Qui est-ce?

Irène Joliot-Curie

Jacqueline Remits •  jacqueline.remits@skynet.be

Roger-Viollet

  

Je suis…

La fille de Marie et Pierre Curie. J’ai 7 ans à la naissance de ma petite sœur, Denise-Eve, et 8 quand mon père meurt renversé par une voiture. Ma mère, réfractaire aux méthodes de l’enseignement public, organise pour nous, ses filles, et les enfants de ses amis universitaires, une coopérative d’enseignement. Je complète mon cursus par quelques cours au collège Sévigné. Très bonne élève en sciences et en maths, j’obtiens mon baccalauréat en 1914. J’ai 17 ans quand la guerre est déclarée. J’accompagne ma mère sur le Front pour pratiquer des radiographies de blessés. Plus tard, dans l’ouvrage que je lui consacrerai, je dénommerai les véhicules aménagés les «petites Curie» (voir Athena n°335, p. 11). En 1915, après avoir passé un diplôme d’infirmière, j’étonne les médecins militaires que je forme en leur indiquant l’emplacement exact des projectiles reçus par les soldats. Dès 1917, je reprends mes études supérieures de mathématiques, physique et chimie à la Faculté des sciences de la Sorbonne. Parallèlement, je forme les infirmières à la radiologie au laboratoire Curie de l’Institut du Radium. En 1918, tout en achevant mes licences, j’entre comme préparatrice de ma mère au laboratoire Curie. En 1920, diplômée, je deviens son assistante et je commence une thèse sur les rayons alpha du polonium que je soutiens en 1925. L’année suivante, j’épouse Frédéric Joliot. À l’Institut du Radium, nous travaillons ensemble sur la radioactivité naturelle. Nous aurons 2 enfants, Hélène en 1927 et Pierre en 1932. Pendant nos vacances, nous pratiquons de nombreuses activités sportives: tennis, natation, voile, randonnée, ski, fréquentant les nouvelles pistes de Haute-Savoie. Nous passons nos étés en Bretagne, face à l’île de Bréhat, près de Paimpol, où j’allais déjà avec ma mère et ma sœur. Au décès de ma mère en 1934, je poursuis mes recherches à l’Institut du Radium et seconde le nouveau directeur. En 1937, en remplacement de mon mari, nommé professeur au Collège de France, je suis promue maître de conférence et en 1946, professeure à la chaire de physique générale et radioactivité à la Faculté des sciences de Paris. Atteinte de tuberculose dès les années 30, je dois régulièrement séjourner en sanatorium. Pendant l’Occupation, je pars me soigner plusieurs mois en Suisse. En 1946, je suis nommée directrice du laboratoire Curie, à la chaire de physique générale et radioactivité précédemment occupée par ma mère. Une direction que j’exercerai pendant 10 ans. En 1954, dans une tribune libre du journal Le Monde, je demande au gouvernement de s’engager à financer un nouvel Institut de physique nucléaire. Il sera installé près d’Orsay. Mais je n’en verrai pas la fin, car je suis emportée par une leucémie liée à mon exposition au polonium et aux rayons X, comme ma mère l’avait été.

  

À cette époque…

L’année de la naissance de ma sœur Eve, le Russe Ivan Pavlov reçoit le prix Nobel de médecine pour ses travaux sur la physiologie de la digestion. Il a développé la théorie selon laquelle les animaux, dans certaines conditions, peuvent acquérir un comportement donné, ce qu’on appellera le réflexe de Pavlov. En 1932, l’année où Frédéric et moi nous découvrons la radioactivité artificielle, Franklin D. Roosevelt est élu président des États-Unis. En 1946, quand je deviens directrice du Laboratoire Curie et que je reprends la chaire de physique et radioactivité à l’Institut du Radium, poste précédemment occupé par ma mère, son ami Paul Langevin meurt. Grand défenseur de la loi de la relativité, il dirigeait l’École de physique et chimie. On lui doit le sonar qui a permis la détection sous-marine durant la Première Guerre mondiale.

