Espace

Le JWST, un télescope révolutionnaire

Fleur OLAGNIER • fleur.olagnier@gmail.com

NASA GSFC/CIL/Adriana Manrique Gutierrez – vue d’artiste, David Higginbotham, Northrop Grumman 

Le télescope spatial James-Webb (JWST) doit être lancé dans l’espace le 18 décembre prochain, après de multiples reports. Développé par les agences spatiales américaine (Nasa), européenne (Esa) et canadienne (ASC), ce «grand frère» d’Hubble sera le plus grand télescope astronomique jamais lancé dans l’espace. Grâce à des technologies de pointe, il devrait permettre des avancées considérables dans la compréhension de la formation et de l’évolution des différentes structures de l’Univers, en particulier aux premiers âges après le Big Bang 

 

C’est un projet qui a démarré en 1989, alors que le télescope spatial Hubble n’avait même pas encore quitté le sol. Un atelier de travail, organisé au centre chargé des opérations d’Hubble et avec le soutien de la Nasa émet cette année-là l’idée de développer un télescope de 8 m de diamètre. Il serait destiné à une observation de pointe du spectre de la lumière dans le proche infrarouge, quand Hubble est conçu pour observer dans l’ultraviolet, le visible et l’infrarouge, mais avec une performance moindre. L’objectif de ce Next Generation Space Telescope (NGST) ? Étudier les corps célestes très peu lumineux et quasiment invisibles pour Hubble, afin de mieux comprendre les processus de formation des galaxies, des étoiles, des planètes et de la vie, en particulier dans la période dite des âges sombres. C’est cette phase d’inflation qui a engendré les premières grandes structures et objets célestes de l’Univers, seulement quelques centaines de millions d’années après le Big Bang il y a 13,8 milliards d’années. 

Trente ans plus tard

Un objectif ambitieux donc, qui a nécessité de nombreuses années de développement et de recherches de financements. En 1996, une étude de faisabilité évalue le coût du NGST à 500 millions de dollars. Les premiers travaux pour déterminer la structure du télescope sont menés à la fin des années 1990, et c’est également à cette époque que la Nasa décide de s’associer aux agences spatiales européenne (Esa) et canadienne (ASC). Au vu du temps estimé nécessaire à la fabrication des miroirs, le lancement du NGST est planifié au plus tôt pour 2008.

En 2002, le télescope est rebaptisé JWST pour James Webb Space Telescope, en référence au deuxième administrateur de la Nasa de 1961 à 1968, James Edwin Webb, qui a joué un rôle clé dans le développement du programme lunaire Apollo. Évalué à 3 milliards de dollars en 2005, le coût du super télescope est régulièrement revu à la hausse, tant et si bien que l’abandon du projet est envisagé en 2011 par le Congrès américain… Fort heureusement, il n’en fut rien, la Nasa étant simplement sommée de fournir régulièrement un calendrier d’avancement et un chiffrage détaillé du programme. Finalement, après des années d’incertitudes, de travail acharné et une dizaine de reports, le super télescope, dont le coût final frôle les 10 milliards de dollars, est programmé pour un décollage le 18 décembre prochain. 

Monumental

Le télescope à très grande ouverture (6,5 m), affiche des dimensions monumentales de 22 m par 12 pour un poids de 6,5 t. Ce mastodonte du ciel va effectuer ses observations dans la bande spectrale située entre 0,6 et 28 microns, qui correspond au rayonnement infrarouge. Pour que ses mesures ne soient pas perturbées par les émissions infrarouge du Soleil, de la Terre, de la Lune et de ses propres instruments, il sera maintenu à une température d’environ 40 kelvins, soit -233 °C, grâce à un bouclier thermique aussi grand qu’un court de tennis. Le JWST sera positionné au point de Lagrange L2 du système Soleil-Terre, à 1,5 million de kilomètres de la Terre, du côté opposé à notre étoile. Le Soleil, la Terre et la Lune seront donc constamment derrière le bouclier thermique, de sorte que le télescope et ses instruments soient bien protégés, dans le froid et dans le noir. De plus, compte-tenu de la taille et de la forme du «pare-soleil» géant, la zone du ciel observable à un instant donné par le télescope sera d’environ 40% de la voûte céleste, contre 80% pour Hubble. L’observation de l’ensemble du ciel sera toutefois bel et bien possible au cours de l’année, sur une période de 100 jours minimum.

