Qui est-ce?

Mildred Esther MATHIAS

Jacqueline Remits • jacqueline.remits@skynet.be

©UCLA

 
Je suis…

Née à Sappington dans le Missouri, fille d’un professeur de physique et d’une mère au foyer. Quand mon père est muté à l’est de l’État, notre famille déménage. Je me rêve mathématicienne. Mais dans les années 20, faire des études de maths en plein Midwest n’est pas évident pour une fille. L’université refuse d’ailleurs aux femmes l’accès aux cours de maths comme discipline majeure de leur diplôme. J’aime aussi les plantes et la nature. Ce sera donc la botanique, une matière qu’on autorise aux femmes. Les fleurs et les plantes étant sans doute associées à la féminité… À l’époque, en tout cas. À l’automne 1923, j’entre à l’université Washington de Saint-Louis. J’en sors diplômée en 1927. Pour ma thèse de doctorat, je réalise une monographie taxonomique sur les Cymopterus, les ombellifères, une vaste famille qui comprend aussi bien le fenouil et le persil que les carottes. Mes recherches me permettent de détailler ces espèces encore mal connues. Avec 2 collègues, je parcours l’ouest des États-Unis pour étudier différents types d’ombellifères. Je décroche mon doctorat 2 ans plus tard. En 1930, fraîchement mariée à Gerald Hassler, un docteur en physique à Philadelphie, je mène des recherches supérieures au Missouri Botanical Garden. Un peu plus tard et durant 4 ans (1932-1936), je suis chercheure associée au New York Botanical Garden. Je mène également des recherches de manière indépendante, sans gagner d’argent. En 1939, je collabore avec le Dr Lincoln Constance, de l’université de Californie à Berkeley, pour des études sur la carotte. En 1944, nous nous installons en famille dans le sud de la Californie. À l’automne 1947, j’accepte un poste de botaniste à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), sous la supervision du professeur Carl Epling. Tout en m’occupant de mes enfants, je répertorie les cactus et autres arbustes de la région menacés par l’urbanisation de la Cité des Anges. Afin de me permettre d’enseigner la taxonomie végétale, je suis promue conférencière. Quatre ans plus tard, je suis nommée professeure adjointe au Département de botanique, un poste rare pour une femme à cette époque. En 1958, j’effectue un premier voyage hors des États-Unis, en Basse-Californie, au Mexique, avec un étudiant en botanique de l’UCLA, Peter Raven. En parallèle, je travaille avec des horticulteurs pour présenter aux pépiniéristes et aux jardiniers, différentes plantes subtropicales intéressantes botaniquement et non conventionnelles qui prospèrent dans les régions côtières et désertiques du sud de la Californie. Je suis aussi nommée directrice du jardin botanique de l’UCLA, jusqu’à ma retraite en 1974. Je collabore passionnément avec les organisations horticoles de Californie et d’un peu partout dans le monde, ce qui permet de former de nombreux paysagistes et jardiniers amateurs.

 
À cette époque…

En 1932, quand je deviens chercheure associée au New York Botanical Center, Franklin D. Roosevelt succède à Herbert Hoover et devient le 32e président des États-Unis. Il sera le seul président à être élu pour 4 mandats (1933-1945), bien qu’il soit décédé lors du dernier. En 1951, un amendement entre en vigueur autorisant maximum 2 mandats. En 1954, la guerre d’Indochine est enfin terminée, le premier vol du prototype du Boeing 707 est inauguré et Ernest Hemingway reçoit le prix Nobel de littérature. En 1974, année de mon premier voyage à l’étranger en tant que professeure à la retraite, Duke Ellington, l’un des plus grands jazzmen, s’éteint à 75 ans. Suite au scandale du Watergate, le président américain Richard Nixon démissionne, tandis que l’avortement n’est plus illégal en France.

