Qui est-ce?

Annie EASLEY

Jacqueline REMITS• jacqueline.remits@skynet.be

NASA 

 
Je suis…

Née à Birmingham, dans l’État de l’Alabama où je vis mes premières années. Ma mère, qui m’élève seule, m’incite à être plus tard financièrement indépendante. Elle me dit aussi que je pourrai devenir ce que je souhaite être, mais que pour y arriver, je devrai beaucoup travailler. À l’époque, l’Alabama, comme d’autres États du sud des États-Unis, est soumis aux lois de la ségrégation raciale. En tant que femme et Noire, il me faudra travailler beaucoup plus que la majorité des Américains blancs. Au lycée, grâce au conseil de ma mère et à mon travail acharné, je sors major de ma promotion. Mon ambition est de devenir pharmacienne. En 1950, je pars étudier à l’Université Xavier de la Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Je ne supporte pas la discrimination dont je suis l’objet, pas plus que celle de mes semblables. En 1954, je rentre dans ma ville natale de Birmingham pour aider d’autres Afro-américains à préparer un examen nécessaire au vote. En effet, à l’époque, les lois ségrégationnistes nous contraignent à payer une taxe et à passer un examen afin de pouvoir voter. Entre-temps, je me marie. Pour nous rapprocher de la famille de mon mari, nous nous installons à Cleveland, dans l’Ohio.

En 1955, je découvre une petite annonce qui va changer ma vie. La Naca (National Advisory Committee for Aeronautics), l’agence fédérale américaine chargée de la recherche en aéronautique, à Cleveland, recherche des «calculateurs humains», des personnes douées en mathématiques pour effectuer des calculs complexes utiles aux ingénieurs. Motivée par l’exemple de deux jumelles afro-américaines y travaillant et par mon bon niveau en mathématiques, je présente ma candidature. Deux semaines plus tard, je suis acceptée. Je deviens ainsi la 4e personne afro-américaine à travailler au Lewis Research Center sur des milliers. J’y suis responsable des simulations du réacteur Plum Brook que je réalise à la main. La Nasa (National Aeronautics and Space Administration), l’agence fédérale responsable du programme spatial des États-Unis, voit le jour en 1958, incorporant la Naca et ses recherches en aéronautique. Je participe activement au projet de l’étage de la fusée Centaur, notamment en développant des codes informatiques qui analysent des technologies énergétiques alternatives, mélange d’hydrogène liquide et d’oxygène. Je travaille aussi sur d’autres projets mobilisant les énergies éolienne et solaire qui seront plus tard utilisées comme sources d’énergies renouvelables pour les voitures. Entre-temps, avec l’arrivée des ordinateurs, le rôle des «calculateurs humains» n’a plus lieu d’être. Je me reconvertis en programmeuse informatique. Je reprends mes études et, en 1977, j’obtiens une licence en mathématiques à l’Université d’État de Cleveland et ce, malgré la discrimination dont je suis à nouveau victime. En effet, si les membres de la Nasa bénéficient d’une aide financière pour suivre les cours à l’université, cela n’est pas mon cas. Ce privilège m’est refusé, de même que mon image est systématiquement effacée des photos de la Nasa. Mais ce diplôme m’ouvre grandes les portes de la division de véhicules spatiaux. Mon activité au Lewis Research Center permet le développement de plusieurs études portant sur l’aéronautique et l’informatique. Je travaille à la direction de l’énergie des lanceurs Group et à la direction Engineering. Je suis l’une des premières femmes afro-américaines à commencer à œuvrer dans le domaine des ordinateurs. À la fin de ma carrière, je suis nommée conseillère à l’égalité de l’emploi auprès des superviseurs à la Nasa, notamment en matière des discriminations liées au sexe et à la «race». Une belle revanche ! Je prends ma retraite en 1989.

