Dossier

Le sport
féminin est-il en danger ?

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En décrétant que la participation à certaines épreuves féminines était désormais interdite aux athlètes dont le taux de testostérone ne serait pas inférieur à 5 nanomoles par litre de sang, la Fédération internationale d’athlétisme a ramené au premier plan toute la problématique de l’intersexualité et du transgendérisme dans le sport féminin

 

Ces derniers mois, le monde de l’athlétisme a été ébranlé par l’affaire Caster Semenya, du nom de la championne sud-africaine qui régnait sans partage sur les courses de demi-fond féminin. Son visage masculin, la raucité de sa voix, sa carrure, sa musculature, l’étroitesse de son bassin n’ont pas échappé aux observateurs. Tout comme n’a pas échappé aux analyses sanguines son taux de testostérone hors norme par rapport aux valeurs classiquement enregistrées chez les femmes.

Mais le cas de Semenya, athlète intersexuée, c’est-à-dire née avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions typiques du sexe masculin ou du sexe féminin, n’est que la partie visible de l’iceberg qui flotte depuis longtemps déjà dans les eaux des compétitions réservées aux femmes. Ce sont les mesures décrétées en 2018 par la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) et les recours introduits par Caster Semenya pour les faire invalider devant le Tribunal arbitral du sport (TAS – Lausanne), d’abord, puis devant le Tribunal fédéral suisse, qui ont relancé le débat de façon insistante.

Ces mesures ont trait aux épreuves de course allant du 400 m au mile (1 609 m). Elles visent à exclure les compétitrices dont le taux de testostérone ne serait pas inférieur à 5 nanomoles par litre (nmol/L) de sang. D’aucuns crient à la discrimination, la testostérone en excès étant produite naturellement à la suite d’anomalies telles qu’un syndrome d’hyperplasie congénitale des surrénales, par exemple. Mais l’élément qui a le plus heurté est que l’IAAF préconise que les athlètes concernées par un taux trop élevé d’hormone mâle le fasse baisser, jusqu’au niveau réglementaire, par voie médicamenteuse, notamment par la prise de pilules contraceptives. L’Association médicale mondiale (AMM) a vivement réagi à cette proposition, appelant même tous les médecins à refuser de se prêter à sa mise en œuvre. Pour l’AMM, il serait contraire à l’éthique médicale de prescrire un traitement contre l’hyperandrogénie (excès d’hormones sexuelles mâles) qui ne serait pas fondé sur une nécessité médicale, c’est-à-dire un état pathologique. On peut d’ailleurs s’étonner qu’une fédération sportive internationale, officiellement partie prenante à la lutte contre le dopage, préconise un traitement hormonal pour «manipuler» le taux de testostérone de certaines athlètes au mépris des conséquences préjudiciables et non encore connues (cardiovasculaires, carcinologiques…) qu’elles pourraient avoir à en subir.

Le cas Semenya est-il exceptionnel ? Loin s’en faut ! Pour s’en convaincre, il suffit notamment de savoir que les athlètes classées aux 3 premières places du 800 m féminin des Jeux olympiques de Rio de Janeiro, en 2016, étaient 3 femmes ayant des taux de testostérone anormalement élevés: Caster Semenya (Afrique du Sud), Francine Niyonsaba (Burundi) et Margaret Wambui (Kenya). «Les 3 athlètes qui ont terminé respectivement 4e, 5e et 6e se sont congratulées après l’arrivée de l’épreuve comme si elles s’en considéraient comme les vainqueurs morales face à l’impossibilité de rivaliser avec les coureuses intersexuées», rapporte le docteur Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport et auteur de nombreux livres sur les aspects médicaux du cyclisme ainsi que sur le dopage dans différentes disciplines. Il cite également un chiffre édifiant: en 1967, 60% des records du monde féminins en athlétisme étaient détenus par des intersexuées, alors que selon les Nations-Unies, la proportion de personnes du «troisième genre» serait de 0,05% à 1,7% de la population mondiale.

