Espace

Quoi de neuf dans l’espace ?

Théo
PIRARD  • theopirard@yahoo.fr

CSL

La Wallonie spatiale fait preuve de beaucoup de dynamisme au sein de l’Europe dans l’espace. Elle tire judicieusement parti de la participation de la Belgique à l’ESA (European Space Agency). Aujourd’hui, ce sont une quarantaine d’équipes scientifiques et industrielles – membres de l’association Wallonie Espace, au sein du Pôle aérospatial Skywin – qui démontrent un savoir et un savoir-faire dans la mise en œuvre de systèmes spatiaux

Avant d’être mis en orbite le 22 août 2018, le satellite européen d’observation Aeolus a été testé de façon intensive dans le simulateur Focal-5 du Centre Spatial de Liège

 

Les systèmes spatiaux sont particulièrement exigeants en matière de qualité et de fiabilité: ils doivent fonctionner dans un environnement sévère, fait de fortes radiations et de grandes variations de température.

Quel rôle a l’industrie spatiale wallonne dans la réussite d’une mission sur orbite ?

Cette industrie a un rôle clef pour l’accès à l’espace en participant au programme européen du lanceur Ariane dès les débuts. Ainsi chaque fusée Ariane remplit sa mission de mise en orbite de satellites grâce à des équipements wallons: l’électronique de bord et la sauvegarde avec Thales Alenia Space Belgium (Charleroi), le pilotage avec des servo-moteurs de SABCA (Bruxelles), la propulsion utilisant des vannes de Safran Aero Boosters (Herstal-Liège).

Une fois sur orbite, les satellites doivent pouvoir remplir leur mission dans les meilleures conditions. Le CSL (Centre Spatial de Liège) est spécialisé dans leurs essais sévères dans des simulateurs du vide spatial. La société Amos (Liège) participe à ces tests poussés; son expérience lui a permis de fournir des simulateurs spatiaux à l’Inde. Spacebel (Liège) développe des logiciels sur mesure qui permettent de qualifier des charges utiles pour leur bon fonctionnement dans l’espace. 

Pour quelles spécialités l’Europe fait-elle confiance au made in space wallon ?

L’alimentation électrique des satellites passe par Charleroi chez Thales Alenia Space: son conditionnement d’énergie équipe de nombreux satellites géostationnaires. Spacebel fournit l’intelligence de bord de systèmes spatiaux. L’instrumentation dans l’espace fait appel à des composants à hautes performances de Deltatec (Ans-Liège). La micro-optique pour les senseurs de satellites est la spécialité d’Amos et de LambdaX (Nivelles). Sonaca (Gosselies-Charleroi) réalise des structures complexes, alors que Euro Heat Pipes (Nivelles) propose de les refroidir au moyen de caloducs innovants.

Comment se positionnent les acteurs wallons dans le phénomène New Space ?

La Wallonie spatiale mise précisément sur sa capacité d’innover avec son tissu de petites et moyennes entreprises high-tech. Il s’agit de rester en éveil pour répondre aux défis de micro-satellites performants. Les Universités de Liège, de Mons et de Louvain-la-Neuve, la Hepl (Haute École de la Province de Liège) ont des activités pour sensibiliser les étudiants à la nouvelle technologie CubeSat. Une start-up – jeune pousse – prend forme à Mont-Saint-Guibert sous le nom de Aerospacelab. Son jeune créateur, Benoît Deper, mise sur une télédétection intelligente pour la surveillance permanente du milieu terrestre. Un premier satellite miniaturisé est en préparation pour un lancement en 2020 avec une fusée indienne Pslv. Une dizaine d’autres sont d’ores et déjà envisagés pour former une constellation d’yeux en orbite. L’objectif, en employant des algorithmes d’intelligence artificielle, est de pouvoir traiter en un temps record l’information contenue dans l’imagerie de cette constellation qui prendra en continu des vues à haute résolution de notre environnement.  

Mais encore…

Business spatial: hausse du trafic sur orbite

La SIA (Satellite Industry Association) fait état d’une forte augmentation en 2018 du nombre de satellites en activité: environ 2100. Soit plus de 300 par rapport au chiffre de 201. Alors que les satellites commerciaux de télécommunications ont connu une croissance de 22%, ce sont les satellites d’observation qui ont augmenté de 39%. Ainsi de nombreux microsatellites de type CubeSat ont-ils été lancés. Dans les 3 prochaines années, le trafic sur orbite va croître de façon dramatique: il devrait doubler, voire tripler ! Avec le déploiement, pour l’internet global à haut débit, de méga-constellations qui vont compter des centaines, voire des milliers de satellites au-dessus de nos têtes. Bel embouteillage en perspective. Les États qui ont la responsabilité de la bonne gestion de l’environnement spatial ne se font guère du souci quant à sa détérioration irréversible.

