Dossier

La sexualité des ados

©Jacob Lund – stock.adobe.com, ©Jan H. Andersen – stock.adobe.com, ©SB Arts Media – stock.adobe.com, ©motortion – stock.adobe.com

Même si, dans nos pays, on attribue communément à Mai 68 le mérite d’avoir libéré la sexualité de vieux carcans moraux, les adolescents restent confrontés, aujourd’hui encore, à de nombreuses interrogations la concernant. Sa découverte demeure anxiogène, d’autant qu’elle s’inscrit dans le cadre plus global d’un processus développemental psycho-affectif

 

S’appuyant notamment sur les résultats de ses recherches et de sa clinique, Fabienne Glowacz, professeure à la faculté de psychologie de l’Université de Liège, psychologue clinicienne, psychothérapeute et experte judiciaire, estime que les jeunes souffrent d’un manque d’accompagnement, de l’absence d’un véritable espace de dialogue, dans l’éducation à la sexualité. Cette réalité n’est pas neuve, bien sûr, les générations antérieures l’ont expérimentée également. Mais la carence semble plus problématique de nos jours, dans une société empreinte d’une hypersexualisation alimentée par la publicité, les médias, la pornographie, les réseaux sociaux, les révélations incessantes d’affaires de harcèlement, de viol, de pédophilie ou encore leur dénonciation organisée par des mouvements comme #Me Too. «Les adolescents baignent dans un climat où une sexualité déviante, agressante ou « malsaine » occupe presque toute la place, souligne Fabienne Glowacz. Ils doivent se construire sans se voir proposer de repères, sans que presque aucun accent ne soit mis sur la notion de sexualité positive, de santé sexuelle.»

Dans de nombreuses familles, parler de sexualité reste difficile. Souvent, les parents ne disposent pas des «bons codes» ou éprouvent un malaise à le faire, tandis que les enfants veulent préserver leur intimité et renâclent à aborder les questions qui les taraudent. Fréquemment, l’éducation sexuelle ne porte que sur la contraception et la protection contre les maladies sexuellement transmissibles. Certes, en Fédération Wallonie-Bruxelles, le programme EVRAS (Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle) a été implanté dans les écoles. Promu notamment par l’OMS et l’UNESCO, il a pour but d’accompagner les enfants et les adolescents dans le développement de leur vie relationnelle, affective et sexuelle afin de les aider à devenir des adultes épanouis. «C’est une initiative très intéressante, mais qui pèse d’un poids tout relatif si l’on se réfère au travail en profondeur qui devrait être mis en œuvre pour répondre aux enjeux auxquels les jeunes sont confrontés dans leur développement psycho-affectif et sexuel. Pensons par exemple à la question du consentement de l’autre et à celle de l’agentivité sexuelle, le fait de se sentir acteur de sa propre sexualité», indique la professeure Glowacz.

Plus de diversité

L’âge du premier rapport sexuel a-t-il évolué récemment ? Les recherches sur la question sont relativement difficiles à mener car elles impliquent de solliciter des témoignages ou de recueillir des réponses à des questionnaires, ce qui, vu l’âge des populations concernées, nécessite d’importantes précautions éthiques. Par ailleurs, qu’entend-on par premier rapport sexuel ? Les recherches se focalisent sur la pénétration vaginale, mais l’on pourrait convenir que la pénétration anale, la fellation ou le cunnilingus, par exemple, doivent être pris en considération. Contrairement à l’idée communément admise dans la population générale, on n’assiste pas à un abaissement significatif de l’âge des premières relations (pénétration vaginale). «Nous avons mené une étude en Fédération Wallonie-Bruxelles en 2009, puis une autre en 2019, rapporte la professeure Glowacz. Les chiffres sont très semblables. L’âge du premier rapport sexuel se situait dans les 2 cas aux alentours de 17 ans.» Elle souligne cependant une évolution en cours: les filles, qui avaient tendance à avoir leur première relation sexuelle un peu plus tardivement que les garçons, seraient en passe de les rejoindre. Sans doute faut-il y voir l’impact d’une autre évolution, celle du statut de la femme et de la manière dont elle gère désormais sa sexualité.

