Espace

2021, l’année du tourisme spatial

Fleur OLAGNIER • fleur.olagnier@gmail.com

©Virgin Galactic 2020, ©SPACEX, ©AXIOM SPACE

Après des mois de restrictions en raison de l’épidémie de coronavirus, les perspectives de voyage s’élargissent enfin. Alors quoi de mieux pour fêter la liberté retrouvée qu’un petit tour … dans l’espace. L’année 2021 voit en effet de nombreux projets de tourisme spatial se concrétiser. Excursion autour de la Lune sur invitation, 3 jours en orbite terrestre avec SpaceX ou nuit dans un hôtel à bord de la Station spatiale internationale… Utopique ? Loin de là … 

L’intérieur du vaisseau spatial de Virgin Galactic

 

Il y a encore quelques mois, l’accès à l’espace était réservé aux astronautes professionnels qui se relaient tous les 6 mois environ au sein de la Station spatiale internationale (ISS). Mais en 2021, tout change. Le tourisme spatial n’est plus un rêve insensé, les projets pour envoyer des civils en apesanteur sont plus concrets que jamais. 

 

Huit tickets pour survoler la Lune

Le milliardaire japonais Yusaku Maezawa a offert en mars 8 tickets pour l’accompagner autour de la Lune pendant une semaine. Ce magnat de la mode en ligne et collectionneur d’art contemporain a été le premier client privé à réserver un vol à bord de Starship, la fusée habitable développée par SpaceX. L’engin doit emmener une dizaine de touristes – aussi appelés astronautes commerciaux – vers notre satellite naturel en 2023, et l’année suivante des astronautes professionnels sur le sol lunaire dans le cadre de la mission Artemis de la Nasa.

Pour accompagner Yusaku Maezawa, dans une excursion dont le coût dépasserait les 110 millions de dollars, il faut être prêt à «repousser les limites de la créativité» et à aider les autres membres de l’équipage à faire de même. Les entretiens définitifs et examens médicaux des candidats doivent avoir lieu fin mai.

Les 8 veinards choisis seront les premiers voyageurs lunaires depuis la mission américaine Apollo 17 en 1972. Cela, bien sûr, si la société d’Elon Musk parvient à terminer dans les temps le vaisseau habitable et le premier étage de propulsion Super Heavy qui composent la fusée Starship. À savoir qu’en décembre, janvier et février, les 3 derniers prototypes de l’engin de 120 m de haut se sont écrasés ou ont explosé au sol quelques minutes après l’atterrissage… 

Photo 1:
Vue d’artiste du vaisseau spatial Crew Dragon de SpaceX agrémenté d’une coupole d’observation pour la prochaine mission Inspiration4. Le dôme en verre va offrir une vue panoramique sur la Terre

 

Trois jours autour de la Terre

Outre la Lune, SpaceX développe une mission de tourisme spatial qui cible l’orbite terrestre. Inspiration4 devrait décoller au quatrième trimestre 2021 grâce au lanceur réutilisable Falcon 9 (voir photo 1). Le véhicule spatial, un Crew Dragon conçu par l’entreprise américaine, est notamment déjà utilisé par la Nasa pour envoyer des astronautes vers l’ISS, comme Thomas Pesquet, qui a entamé son deuxième séjour dans l’espace fin avril.

Ainsi, le 7 septembre prochain, Inspiration4 emmènera l’Américain Jared Isaacman (1), patron de l’entreprise Shift4 Payments, en orbite à 540 km d’altitude pendant 3 jours. La mission est entièrement financée par le milliardaire, qui a réglé la note en faisant don de 100 millions de dollars à l’hôpital de recherche pour les enfants St. Jude de Memphis. Isaacman a décidé d’offrir 3 sièges à des «personnes méritantes» de la société civile. Et depuis le mois d’avril, l’équipe est au complet.

La première heureuse élue est Hayley Arceneaux (2), assistante médicale à l’hôpital St. Jude et survivante d’un cancer des os. Dans son siège Hope, elle deviendra, à 29 ans, la plus jeune Américaine à voyager dans l’espace. Le siège Generosity sera, lui, occupé par Chris Sembroski (3), vétéran de la guerre en Irak, ancien de l’US Air Force et ingénieur chez Lockheed Martin. Le siège Prosperity a, lui, été offert au Docteur Sian Proctor (4), professeure et vulgarisatrice scientifique, finaliste de la sélection 2009 des astronautes de la Nasa. Cet équipage de choix, et qui plus est, mixte, va embarquer dans une capsule Crew Dragon spécialement aménagée. Puisqu’il n’y aura pas d’arrimage à la Station spatiale internationale, le port d’amarrage sera remplacé par … une coupole d’observation !