 
L’observatoire spatial se compose d’une partie optique dont le miroir primaire de 6,5 m, et de 4 instruments: la caméra NIRCam, le spectrographe NIRSpec (Near InfraRed Spectrograph) et les spectro-imageurs MIRI (Mid-Infrared Instrument) et NIRISS (Near Infrared Imager and Slitless Spectrograph).

Après son lancement depuis le centre spatial de Kourou (Guyane française), «plié» dans la coiffe d’une fusée Ariane 5, le JWST entrera dans une phase de déploiement, mise en position, étalonnages et tests d’environ 6 mois avant de fournir ses premières images au printemps 2022. Le super télescope possède une durée de vie nominale de 5,5 ans, mais doit emporter suffisamment de carburant pour se maintenir sur son orbite pendant au moins 10 années. En raison de son éloignement et contrairement à Hubble, le James Webb Space Telescope ne pourra à aucun moment subir de réparations, ce qui implique que sa durée de vie est en fin de compte conditionnée par la robustesse de ses composants électroniques et mécaniques.

Bond en avant grâce à un travail d’équipe

Une fois opérationnel, le super télescope surpassera, d’un facteur 10 à 100, tous les observatoires terrestres fonctionnant actuellement dans l’infrarouge. Le JWST représente ainsi un véritable bond en avant pour l’astronomie, et devrait mener à des découvertes dans toutes les sous-disciplines de l’astrophysique. Pour la toute première fois, l’observatoire spatial va en effet nous permettre de «voir» les premiers objets de l’Univers, seulement une centaine de millions d’années après leur formation. L’un des objectifs scientifiques du super télescope concerne notamment l’origine des galaxies. Le JWST doit permettre aux astrophysiciens de confirmer l’hypothèse selon laquelle toutes les galaxies géantes ont subi au moins une fusion majeure avec une autre galaxie, quand l’Univers était âgé d’environ 6 milliards d’années. Les scientifiques cherchent ainsi à comprendre en détail les processus qui ont donné aux galaxies spirales (comme la nôtre, la Voie Lactée), elliptiques ou irrégulières leur forme actuelle.

Le James Webb Space Telescope devrait aussi permettre de mieux comprendre ce qui déclenche la formation des étoiles au sein d’une galaxie: processus intrinsèque ou interaction avec d’autres galaxies ? Pour l’instant, le mystère reste entier. En outre, le télescope sera capable d’observer la naissance des étoiles et des systèmes protoplanétaires avec une précision inégalée, et d’étudier en détail l’atmosphère des exoplanètes afin d’y évaluer la présence de vie potentielle.

Le JWST couvrira environ 40% de la voûte céleste et l’observation de l’ensemble du ciel sera possible sur une période de 100 jours (minimum)

 
Dans cette quête de savoir ambitieuse, chacun des instruments aura son rôle à jouer. La caméra NIRCam aura pour mission de détecter les premières étoiles apparues après le Big Bang. Elle étudiera la formation des galaxies très lointaines, la population stellaire dans les galaxies proches, les étoiles jeunes dans la Voie lactée et les objets de la ceinture de Kuiper de Système solaire. La caméra mesurera également la distorsion de la lumière due à la matière noire, et recherchera les supernovae dans les galaxies lointaines. De son côté, le spectromètre NIRSpec est optimisé pour l’observation des galaxies très éloignées et peu lumineuses. Il a notamment pour objectifs d’étudier la formation des étoiles et l’abondance des éléments chimiques dans les jeunes galaxies lointaines, ainsi que la distribution des masses des éléments chimiques dans les amas d’étoiles jeunes. Par ailleurs, le spectro-imageur MIRI doit permettre de rechercher les premiers objets lumineux et d’observer la formation des premières galaxies dans l’Univers, les naines brunes et les planètes géantes. Il s’intéressera à la formation des étoiles et des systèmes proto-planétaires, à l’évolution des systèmes planétaires, à la taille des objets de la Ceinture de Kuiper, aux comètes faiblement lumineuses et à l’évolution des supernovae (en particulier SN 1987A).