Une enquête publiée par l’Institut français d’opinion publique (Ifop) en octobre 2013 fournit des données complémentaires. Ainsi, elle nous apprend qu’en France, à l’époque, près de 80% des 15-17 ans avaient expérimenté le baiser et qu’à l’adolescence, 80% des garçons et 50% des filles pratiquaient la masturbation. Quant à la pénétration vaginale, 1/3 des 15-17 ans et 2/3 des 18-19 ans s’y adonnaient. Toujours selon l’enquête Ifop, l’âge du premier rapport sexuel était en moyenne de 17,3 ans dans l’Hexagone, en recul par rapport aux années 1990. Autres données: les positions sexuelles les plus prisées par les 18-24 ans. Le missionnaire venait en tête avec 87% devant la levrette avec 78% et l’Andromaque avec 74%. Pour leur part, la fellation ou le cunnilingus auraient déjà été pratiqués par 70% des 15-17 ans, l’éjaculation faciale par 22% d’entre eux et la pénétration anale par 18% (24% des garçons et 18% des filles).

Selon une enquête britannique de 2017 portant sur un vaste échantillon, les pratiques sexuelles des jeunes seraient plus diversifiées qu’à l’aube de l’an 2000. Le «classicisme» d’alors – le mode de sexualité présumé des parents – serait battu en brèche par une banalisation de certaines pratiques, dont en particulier le sexe oral et le sexe anal. «Il y a une libération par rapport au fait de parler de ces pratiques, de les envisager, de les rendre moins taboues, dit Fabienne Glowacz. Il faut néanmoins opérer la distinction entre ce qui relève de la représentation et ce qui est réellement mis en œuvre

La sexualité précoce, c’est-à-dire avant l’âge de 15 ans, n’est pas plus fréquente aujourd’hui qu’au cours des dernières décennies. C’est un bien dans la mesure où elle est associée à un risque accru de comportements problématiques, tels des actes de délinquance ou la consommation de substances. Elle s’inscrit dans ce que l’on pourrait qualifier d’économie globale du fonctionnement de l’adolescent et s’explique fréquemment par des vécus traumatiques durant l’enfance ou la préadolescence – agressions sexuelles, maltraitances physiques… «Ces traumas tendent à orienter le sujet vers une sexualité précoce ou, en tout cas, vers une absence d’autoprotection face à des sollicitations», fait remarquer notre interlocutrice, laquelle ajoute qu’il faut également tenir compte d’un autre élément: la précocité de la maturation pubertaire. «Feu le docteur Jean-Pierre Bourguignon, du service d’endocrinologie pédiatrique et de médecine de l’adolescent au CHU de Liège, a mis en évidence que le timing pubertaire, mais aussi le timing pubertaire perçu, c’est-à-dire la façon dont on se perçoit par rapport aux autres au niveau de sa transformation physique et psychique, a un impact sur l’âge du premier rapport sexuel», précise-t-elle.

 

En proie au doute

Même si elle prête moins le flanc aux tabous que par le passé. la découverte de la sexualité demeure très anxiogène en raison des transformations corporelles et psychiques avec lesquelles l’adolescent est aux prises au cours de sa maturation pubertaire ainsi qu’en raison de la modification de son rapport à l’autre sexe. Les questions affluent dans son esprit. Aux yeux de Fabienne Glowacz, le climat qui règne dans notre société autour de la sexualité (affaires de pédophilie, de harcèlement, de viol, etc.) n’est pas de nature à sécuriser les jeunes dans leur apprentissage. Et d’insister à nouveau sur la nécessité d’un espace de discussion où les adolescents pourraient échanger avec des adultes de référence dans le cadre d’une éducation à la vie sexuelle et affective.

De surcroît, toujours plus d’adolescents sont en proie au doute par rapport à leur identité sexuelle et en nourrissent une anxiété. «Nous vivons une période inédite où des jeunes de 14-15 ans se posent des questions par rapport à ce qu’ils sont et en viennent régulièrement à se définir comme bisexuels ou non-binaires (1)», relate la professeur Glowacz. Notre époque est le théâtre d’une reconnaissance des minorités sexuelles, les LGBTQ+ (2), et de la bisexualité. Ces avancées majeures contre les stigmatisations éveillent toutefois, chez certains jeunes, de nombreuses interrogations quant à leur orientation sexuelle. Ces questions, qui n’auraient pas pu être énoncées ou débattues par le passé, sont souvent associées à une intense souffrance. La levée des tabous, l’élargissement des normes et des représentations conduisent une frange des adolescents rongés par le doute à s’autoproclamer plus facilement bisexuels ou non-binaires quand bien même ne le seraient-ils pas fondamentalement. «Les jeunes sont actuellement confrontés à un monde où tout est possible et cela complexifie le travail psychique, identitaire qui s’effectue pendant l’adolescence», indique Fabienne Glowacz.

