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La méditation protège-t-elle l’esprit et le corps ?

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De plus en plus d’études scientifiques soulignent l’intérêt de la méditation pour la santé de l’esprit et du corps. Que dévoilent ces travaux ? Est-il exact que la méditation modifie le cerveau dans sa structure et dans son fonctionnement ? Mais, au fait, qu’est-ce que la méditation ? Le professeur Steven Laureys aborde ces questions et bien d’autres encore dans un livre récent intitulé La Méditation, c’est bon pour le cerveau

  

Aux États-Unis, des dizaines de millions de dollars sont investis chaque année dans la recherche publique sur la méditation. Dans un livre (1), paru en septembre 2019 aux éditions Odile Jacob, le professeur Steven Laureys, responsable de l’Unité thématique sur la conscience au sein du GIGA de l’Université de Liège, souligne à quel point des pays comme la Belgique, la Suisse ou la France sont à la traîne en la matière. Ainsi, on ne recense dans notre pays que 9 études scientifiques sur la méditation au cours des 20 dernières années.

Steven Laureys indique cependant qu’à l’échelle planétaire, «plus de 1 300 études cliniques sur la méditation et la pleine conscience ont été enregistrées au cours des 20 dernières années». A priori, cela peut paraître beaucoup. Mais, en vérité, ce nombre demeure assez dérisoire quand on sait qu’en moyenne, 4500 publications scientifiques sont consacrées chaque année rien qu’aux antidépresseurs. «Or, dit Steven Laureys, des études ont montré que la méditation pouvait receler un effet thérapeutique aussi important que des anxiolytiques, des antidépresseurs ou des antidouleurs.» Par exemple, la psychologue clinicienne Zindel Segal, de l’Université de Toronto, a montré en 2010, à partir d’un échantillon de 84 patients, que la méditation de pleine conscience était aussi efficace que les antidépresseurs pour éviter une rechute dépressive. Évidemment, on manque encore de données sur de vastes populations pour que de tels bienfaits soient définitivement établis.

Néanmoins, un article de synthèse publié dans Nature Reviews Neuroscience en 2015 attribue, lui aussi, des bienfaits à la pratique méditative. Selon ses auteurs, les recherches menées depuis les années 1990 confirment que la méditation de pleine conscience, l’une des 3 principales formes de méditation, exerce bel et bien des effets positifs tant sur la santé physique et mentale que sur les performances cognitives.

 
Science contemplative

Mais de quoi parlons-nous ? Que faut-il entendre exactement par le terme «méditation» ? L’image qui s’impose généralement à nous lorsqu’il en est question est celle d’un moine bouddhiste assis en lotus, immergé dans son monde intérieur. Cette vision est réductrice. Méditer ne requiert pas d’adopter une posture particulière, de se couper du monde extérieur, de ne plus «penser à rien» ou de plonger dans un océan de spiritualité. Antoine Lutz, chercheur de l’Inserm au Centre de recherche en neurosciences de Lyon, rapporte même que certains manuels relevant de la tradition bouddhique évoquent (sans doute de manière métaphorique, précise-t-il) l’existence de 84000 formes de méditation.

Steven Laureys compare d’ailleurs la méditation au sport. Dans les 2 cas, de nombreuses disciplines sont pratiquées et, de même qu’il y a des athlètes de haut niveau et des sportifs occasionnels, il y a des méditants experts, qui se sont adonnés durant des milliers d’heures à la méditation, et des méditants non aguerris.

Selon le moine tibétain Matthieu Ricard, docteur en sciences biologiques et traducteur du dalaï-lama, la méditation a pour but d’adoucir l’esprit et de le rendre gérable afin de pouvoir choisir de se concentrer ou simplement de se détendre, mais surtout de se libérer de la tyrannie des tourments et de la confusion mentale. Autrement dit, ses objectifs sont en phase avec ceux de la psychologie clinique, de la neuropsychiatrie et de la médecine préventive.

Comme le soulignait Antoine Lutz en 2012 dans le magazine Cerveau et Psycho, les textes bouddhistes stipulent que toute méthode efficace pour y parvenir «doit introduire des changements dans les états émotionnels et cognitifs, notamment dans les habitudes centrées sur soi». Pour ce faire, «ces changements prennent comme point de départ l’observation détaillée des états émotionnels et une compréhension des phénomènes mentaux».

