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La nature en lumière

Laetitia Mespouille • info@curiokids.net

Kon Karampelas/Unsplash, © Phil Degginger/SCIENCE SOURCE, Christophe Quintin/Flickr, Masaki Miya et al./Wiki   •      Peter Eliott

Des nuages d’insectes scintillants, des vagues bleues s’illuminant dans la nuit ou de petites lanternes s’allumant au fond des océans, voici les nombreux spectacles lumineux offerts par la nature

 
 

Mais savais-tu que ces lumières étaient produites par des ­animaux ? Sans utiliser de piles électriques et sans ­pouvoirs magiques, ils ont la capacité de produire de la lumière. En ­réalité, la nature les a dotés de ce pouvoir pour ­survivre dans leur environ­nement. Repérer des proies, séduire une femelle, ­communiquer ou se protéger, voici les multiples raisons pour lesquelles des animaux émettent de la lumière. Ce phénomène est appelé « bioluminescence ». Des êtres vivants aussi petits que les bactéries ou aussi gros que le requin peuvent être bioluminescents. Ils peuplent la terre, les mers et les océans du monde entier. Il y en a partout et peut-être même que tu en as déjà vu.

20 000 feux sous les mers

La bioluminescence serait née des océans. ­D’ailleurs, la majorité des espèces bioluminescentes vivent dans les profondeurs de l’océan, les mers ou le long des côtes. Dans les abysses obscures, des crevettes, des poissons, des méduses ou des calamars émettent de la lumière. Il faut dire que la lumière de la surface n’atteint pas ces zones profondes. Alors les animaux ont dû s’adapter pour trouver un moyen de «voir» dans l’obscurité. Pour se nourrir, se reproduire, mais aussi communiquer, la lumière est un moyen très efficace. D’ailleurs, les océans sont si vastes qu’il y a fort à parier que la bioluminescence est le moyen de communication le plus développé de la planète. 

Un ballet de LEDS dans le ciel

Sur terre, il existe aussi des espèces capables de produire de la lumière, mais elles sont moins nombreuses. Tu en connais déjà. Par exemple, les lucioles et les vers luisants qui appartiennent à la famille des lampyridées. Ces insectes sont capables de produire une lumière jaune-verte grâce à de petits organes localisés dans leur abdomen. On les appelle photophores. Généralement, les femelles brillent plus fort que les mâles et ne volent pas. Les mâles ont des yeux très ­sensibles à la lumière, ce qui leur permet de repérer madame luciole plus facilement pour l’accouplement à la nuit tombée. Savais-tu que leurs œufs et les larves pouvaient aussi émettre de la lumière ?

Ainsi, les lucioles communiquent en envoyant des flashs de lumières, un peu comme le langage Morse. Soit pour attirer une femelle, soit pour se protéger des prédateurs. Bien que brillant dans le noir, et donc visible de ses ennemies, la couleur verte-jaune émise par la luciole signifie: «ne me mangez pas, j’ai un goût abominable».

  

Luciole

Ver luisant (Lampyris noctiluca)

  

  

LE SAVAIS-TU ?

La nature pour modèle

C’est en étudiant le scintillement des lucioles que le physicien belge Jean-Pol Vigneron (1950 – 2013), ainsi que ses collègues québécois et français, a pu améliorer l’efficacité des lampes LED. Pour y arriver, ils se sont inspirés du motif des écailles de la luciole Photuris, une espèce qui habite en Amérique latine et aux États-Unis. En imitant la nature, ils ont produit une lumière beaucoup plus forte. C’est ce qu’on appelle le biomimétisme.

  
La bioluminescence, ou comment la nature fait de la lumière sans prise électrique

Tu ne trouveras aucune pile électrique dans le corps de la luciole. Ni ampoule LED cachée dans les poissons. Si ces animaux s’illuminent, c’est grâce à une réaction chimique. L’énergie produite lors de cette réaction est libérée exclusivement sous forme de lumière. Ce phénomène s’appelle la bioluminescence.

Cette réaction nécessite 3 éléments. Une protéine (grosse molécule) appelée luciférine, une source d’énergie biologique appelée ATP (adénosine triphosphate) et la luciférase, une autre grosse molécule (enzyme) qui permet à la réaction de se faire. Ensemble, et grâce à l’oxygène, la réaction s’opère pour libérer de la lumière. Il existe différentes sortes de luciférine, mais la réaction est la même chez tous les animaux.