À l’instar des adultes, les adolescents ne sont évidemment pas à l’abri de troubles sexuels. En la matière, ils n’ont pas réinventé le monde puisque le profil de ces désordres apparaît comme un assez fidèle décalque des difficultés rencontrées chez leurs aînés. Publiée en 2016, une vaste enquête britannique entreprise auprès de 2 392 volontaires âgés de 16 à 21 ans dévoile des problèmes sexuels récurrents chez 10% des jeunes hommes et 12,5% des jeunes femmes ne vivant pas encore en couple. Chez les garçons, la difficulté d’accéder à l’érection ou de la prolonger et l’éjaculation précoce constituaient les troubles les plus fréquemment rapportés; ils suscitaient de la détresse respectivement chez 42% et 34% des sujets concernés. Les impératifs de performance que l’adolescent s’assigne et la peur de ne pas les atteindre sont généralement à l’origine des problèmes érectiles rencontrés. Quant à l’éjaculation prématurée, elle «est quasi physiologique à cet âge, mais vécue comme douloureuse et dévalorisante», ainsi que le déclarait en 2019, au magazine Le Cercle Psy, Philippe Duverger, chef du service de pédopsychiatrie du CHU de Nantes. Chez les filles, les principales plaintes enregistrées par l’enquête britannique avaient trait en premier lieu à la difficulté d’atteindre l’orgasme et ensuite à la sécheresse vaginale, 2 problèmes qui entraînaient une souffrance chez respectivement 30% et 9% des adolescentes qui y étaient confrontées. D’après le pédopsychiatre français ces désordres pourraient refléter une problématique dépressive ou, plus prosaïquement, un «sentiment d’insuffisance par rapport à des normes sexuelles exagérées médiatiquement».

Les cliniciens évoquent encore d’autres plaintes assez fréquentes. Chez les filles, notamment des troubles du désir, des douleurs durant la pénétration ou encore le vaginisme, contraction réflexe des muscles du plancher pelvien qui tend à faire obstacle à toute pénétration vaginale. Chez les garçons, entre autres l’idée d’être doté d’un pénis trop petit, voire d’un micropénis. Ce qui influe sur la représentation que le jeune se forge de sa virilité et, partant, de sa capacité à prendre ou donner du plaisir avec son phallus.

  

 

Viol de l’image

À côté de la pornographie sur Internet, le téléphone portable et les réseaux sociaux ont modifié l’approche de la sexualité chez les adolescents. À l’ULiège, Fabienne Glowacz et Margot Goblet se sont penchées (3) sur le sexting qui, rappellent les 2 chercheuses, consiste en «l’envoi de photos, de vidéos et de messages à « contenu sexuel explicite de soi » par l’intermédiaire d’un téléphone portable ou des réseaux sociaux». Le phénomène est loin d’être marginal puisqu’une méta-analyse réalisée en 2018 sous la conduite de Sheri Madigan, de l’Université de Calgary au Canada, dévoile que 14,8% des jeunes âgés de 12 à 17 ans ont déjà envoyé un «sexto», que 27,4% en ont déjà reçu au moins un et que garçons et filles seraient logés à la même enseigne. «Plus de 60% des sextos s’inscrivent dans le cadre d’une relation amoureuse, précise la professeure Glowacz. Ils peuvent alors être utilisés pour faciliter le début d’une relation avec un partenaire potentiel, exprimer l’intérêt sentimental ou sexuel et/ou une forme de consentement pour l’initiation d’une relation sexuelle.» Sous cette perspective, les psychologues appréhendent le sexting comme un processus de construction identitaire à travers le regard de l’autre, sous-tendu par les opportunités offertes par l’univers virtuel d’Internet et des réseaux sociaux.