À cette époque…

En 1955, quand j’entame ma carrière à la Naca, disparaît Albert Einstein, connu pour sa théorie de la relativité et sa contribution au développement de la mécanique quantique, prix Nobel de physique en 1921. En 1977, l’année de mon entrée à la Nasa, est aussi celle de la mort de Charlie Chaplin, en Suisse à l’âge de 88 ans. En 1989, quand je prends ma retraite, des spécialistes dressent le bilan de la mission de la sonde Voyager II. Elle se trouve alors à plus de 4 milliards de kilomètres de la Terre, un long voyage entamé en 1977 au cours duquel elle a croisé Jupiter, Saturne, Uranus et, cette année-là, Neptune dont elle découvre 6 lunes.

J’ai découvert…

La fusée Centaur, au développement de laquelle j’ai tant contribué, sera utilisée pour charger le Surveyor 1, la première sonde spatiale américaine envoyée sur un corps extraterrestre, en l’occurrence la Lune. J’ai participé aussi au développement de la sonde spatiale Cassini, envoyée sur la planète Saturne en 1997 et, sous une forme améliorée, à celui du vaisseau spatial InSight. Celui-ci sera aussi utilisé pour les prévisions météorologiques et la surveillance du territoire américain. J’ai aussi contribué à concevoir et à tester le Plum Brook Reacto, le seul réacteur à fission nucléaire de la Nasa. Mon travail sur le projet de propulseur de fusée a jeté les bases techniques du lancement des futurs satellites. En résumé, mes principales réalisations comprennent l’élaboration de codes et de programmes informatiques utilisés pour étudier les effets de sources d’énergies renouvelables. Les codes informatiques et les applications que j’ai inventés sont utilisés pour déterminer les possibilités de convertir les produits provenant de sources non-renouvelables en sources d’énergie renouvelable. J’ai également été impliquée dans l’étude de l’espérance de vie des batteries de stockage utilisées par la Nasa pour les véhicules utilitaires électriques.

Saviez-vous que…

Annie Easley est l’une des employées les plus connues du Glenn Research Center de la Nasa, situé à côté de l’aéroport international de Cleveland. Ce centre est impliqué dans la recherche et le développement de technologies de systèmes critiques en association avec des établissements universitaires, des groupes industriels et des organismes autres que la Nasa. Elle a été intronisée dans son Hall of Fame post-mortem, en 2015.

Dans une interview donnée en 2001, elle a déclaré : « Quand les gens ont des préjugés, oui, j’en suis consciente. Je n’ai pas la tête dans le sable. J’étais juste là pour faire le travail et je savais que j’avais les capacités pour le faire, et c’est sur ça que je me focalisais… Mais mon truc, c’est que, si je ne peux pas travailler avec vous, je vais travailler à côté de vous. On ne pouvait pas me décourager au point que je parte. Cela peut être une solution pour certains, mais ce n’était pas la mienne.»

Annie Easley disparaît en 2011. Son rôle de pionnière des femmes afro-américaines dans les sciences, en particulier dans le spatial, elle l’a obtenu grâce à son talent, son travail acharné et sa résilience devant les difficultés, notamment la discrimination. Elle a ouvert la voie à ses semblables.

Avec Katherine Johnson (voir Athena n° 336, pp. 10-11) et d’autres femmes afro-américaines, elle est l’une des scientifiques qui ont inspiré le film Les figures de l’ombre(1), du réalisateur Theodore Melfi, sorti le 8 mars 2017.

Elle a été mise à l’honneur à Cleveland, le 8 mars 2020, Journée internationale des droits des femmes.

En février 2021, un cratère de la Lune a été nommé Easley par l’IAU (International Astronomical Union).

(1) « Les figures de l’ombre » : 
Bande-annonce

  

  

Carte d’identité

 
 
 
Naissance 

23 avril 1933, Birmingham (Alabama, États-Unis)

Décès

25 juin 2011, Cleveland (Ohio, États-Unis)

Nationalité

Américaine

Situation familiale 

Divorcée

  
  
  
Diplôme 

Pharmacie à l’Université Xavier de Louisiane, mathématiques à l’Université d’Etat de Cleveland

Champs de recherche 

Mathématiques, informatique, spatial

Distinctions 

Glenn Research Hall of Fame (2015)

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