La bioluminescence est le résultat d’une réaction chimique. La luciférine réagit avec une molécule d’ATP, le carburant des êtres vivants. La nouvelle molécule formée, appelée substrat, est accueillie par une énorme protéine appelée luciférase, l’hôte. Comme la bonne clé d’une serrure, cet assemblage permet à la réaction chimique de s’enclencher. Le résultat ? De la lumière !

Les animaux bioluminescents peuvent produire leur propre luciférine. C’est le cas des dinoflagellés, un phytoplancton qui produit une lumière bleue sur les rivages. Ceux qui ne la produisent pas l’absorbent par leur nourriture, ou vivent en symbiose avec des bactéries bioluminescentes. Cela signifie que l’animal héberge la bactérie dans l’organe qui produit la lumière. C’est par exemple le cas du calamar ou du poisson-pêcheur. 

Dinoflagellé

Vagues bleutées observées à Porto Rico

  


  

Une lumière «froide»

Tu as sans doute remarqué qu’une ampoule électrique produit de la lumière, mais qu’elle chauffe également. Cela signifie qu’en même temps que la lumière, de l’énergie est libérée sous forme de chaleur.

Les poissons et crustacés ne chauffent pas quand ils libèrent de la lumière. La réaction chimique à l’origine de la bioluminescence libère 100 % de lumière et pas de chaleur. C’est pour cela que la bioluminescence est aussi appelée « lumière froide ».


La lumière passe par l’assiette

La santé passe par une bonne alimentation ! Pour certaines espèces d’animaux bioluminescents, la faculté de produire de la lumière passe aussi par la nourriture. Pour produire de la lumière, il faut rassembler les 2 ingrédients principaux: la luciférine et la luciférase. Certains animaux les produisent eux-mêmes, mais ce n’est pas le cas de tous. Évidemment, ils ne font pas leurs courses au supermarché du coin. Ils doivent chasser leurs proies. Idéalement, celles-ci doivent contenir la luciférine et la luciférase. Leur alimentation est donc déterminante car sinon, ils perdent leur pouvoir bioluminescent. Les conséquences seraient dramatiques car sans production de lumière, comment trouver sa nourriture ? Comment se protéger des prédateurs ? Ou comment trouver une femelle pour se reproduire ? Les chercheurs ont montré que si le poisson crapaud ne mangeait pas de vargulas (un petit crustacé bioluminescent), il perdait son pouvoir bioluminescent.

Le truc de ouf !

Est-ce qu’un chien ou un chat peut être bioluminescent ?  

Oui, c’est possible, mais ce n’est pas naturel. Des scientifiques, en réalisant des modifications génétiques, ont pu rendre certains mammifères bioluminescents. Chiens, chats, souris ou singes, les chercheurs leur ont donné la capacité de produire de la lumière en modifiant l’ADN. Non pas pour le plaisir de faire briller ces animaux dans le noir durant les fêtes d’Halloween, mais pour faire avancer la recherche dans la compréhension des maladies.

 En particulier avec le singe, qui représente un modèle plus proche de l’humain. Grâce à cette technique, les chercheurs peuvent évaluer si un nouveau traitement est efficace pour soigner certaines maladies de l’homme. Mais si tu ne peux adopter un chat ou un chien qui brille dans le noir, tu peux toujours adopter des algues bioluminescentes pour créer un joli aquarium. 

  

  

ACTU science:

Alerte pollution ! 

En juin 2020, un phénomène de bioluminescence a été rapporté à la côte belge. À la nuit tombée, les vagues se sont parées de lumières bleues. La responsable est une microalgue appelée Noctiluca Scintillans. En journée, elle est de couleur rouge saumon, et se comporte comme les autres algues: elle se nourrit de plancton et fait de la photosynthèse. La nuit, elle subit des modifications dans son corps et produit une jolie lumière bleutée.

Mais si ces couleurs bleues offrent un spectacle magnifique et magique, les scientifiques se préoccupent de leur présence à la côte belge. Selon les spécialistes, la présence de cette algue sur nos côtes est un signe du réchauffement climatique. En effet, cette microalgue préfère des zones tropicales et peu mouvementées. De plus, elle se multiplie très vite, si bien que sa présence en grand nombre devient toxique pour les autres habitants de la mer, car elle consomme tout l’oxygène dissous dans l’eau. Les autres poissons et crustacés risquent de mourir asphyxiés.