Finale du 800 m dames lors des Jeux
Olympiques de Rio 2016.
À gauche, Francine Niyonsaba; au centre, Caster Semenya; à droite, Margaret
Nyairena Wambui

En 1967, 60% des records du monde féminins en athlétisme étaient détenus par des intersexuées, alors que la proportion de personnes du «3e genre» serait de 0,05% à 1,7% de la population mondiale

 
Entre équité et discrimination 

À l’instar de l’affaire Semenya en athlétisme, un cas de transgendérisme a suscité de violents remous au sein du volley-ball féminin. Dans un article intitulé Sexe, genre et sport, Jacques Balthazart, professeur émérite de l’Université de Liège, où il dirigeait le Laboratoire de biologie du comportement, et Jean-François Toussaint, professeur à l’Université de Paris et directeur de l’IRMES (Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport), exposent les fondements du problème: «Le 12 janvier 2018, la volleyeuse Tiffany Abreu devient à 33 ans, et après 5 matches disputés, la meilleure attaquante du championnat brésilien, l’une des compétitions féminines les plus relevées du monde. Cette joueuse n’est pourtant pas répertoriée dans les archives et les statistiques de la compétition pour une raison simple: elle n’y avait jusqu’alors jamais participé. De fait et jusqu’en 2013, cette athlète jouait en Superliga, 1e division du championnat de volley-ball masculin, sous le nom de Rodrigo Abreu. Entre les 2 dates, elle réorganise sa vie en accord avec l’identité de genre qu’elle avait toujours ressentie et opère la transition.»

Mais bien qu’elle se soit pliée à un traitement hormonal et chirurgical qui l’a mise en adéquation avec son désir d’être une femme, Tiffany Abreu bénéficie de ce que certains appellent l’«effet Obélix», du nom de ce sympathique Gaulois tombé tout petit dans la marmite contenant la potion d’invincibilité préparée par le druide Panoramix. En clair, comme le soulignent le docteur de Mondenard et le professeur Balthazart, son histoire physiologique nimbée de testostérone ne peut être effacée. Aussi jouit-elle d’une taille et d’une puissance face auxquelles les meilleures joueuses brésiliennes, qui sont aussi les meilleures du monde comme l’attestent leurs médailles d’or aux championnats du monde et aux Jeux olympiques, sont totalement démunies.

C’est dans ce contexte que, le 18 janvier 2018, l’ancienne volleyeuse brésilienne Ana Paula Henkel a adressé au Comité international olympique (CIO) et à d’autres instances, dont la Fédération internationale de volley-ball, une lettre ouverte «pour la défense des sportives professionnelles». On peut notamment y lire: «Est-il juste de prétendre que ces différences biologiques n’existent pas au nom d’un agenda politico-idéologique qui servira à réduire un espace si durement gagné par les femmes au cours des siècles ?» Se référant au fait que le CIO ouvre les compétitions féminines aux hommes, sous réserve d’un taux de testostérone contrôlé, elle indique que selon les nombreux physiologistes qui ont déjà exprimé leur avis, cette obligation «n’inverse pas les effets de l’hormone mâle sur la construction achevée des os, des tissus, des organes et des muscles au cours des décennies.» Plus loin, elle ajoute: «L’inclusion des personnes transgenres dans la société doit être respectée, mais cette décision hâtive et irréfléchie d’inclure les hommes, nés et construits biologiquement avec de la testostérone, ayant la taille, la force et la capacité aérobie des hommes, sort de la sphère de la tolérance; elle humilie et exclut les femmes.»

Ici se situe le nœud du problème. Comment éviter de discriminer les personnes intersexuées et transgenres, tout en préservant l’équité sportive dans les compétitions féminines ? 

 
Situations mal délimitées 

Depuis les années 1960, le CIO s’est efforcé de déjouer, par divers tests de féminité, les tentatives de fraude ou de concurrence déloyale dans les épreuves sportives réservées aux femmes. Ainsi, en 1966, il instaure un contrôle de genre systématique, les athlètes devant se présenter nues devant un «jury» de doctoresses. Dégradant et non fondé sur le plan scientifique ! Dès 1968, cet examen fait place à d’autres initiatives. Tout d’abord, la détection, sur la base d’un prélèvement de la muqueuse buccale, du corpuscule de Barr présent dans toutes les cellules possédant 2 chromosomes X (filles). Mais ce test s’avère peu fiable. Ainsi, dans le syndrome de Klinfelter, l’individu, qui présente 2 chromosomes X et un chromosome Y, possède un corpuscule de Barr bien qu’il soit doté du phénotype masculin.