  

J’ai découvert…

La radioactivité artificielle, conjointement avec mon mari Frédéric Joliot-Curie, une découverte pour laquelle nous obtiendrons le prix Nobel de chimie. Nous travaillons tous deux au Laboratoire Curie sur la radioactivité naturelle. Notre découverte, en 1932, du phénomène de projection de protons par un rayonnement de nature alors inconnue est une étape majeure vers la découverte du neutron par James Chadwick. Nous publions nos recherches sur un nouveau processus d’absorption des rayons gamma par création de paires d’électrons. Nos résultats sur l’existence de possibles «électrons positifs de transmutation» sont contestés au Conseil de physique Solvay de 1933. Reprenant nos expériences, nous découvrons que ces électrons sont produits par un nouveau type de radioactivité, par émission d’électrons positifs. Quinze jours plus tard, nous donnons une preuve chimique de l’existence du premier radioélément artificiel, le phosphore 30, ainsi que d’un second, l’azote 13. Cette découverte de la radioactivité dite artificielle nous vaut l’attribution du prix Nobel de chimie. Nous poursuivons nos travaux pour identifier les radioéléments, ou isotopes, susceptibles d’être utiles à la médecine, à la géologie, ou à la chimie. À l’Institut du Radium, j’entreprends des recherches sur les isotopes du phosphore et radioactifs créés par bombardement de neutrons dans les éléments lourds, thorium et uranium. Les résultats que j’obtiens en 1938 sur un radioélément artificiel de propriétés chimiques très difficiles à distinguer de celle du lanthane me mènent très près de la découverte de la fission du noyau d’uranium. Deux Allemands, Hahn et Strassmann, l’annonceront en 1939. Après la Seconde Guerre mondiale, je reprends mes travaux de recherche. Je m’intéresse à la technique nouvelle des émulsions nucléaires et je l’utilise pour la recherche d’une possible radioactivité naturelle.

Saviez-vous que…

Irène Joliot-Curie a été l’une des 3 premières femmes membres d’un gouvernement français en devenant sous-secrétaire d’État à la Recherche scientifique, sous le Front populaire en 1936. En 1946, elle est l’un des 6 commissaires du nouveau Commissariat à l’énergie atomique (CEA) créé par de Gaulle et le Gouvernement provisoire de la République française, à une date où les Françaises n’ont toujours pas le droit de vote (elles l’obtiendront en 1944). Si elle a accepté ce poste pour une durée limitée, c’est pour soutenir la cause féministe et celle de la recherche scientifique.

Militante antifasciste, elle a soutenu les réfugiés espagnols. Invitée en 1948 par le comité new-yorkais d’aide aux réfugiés espagnols antifascistes, elle est arrêtée comme personne indésirable et incarcérée à Ellis Island.

Militante pacifiste, elle s’est élevée contre les usages militaires de l’énergie nucléaire (bombes atomiques) et elle a obtenu le Prix international de la paix du Conseil mondial de la paix en 1950. 

Militante féministe, elle a été membre de l’Union des Femmes Françaises. Refusée par l’Académie des sciences en 1951, elle a décidé de se représenter à chaque occasion afin de dénoncer l’exclusion des femmes de cette institution.

Toujours restée en contact avec la branche maternelle de sa famille, lors de l’un de ses séjours en Pologne, elle a commandé à une sculptrice de Varsovie un buste de ses parents. Offert en 1950 par la Pologne à l’Institut du Radium, il est installé dans le jardin du Laboratoire Curie.

En France, de nombreux établissements scolaires portent le nom de Joliot-Curie.

Créé en 2001 par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le prix Irène Joliot-Curie récompense des femmes scientifiques pour leur travail, dans 3 catégories: jeune scientifique, scientifique confirmée et femme en entreprise.


Naissance 

12
septembre 1897, Paris (France)

Décès

17
mars 1956, Paris (France)

Nationalité

Française

Situation familiale 

Mariée,
2 enfants

Diplôme 

Mathématiques, physique et chimie à la Faculté des sciences de la Sorbonne à Paris

Champs de recherche 

Chimie,
radioactivité artificielle

Distinctions 

Médaille
d’or Matteucci de la Société italienne des sciences (1932), Prix Nobel
de chimie (1935), Officier de la Légion d’honneur (1939)

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