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Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be

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Les bienfaits de l’activité physique

Il est désormais avéré que l’activité physique est bénéfique pour la santé. Tous les sportifs, les ultras comme ceux «du dimanche», vous le confirmeront. Pour convaincre les réfractaires, l’on peut aujourd’hui tracer les voies métaboliques qui permettent d’objectiver les bienfaits évoqués. Ceux-ci sont globaux et concernent autant la fonction intellectuelle, grâce à une oxygénation accrue, que musculaire. Sans entrer trop dans les détails métaboliques, un effort d’endurance permet de faire passer les muscles sollicités d’un métabolisme glycolytique à une version oxydative, soit celle qui permet d’exploiter les acides gras stockés comme source énergétique avec, à la clé et en fonction de la durée de l’effort, une réduction des graisses et un retour à une morphologie plus en relation avec la pratique sportive.

On a récemment remarqué que les cellules impliquées dans la défense immunitaire n’étaient pas laissées pour compte dans ce processus. En témoigne le taux d’interleukine 13 (Il-13) circulant dans le sang. Pour mémoire, les interleukines sont des substances dont le mode d’action est proche de celui des hormones, mais qui sont réservées à la défense immunitaire. L’Il-13 est, de façon plus spécifique, produite par les lymphocytes T (des cellules de défense présentes dans le sang) et fonctionne comme régulatrice de l’inflammation. Mais elle intervient à l’évidence dans l’activité musculaire également. Si on inhibe son action chez des souris, ces dernières ne sont en effet plus capables d’effectuer des efforts de la même intensité, mesurés par le temps de course dans les cylindres rotatifs. Dans le même temps, on observe chez ces souris délétées une moindre sollicitation des mitochondries (qui produisent l’énergie nécessaires à l’effort) et des graisses. L’Il-13 agit sur les fibres musculaires via un récepteur qui lui est spécifique (Il-13 alpha 1), une fixation qui déclenche l’activation du gène Stat3, impliqué dans le conditionnement métabolique de la fibre musculaire concernée. La chaîne d’activation n’est pas encore terminée: elle implique encore d’autres gènes et protéines. Mais, au final, on observe une biogenèse de mitochondries, une oxydation des acides gras et une augmentation des capacités d’endurance entre autres; soit tous les effets bénéfiques, au niveau musculaire, de l’activité physique. On aura compris que le système de défense immunitaire est clairement impliqué et mis en œuvre. C’est peut-être une chose à ne pas négliger en période d’épidémie.

   Nature, 368: 470-471 et 488

Comment faire arriver les fruits et légumes exotiques chez nous juste «à point» et intacts ?

La richesse et la diversité de notre alimentation sont arrivées à un niveau jamais atteint jusqu’ici. En toutes saisons, fruits et légumes «locaux» sont disponibles mais aussi ceux qui viennent de loin (bananes, avocats, etc.). Ce que l’on perçoit moins, c’est qu’entre le moment de la récolte et l’arrivée dans nos rayons s’écoule un temps certain qui, dans leurs conditions précaires de transport et de conservation, force les fruits et légumes traités à échapper complètement à l’usage alimentaire attendu. Des méthodes diverses ont été mises en œuvre comme cueillir les bananes immatures et les mûrir artificiellement dans les cales des navires. On peut aussi diminuer le taux d’oxygène et la température dans les containers afin de réduire le développement bactérien, la dessiccation, voire le pourrissement. Cela ne résout néanmoins pas tout, comme la présence de mygales dans les cales de bateaux où le stockage est effectué. Une autre technique est de vaporiser une couche de cire (végétale) sur les fruits et légumes stockés, mais ce n’est pas toujours réalisable dans la pratique et cela a aussi un coût. Le tri et le rejet de ce qui ne correspond plus à un produit consommable est alors LA méthode la plus simple et efficace. Sauf que dans un registre écologique et économique, cela correspond à une perte sèche. Une alternative a récemment été proposée par des chercheurs qui repose sur un traitement préventif des fruits par de l’albumine extraite d’œufs, additionnée de cellulose nanocrystalline récupérée de déchets de bois ou de papier; le tout, à la réception, pouvant être éliminé à l’eau et n’a rien de toxique en cas de persistance. À l’évidence, la problématique alimente (c’est le cas de le dire !) la recherche. Si elle permet de consommer toute une gamme de fruits exotiques peu importe la saison, elle n’empêchera toutefois jamais la perte d’une partie significative de la production, quel que soit le traitement en amont. Aviez-vous conscience de ce «détail» quand vous faites vos courses ?

   Adv. Mater. 10.1002/adma.201908291 et Science 368: 1077

Une association de malfaiteurs ?

