire face à sa ­complexité. Avec d’autres scientifiques, 
je passe un quart de siècle à perfectionner cette technique. La structure de molécules de plus en plus complexes peut ainsi être analysée. Mais ce n’est 
qu’en 1969, soit 35 ans plus tard, que la structure  tridimensionnelle de l’insuline sera enfin résolue. Cette hormone comprend 51 aminoacides. Entre-temps, en 1937, je ­détermine la géométrie du cholestérol et en 1945, celle de la pénicilline. Cet antibiotique, isolé en 1928 par Alexander Fleming à partir de culture de penicillium notatum, est produit en quantités
importantes pendant la Seconde Guerre ­mondiale. 

En 1954, je détermine la géométrie de la vitamine B12, isolée du foie en 1948 et qui apparaît alors comme la plus grosse et la plus complexe molécule organique. Mon mémoire définitif est publié en 1957. J’en fais autant pour la lacto-globuline, la ferritine et le virus de la mosaïque du tabac, notamment. Pendant toutes mes recherches, j’ai pu profiter des ressources des techniques modernes de calcul, depuis les calculateurs à fiches perforées qui m’ont servi durant mon travail sur la pénicilline jusqu’aux ordinateurs électroniques parmi les plus puissants de l’époque. Je les ai utilisés, par exemple, pour la détermination de la structure de la
vitamine B12 et de l’insuline. Ce sont là des avancées majeures pour la science. Mais ma quête scientifique n’est pas finie pour autant. Je coopère avec d’autres laboratoires actifs dans la recherche sur l’insuline. Je donne des conseils et je voyage dans le monde entier pour parler de l’insuline et de son importance dans le traitement du diabète. Selon moi, la découverte de la
structure de l’insuline est ma plus grande réussite.

Saviez-vous que…

Pendant toutes ses années de recherche, un mal ronge Dorothy. Depuis sa jeunesse, elle est atteinte de poly­arthrite rhumatoïde. Au fil des années, sa maladie se fait de plus en plus invalidante. Elle déforme ses mains et ses pieds, ce qui l’oblige à utiliser un fauteuil
roulant. Elle reste néanmoins active. Et pas que dans le domaine des sciences. En même temps, elle ne cesse de lutter pour la paix et la justice sociale. 

De 1976 à 1988, elle est présidente de la Pugwah, une organisation internationale qui rassemble des personnalités des mondes
universitaire et politique et qui vise à réduire les dangers des conflits
armés. En 1982, l’URSS lui décerne la médaille Lomonossov, baptisée
ainsi en l’honneur du scientifique russe Mikhaïl Lomonossov et décernée par l’Académie des sciences pour des travaux exceptionnels dans le domaine des
sciences et des sciences humaines. En 1985-1986, elle reçoit le prix Lénine pour la paix. Elle meurt en 1994 d’une attaque cardiaque.


Naissance 

12 mai 1910, Le Caire (Égypte)

Décès 

29 juillet 1994, Ilmington, Warwickshire (Royaume-Uni)

Nationalité

Britannique

Situation familiale 

Mariée, mère de 3 enfants



Diplôme 

Chimie des Universités d’Oxford et de Cambridge

Champs de recherche 

Chimie, cristallographie

Distinctions 

Prix Nobel de chimie (1964), médaille Copley (1976)

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