Voilà pour le versant positif, celui des stratégies de séduction, de l’engagement dans une relation ou du prélude à une sexualité «incarnée», c’est-à-dire se concrétisant dans le réel. «Cependant, disent Fabienne Glowacz et Margot Goblet, les filles sont également nombreuses (78%) à considérer la pratique du sexting comme la conséquence de pressions exercées par le partenaire. En revanche, très peu de garçons la perçoivent comme telle.» Le danger majeur est toutefois la diffusion non consentie, sur la Toile ou les réseaux sociaux, d’images intimes (photos, sextapes) initialement réservées à un destinataire unique ou la «sextorsion», chantage relatif à une telle diffusion.

«Ces partages et diffusions non consentis sont source de rejet, d’humiliation ou de harcèlement de la victime, laquelle se voit par ailleurs fréquemment attribuer la responsabilité d’avoir initialement produit les contenus incriminés», explique Fabienne Glowacz. Cette situation, cette perte de contrôle de sa propre image, est de nature à générer un traumatisme majeur doublé d’un sentiment de honte. On pourrait parler d’un viol de son image, d’autant qu’à l’adolescence, l’élément le plus central est le regard des autres.

Selon les travaux de l’équipe de la professeure Glowacz, 17,1% des jeunes interrogés (18,8% des filles et 14,9% des garçons) ont connu une ou plusieurs cyberviolences sexuelles ou sexistes sous la forme de la diffusion non consentie de messages ou d’images à caractère sexuel, de menaces d’y procéder ou de messages insultants ou rumeurs à caractère sexuel.

La plupart des adolescents sont conscients des risques encourus en envoyant des sextos. Sur le plan de la prévention, ils évoquent diverses pistes dont l’évitement, le contrôle de soi mais aussi la répression pénale et des solutions allant quelquefois jusqu’à des réponses répressives extrêmes, telle l’élimination physique pure et simple. Cette dernière proposition, sans doute sous-tendue par un manque de maturité, souligne à nouveau les énormes carences de l’éducation sexuelle et affective donnée à ces jeunes.

D’autres types de violence se manifestent en outre au sein des relations amoureuses chez les adolescents. Et l’on note chez certains d’entre eux, comme chez certains de leurs aînés, des préjugés de genre et du sexisme.

 
Adolescence sous X

Omniprésente sur Internet, gratuite, aisément accessible, la pornographie est devenue, ipso facto, une des voies de découverte de la sexualité par les adolescents. En un sens, elle comble un vide, pour le meilleur et pour le pire. Une vaste étude menée en 2019 au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles par l’équipe de Fabienne Glowacz montre qu’environ la moitié des jeunes de moins de 18 ans (33% des filles et 78% des garçons) a déjà été exposée à du matériel pornographique, tantôt «par accident», tantôt intentionnellement. La proactivité est manifestement du côté des garçons puisqu’ils sont nombreux à déclarer qu’ils ont consulté volontairement des sites pornos, tandis que 16% des filles seulement disent avoir initié spontanément une recherche. Pourrait-il s’agir de réponses dictées par la désirabilité sociale, chacun et chacune étant censé endosser le rôle qu’on lui reconnaît habituellement ? «Différents éléments nous confortent dans l’idée que ces données sont fiables», insiste la professeure Glowacz. Beaucoup de ceux et celles qui se rendent intentionnellement sur des sites pornographiques expliquent qu’ils vont y puiser de l’information. Selon des données françaises, environ 50% des adolescents considèrent que les scènes X visionnées sur Internet ont contribué à leur apprentissage de la sexualité. Sous cet angle, la pornographie apparaît dorénavant comme un des vecteurs majeurs de l’éducation sexuelle. «Dans ce contexte, les adolescents sont guidés soit par un besoin de réassurance par rapport à leur propre corps, soit par le souci de visualiser comment mener à bien une relation sexuelle», commente Fabienne Glowacz, qui précise par ailleurs que l’âge de 15-16 ans est celui d’un pic de consommation de pornographie chez les adolescents.