Belges à la tête de nouveaux systèmes de télécommunications spatiales

– Mark Rigolle dirige l’entreprise Leosat Enterprises qui est basée en Floride et aux Pays-Bas. Son objectif est de déployer pour 2022 un système global de liaisons à grande capacité, qui consistera en une constellation de jusqu’à 108 satellites interconnectés par faisceaux laser. Ces satellites-relais de 670 kg qui seront placés sur orbite polaire à 1 400 km sont à l’étude chez Thales Alenia Space. Le financement de cet ambitieux projet de «fibre optique» via l’espace est en quête d’investisseurs dans le monde. Sa réalisation ne peut attendre face à une demande qui ne cesse pas de croître.

– Christian Patouraux a créé à Singapour la société Kacific Broadband Satellites pour développer des connexions à large bande dans les nombreux pays et archipels du Pacifique, afin de désenclaver leurs populations isolées pour les services numériques. Avant la fin de l’année, une fusée Falcon 9 de SpaceX va lancer un premier satellite à haut débit, le Kacific-1 de 6,8 t commandé à Boeing conjointement avec l’opérateur japonais Sky Perfect Jsat.

Points communs entre ces 2 entrepreneurs: formés dans des universités belges, ils ont acquis et mûri leur savoir-faire auprès de l’opérateur luxembourgeois de satellites Ses.

Nouveau retard pour le vol spatial privé

Depuis la mise à la retraite du Space Shuttle en juillet 2011, l’accès d’équipages à l’Iss (International Space Station) est assuré par des vaisseaux russes Soyouz. Avec son programme CCDeV (Commercial Crew Development), la Nasa misait sur la libre entreprise pour les missions de ses astronautes: Boeing avec le Starliner et SpaceX avec le Crew Dragon étaient choisis pour proposer leurs services. En ce temps de New Space, on estimait que l’entreprise privée serait en mesure de respecter le planning pour des vols dès 2017… La mise au point des systèmes privés pour la desserte de l’Iss se révèle plus délicate que prévu, étant donné les contraintes de sécurité. Tant le Starliner que le Crew Dragon accumulent les retards. Notamment à cause d’un problème de déploiement des parachutes de freinage. Le Crew Dragon a, le 20 avril, connu un contretemps sérieux: son modèle de démonstration était détruit lors d’un test crucial au sol, à cause du mauvais fonctionnement de son système de propulsion SuperDraco

Le conception Leosat pour des connexions Internet haut débit. (Doc. Leosat)

Dans les 3 prochaines années, des milliers de microsats pour former des méga-constellations. (Doc. One Web)

Kacific-1 pour couvrir le Pacifique à partir d’une position géostationnaire (à 35 800 km au-dessus de l’équateur). (Doc. Kacific)

Le premier démonstrateur Crew Dragon, sans équipage à bord, a eu son baptême de l’espace du 2 au 8 mars. (Photo: NASA)


Apollo-11: le 21 juillet 1969, au pied du module lunaire Eagle, l’astronaute Edwin Aldrin plante la première expérience scientifique. Elle avait été conçue par un laboratoire suisse pour l’étude du vent solaire.

Quid du retour sur la Lune ?

NASA

Ces 20 et 21 juillet, on célèbrera la prouesse historique des premiers pas de Terriens sur leur satellite naturel. C’était l’aboutissement d’un audacieux pari lancé par le président américain John F. Kennedy (1917-1963), le 25 mai 1961, dans un discours désormais célèbre devant les membres du Congrès: «Il est temps pour cette nation de prendre clairement le dessus dans les réalisations spatiales qui, à maints points de vue, sont les clefs de notre avenir sur Terre. Je crois que cette nation doit s’engager à tenir le pari suivant: avant la fin de la décennie, faire arriver un Homme sur la Lune et le ramener sain et sauf sur la Terre. Aucun autre projet durant cette période ne sera plus impressionnant pour l’humanité, ni plus important pour l’exploration de l’espace à long terme; aucun ne sera aussi difficile ni aussi coûteux à réaliser.»