Nombre d’espèces animales (notamment) sont connues pour produire dans la peau ou dans des glandes spécialisées, des venins ou autres toxiques destinés à décourager les prédateurs. Grenouilles tropicales et crapauds en font partie au même titre que serpents et scorpions. Ce que l’on sait moins, c’est que certains prédateurs n’hésitent cependant pas à les consommer pour s’en approprier le poison, contre lequel ils semblent immunisés. L’évolution les a en effet dotés d’un système de récupération qui leur permet un recyclage sélectif de la toxine qui se retrouve donc chez un hôte qui en assure la réutilisation si l’occasion se présente. C’est en quelque sorte de la redistribution en cycle court, garantie 100% naturelle, mise au point bien avant que les humains ne pensent à le faire pour leurs produits alimentaires d’utilisation courante.

Les serpents du genre Rhabdophis figurent parmi ces recycleurs spontanés, ce qui leur permet de faire «profiter» leurs propres proies habituelles d’un produit synthétisé par un autre producteur. Sauf qu’une espèce de ce genre de serpent a modifié son comportement alimentaire et a préféré s’alimenter de bien inoffensifs vers de terre dénués de toute glande à venin. Et pourtant, lui aussi dispose d’une toxine létale pour ses proies. C’est donc qu’il y a un «truc» quelque part: ou ce serpent a trouvé le moyen de synthétiser lui-même le poison, ou il a trouvé une autre source alimentaire (végétale peut-être ?) qui lui offre le même avantage.

Titillés par cette apparente anomalie, des biologistes ont bien entendu cherché à trouver la clé de ce mystère et ils l’ont trouvée dans… son tube digestif. Ils y ont bien entendu identifié des restes de vers de terre récemment avalés, mais aussi des larves de lucioles tout à fait vivantes, larves qui produisent les mêmes toxines que les crapauds, les bufadiénolides ! Le cycle de production/utilisation du produit utile est à ce point court qu’il a été totalement intégré dans le tube digestif, sans doute à bénéfice mutuel: les larves hébergées profitent des résidus alimentaires du serpent qui leur assure de surcroît le gîte et le couvert, et lui cèdent à titre de participation, la toxine qu’elles produisent. Qu’advient-il ensuite de ces larves lorsqu’elles arrivent au terme de leur développement ? Elles sont éliminées sans doute dans les matières fécales et se reproduisent à l’air libre, avant que leurs œufs ou leurs jeunes larves ne retrouvent un tube digestif ophidien accueillant pour la suite de leur développement. S’agit-il d’un cas de commensalisme, de symbiose ou… d’association de malfaiteurs ?

   Proc. Natl Acad. Sci, USA, 117(11): 5964-5969

Croisement malheureux

Quelques espèces proches peuvent former des hybrides: tout le monde sait ça. Le lion et le tigre donnent naissance au tigron, l’ânesse et le cheval, l’âne et la jument forment aussi des hybrides, respectivement mule et bardot. La règle générale est que si les hybrides sont viables, ils sont généralement stériles.

Mais il n’y pas d’hybrides que chez les grands mammifères. D’autres espèces animales, sans doute plus discrètes ou d’un abord plus difficile, peuvent également se «croiser» et former des jeunes qui possèdent des caractères propres aux 2 lignées parentales. Normal, pensera-t-on: les lignées concernées ont forcément eu, dans un passé plus ou moins lointain, un ancêtre identique et ont donc suffisamment de gènes en commun pour que l’hybridation fonctionne. C’est certain. Sauf qu’entre cet aïeul lointain et les espèces actuelles, l’évolution a fait son œuvre et que des mutations ont pu affecter l’un ou l’autre gène, rendant leur présence commune impossible chez les produits du croisement. C’est précisément ce que l’on a observé chez 2 espèces proches d’un petit poisson que les aquariophiles connaissent bien: le Xiphophorus. C’est le porte-épée, un nom vernaculaire qui tient, pour quelques espèces du genre, à un allongement de quelques rayons de la nageoire caudale chez le mâle. Deux espèces au moins ont fait l’objet de croisements: il s’agit de malinche et birchmanii. Le croisement peut opérer et donne des individus qui portent des caractéristiques propres aux 2 espèces parentales, notamment visibles au niveau de la robe, marquée de stries ou de taches noires. Mais c’est après que les choses se gâtent. Un gène en particulier, qualifié d’oncogène (il s’appelle xmrk et est la tyrosine-protéine kinase liée au récepteur de la mélanine), est lié à la répartition de ces taches pigmentées. Et ce gène, qui a muté au cours de l’évolution d’une des 2 espèces, est devenu incompatible avec son équivalent de l’autre. Résultat: les jeunes hybrides présentent une forte prévalence d’apparition de mélanome – le cancer de la peau – qui peut leur être fatal. On ne le sait que trop, l’évolution procède du hasard. Celui-ci fait parfois bien les choses, mais aussi parfois moins bien. Le Xiphophorus en est un exemple.