Selon le moine tibétain Matthieu Ricard, la méditation a pour but d’adoucir l’esprit et de le rendre gérable afin de pouvoir choisir de se concentrer ou simplement de se détendre, mais surtout de se libérer de la tyrannie des tourments et de la confusion mentale

Différentes études d’imagerie cérébrale ont mis en évidence que la pratique méditative modifiait le cerveau tant dans son fonctionnement que dans sa structure. Ici, Matthieu Ricard lors d’un test au CHU de Liège

 

Voilà qui nous met inévitablement sur la piste du cerveau. Fonctionne-t-il différemment chez les méditants ? Sa structure elle-même est-elle modifiée par la méditation ? Celle-ci a-t-elle un impact objectivable sur la santé mentale, voire physique ? Avant 1980, peu d’études scientifiques ont été consacrées à la méditation. Dans les années 1970, le psychologue américain Daniel Goleman avait entrepris une expérience réunissant une trentaine de méditants experts et une trentaine de méditants «amateurs». Ces travaux, au cours desquels étaient mesurés des marqueurs de stress tels que le rythme cardiaque et la transpiration, semblaient montrer que lors de la projection d’un film d’horreur, les experts recouvraient un niveau de stress conforme à la normale beaucoup plus rapidement que les non-experts. Toutefois, cette conclusion était hâtive, car l’expérience attribuait à la méditation des vertus qui relevaient peut-être d’autres facteurs. En effet, les experts en méditation ne se contentent pas de méditer; généralement, leur mode de vie diffère de celui des débutants, entre autres sur le plan des habitudes alimentaires et de repos.

En 1983, Tenzin Gyatso, le 14e dalaï-lama, rencontre le neuroscientifique et philosophe franco-chilien Francisco Varela, qui décédera en 2001. Leurs échanges sont fructueux, et ils décident la tenue de symposiums où des méditants côtoieront des chercheurs de renom. En 1987, Francisco Varela et l’avocat américain R. Adam Engle franchissent une étape supplémentaire en fondant l’Institut Mind and Life (Esprit et Vie) dont la finalité est la «science contemplative», en particulier l’exploration des relations entre la science moderne et le bouddhisme.

 
Impact sur le cerveau

Ces 2 initiatives furent les moteurs d’un intérêt scientifique croissant pour les mécanismes cérébraux sous-tendant les pratiques méditatives ainsi que pour l’étude de leurs éventuels bienfaits pour la santé de l’esprit et du corps.

Encore fallait-il se frayer un chemin dans le dédale des multiples formes de méditation afin d’asseoir des protocoles expérimentaux rigoureux. Aussi les neurosciences se sont-elles attachées à l’étude de 3 types de méditation: les méditations par attention focalisée, de pleine conscience et de compassion (ou d’amour-bienveillance).

Dans la première, le méditant se concentre sur une «cible», par exemple sa propre respiration. Dans la seconde, il observe ses perceptions, ses sensations corporelles internes et ses pensées, mais en les gardant sous contrôle. «Il s’agit de porter son attention sur le moment présent, instant après instant, de façon intentionnelle et sans émettre de jugement de valeur», précise le professeur Jon Kabat-Zinn, de l’Université du Massachusetts. Enfin, la méditation de compassion consiste à cultiver un sentiment de bienveillance envers autrui.

Depuis une vingtaine d’années, le concept de «pleine conscience» (mindfulness en anglais) a connu un essor considérable à travers 2 types de thérapies qui ont gagné droit de cité dans de nombreux centres médicaux en Europe et aux États-Unis: la MBSR (réduction du stress basée sur la pleine conscience) et la MBCT (thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression). Fondées sur des programmes normalisés, validés et reproductibles, ces 2 approches peuvent servir de support à une recherche scientifique de qualité.

Quoi qu’il en soit, différentes études d’imagerie cérébrale ont mis en évidence que la pratique méditative modifiait le cerveau tant dans son fonctionnement que dans sa structure. Ainsi, des recherches concluent à une augmentation du volume de la matière grise dans certaines régions cérébrales après à peine 8 semaines de pratique méditative journalière. De même, lors de travaux réalisés à l’Unité de recherches GIGA Consciousness de l’Université de Liège, Steven Laureys et ses collaborateurs ont constaté que le moine tibétain Matthieu Ricard (69 ans à l’époque) possédait un cerveau bien connecté et qu’il arrivait à le contrôler de manière exceptionnelle par comparaison avec des personnes non méditantes du même âge.