 

Départ encore possible avec Blue Origin

De son côté, Jeff Bezos, le dirigeant d’Amazon, propose une formule attrayante et accessible à tous … les civils fortunés. La frontière officielle entre la Terre et l’espace est délimitée par la ligne de Kármán, à 100 km d’altitude. C’est là que l’entreprise Blue Horizon fondée par Bezos compte emmener ses premiers clients courant 2021. En janvier, la société a procédé avec succès au quatorzième et dernier vol d’essai du New Shepard, son petit lanceur réutilisable surmonté d’une capsule conçue pour accueillir 6 passagers.

L’entreprise américaine reste très discrète sur la nature du premier équipage, qui comprendra certainement des ingénieurs de Blue Origin… mais pas que ! Le 5 mai dernier, la société a annoncé que le premier vol aurait lieu le 20 juillet, et a lancé une vente aux enchères de 5 semaines pour sélectionner l’un des premiers passagers. Toute personne majeure peut ainsi faire une offre sur le site Internet de l’entreprise jusqu’au 12 juin. À l’issue de la vente, le plus offrant aura droit à son siège, et l’argent sera reversé à la fondation Club for the future de Blue Origin, notamment destinée à encourager les jeunes générations à poursuivre une carrière scientifique. 

 

Six minutes au paradis

Créé en 2004 par le milliardaire anglais Richard Branson, Virgin Galactic ambitionne également de proposer des vols suborbitaux, à environ 110 km d’altitude. Le prix du billet est pour une fois officiellement communiqué: 250 000 dollars. Mais l’entreprise n’est pas tout à fait prête. Les tests au sol ont commencé en mars pour son vaisseau VSS Imagine, le dernier de la gamme SpaceShip III, troisième génération d’appareils conçue par Virgin Galactic. Le VSS Imagine devrait réaliser son premier «vol plané» cet été, juste après ceux du VSS Unity de la gamme SpaceShip II prévus en mai, et qui pourrait être le premier engin de la société à embarquer des touristes en 2022 (voir photo de titre).

Le vol habité d’environ 2h30, dont 6 minutes en apesanteur, décollera du Spaceport America de l’entreprise au Nouveau Mexique. À noter que les projets de Virgin Galactic ont pris du retard, notamment en raison du crash en 2014 d’un vaisseau VSS Enterprise, qui a coûté la vie à son co-pilote et gravement blessé le pilote. Un drame qui n’empêche par la société d’enregistrer à ce jour plus de 600 réservations selon la chaîne d’actualité CNBC, et de fixer son objectif final à 400 vols par an.

Photo 2:
L’équipage de la mission Ax-1:
le Commandant de bord Michael López-Alegría, et (de haut en bas)
ses compagnons de vol Larry Connor, Mark Pathy et Eytan Stibbe

 

Un hôtel à bord de l’ISS

En outre, il sera très bientôt possible de dormir dans un hôtel situé… entre 330 et 420 km d’altitude. Début mars, Axiom Space a en effet signé avec SpaceX pour transporter 4 personnes jusqu’à la Station spatiale internationale dans la capsule Crew Dragon. La mission, baptisée Ax-1, durera environ 10 jours, dont 7 ou 8 en orbite. Le commandant de bord Michael López-Alegría, ancien de la Nasa, et les 3 novices qui l’accompagneront, des hommes d’affaires américain, canadien et israélien, doivent commencer leur entraînement à la mi-mai (voir photo 2).

Les touristes évolueront dans le segment américain de l’ISS, évidemment sous la supervision de l’«astronaute guide touristique». En théorie, ils devraient s’occuper en menant une série d’expériences scientifiques. L’ISS, spacieuse comme un Boeing 747, devrait pouvoir accueillir sans problème ces invités en plus des membres d’équipage permanents. Coût du voyage ? Vraisemblablement 55 millions de dollars par client, principalement pour couvrir les frais de transport. Un siège a déjà été réservé pour le premier vol prévu au second semestre 2021. Et bon à savoir, l’émission de téléréalité américaine Space Hero prévoit de récompenser son gagnant avec un billet gratuit pour 2023. 