On peut aussi imaginer que les éleveurs qui ont permis l’apparition de l’une des 400 espèces de chiens au départ de l’espèce originelle unique ont dû rencontrer ce genre de déboires. Tous ne sont pas forcément létaux; pour preuve, chez le bouledogue et espèces apparentées, cette anomalie osseuse qui raccourcit le museau de manière significative. Ce n’est à l’évidence pas mortel dans ce cas, mais cela reste une anomalie probablement liée, comme pour le poisson évoqué, à un «conflit» entre 2 gènes associés de près ou de loin au développement osseux.

Mais que l’on se rassure, toute loi ayant droit à son contraire, certains de ces conflits peuvent tout aussi bien faire émerger des caractéristiques nouvelles dont l’hybride peut tirer profit. La règle reste cependant la stérilité presque à tous les coups: les caractéristiques acquises, favorables ou non, passent donc rarement le cap de la première génération…

   Science, 368: 710-711 et 731

De l’émergences des plumes

Un des problèmes fondamentaux en matière d’évolution est celui de l’origine. Quand, par exemple, peut-on dire qu’un éclat de silex n’est pas naturel mais a subi une modification intentionnelle par l’homme ? Dans un même ordre d’idées, quand situer l’apparition des plumes chez les oiseaux… ou leurs prédécesseurs ? Pour l’Archéoptéryx, premier «oiseau» reconnu comme tel et descendant des dinosaures il y a 150 millions d’années, le doute n’est pas permis; les fossiles présentent des structures qui sont proches des plumes d’aujourd’hui. Que l’oiseau en question s’en soit servi pour voler ou seulement planer est une autre affaire. Mais n’y avait-il pas déjà des plumes avant ?

C’est tout l’objet d’un débat contemporain qui anime les paléontologues. Sur un fossile de ptérosaure, un de ces vertébrés volants qui ont existé bien avant l’apogée des dinosaures, l’examen en microscopie électronique a révélé des structures que l’on tend à apparenter à des plumes. Et c’est là que se situe le débat, car d’autres spécialistes ne veulent y voir qu’une sorte de duvet. Où en effet situer le moment où ce qui ressemble à un poil se spécialise en «quelque chose» qui tend à s’apparenter à une plume rudimentaire ?

Le ptérosaure en question, un Tupandactylus imperator dont le fossile a un temps été détenu à l’Institut des sciences naturelles à Bruxelles, est en soi un animal particulier. S’il ressemble par sa forme globale et sa taille aux autres ptérosaures, il portait sur la tête une sorte de grand voile que l’on représente souvent très coloré. Il s’agissait d’un voile souple, tendu d’avant en arrière entre 2 arêtes osseuses. Et c’est de ce voile que ce qui est considéré comme des plumes primitives a été extrait puis identifié par microscopie électronique.

Ce qui est tout aussi intéressant, c’est que l’examen a également permis de mettre en évidence des mélanosomes (1), ces inclusions cellulaires de formes variées que l’on retrouve toujours aujourd’hui dans la structure des plumes, ce qui leur permet d’exhiber des formes, des dessins. Pour le camouflage ? Pour la parade sexuelle ? Tantôt l’un, tantôt l’autre sans doute.

Et si la découverte récente est validée par l’identification de structures du même genre sur d’autres fossiles, cela voudrait dire que la «plume» serait apparue avant le pic d’émergence des ptérosaures et des dinosaures, soit il y a 250 millions d’années; bien avant ce que l’on croyait jusqu’ici. Cela reste donc à prouver. Mais il a quand même bien fallu qu’elles apparaissent à un moment, ces plumes là !

   Science, 2022; 376: 335

(1) c’est également ce qui nous donne un teint sans égal après un bronzage estival !

À gauche: Reconstruction du Tupandactylus imperator montrant la répartition de 2 types de plumes le long de  l’apophyse occipitale (les couleurs ne sont pas reconstituées contrairement à l’illustration à droite).
 
 
 
 

BIOZOOM

On dirait à s’y méprendre que ce sont des « crop circles », ces motifs dessinés par la flexion des épis de blés dans les champs. C’est presque ça sauf que ce sont en réalité des boulettes de sable rejetées par les crabes de sable (ou barboteur de sable). Ce petit crustacé de la taille d’un ongle vit sur les plages de l’Indo-Pacifique tropical. Les « Bubbler Sand » sortent de leurs trous à marée basse à la recherche de nourriture microscopique. Pour la trouver, ils tamisent le sable grâce à leur bouche avant de le régurgiter sous forme de micro-boulettes, créant de beaux dessins sur les plages.

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