La question la plus cruciale demeure néanmoins celle-ci: la méditation protège-t-elle le corps et l’esprit ? Parmi les travaux centrés sur l’attention focalisée, une étude réalisée par l’équipe de Richard Davidson, de l’Université du Wisconsin à Madison, a mis en évidence qu’une retraite de 3 mois au cours de laquelle des exercices de méditation étaient pratiqués au moins 8 heures par jour améliorait la vigilance des sujets dans une tâche répétitive propice aux distractions et que l’activité de leur cerveau, enregistrée par neuroimagerie fonctionnelle, reflétait cette résistance accrue aux éléments distracteurs. Le même laboratoire avait observé dans une recherche antérieure que l’activité des aires cérébrales sous-tendant l’attention était plus intense chez des méditants expérimentés (plus de 10000 heures de pratique) que chez des novices. Toutefois, lorsque le niveau d’expertise était vraiment très élevé, le phénomène s’inversait, comme si les méditants les plus chevronnés accédaient alors plus aisément à la focalisation attentionnelle.

VIVRE PLUS LONGTEMPS ?

La méditation favoriserait-elle notre longévité ? Des travaux sur les télomères, structures dont la fonction est d’assurer l’intégrité des chromosomes des espèces eucaryotes, le laissent augurer. Composés de séquences itératives de bases (TTAGGG chez l’homme), les télomères s’opposent à la dégradation des extrémités chromosomiques par des nucléases et à la fusion des chromosomes entre eux. Pour ce faire, ils adoptent une configuration spatiale particulière en forme de boucle, qui suggère l’idée d’un bouchon.

Si les télomères des cellules souches ne se raccourcissent pas durant le développement embryonnaire, ils perdent un fragment lors de chaque division cellulaire ultérieure. S’engage donc un compte à rebours qui peut être considéré comme le bras armé du vieillissement cellulaire et partant, du vieillissement des organes et de l’individu lui-même. La longueur des télomères reste toutefois constante dans les cellules cancéreuses, dont on sait qu’elles ont un potentiel de prolifération illimité.

Le professeur Steven Laureys souligne un élément particulièrement surprenant: des études aboutissent à la conclusion que chez les experts en méditation, les télomères présents à l’extrémité des chromosomes sont plus longs que chez les non-initiés. «La plupart de ces travaux montrent également que le taux de télomérase, enzyme qui joue un rôle majeur pour freiner le rétrécissement des télomères au sein des cellules en division, est plus élevé chez des méditants s’adonnant à la pleine conscience et à la compassion», indique-t-il dans son livre. Chaque division cellulaire étant associée à la perte d’un fragment de télomère (sauf dans le cas des cellules cancéreuses), le «stock» s’épuise, de sorte que la cellule (une cellule souche) finit par ne plus se diviser. En freinant le raccourcissement télomérique, la méditation pourrait – cela mérite d’être confirmé –  accroître notre espérance de vie.

 

Dans une autre étude, toujours axée sur la méditation par attention focalisée, la même équipe a soumis des méditants expérimentés à des sons angoissants. Il apparut que, lors de l’audition de voix exprimant la souffrance, par exemple, l’activité de l’amygdale, région cérébrale particulièrement impliquée dans la production de l’anxiété, de la peur et du stress, présentait une activité moindre chez ces experts en méditation que chez des sujets témoins confrontés aux mêmes stimuli angoissants. «On peut en déduire que la méditation favorise l’équanimité, le maintien d’un climat émotionnel stable», commente Antoine Lutz, anciennement membre du groupe de Richard Davidson avant de rejoindre le Centre de recherche en neurosciences de Lyon.

À l’Université Harvard, aux États-Unis, Sara Lazar a précisément étudié l’amygdale, elle aussi, mais en se référant cette fois à des volontaires qui s’étaient pliés à un entraînement de méditation de pleine conscience. Que constata-t-elle ? Une réduction du volume de ce noyau chez ceux dont la sensibilité au stress s’était fortement atténuée grâce à la pratique méditative.