Finalement, à ce jour, 7 personnes seulement ont pu se rendre dans l’espace à des fins touristiques. De 2001 à 2009, la société Space Adventures avait été la toute première à envoyer ces pionniers jusqu’à l’ISS pour 20 millions de dollars chacun. L’entreprise, qui existe toujours, a récemment conclu un accord avec SpaceX pour faire vivre, au mois de décembre, un vol de 5 jours à 4 personnes. Mais pour terminer, on choisira de mettre en lumière un projet qui paraît somme toute plus accessible que les précédents. La société française Zephalto (cfr
Techno-Zoom)
souhaite emmener, à bord de son ballon, de 2 à 6 personnes dans la stratosphère, jusqu’à 25 km d’altitude. L’expérience sera vraisemblablement adaptable aux envies de chacun, d’une durée pouvant varier de 6h à une semaine, avec un itinéraire personnalisable. C’est en 2024 que devrait avoir lieu cette première «croisière avec vue sur Terre» pour «contempler le Soleil au milieu des étoiles»…. 


Espace

Mais encore…

Théo PIRARD • theopirard@yahoo.fr

 

Une Europe spatiale plus ou moins unie…

Il y a l’ESA (European Space Agency) depuis 1975 qui compte 22 États membres (3 ne font pas partie de l’Union Européenne) et qui gère un budget annuel de 6,49 milliards d’euros (2021). Il faut ajouter en son sein les activités des agences nationales influentes de la France (CNES), d’Allemagne (DLR), d’Italie (ASI), du Royaume-Uni (UK Space Agency). Pour le transport spatial, on a la société Arianespace qui fait partie d’ArianeGroup (Airbus-Safran). La Commission européenne a décidé de mettre en place l’EUSPA (European Union Agency for the Space Programme): chargée de gérer les systèmes d’applications globales Galileo (navigation) et Copernicus (télédétection), elle dispose d’un budget d’environ 15 milliards d’euros pour 7 ans. Rien d’étonnant à ce que cette Europe aussi désarticulée pour l’espace ne fait guère le poids face aux ténors influents du NewSpace que sont SpaceX et Blue Origin. Il lui faut par ailleurs tenir compte de la montée en puissance de la Chine spatiale.

La famille nombreuse des Sentinels pour observer notre environnement sous toutes ses coutures.

Crédit : ESA

 

Bonds d’un «nanodrone» dans l’air martien

Le rover Perseverance de la NASA, qui est arrivé sans encombre sur Mars le 18 février, a déposé un tout petit hélicoptère Ingenuity de 1,8 kg. Cinq vols de démonstration se sont déroulés sans difficulté du 21 avril au 7 mai. Ingenuity était déclaré opérationnel pour photographier le parcours de Perseverance durant sa prospection du cratère Jezero. Son utilisation ouvre de nouvelles perspectives dans l’exploration, par des robots, du système solaire. Un successeur, baptisé Dragonfly, est proposé pour étudier in situ la surface de Titan, une lune de la planète Saturne. 

Photo historique : l’ombre d’Ingenuity sur le sol martien.

Crédit : NASA

 

Une femme sur la Lune dès 2024 ou en 2026 ?

La NASA fait appel à l’entrepreneuriat privé issu du phénomène NewSpace en plein essor pour que ses astronautes retrouvent la surface lunaire le plus tôt possible. C’est en décembre 1972 que les 2 derniers Américains ont arpenté le sol de notre satellite naturel. Sous la présidence de Donald Trump, il était question de tout mettre en œuvre pour un retour d’un équipage – avec une femme – sur la Lune à la fin de 2024… Dans le cadre de son initiative HLS (Human Landing System) du programme Artemis, la NASA a lancé une compétition industrielle. Trois teams se trouvaient sélectionnés: Blue Origin, Dynetics, SpaceX proposaient leur concept d’atterrisseur lunaire. Le 16 avril dernier, à l’issue d’un an d’évaluations, la solution du Starship de SpaceX avait les faveurs de la NASA, l’entreprise d’Elon Musk décrochait un contrat de 2,89 milliards de dollars. Il faut préciser que l’entreprise d’Elon Musk multiplie sur la côte texane de Boca Chica les tests de prototypes. Mais Blue Origin et Dynetics ont contesté le choix de l’administration. Il semble dès lors peu probable qu’en 2024 des Américains puissent être de retour sur la Lune. Il en est question en 2026 pour fêter les 250 ans de l’indépendance des États-Unis.

Vue d’artiste d’un prochain retour de l’Amérique sur notre satellite naturel.

Crédit : NASA

Décollage du prototype SN15 du Starship pour un essai en vol

Crédit : SpaceX

Share This