Le climat qui règne dans notre société autour de la sexualité (affaires de
pédophilie, de harcèlement, de viol, etc.) n’est pas de nature à sécuriser les
jeunes dans leur apprentissage. D’où la nécessité d’un espace de discussion où les adolescents pourraient échanger avec des adultes de référence

Un effet délétère de la pornographie est de faire naître chez nombre de garçons le sentiment d’une obligation de performance peu réaliste fondée sur un comparatif biaisé, les acteurs recourant à divers moyens médicamenteux et autres pour «tenir la distance» et les scènes de pénétration étant généralement le fruit d’un tournage morcelé à la faveur de changements d’angle de prise de vues. En outre, les adolescents sont attentifs à leur corps en transformation. Certains garçons peuvent nourrir des inquiétudes par rapport à leur pénis, dont le développement est quelquefois tardif et dont la taille et le diamètre s’avèrent dès lors très inférieurs à ceux des acteurs X. De même, les jeunes filles peuvent parfois être complexées par une poitrine peu opulente. 

 

Stop ou encore ?

Certains praticiens dénoncent l’exposition des mineurs à des films X, d’autres dédramatisent le phénomène. Selon la psychologue de l’ULiège, il ne faut pas diaboliser la consommation pornographique, mais il convient d’être conscient des dangers potentiels qu’elle recèle. L’un d’eux réside dans des représentations stéréotypées ou sexistes faisant en particulier l’apologie d’une objectification de la femme. Le sociologue Florian Voros, de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (Paris), soutient cependant que la pornographie «n’a pas le pouvoir magique d’implanter des préjugés sexistes», mais que de multiples autres sources contribuent à les alimenter – le cinéma, la télévision, la publicité, la famille, les amis… Fabienne Glowacz souligne en outre à travers ses travaux que les adolescents ont une conscience assez forte du fait que le X n’est pas le juste reflet de la réalité. «Néanmoins, dit-elle, tous les jeunes ne sont pas égaux devant la pornographie. Ceux qui ont des fragilités préalables au niveau psychologique, social, affectif ou autre risquent de ne pas avoir le jugement critique requis. D’autre part, plus cette « consommation » est fréquente et prend de la place dans le quotidien de ces jeunes, avec une évolution au niveau des contenus (plus agressifs), plus le risque d’adopter des comportements inadéquats sur le plan sexuel est grand.»

Moins le jeune dispose d’«outils» lui permettant d’affronter et de comprendre les contenus sexuels explicites qui lui sont présentés, d’y réagir et de les «métaboliser», plus il est en danger d’être envahi par une excitation débordante et anxiogène pouvant l’inciter à reproduire ce qu’il a vu, et ce, en recourant éventuellement à la coercition à l’égard d’un tiers. De surcroît, la consommation d’images pornographiques dérive chez certains vers une forme de fascination ou d’addiction ainsi que vers la recherche de contenus de plus en plus hard dont la tonalité déviante est celle d’un trouble paraphilique tel le sadomasochisme. «Le danger d’une consommation pornographique intense et fréquente est qu’elle devienne le seul repère autour duquel l’adolescent construit sa sexualité, ce qui ne peut l’aider à structurer sa vie sexuelle sur une base de réciprocité avec un ou une partenaire, explique la professeure Glowacz. Dans ma pratique clinique, tous les jeunes auteurs d’agressions sexuelles sont des consommateurs assidus de pornographie

Cette dernière ne serait donc pas à bannir du monde de l’adolescence – ce qui tiendrait de toute façon du pari impossible -, mais elle réclame un encadrement adéquat susceptible de permettre au jeune de se forger une approche critique des contenus catalogués X et, s’agissant d’une exposition accidentelle au début de l’adolescence, voire dans l’enfance, de ne pas absorber les images à caractère sexuel sur un mode traumatique ou comme un modèle d’identification. «Les parents ou les adultes de référence devraient anticiper en discutant avec leurs jeunes de ces images auxquelles ils vont être confrontés malgré eux ou par curiosité», estime Fabienne Glowacz.

(1) Les personnes non binaires ne s’identifient ni strictement comme homme ni strictement comme femme, mais comme un mélange des 2 ou aucun des 2.

(2) LGBTQ+ pour lesbienne, gay, bisexuel, transgenre, queer (hors catégorie), le «+» se référant à toutes les autres identités ou orientations – par exemple, asexuel, pansexuel ou agenre.

(3) Fabienne Glowacz et Margot Goblet, Sexting à l’adolescence: des frontières de l’intimité du couple à l’extimité à risque, Enfances Familles Générations, 34 | 2019.

Share This