Il s’agissait de redorer le blason des États-Unis face à une URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques) qui triomphait de façon spectaculaire dans le cosmos: premier satellite, premières sondes lunaires, premier vol habité autour de la Terre… L’Amérique trouve les ressources financières et mobilise son potentiel industriel pour décrocher la Lune dans les temps prévus. Le compte à rebours était enclenché. Cette Amérique, qui balbutiait en 1961 pour la technologie des vols spatiaux habités, avait 104 mois – jusqu’en décembre 1969 – pour gagner son pari. Cent-quatre mois d’une intense mobilisation à une époque où on n’avait ni PC portables, ni Internet à la portée d’un clic: le téléphone, le télex et la télévision étaient les seuls moyens d’information et de communication. C’était l’époque où l’informatique fonctionnait avec d’énormes machines (Ibm, Honeywell, Raytheon, le Mit) utilisant des milliers de cartes perforées… Au moment de l’annonce de la promesse du Président Kennedy, la jeune Nasa (National Aeronautics & Space Administration) devait encore réussir une mission habitée autour de la Terre ! Les mois allaient s’égrener avec un réel suspense mais dans une politique de transparence. Toute proposition pour gagner du temps était la bienvenue. On allait donner libre cours à l’initiative technologique. Tel fut le coup de poker du Programme Apollo.

Le triomphe américain en 98 mois !

Les Américains ont mis les pieds sur la Lune et sont revenus sains et saufs avec des échantillons de son sol 98 mois après le coup d’envoi lancé par le Président Kennedy mais celui-ci, assassiné le 22 novembre 1963, n’est pas là pour vivre l’exploit d’Apollo-11. À la fin de 1969, ils sont même 4 astronautes – grâce à la réussite d’Apollo-12 en novembre – à avoir foulé la surface lunaire. De juillet 1969 à décembre 1972, 12 astronautes de la Nasa vont explorer 6 sites de la Lune. En tout, ce sont 383 kg de roches et poussières lunaires qui sont récoltés et ramenés sur Terre. Les 9/10e de ces précieux échantillons se trouvent stockés dans 2 laboratoires au Texas, qui sont protégés des séismes. Il était prévu de réaliser des missions lunaires jusqu’à Apollo-20. Finalement, les 3 dernières sont supprimées faute de budget, par manque d’intérêt surtout du Président Nixon. La Lune au sol grisâtre, parsemée de cratères, ne séduit plus. Mais la formidable odyssée de son exploration avec le programme Apollo a démontré que l’espace est un formidable stimulant de matière grise. Surtout, l’aventure humaine sur la Lune a jeté un regard nouveau sur notre vaisseau spatial, la Terre. Une planète bleue qui est à sauvegarder, à tout prix.

Il y eut bel et bien, durant les golden sixties, un duel entre Washington et Moscou pour conquérir la Lune. Les autorités de l’Union Soviétique, fidèle au sacro-saint secret de l’appareil militaro-industriel, ont dissimulé pendant 30 ans le grand échec des efforts entrepris pour qu’un cosmonaute soit le premier à la surface lunaire. Leur engin automatique Luna-15 est venu jouer le trouble-fête durant l’historique mission Apollo-11. Lancé le 13 juillet 1969, 3 jours avant l’envol de Neil Armstrong, Edwin Aldrin et Michael Collins, la sonde soviétique doit rapporter quelques grammes de sol de notre satellite naturel. Question de démontrer qu’un robot peut éviter de faire courir des risques à des vies humaines. Luna-15 s’écrase à la surface lunaire le 21 juillet, quelques heures après la marche historique d’Armstrong et d’Aldrin. Il faut attendre Luna-16 en septembre 1970 pour réussir cette mission d’un automate.

Néanmoins, Moscou avait bien l’intention de faire arriver un cosmonaute avant les astronautes de la Nasa. Les satellites-espions américains ont pu suivre la mise en œuvre, sur le cosmodrome de Baïkonour, d’une importante infrastructure pour le lanceur géant N-1, mais celui-ci a connu des échecs cuisants en février et juillet 1969 ! En fait, l’URSS s’y est pris trop tard, la décision du programme n’étant prise qu’en 1967 et elle n’a pu susciter l’entente primordiale entre ses constructeurs en chef et bureaux d’études. Aujourd’hui, la Russie fait preuve d’une certaine nostalgie: elle fournit des plans d’exploration lunaire, mais leur coûteux financement fait défaut. 