Les instances sportives se rabattirent ensuite sur un test de détection du gène SRY. La présence de celui-ci, qui est localisé sur le chromosome Y, induit la formation des testicules durant la vie intra-utérine. Mais ce test se révéla insatisfaisant, lui aussi, et le CIO jeta l’éponge en 1996, confiant aux fédérations nationales le soin de veiller à n’envoyer que de «vraies femmes» pour participer aux compétitions. «Laisser la main aux fédérations, c’était la porte ouverte à la triche organisée, soutient le docteur de Mondenard. Comment un esprit rationnel peut-il leur demander de faire la police, alors qu’elles ne vivent que par les podiums !»

La difficulté majeure soulevée par l’intersexualité et le transgendérisme dans le sport féminin vient de situations complexes, car mal délimitées, dues au fait que le sexe d’un individu comporte plusieurs composantes – génétique (normalement dotation chromosomique XX pour les femmes et XY pour les hommes), gonadique (testicules ou ovaires), hormonale (taux des sécrétions de testostérone et d’œstrogènes), phénotypique (différences morphologiques, physiologiques et comportementales entre mâles et femelles). «Le genre d’un individu et les différents aspects de son sexe sont habituellement corrélés, mais des discordances peuvent se produire, rappelle le professeur Balthazart. Par exemple, un sexe gonadique ou hormonal en désaccord avec le sexe génétique dans le cadre de variations du développement sexuel.» D’où cette question: dans l’«imbroglio» qui peut résulter de telles situations, sur quelle base faut-il fonder la décision d’accepter un(e) athlète dans une compétition féminine ? Comme le fait remarquer Jacques Balthazart, la logique voudrait qu’on prenne en considération le ou les facteurs qui apportent un avantage au niveau des performances. Dès lors, le taux de testostérone semble être un des meilleurs paramètres. «Une concentration élevée de testostérone procure un avantage certain, comme l’attestent les différentes formes de dopage aux androgènes régulièrement détectées», écrit-il avec Jean-François Toussaint. Néanmoins, le dosage de cette hormone ne suffit probablement pas à faire le tour de la question.

 

Génétiquement homme…

En 1986, on détecta un sexe chromosomique masculin (XY) chez la championne espagnole du 100 m haies, Marie Jose Martinez-Patiño. L’athlète se vit interdire de participer aux JO de Séoul en 1988 et fut autorisée à concourir de nouveau en 1991. En fait, Marie Jose Martinez-Patiño présentait un syndrome d’insensibilité aux androgènes et donc à la testostérone, qui en est le chef de file. Ce syndrome concerne des individus qui possèdent un chromosome X et un chromosome Y et, en conséquence, sont génétiquement des hommes. Ils ont des testicules qui produisent normalement de la testostérone, mais l’hormone ne peut remplir sa fonction car ils ne disposent pas de récepteurs aux androgènes à la suite d’une mutation génétique. Dans 99% des cas, ces hommes acquièrent une identité féminine et sont généralement attirés sexuellement par les hommes. Et sur le plan phénotypique, ils se rapprochent des femmes.

Point essentiel: en l’absence de récepteurs aux androgènes, l’athlète espagnole ne tirait aucun avantage lié à la présence de testostérone dans son sang. Il resterait cependant à démontrer que sa dotation chromosomique (XY au lieu de XX) ne lui conférait pas un avantage. De fait, il est établi que les gènes ont des effets directs sur la physiologie de l’adulte qui ne sont pas produits via la sécrétion de testostérone. Est-ce important au niveau des performances sportives ? On ne le sait pas à l’heure actuelle.

