De la neige au Sahara ?

Géraldine TRAN – Rédac’chef

©BELGAIMAGE

Si l’on n’avait pas vu les sapins illuminés par les fenêtres, si la nuit ne tombait pas à l’heure du goûter, on pourrait croire que l’hiver a oublié d’arriver. Aucun flocon à l’horizon en dessous de 700 m… Pourtant, on est en plein dedans et il a pour chacun ses propres saveurs. En tous cas, et comme vous pourrez le découvrir dans la rubrique «Technologies», il amène son lot d’innovations et d’ingéniosité. De l’ingéniosité, il en faut, notamment pour amener de la neige où il n’y en a pas. À Pékin par exemple. Vous voyez où je veux en venir ? Et oui, aux JO qui se tiennent en Chine au moment où j’écris ces lignes. Car les JO, ce sont bien plus qu’une compétition sportive. C’est un événement politique, social et surtout, économique. Toutes raisons qui font que des JO d’hiver peuvent contre toute logique s’organiser dans un pays où il n’y a pas de neige… C’est d’ailleurs une première dans l’histoire des JO d’hiver. Qu’à cela ne tienne, les Chinois ont créé des pistes de neige 100% artificielle pour les épreuves outdoor qui se déroulent à Zangjiakou et Yanking. Comment ? Rien de plus simple: grâce à des canons à neige… oui mais faut-il encore qu’il y ait de l’eau et de l’électricité en suffisance ! Or, ce sont 2 éléments rares dans cette région désertique et aride, qui ne compte que sur 300 m³ d’eau par an et par habitant, soit moins du tiers de l’approvisionnement recommandé par l’ONU. Il a donc fallu l’acheminer… nous parlons de l’équivalent d’environ 800 piscines olympiques tout de même. Puis, pour faire fonctionner ces canons, il faut d’énormes générateurs électriques. Avant cela, il a fallu «préparer le terrain», c’est-à-dire abattre des milliers d’arbres sur plus de 1 000 ha, construire des routes, des hôtels, des infrastructures sportives… Et bien que le CIO ait déclaré que ces jeux seraient les plus «verts» de l’histoire (rapport de durabilité de 130 pages à l’appui), le coût écologique ne peut être que colossal. Quel est l’impact environnemental de ces jeux sur cette région, qui a déjà bien des difficultés à «nourrir» ses habitants ? Quelles conséquences sur la biodiversité, la géologie ? À l’heure de l’urgence climatique, quand il n’y aura bientôt plus de villes naturellement et suffisamment enneigées pour accueillir cet événement planétaire qui coûte et rapporte des milliards en même temps, que faire ? Accepter l’idée que la neige artificielle est LA solution en dépit des dommages collatéraux ? Cela augmenterait considérablement le nombre de candidatures, c’est certain. Supprimer la version hiver car d’hiver il n’y a plus ? Je ne parle même pas des aspects éthiques et politiques dans le choix des pays, c’est un autre débat. Ces JO de Pékin 2022 auront au moins eu le mérite de soulever des questions, auxquelles le CIO et les instances mondiales devront répondre, peut-être plus tôt qu’on ne le croit… 

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