Pour terminer, on mentionnera que le JWST doit quitter la Terre à bord d’une fusée Ariane 5, mais qu’aucune fusée Ariane n’a été tirée depuis août 2020… En effet, lors de lancements en février et en août de l’année dernière, des vibrations ont été enregistrées au-dessus des limites admises. Une anomalie sans incidence, mais examinée de près par Arianespace. «Une fois que le premier lancement de 2021 sera effectué, il faudra compter un délai de 4 mois pour le JWST», précisait le 11 mai dernier Greg Robinson, responsable de ce programme à la Nasa. La date annoncée du lancement le 18 décembre ne devrait plus changer. 


Espace

Mais encore…

Théo PIRARD • theopirard@yahoo.fr

 
Arthur-1
, 1er satellite privé de Belgique

Sa mise sur orbite le 30 juin au moyen d’un lanceur Falcon 9 de SpaceX – lors d’un vol groupé organisé par Spaceflight Inc. – est passée inaperçue. Ce micro-satellite de 20 kg «made in Belgium», qui est destiné à tester les technologies d’un imageur spatial, est le premier réalisé par la jeune Pme Aerospacelab de Mont-Saint-Guibert. Sous la houlette du brillant ingénieur Benoît Deper, une équipe s’est spécialisée dans le développement d’intelligence artificielle pour la télédétection depuis l’espace. C’est déjà une belle référence en Europe. Arthur-1 n’est qu’un modeste début, car Aerospacelab ne manque pas d’ambitions: elle se prépare à déployer 2 constellations faites de petits satellites (de 100 à 150 kg) qui complèteront avec à-propos les observations des Sentinel-2 du système européen Copernicus pour le suivi permanent de l’environnement.

Derniers préparatifs du microsatellite Arthur-1
(Photo: Aerospacelab)

L’équipe qui a participé à Arthur-1 : ce n’est qu’un début ! (Photo: Aerospacelab)

 
L’espace à la mode des milliardaires

Décidément, on peut tout se permettre une fois qu’on a l’argent. Y compris se payer un bond suborbital à la lisière du monde spatial ou un vol dans une capsule autour de la Terre. En juillet, à près de 10 jours d’intervalle, 2 personnalités fortunées se sont lancées dans l’odyssée de l’espace pour démontrer la fiabilité de systèmes habitables dont ils ont financé le développement. Le 11 juillet, Richard Branson, patron du Groupe Virgin, faisait partie d’un équipage (6 personnes) de l’avion-fusée SpaceShipTwo «Unity» qui a volé jusqu’à 86 km d’altitude. Neuf jours plus tard, Jeff Bezos, fondateur d’Amazon et initiateur de Blue Origin, a emmené avec lui 3 passagers jusqu’à 106,8 km à bord de sa fusée réutilisable New Shepard (16e lancement). En dépit de ces succès dits «historiques», les vols touristiques commerciaux ne sont pas prévus avant 2022. La frontière de l’espace, qui donne le nom d’astronaute à toute personne qui la franchit avec succès, est loin d’être claire: 80 km pour les instances américaines, 100 km pour la Fédération internationale d’astronautique

Voir la Terre à plus de 100 km d’altitude avec Jeff Bezos dans sa fusée New Shepard.
(Photo: Blue Origin)

À bord du SpaceShipTwo de Virgin Galactic, avec Sir Branson en impesanteur.
(Photo: Virgin Galactic)

 
Un trio en train de rouler sur la Planète Rouge

Le paysage martien nous est révélé par 3 rovers électriques (6 roues motrices) qui évoluent en différents endroits de la surface:

• Curiosity (899 kg), déposé sur Mars le 6 août 2012, est toujours opérationnel avec plus de 26 km à son actif. La Nasa compte bien le maintenir en activité dans le milieu martien jusqu’à ses 10 ans.

• Perseverance (1 025 kg), arrivé à destination le 18 février 2021, a parcouru 1,65 km sur Mars. Et ce n’est qu’un début. Originalité: il fait régulièrement voler le «nano-coptère» Ingenuity (1,8 kg) avec des bonds de plus en plus conséquents.

• Le petit Zhurong (280 kg) de la mission Tianwen-1, la première de la Chine sur Mars, y évolue depuis le 22 mai 2021. Tout en transmettant des clichés de grande qualité, il a parcouru plus d’1 km. Il démontre le degré de grande maturité qu’ont atteint les Chinois dans l’exploration spatiale.

Vue d’artiste de Perseverance avec le minuscule Ingenuity

Vue comparative de rovers qui évoluent sur Mars pour préparer l’arrivée d’un Terrien

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