 
On croit rêver

En 2009, Caster Semenya, alors âgée de 18 ans, remporte le 800 m féminin des championnats du monde de Berlin. Qui plus est, selon l’expression de Jean-Pierre de Mondenard, en tournant littéralement autour de ses adversaires. Sa supériorité est écrasante, sa morphologie, masculine. Aussi l’IAAF édicte-t-elle en 2011 une directive fixant à 10 nmol/L (de sang), soit un peu plus de 3 fois le plafond d’un taux de testostérone normal pour une femme, le seuil à partir duquel la participation à une épreuve féminine est interdite. En 2013, la sprinteuse indienne Dutee Chand fait les frais de cette mesure. Elle se refuse à prendre des substances pour provoquer la baisse de son taux de testostérone et porte plainte devant le TAS, où elle obtient gain de cause en 2015. Motivations du jugement: il faut d’autres études plus poussées pour démontrer que la testostérone augmente les performances

«On croit rêver ! clame le docteur de Mondenard. Florence Griffith-Joyner a atomisé le record du monde du 100 m chez les femmes en 10″49 parce qu’elle était sous stéroïdes anabolisants. Ce record, qui date du 16 juillet 1988, tient toujours. La longévité de ceux de Stella Walasiewicz, qui était pourvue d’organes sexuels masculins, confirme que ses adversaires ne luttaient pas à armes égales. Son record du 60 m demeura sur les tablettes de 1933 à 1960, celui du 200 m de 1932 à 1952 et celui du 100 m de 1932 à 1948. Et que dire des «superwomen» de l’Allemagne de l’Est qui dominèrent de la tête et des épaules les épreuves de natation et d’athlétisme entre 1976 et 1989 ? Le carburant qui circulait dans leurs veines s’appelait Oral-Turinabol®, un stéroïde anabolisant, indétectable à l’époque, dérivé de la testostérone.»

Le médecin français précise que si, entre 2011 et 2015, c’est-à-dire quand le taux de testostérone accepté devait être inférieur à 10 nmol/L, Caster Semenya continua à remporter les courses auxquelles elle participait, ses chronos étaient moins bons que les années précédentes. Par exemple, ils gravitaient autour de 2 minutes sur le 800 m, alors qu’il était coutumier qu’elle coure cette distance en 1’55 environ auparavant. 

  

Florence Griffith-Joyner en 1988 à Séoul lors de sa victoire aux 200 m dames. Cette année-là, elle fut triple championne olympique (100 m, 200 m et relais 4×100 m). 

L’athlète polonaise Stanisława Walasiewicz dont l’autopsie après sa mort lors d’un braquage à Cleveland révéla qu’elle était hermaphrodite.

 
Un autre moteur 

Il est communément admis que la testostérone et ses dérivés synthétiques intéressent les sportifs pour plusieurs raisons: en particulier, ils agissent comme des «engrais du muscle», augmentent l’érythropoïèse et, partant, le transport de l’oxygène, influent sur le psychisme en rendant l’individu plus pugnace, plus volontaire, capable d’accepter des charges d’entraînement plus lourdes. Ce tableau rend caduc l’argument selon lequel un taux de testostérone élevé («En prendre fait partie du job», disait Lance Armstrong) constituerait un avantage comparable à celui qu’offre une grande taille pour jouer au basket. Avec la testostérone, ce n’est pas un élément qui se trouve bonifié, mais un ensemble. «C’est comme si vous aviez un autre moteur», insiste le docteur de Mondenard. «Nier cette réalité n’est pas une solution», déclare pour sa part le professeur Balthazart. Et d’ajouter que certains pays cherchent assidûment à identifier et à recruter des personnes transgenres ou intersexuées pour les faire concourir dans les catégories féminines et gagner des titres. «Ils polluent le sport féminin de façon majeure», dit-il. À cela se greffe le risque que les femmes non intersexuées et non transgenres soient poussées encore un peu plus dans les bras du dopage et utilisent des molécules artificielles indétectables produites par des «stéroïdes designers», la testostérone exogène, elle, pouvant être mise en évidence par le biais d’un test isotopique (applicable depuis 1999).