J’ai découvert…

Plus de 100 nouvelles espèces de plantes. En 1954, mon nom est donné à une ombellifère du nord-est du Mexique, la Mathiasella. Entre 1959 et 1964, je rejoins Dermot Taylor, président de pharmacologie à l’UCLA, afin de collecter et d’identifier des plantes de forêts tropicales pour de nouveaux médicaments. Convaincue que la flore sauve la planète, mais aussi l’être humain, j’arpente les forêts tropicales de l’Amazonie et de l’Afrique de l’Est. J’effectue des expéditions au Pérou et en Équateur, au Tanganyika et à Zanzibar. Je pars à la rencontre des guérisseurs ou chamanes qui m’en apprennent un peu plus sur les plantes médicinales. J’en deviens experte. Le domaine de l’ethnopharmacologie n’en est encore qu’à ses débuts. Mes études et expéditions contribuent fortement à ma reconnaissance mondiale. En 1964, je deviens la première femme présidente de l’American Society of Plant Taxonomists. Jusqu’en 1981, avec Lincoln Constance, nous publions ensemble plus de 60 articles scientifiques sur les ombellifères du Nouveau Monde. On y trouve la description des espèces que j’ai découvertes, des centaines de combinaisons possibles et de plusieurs genres jusque-là inédits. 

Saviez-vous
que…

Lors de ses recherches, Mildred Mathias s’est prise d’affection pour les endroits qu’elle visitait et s’est dès lors engagée dans la protection de la nature. En 1957, elle a aidé à la création du parc d’État Rancho Las Tunas à San Gabriel. Elle a également utilisé son influence pour sauver des chênes historiques et a assumé la direction de l’organisation de protection environnementale The Nature Conservancy au sud de la Californie. Ses engagements lui ont valu de recevoir plusieurs prix.

Au début des années 60, en compagnie d’autres professeurs, elle a travaillé à établir le système national de réserves naturelles de terre et d’eau de l’université de Californie. Ensemble, ils ont tenté de créer un modèle national de conservation des écosystèmes naturels. Elle s’engage personnellement en incitant les gens à effectuer des randonnées dans des zones naturelles. Les débuts de l’écotourisme. En 1963, Mildred Mathias a ouvertement critiqué la destruction des forêts tropicales où «de nombreux médicaments prometteurs issus de plantes sont perdus à jamais».

Quand elle a pris sa retraite en 1973, l’UCLA Extension l’a  persuadée de mener un voyage d’histoire naturelle au Costa Rica, pays pour lequel elle s’est prise de passion. Elle est devenue par la suite guide touristique pour
sensibiliser les visiteurs aux  questions écologiques. Chaque année, elle y est revenue, ainsi qu’en Amazonie péruvienne, pour immerger ces touristes dans la
culture autochtone et les divers aspects de la biologie tropicale.

Plusieurs fois par an, elle a ainsi guidé des groupes dans la forêt vierge et enseigné les richesses de la nature jusqu’à l’âge de 88 ans. Si ce petit pays d’Amérique centrale est devenu un pionnier en termes d’écologie, de conservation des espèces et d’écotourisme, il le doit beaucoup à la botaniste. Ces circuits sont désormais une source majeure d’attraction étrangère dans le pays. La botaniste aura dirigé 53 groupes d’un total d’un millier de participants dans des espaces naturels, des jardins et des musées de plus de 30 pays. 

Sa carrière et ses engagements lui ont valu de recevoir le prix du mérite de la Botanical Society of America en 1973, et d’en avoir été élue présidente en 1984.

Mildred Esther Mathias meurt le 16 février 1995 d’un accident vasculaire cérébral à 89 ans alors qu’elle s’occupait de ses plantes dans sa maison. Elle laisse derrière elle un héritage remarquable: d’une part ses études, d’autre part la prise de conscience de l’importance de l’écologie qu’elle a insufflée chez tant de personnes.

Le très beau jardin botanique de l’UCLA porte désormais le nom de Mildred E. Mathias.

 

 

Carte d’identité

Naissance 

19 septembre 1906, Sappington (Missouri, États-Unis)

Décès

16 février 1995, Los Angeles (Californie, États-Unis)

Nationalité

Américaine

Situation familiale 

Mariée, 4 enfants


Diplôme 

Botanique à l’université Washington (Saint-Louis)

Champs de recherche 

Ombellifères

Distinctions 

Prix du mérite de la Botanical Society of America (1973); botaniste économique distinguée par la Society of Economic Botany (1993)

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