Le selfie du jour

Le poisson-pêcheur

Avec une apparence aussi grincheuse et des dents aussi pointues, ce poisson est certainement l’un des plus laids. Mais il est aussi l’un des plus fascinants. Il vit au fond de l’océan, dans l’obscurité la plus totale. Il a une tête énorme et peut mesurer jusqu’à 1 m de long. Il a aussi une particularité: les femelles portent une sorte de canne à pêche qui pendouille au-dessus de leur bouche. Directement liée à leur épine dorsale, cette «canne à pêche» leur permet d’attraper leurs proies. Non pas avec un hameçon, mais en produisant de la lumière bleue. Les proies sont attirées par la lumière et ne devinent pas les dents pointues prêtes à les croquer dès qu’elles s’approchent trop près de la bouche. On appelle cela un leurre. Sa bouche est si grande que le poisson pêcheur peut saisir des proies 2 fois plus grandes que lui. Les mâles n’ont pas besoin de cet appendice. Ils se contentent de suivre et de coller les femelles. En voilà une idée lumineuse !


À QUOI
SERT CETTE BIOLUMINESCENCE ?

1) POUR SE CAMOUFLER ET SE PROTÉGER DES PRÉDATEURS

Pour te cacher, tu préfères de tapir dans l’ombre ou dans l’obscurité, là où tes copains ne te trouveront pas. Les animaux bioluminescents, eux, font de la lumière pour se camoufler ! Cela peut te sembler étrange d’émettre dans la lumière quand on souhaite être invisible non ? Si tu veux passer inaperçu auprès de tes prédateurs, tu évites d’attirer l’attention sur toi en scintillant de mille feux. Mais si on étudie le comportement des animaux de plus près, on réalise que c’est une stratégie drôlement efficace.

Par exemple, en émettant de la lumière, les dinoflagellés, des planctons, illuminent leur prédateur. Celui-ci est visible et peut se faire manger à son tour par son propre prédateur. En résumé, pour survivre, les dinoflagellés font en sorte que leur prédateur se fasse dévorer. Malin !

Le vampire des abysses, un céphalopode qui a peu évolué depuis 3 millions d’années et vivant à plus de 500 m de profondeur, exploite une autre stratégie. Au lieu de lâcher un nuage d’encre comme le poulpe, il expulse un nuage de mucus bioluminescent pour distraire ses prédateurs. Ce nuage de lumière peut persister plus de 10 minutes, ce qui lui laisse le temps de prendre la poudre d’escampette.

D’autres espèces marines, comme le poisson-hâche, produisent de la lumière par leur ventre. Les requins, qui chassent leurs proies en observant leurs ombres sont trompés par ces poissons bioluminescents. En produisant de la lumière, ils se confondent avec la lumière de la surface. Et hop, on passe inaperçu. C’est ce qu’on appelle la contre-illumination.  

2) POUR TROUVER SA NOURRITURE

Le poisson pêcheur est l’exemple le plus connu de poisson prédateur utilisant la bioluminescence. Grâce à sa canne à pêche lumineuse juste au-dessus de sa tête, les proies curieuses des profondeurs sont attirées par la lumière bleue qu’il produit, mais elles ne voient pas la mâchoire pleine de dents pointues prêtes à les dévorer.

3) POUR SE REPRODUIRE

À l’âge adulte, les lucioles mâles signalent aux femelles qu’ils sont prêts à se reproduire. Pour les avertir et les séduire, ils émettent des flashs de lumière verte. Les femelles sont capables de reconnaître, suivant le flash lumineux, si le mâle appartient à son espèce ou non. Si elle est disposée à s’accoupler, elle émet des flashs de lumière en réponse à ses efforts.

4) POUR COMMUNIQUER

Les animaux ne peuvent communiquer comme nous et pourtant, il est essentiel de se faire comprendre. Les lucioles, en émettant des flashs de lumière, communiquent aux femelles qu’ils sont prêts à se reproduire. Mais cette communication lumineuse peut aussi les aider lors de la chasse. Par exemple, l’encornet géant, un grand calamar, chasse en bande. Grâce aux signaux lumineux rouges ou blancs qu’ils produisent sur leur peau, ils repèrent non seulement leur proie, mais mettent au point leur stratégie de chasse. Si bien qu’ils ne se disputent pas les mêmes proies ou ne se percutent pas sous l’eau. 

Deux souris portant des luciférases différentes qui présentent une bioluminescence différente vue à travers les tissus et le sang.
Crédit d’image: Cassie Stowe (CC BY 4.0)

LE SAVAIS-TU ?