Les mesures décrétées par l’IAAF en 2018 se réfèrent aux seules courses allant du 400 m au mile, épreuves où, en réponse aux exigences avancées en 2015 par le TAS (affaire Dutee Chand), elle a apporté les preuves formelles de l’impact de la testostérone sur les performances. Peut-être était-ce une «attaque ad hominem» visant en priorité à saper la suprématie jugée outrageante de Caster Semenya ? Car, à moins de se voiler la face, il ne fait aucun doute que, tant pour les hommes que pour les femmes, un taux élevé de testostérone constitue un atout dans de multiples disciplines sportives. Jean-Pierre de Mondenard, à qui l’on doit un dictionnaire du dopage de plus de 1 200 pages, explique d’ailleurs que pour les marathoniens, athlètes parmi les plus maigres, les anabolisants offrent le double avantage d’accroître l’érythropoïèse et de leur conférer la capacité de s’entraîner beaucoup plus longtemps. «Nombre d’entre eux utilisent les mêmes produits que les bodybuilders. La différence est que ces derniers absorbent des quantités phénoménales de protéines, lesquelles facilitent l’hypertrophie musculaire», explique celui qui fut également médecin responsable des contrôles antidopage sur le Tour de France entre 1973 et 1975.

Il ne fait aucun doute que, tant pour les hommes que pour les femmes, un taux élevé de testostérone constitue un atout dans de multiples disciplines sportives

 
Une troisième catégorie ?

Le CIO recommande aux fédérations internationales, mais sans les y contraindre, de ne laisser participer aux compétitions féminines que des athlètes dont le taux de testostérone ne dépasse pas 10 nanomoles par litre de sang. Pour sa part, l’IAAF impose un taux inférieur à 5 nmol/L pour certaines courses. À la suite de la plainte de Caster Semenya, le TAS a validé le règlement de la fédération d’athlétisme en émettant néanmoins certaines réserves. Le Tribunal fédéral suisse, qui est l’autorité de recours contre les sentences émises par le TAS, celui-ci ayant son siège à Lausanne, l’a ensuite suspendu provisoirement le 31 mai 2019, en urgence, avant de lever cette suspension dans une ordonnance de mesures provisionnelles à la fin du mois de juillet. Il doit néanmoins encore se prononcer définitivement sur le fond. Yvan Henzer, avocat au barreau du Canton de Vaud, en Suisse, s’est exprimé à ce sujet dans le journal Le Temps (Genève) : «[…] ce serait quand même un sacré coup de tonnerre que les juges fédéraux reviennent sur leur décision provisoire. S’ils ont estimé que le recours n’avait a priori pas de chance de succès, on voit mal ce qui pourrait encore faire changer les choses, ce d’autant plus que le Tribunal fédéral ne peut pas recevoir de preuves nouvelles.»

Certains évoquent la possibilité d’un futur recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme, mais, pour l’heure, le règlement édicté par l’IAAF semble en passe d’être irrévocablement entériné par la justice suisse. Il n’en demeure pas moins inacceptable sur le plan éthique lorsqu’il préconise que les athlètes concernées par un taux excédentaire de testostérone recourent à des médicaments afin de le ramener dans la norme autorisée. D’un autre côté, le sport féminin risque de partir en déliquescence si ses palmarès ne sont plus ornés que des noms de sportives transsexuelles ou intersexuées, d’autant que, comme le souligne Jacques Balthazart, on pressent déjà des trafics humains. Que faire ? Pour le docteur de Mondenard, la seule issue acceptable est la création d’une 3e catégorie, «neutre», à côté du sport masculin et du sport féminin. C’est une idée que ne rejette pas non plus le professeur Balthazart, qui insiste par ailleurs sur le fait qu’il n’y a pas que le taux de testostérone au moment de la compétition qui procure un avantage potentiel. L’exposition à cette hormone pendant tout le développement fœtal et la croissance, et la structure chromosomique elle-même peuvent introduire des avantages significatifs. Le médecin français et le biologiste belge rappellent que certaines législations ont inclus ou envisagent une 3e catégorie dans les actes d’état civil – en Australie, en Inde, en Allemagne, dans l’État de New York… En outre, à l’image de la boxe par exemple, de nombreux sports sont scindés en différentes catégories dans le but principal d’équilibrer les chances des compétiteurs et également, s’agissant des sports de combat, de les protéger.

Faudrait-il crier à la discrimination si des catégories sportives étaient réservées aux personnes transsexuelles et intersexuées ? La discrimination ne s’enracine-t-elle pas plutôt ailleurs ? Dans le fait que la société renâcle à accepter les différences et marginalise des individus au point de les amener à nier leur statut objectif et leur singularité, lesquels devraient être reconnus sans préjugés ni jugements de valeur comme faisant partie d’une forme de normalité et non d’anormalité.

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