Qui est-ce?

Sarah BAATOUT

Jacqueline REMITS• jacqueline.remits@skynet.be

© SCK CEN 

 
Je suis…

Depuis un an directrice-adjointe de l’Institut des applications médicales nucléaires au SCK CEN, le Centre belge de recherche nucléaire de Mol, après y avoir été, durant 15 ans, directrice de l’unité de radiobiologie. J’ai toujours eu beaucoup d’intérêt pour les sciences. Depuis mon plus jeune âge, je suis fascinée par le fonctionnement, mais encore davantage par le dysfonctionnement, du corps humain et tout ce qui peut conduire à des maladies. Mes parents avaient acheté une série d’anthologies de médecine. Je passais des heures à lire ces ouvrages sans comprendre grand-chose. Petite, je passais des heures à feuilleter ces ouvrages, fascinée par les affreuses photos de maladies, captivée par le désir de comprendre les mécanismes qui mènent aux maladies et pouvoir trouver des solutions. J’aurais pu suivre une carrière en médecine, mais j’ai opté pour la recherche où se rejoignent sciences et santé. Je me suis donc dirigée vers des études de biologie à l’UCLouvain. J’ai réalisé ma thèse de doctorat en biochimie au sein des services d’oncologie des hôpitaux Saint-Luc et Mont-Godinne. Par la suite, je me suis spécialisée en radiobiologie et à ses applications dans le traitement du cancer. J’ai toujours cherché à concilier la biologie et la médecine afin de trouver des solutions aux niveaux moléculaire et cellulaire. Mon profil spécifique m’a conduite vers le SCK CEN, où suis entrée en 1995 comme post-doctorante.

Dans mon unité de radiobiologie, nous nous concentrons essentiellement sur les radiations. Au niveau sociétal, nous œuvrons afin d’améliorer les traitements radiothérapeutiques contre le cancer, développer de nouveaux radio-pharmaceutiques et diminuer les effets secondaires. Cette passion de toujours se traduit par un engagement profond dans la lutte contre le cancer. Depuis plus de 20 ans, mon laboratoire étudie l’impact des rayonnements ionisants sur la santé à travers le développement de traitements de radiothérapie plus efficaces pour les patients cancéreux. Nous nous investissons également dans la médecine personnalisée, adaptée à la génétique de chaque patient. Avec l’augmentation continue du nombre de patients atteints du cancer, la médecine de demain se tournera de plus en plus vers des traitements sur mesure. Aujourd’hui, les traitements contre le cancer sont bien plus efficaces et ciblés qu’auparavant. Nous adaptons les protocoles en fonction du site corporel, et visons à aller plus loin en personnalisant les traitements pour chaque patient. Les radiopharmaceutiques interviennent généralement en fin de chaîne de traitements quand les patients sont métastasés et que les traitements conventionnels ont échoué.

Depuis 2002, notre unité de radiobiologie explore également la médecine spatiale. Avec mon équipe, nous avons travaillé à la préparation des astronautes pour les futures missions lunaires et martiennes et surveillé la santé de plusieurs astronautes en mission dans la station spatiale internationale. Nous mesurons les effets des rayons cosmiques qui représentent un problème majeur pour les astronautes dans l’espace profond, en raison des doses beaucoup plus importantes que sur Terre. Toutes les connaissances acquises avec les patients sont directement applicables aux astronautes.

J’aimerais aussi pousser mes recherches jusque dans l’espace. J’ai donc postulé pour participer aux prochaines missions vers la Lune en 2025, celle pour laquelle Raphaël Liégeois a été sélectionné. Bien que ma candidature n’ait pas été retenue, j’ai entrepris un projet de recherche sur lui en tant que sujet médical avec les universités belges.