L’être humain aussi est bioluminescent. Mais la lumière émise est si faible, que tu ne peux la détecter à l’œil nu. Elle est 1 000 fois plus faible que la limite de détection de nos yeux. Cette lumière est produite surtout au niveau de nos joues,le front et la nuque grâce à des réactions chimiques différentes s’opérant dans notre corps. 

L’homme imite la nature pour faire progresser la science

Pour étudier l’infiniment petit, les chercheurs doivent utiliser des techniques qui leur permettent de « voir » ce qu’il se passe, souvent avec l’aide de puissants microscopes. Pour faciliter leur travail, ils rendent les zones d’analyses lumineuses. Pour y arriver, ils utilisent les mêmes molécules que celles utilisées par les animaux bioluminescents. Tu as vu que la luciférine et la luciférase, lorsqu’elles réagissent ensemble et de l’oxygène, libèrent de l’énergie sous forme de lumière. Grâce à cette réaction utilisée dans le monde animal, les chercheurs du monde entier ont eu l’idée d’utiliser les mêmes molécules pour mieux comprendre le comportement des animaux dans les océans ou pour visualiser l’efficacité d’un nouveau médicament dans la lutte contre le cancer. 

Bleu
– vert – jaune – rouge… est-ce qu’on peut observer toutes les lumières de
l’arc-en-ciel en bioluminescence ?

La bioluminescence peut être produite sous toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. La couleur dépend simplement du type de luciférine employée par l’animal.

Sous l’eau, la bioluminescence est principalement de couleur bleue et verte. Simplement parce que ce sont les couleurs les plus détectées par les espèces marines, et celles qui se transmettent le mieux sous l’eau. Après tout, la bioluminescence est un moyen de communication. Il est donc logique que les animaux marins se soient adaptés pour capter correctement les signaux envoyés par leurs camarades.  

Cependant, certaines espèces comme l’encornet peuvent produire d’autres couleurs comme le rouge ou le vert. D’ailleurs, le malacosteus (voir photo ci-contre) est un poisson qui produit de la lumière rouge en plus de la bleue. Comme la majorité des poissons ne voient pas le rouge, le malacosteus peut chasser en toute discrétion sans se faire repérer.  

Jour… nuit… jour… nuit ?

Décident-ils d’émettre de la lumière ou bien le font-ils sans le faire exprès ? La bioluminescence est une employée uniquement en cas de besoin. Pour chasser, se reproduire ou se camoufler, l’animal émettra de la lumière. Mais produire de la lumière au mauvais moment ou pour une mauvaise raison les mettrait en danger de mort. 

  

Ton p’tit LABO

Une expérience à faire avec Curiokids


   Les différentes formes d’émissions lumineuses 

Tout ce qui brille n’est pas forcément bio-luminescent. Il existe différentes formes d’émissions lumineuses.

La bioluminescence est une lumière émise par les êtres vivants grâce à une réaction chimique, qui opère dans un organe de l’animal.

La fluorescence est un autre phénomène de production de la lumière, mais dans ce cas, l’animal absorbe d’abord des rayons ultra-violets, et émet immédiatement de la lumière visible. Un peu comme les marqueurs fluo que tu utilises à l’école.

La phosphorescence est un cas particulier de la fluorescence. Les espèces phosphorescentes accumulent les rayons ultra-violets le jour, mais l’émission de lumière est retardée dans le temps. C’est pourquoi certains autocollants décoratifs de ta chambre brillent la nuit, alors que le soleil est couché et que ta lampe est éteinte.

   Glossaire

Insecte : c’est une classe d’animaux invertébrés. Ils ont un thorax composé de 3 segments. Chaque segment porte une paire de pattes, et les ailes quand il y en a. Si bien que les insectes ont 6 pattes.

Abdomen : c’est une partie du corps des insectes qui est située juste après le thorax.

Biomimétisme : quand on s’inspire de la nature pour créer de nouvelles choses en médecine, en technologie…

Protéine : ce sont des macromolécules (grosses molécules) naturelles que l’on retrouve dans les cellules des êtres vivants. Elles sont composées de petits segments appelés acide aminé et contiennent tous au moins un atome d’azote.

Enzyme : c’est une protéine qui accélère les réactions chimiques au sein de nos cellules.

Symbiose : c’est une association durable entre deux organismes vivants différents. Le plus gros est appelé hôte.

Céphalopode : Mollusques carnivores marins munis de tentacules

Phytoplanctons : Des organismes microscopiques appartenant au règne végétal. Ils vivent en suspension dans l’eau.


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