 
Retarder le vieillissement cognitif

Une étude d’Eileen Luders, de l’Université de Californie à Los Angeles, laisse à penser qu’il existerait une multiplication des connexions cérébrales chez les méditants expérimentés. Or, au fil du vieillissement se manifeste un déclin des fonctions cognitives causé par une diminution progressive du volume cérébral et du métabolisme du glucose. Le stress et un mauvais sommeil, 2 facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer, peuvent exacerber ces changements. En 2017, une étude pilote conduite par Gaël Chételat, neurobiologiste à l’Université de Caen, a montré que les régions du cerveau qui déclinent avec l’âge sont mieux préservées au niveau de leur volume et/ou de leur métabolisme chez des «experts en méditation» d’environ 65 ans que chez des sujets non méditants du même âge. La méditation baliserait-elle une piste pour protéger la santé mentale des seniors ?

Il y a une vingtaine d’années émergeait le concept de réserve cérébrale et cognitive, selon lequel les activités que nous entreprenons dans notre vie contribueraient à nous doter d’une sorte de «réserve» qui nous permettrait de compenser les effets délétères du vieillissement sur le cerveau et la cognition. Aujourd’hui, la littérature scientifique souligne la plus-value qu’offrent un important bagage scolaire, un style de vie actif, l’exercice physique, un réseau social étoffé, parler plusieurs langues et bien d’autres éléments.

En 2016, une étude longitudinale randomisée baptisée Silver Santé Study a vu le jour. Dix équipes de chercheurs issus de 6 pays (France, Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Suisse et Allemagne) y participent. «Financé par la Commission européenne, ce programme a pour but d’évaluer l’efficacité de 2 méthodes non pharmacologiques sur la santé physique et mentale des populations âgées de plus de 65 ans», dit sa coordinatrice, Gaël Chételat. Et de préciser l’identité de ces 2 méthodes: l’apprentissage de l’anglais, qui est une activité cognitive assez intense, et la méditation, dont l’action porte sur des facteurs psychoaffectifs (gestion des émotions et du stress).

Les chercheurs suivent 3 groupes (anglais, méditation, population témoin) de 50 personnes pendant 18 mois. Ils soumettent chacun de leurs membres à une batterie  d’examens: enregistrements d’imagerie cérébrale structurelle et fonctionnelle, questionnaires, prises de sang, mesures du sommeil, tests comportementaux… Les premiers résultats sont attendus vers la fin de l’année 2020.

«Le groupe qui s’initiera à la méditation s’adonnera durant 9 mois à la pleine conscience et durant 9 mois à la méditation de compassion, indique Gaël Chételat. Nous essaierons de déterminer laquelle des 2 techniques a le plus d’impact, si tant est qu’il y en ait un, sur le bien-être des seniors.» Et évidemment, une comparaison similaire sera effectuée entre la méditation et l’apprentissage de l’anglais. «En outre, il sera essentiel de déterminer si l’éventuel effet bénéfique observé perdurera au-delà des 18 mois d’apprentissage ou s’il s’estompera», conclut la coordinatrice du projet.

Dans certains services hospitaliers, la méditation de pleine conscience vise à aider les patients à mieux gérer la douleur

 
Un meilleur contrôle

Dans un registre différent, des chercheurs canadiens se sont intéressés à la sensibilité à la douleur en comparant un groupe d’experts en méditation zen (voie de vigilance et de connaissance de soi se pratiquant dans la posture assise) et un groupe de non-méditants. Les participants furent soumis à une source de chaleur contrôlée par ordinateur. Il apparut que la douleur était de même intensité dans les 2 groupes, mais qu’elle était vécue comme moins désagréable par les experts zen. Ceux-ci parvenaient en fait à dissocier leurs réactions physique et émotionnelle, ce qui se traduisait dans le fonctionnement de leur cortex.

Dans son livre La Méditation, c’est bon pour le cerveau, Steven Laureys rapporte les propos d’un des auteurs de l’étude, Pierre Rainville, neuroscientifique à l’Université de Montréal: «Bien que les méditants aient été conscients de la douleur, cette sensation n’était pas traitée dans la partie de leur cerveau responsable du jugement, du raisonnement ou de la formation des souvenirs. Nous pensons que les méditants zen ressentent effectivement les sensations, mais qu’ils s’abstiennent de les interpréter ou de les étiqueter comme douloureuses.» Si de tels résultats devaient se confirmer à plus large échelle, la méditation pourrait sans doute apporter une pierre à l’édifice de la lutte contre la douleur, spécialement la douleur chronique.