À cette époque…

L’année de ma naissance, en 1969, les premiers hommes ont marché sur la Lune. En 1986, alors que je faisais mes études de biologie, l’accident de Tchernobyl m’a fortement marquée. Au fil du temps, toutes les avancées médicales dans les traitements du cancer m’ont fascinée, alors qu’il était quasi mortel quand j’étais enfant. Durant mes secondaires, dans les années 80, tout ce qui avait un rapport au sida m’a secouée, je pense que cela faisait peur à tous les jeunes. L’affaire Dutroux en 1996 m’a également beaucoup touchée. Elle a bouleversé notre perception de la sécurité personnelle et des risques pour nos enfants.

J’ai découvert…

J’ai à cœur de décrypter le comportement de notre corps, en particulier le système immunitaire et le système cardiovasculaire lorsqu’ils sont confrontés à des conditions extrêmes, stress, isolement, apesanteur, confinement ou exposition prolongée aux radiations cosmiques. Conditions que rencontrent les astronautes lors des missions spatiales de longue durée. C’est essentiel de savoir à quelle dose de radiations l’astronaute pourra être exposé et combien de sorties extravéhiculaires sur la surface de la Lune il pourra effectuer, sans parler d’un voyage vers Mars où il sera confronté à l’espace profond. Non seulement ces radiations sont dangereuses et très pénétrantes, mais l’espace est aussi un lieu qui amplifie les problèmes. On connaît, par exemple, les accélérations du vieillissement de la peau, le rythme circadien perturbé, mais il y a aussi les problèmes cardiovasculaires ou les allergies nouvelles, tandis que le système immunitaire s’affaiblit. Il faut développer de nouveaux outils et mieux comprendre les mécanismes moléculaires sous-jacents.

Durant l’hiver 2017-2018, je me suis rendue à la station belge Princesse Elisabeth en Antarctique pour étudier la santé dans cet environnement extrême considéré comme un analogue spatial. Lors de cette mission, nous avons mené plusieurs études. Même s’il est impossible de recréer l’environnement spatial, l’Antarctique est un bon test, notamment pour les conditions extrêmes de confinement. Nous avons pu étudier l’impact de ces conditions sur le système immunitaire, cardiovasculaire et la santé en général.

Saviez-vous que…

Sarah Baatout enseigne également en tant que professeure invitée aux Universités de Gand et de Leuven où elle donne plusieurs cours en médecine spatiale, biologie spatiale et radioprotection. Elle a encadré de nombreux doctorants en tant que promotrice et est co-auteure de plus de 200 publications scientifiques internationales.

En 2020, le Roi Philippe et la Reine Mathilde l’ont invitée au Palais Royal en tant que Femme de l’Année pour son engagement dans la société.

Elle est présidente de l’UNSCEAR, le comité scientifique des Nations-Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants, et joue un rôle clé dans les discussions internationales sur ces questions.

Mère de 2 enfants, elle est aussi passionnée de patinage artistique.

Sarah est sensible à la place des femmes dans les domaines scientifiques. Malgré son agenda chargé, elle tient à participer à des initiatives de promotion des sciences auprès des jeunes filles. «Même si de gros changements ont été opérés ces dernières années, il demeure des a priori pour les filles autour des sciences et des technologies. Dès l’école, il est important de développer tous les outils pour les stimuler à ces domaines et leur insuffler un petit coup de boost pour leur donner confiance en elles. Et surtout, développer leur intérêt pour les sciences. Le désintérêt vient entre 11 et 15 ans. Elles pensent encore que les métiers scientifiques sont réservés aux hommes. C’est important de les soutenir, de les mentorer.»

 

Carte d’identité

Naissance 

9 mars 1969, Uccle

Nationalité

Belge

Situation familiale

Mariée, 2 enfants

  
Diplôme 

Master en biologie, spécialisation  en biochimie et biologie  moléculaire, doctorat en biochimie  oncologie de l’UCLouvain

Champs de recherche 

Médecine des radiations,  radiopharmaceutiques

Distinctions 

Prix de la personnalité BeSpace de  l’année 2018; prix Adolphe Wetrens (Académie royale des  sciences, des arts et des lettres de  Belgique); Femme de l’Année 2020

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