Une promesse osée pour 2024 ?

L’Amérique, à la faveur du phénomène New Space de privatisation des systèmes spatiaux, entend retourner sur la Lune. Ainsi, le 26 mars dernier, le vice-président Mike Pence créait une certaine surprise en annonçant devant le National Space Council qu’il fallait envisager l’arrivée sur le sol sélène d’Américains et Américaines, dès fin 2024. Le tandem Trump-Pence – il entend bien être réélu en 2020 – veut terminer en beauté sa présidence. Sans doute la crainte de voir les taïkonautes chinois prendre la relève des astronautes américains sur la Lune pousse les États-Unis à se replacer dans les missions lunaires habitées. La Nasa proposait à ses partenaires – l’Europe, le Canada, le Japon – de donner une suite à l’Iss (International Space Station) avec un poste avancés autour de notre satellite naturel: le LOP (Lunar Orbital Platform) Gateway qui devait être desservi par un vaisseau Orion, équipé d’un module de service made in Europe. La réalisation du LOP Gateway devait démarrer dès 2023… à condition de disposer du lanceur lourd Sls (Space Launch System). Mais le projet du retour américain sur la Lune dans les 60 mois qui viennent remet en question ce planning.

Des astronautes à nouveau sur le sol lunaire dans 5 ans avec une mission Artemis: cette ambition suscite un certain scepticisme. Aucun budget n’est encore finalisé pour en assurer la mise en œuvre. Il faut disposer d’une fusée du type Sls qui soit performante et fiable pour placer près de 100 t en orbite basse. Mais le développement d’une version avec des éléments propulsifs du Space Shuttle a déjà pris beaucoup de retard. Une première version doit être testée en 2020. La Nasa doit miser sur l’initiative privée du New Space pour tenir l’engagement Objectif Lune de l’administration Trump-Pence. D’ailleurs, dès le 9 mai, Jeff Bezos, le richissime patron d’Amazon, s’inscrivait dans la stratégie présidentielle en dévoilant l’imposant atterrisseur lunaire de sa société Blue Moon. Son autre entreprise Blue Origin prépare le lanceur partiellement réutilisable New Glenn pour satelliser jusqu’à 40 t: son premier vol est planifié pour 2021. Par ailleurs, Elon Musk avec SpaceX et son énorme lanceur Super Heavy Starship pourrait bien emboiter le pas à Jeff Bezos. 

Présence chinoise à l’horizon 2030…

Au cours de la prochaine décennie, il devrait vraiment y avoir du monde pour explorer, voire exploiter des ressources sur notre satellite naturel. Plusieurs sondes vont reprendre de façon intensive le chemin de la Lune. Les nations asiatiques seront particulièrement actives dans ces missions lunaires. Israël avec la société SpaceIL s’efforcera de faire oublier l’échec, le 11 avril dernier, de sa sonde Beresheet durant la phase finale de sa descente sur la Lune. De son côté, l’Inde pourrait devenir cet été le 4e pays à atteindre le sol lunaire avec sa mission Chandrayaan-2. Celle-ci comprend, en plus de l’atterrisseur Vikram et du micro-rover Prayan, un orbiter avec des instruments scientifiques. À noter la participation de la société liégeoise Amos dans le développement de l’Iirs (Infrared Imaging Spectrometer) à bord de l’orbiter indien.

Le Japon et la Corée du Sud préparent des atterrisseurs lunaires. C’est surtout la Chine qui marque des points dans la redécouverte de la Lune. Le 3 janvier, Chang’e-4 est devenu le premier engin à se poser sur la face cachée et à y faire rouler l’automate Yutu-2. Chang’e-5 est en préparation pour aller chercher quelques kg d’échantillons de sol lunaire et les faire revenir au début de 2020. D’autres explorateurs Chang’e sont planifiés durant la prochaine décennie afin de préparer l’arrivée d’un vaisseau avec taïkonautes vers 2030. À maintes reprises, des experts de la Chine spatiale ont fait état de leur intérêt pour une base lunaire permanente. Un projet de lanceur lourd CZ-9 est à l’étude pour cette phase d’exploitation de la Lune.

Depuis trois ans, Blue Moon travaille sur ce projet d’atterrisseur lunaire. (Photo: Blue Moon)

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