Lorsqu’elles travaillaient ensemble à l’Institut Max Planck à Leipzig, Tania Singer et Olga Klimecki, ont mené une étude sur les mécanismes de la compassion et de l’empathie. Elles constituèrent 2 groupes de 30 sujets. Les membres du premier furent conviés à s’adonner à la méditation compassionnelle et les membres du second, à suivre un protocole censé développer leur sentiment d’empathie à l’égard d’autrui. Les participants furent alors confrontés à des vidéos de personnes qui souffrent. Résultats ? Les membres du premier groupe étaient animés de sentiments positifs et bienveillants. Ce qui ne fut pas le cas des membres du second groupe, lesquels étaient entrés en résonance avec les souffrances qu’ils avaient vues, au point d’éprouver de la détresse, voire quelquefois une perte de contrôle. Cependant, après un entraînement de méditation de compassion, leurs émotions négatives régressèrent au profit d’émotions plus positives.  «Ces résultats s’accompagnaient de changements au sein de plusieurs réseaux cérébraux associés à la compassion, aux émotions positives et à l’amour maternel, incluant le cortex orbito-frontal, le striatum central et le cortex cingulaire antérieur», précisaient, en février 2015, Matthieu Ricard, Antoine Lutz et Richard Davidson dans le magazine Pour la Science.

On pourrait encore citer de nombreux exemples d’études consistantes relatives à l’impact positif de la méditation sur la structure et le fonctionnement du cerveau. Plusieurs auteurs attribuent en outre aux pratiques méditatives des vertus pour la santé non seulement de l’esprit (réduction de l’anxiété, de l’impulsivité, meilleures capacités d’attention, plus grand altruisme…), mais également du corps, via une modification de l’activité cérébrale. Divers travaux semblent dévoiler un effet bénéfique des pratiques méditatives notamment sur le système immunitaire, l’hypertension artérielle, le diabète, les rechutes d’épisodes de dépression….

Une
question à Steven Laureys

Vous avez publié récemment un livre intitulé La Méditation, c’est bon pour le cerveau, chez Odile Jacob. Avez-vous toujours été convaincu par l’intérêt des pratiques méditatives ?

Absolument pas. Et pour tout dire, je viens de loin. Je me rappelle qu’un journaliste m’avait demandé au début des années 2000 ce que je pensais de la pleine conscience. Je lui avais répondu que je n’étais pas convaincu par cette technique et que si l’on commençait à beaucoup en parler, c’était probablement pour des raisons commerciales.

En 2012, j’ai été confronté à des difficultés personnelles. Face à leur ampleur, je m’étais mis à fumer et à boire, je consommais des somnifères et des antidépresseurs. Un an plus tard, j’ai rencontré le moine tibétain Matthieu Ricard à Paris. Je lui ai parlé de la conscience, mon sujet de prédilection, et lui, de la méditation. Il m’a invité à participer à une retraite et moi, à soumettre son cerveau aux machines de neuroimagerie de notre laboratoire. Nous avons fait les 2, et les 2 m’ont persuadé de l’intérêt de la méditation. Depuis lors, j’ai pris part à plusieurs autres retraites et suivi 8 semaines de «mindfulness based stress reduction». À présent, j’essaie de me réserver chaque jour quelques minutes pour méditer. Par exemple, 10 minutes dans mon bureau entre 2 rendez-vous. Cela m’aide réellement à évacuer stress et anxiété.

Aujourd’hui, via mon livre, j’ambitionne de faire profiter le public de mon expérience et des acquis de la science en présentant la méditation et ses bienfaits, en asseyant son bien-fondé sur la littérature scientifique, notamment les expériences auxquelles Matthieu Ricard et d’autres méditants experts ont prêté leur concours, et en facilitant l’accès des novices aux 3 pratiques méditatives principales – méditations par attention focalisée, de pleine conscience et de compassion. Dans le monde de la neurologie, le combat n’est cependant pas gagné. Quand j’ai abordé le thème de la méditation lors de congrès, on était plutôt surpris. Et certains confrères m’ont conseillé d’éviter le sujet pour ne pas nuire à ma carrière.

(1) Steven Laureys, La Méditation, c’est bon pour le cerveau, Odile Jacob, 2019.

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