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Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be

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Lactase connexion

S’il est souvent question depuis plusieurs années du lactose, c’est surtout à propos de l’intolérance manifestée par une frange de la population qui ne peut plus digérer le lait au-delà de la petite enfance. Les signes tiennent à un ballonnement abdominal, à une digestion difficile ou même des diarrhées. La solution idéale consisterait à ne plus consommer cet aliment, sauf qu’il participe à de nombreux produits dérivés et préparations culinaires.

«Normalement» (mais où est la normalité ?), le lait est l’alimentation du nourrisson qui est ensuite sevré pour passer à d’autres types d’aliments. C’était une règle absolue jusqu’à l’apparition, probablement du côté de l’Ukraine il y a 6 000 ans, d’une mutation qui a permis à quelques individus de continuer à produire de la lactase au niveau intestinal, et de poursuivre par conséquent la digestion du lactose qui posait problème à tous les autres. Puis la dispersion de ce caractère grâce à des migrations multiples a permis que la mutation concerne de plus en plus d’adultes, en particulier en Europe de l’ouest, où elle est la plus fréquente. Si le caractère «lactase persistant» est observé chez 35% de la population mondiale environ, il concernerait jusque 85-90% de la population des îles britanniques. La proportion est en revanche en diminution très significative vers l’est et en particulier en Asie centrale, où elle connaît un de ses niveaux les plus faibles sur le plan mondial. Or, du lait reste consommé dans ces territoires-là, notamment par les populations d’éleveurs des steppes, sans qu’ils aient à en subir les conséquences digestives fâcheuses que connaissent les intolérants au lactose de chez nous.

Une explication pourrait tenir au fait que le lait est préférentiellement consommé, par ces populations-là, sous une forme fermentée, ce qui permettrait à quelques souches de lactobacilles présents dans les préparations, de favoriser la digestion du lactose ensuite. Une autre explication, peut-être additionnelle, serait que la microflore digestive – le microbiote – se soit modifiée de façon adaptative, favorisant la présence de bifidobactéries. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir pourquoi des «stratégies» digestives différentes sont apparues dans un cas et dans l’autre. Des études en cours devraient permettre d’en savoir davantage sauf que cela ne changera rien dans l’immédiat. Il est vraisemblable toutefois qu’avec le mélange des populations et l’adaptation des régimes, le problème de l’intolérance devrait progressivement s’atténuer sinon disparaître.

   PLOS Biol 2020. 18, e3000742

Ah… l’eau !

«L’eau, c’est la vie» est une expression certes exacte, mais qui n’intéresse même plus et depuis longtemps les annonceurs publicitaires pour eaux minérales. C’est pourtant grâce à elle – en partie au moins – que la vie a pu émerger sur Terre et nous lui sommes redevables d’exister. 65 à 70% de notre masse en seraient utilement constitués sans que cela ne nous noie ni que nous en soyons étonnés. On reviendra sous peu à cette réalité-là.

Notre planète bleue doit son appellation à la présence massive de cet élément qui couvre plus de 70% de sa surface visible d’en-haut. Mais il y en a en bien d’autres endroits que dans ce qui est visible. Dans l’atmosphère, dans le vivant comme je viens de le rappeler mais aussi dans le minéral lui-même, qui contiendrait l’équivalent de «plusieurs océans»; une eau cachée que les radicelles des végétaux sont aptes à débusquer. Question: d’où vient toute cette eau-là ? La première hypothèse a été qu’elle est tout simplement née de la genèse de la planète, lorsque celle-ci s’est refroidie. Mais la trop grande proximité avec le soleil a tout simplement interdit que de l’eau ne se forme sur les voisines que sont Venus, Mercure, Mars. Et sur la nôtre aussi. D’où serait-elle alors issue ?

Une théorie récente qui prend de plus en plus de poids est qu’elle aurait été apportée par de petits astéroïdes venus d’au-delà d’une ligne virtuelle dite «ligne des neiges» qui permet, à proximité de Jupiter et plus loin, la constitution de glace. Ces résidus de la formation primitive des planètes sont donc très anciens et sans doute contemporains de la formation de la Terre elle-même, il y a un peu plus de 4,5 milliards d’années. Or, ces chondrites – c’est leur nom – contiennent suffisamment d’eau pour en avoir enrichi notre planète. 1,4 milliard de kilomètres cubes tout de même, pour les seuls mers et océans.

Ce qui fait débat aujourd’hui chez les spécialistes, c’est le type de chondrite responsable de cet apport. Il en existe de plusieurs types et les 2 à être plus spécialement visés sont ceux qui sont qualifiés de «carbonés» et «à enstatite». On conviendra qu’il s’agit bien d’un problème de spécialistes qui finira sans doute par trouver une résolution.

L’eau qui a permis la vie sur Terre et probablement sur d’autres planètes comme Mars, serait donc venue de l’espace, véhiculée par des petites météorites formées de l’accumulation de grains agglomérés; des poussières d’étoile, en somme. Puisque cette même eau constitue les 2/3 environ de notre propre masse, ne peut-on se considérer, nous aussi, comme de la poussière d’étoiles ? 

   Science 2020; 369: 1058 et 1110-1113 

BIO ZOOM

Le basilic vert ou lézard Jésus-Christ (Basiliscus plumifrons) doit son surnom à son incroyable capacité à courir sur l’eau sans s’y enfoncer grâce à la légèreté de son corps (de 2 g à la naissance jusqu’à 200 g adulte pour une taille maximale de 80 cm), mais surtout à la rapidité de sa course (10 km/h), effectuée sur les seules pattes arrières palmées. Chose étonnante: il s’agit d’un des rares iguanes pour lequel on a observé la parthénogénèse, soit une reproduction sans mâle (par division des cellules embryonnaires de la femelle).