Espace

Quoi de neuf dans l’espace ?

Le transport spatial met en œuvre des lanceurs lourds, moyens et petits. Il est question de micro-lanceurs dont les projets se multiplient dans le monde pour placer sur orbite des micro-satellites (jusqu’à 300 kg) et des nano-satellites (moins de 50 kg). 2018 sera décisive pour 3 systèmes développés aux USA par des sociétés privées. Les débuts de l’odyssée de l’espace furent marqués par l’emploi de petits lanceurs aux États-Unis (en 1958), en France (dès 1965), au Japon et en Chine (en 1970)… Seule la Russie avec l’URSS eut recours en 1957 à son missile intercontinental converti en lanceur moyen. Celui-ci, après bien des améliorations, est toujours en service, notamment pour l’envoi des vaisseaux habités Soyouz.

Théo PIRARD

Rocket labESA • SpaceX 

Lancement depuis la Nouvelle Zélande : la première fusée Electron a manqué de peu la mise en orbite.

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À quoi est dû le nouvel engouement pour le développement de micro-lanceurs ?

On le doit au phénomène NewSpace qui voit ­l’actuelle main-mise du secteur privé sur l’environnement de l’espace. On assiste à une démocratisation des systèmes spatiaux, laquelle fait la part belle aux micro- et nano-satellites ou cubesats déployés sous forme de constellations en orbite basse. Une vingtaine de projets pour de telles constellations destinées aux télécommunications (connexions Internet) et à la télédétection prennent forme. Il faudra procéder aux lancements de dizaines, voire de centaines de petits satellites. De nouvelles entreprises n’hésitent pas à investir dans la mise au point de micro-lanceurs adaptés aux besoins d’un marché en plein essor. 

2018 doit voir l’arrivée de nouveaux-venus américains qui, en s’inspirant de l’exemple SpaceX*, développent des systèmes légers avec leurs propres propulseurs et des infrastructures de lancements. Ils misent sur l’emploi de structures en matériaux composites, la production 3D des propulseurs, l’emploi d’ergols économiques (oxygène liquide, kérozène ou propylène), des nouveautés comme des commandes électriques pour les moteurs… 

*SpaceX a débuté avec son micro-lanceur Falcon 1. L’entreprise d’Elon Musk a estimé qu’il n’y avait pas un marché suffisant pour le rentabiliser. Elle a privilégié la mise en œuvre du lanceur moyen Falcon 9, avec le succès que l’on sait. 

Quels lancements sont attendus en 2018 avec ces nouveaux lanceurs pour petits satellites ?

Trois sociétés américaines de transport spatial sont en compétition avec des mises sur orbite annoncées durant cette année:  

• Rocket Lab (Los Angeles, Californie) prévoit de lancer plusieurs Electron à partir de son complexe sur le promontoire de Mahia Peninsula en Nouvelle Zélande. Le lanceur Electron utilise un total de 10 micro-propulseurs kérolox Rutherford de sa conception: 9 sur le 1er étage, 1 sur le 2e. Un premier lancement expérimental a eu lieu le 25 mai 2017: si les 2 étages ont bien fonctionné, la mise sur orbite n’a pu être atteinte.

• Virgin Orbit (Long Beach, Californie) va ­tester le LauncherOne, un lanceur bi-étages mis en œuvre avec un Boeing 747-400 décollant du Mojave Air & Spaceport. Ce lanceur aéroporté est propulsé par des propulseurs kérolox Newton développés et produits par Virgin Orbit. 

• Vector Space Systems (Tucson, Arizona) annonce l’essai de son lanceur bi-étages ­Vector-R à partir du Complexe 46 du Cape Canaveral. Il emploie ses moteurs propylène-oxygène liquide pour satelliser jusqu’à 50 kg en orbite basse, mais son dévelop­pement ne paraît pas aussi avancé. 

Qu’en est-il dans le reste du monde ? 

En dehors des USA, des initiatives sont prises pour répondre à la demande. Notamment du côté de l’Asie. En Chine, plusieurs sociétés ­privées prennent forme dans le giron des groupes gouver­nementaux Casc (China Aerospace Science & Technology Corporation) et du Casic (China Aerospace Science & Industry Corp.) pour commercialiser des petits lanceurs dérivés de la techno­logie militaire des missiles à poudre. En Inde, l’Isro (Indian Space Research Organisation) projette pour 2019 le dévelop­pement d’une version «dégradée», plus économique, de son lanceur Pslv (Polar Satellite Launch Vehicle). 

En Europe, les efforts demeurent plutôt modestes. La société italienne Avio, responsable du programme de lanceur Vega, propose une version «light» moins coûteuse. Quant au Dlr (Deutsche Zentrum für Luft und Raumfahrt) allemand, il ­coopère avec l’Aeb (Agencia Espacial Brasileira) au ­Brésil à la mise au point du petit lanceur Vlm ­(Veiculo Lançador de Microsatelites). En Espagne, la Pme Pld Space a reçu le soutien de la ­Commission européenne et de l’industriel Gmv pour mettre au point son micro-­lanceur Arion à 2 étages avec propulsion liquide.

Mais encore… 

Libin de plus en plus à l’heure Galileo. 

Le 1er décembre, le Gilsc – (Galileo Integrated Logistics Support Centre) – était inauguré près de l’Euro Space Center, dans le parc ­d’activités Galaxia à Transinne-Libin (Province du Luxembourg). Il s’agit d’un élément clé pour Galileo qui vise à doter l’Union européenne de son propre système de navigation satellitaire. Il doit ­garantir une disponibilité de services sans failles à l’échelle globale. Cet enjeu est assuré grâce à un réseau de 30 satellites, de 16 stations au sol et de 12 centres dans le monde. En mars 2016, en validant la proposition belge d’une implantation du centre Ils, la Commission européenne a décidé de faire de Galaxia le point névralgique pour la logistique et la maintenance de l’infrastructure terrestre de Galileo. L’intercommunale luxembourgeoise Idelux a relevé le défi de livrer un bâtiment qui réponde aux exigences dans les délais impartis. Sur près de 3 000 m², il va accueillir 30 opérateurs hautement qualifiés de la société Vitrociset ainsi qu’une équipe d’experts de la Gsa (European Global Navigation Satellite Systems Agency).

Fin d’Ariane 5: cap sur Ariane 6 !

La société Arianespace, qui commercialise les services européens d’accès à l’espace, est en train de tourner une page. Elle vient de commander un dernier lot de 10 lanceurs Ariane 5. Il s’agit d’assurer, entre 2021 et 2023, la transition pour le modèle Ariane 6 qui se déclinera en 2 versions: Ariane 6.2 (5 t en orbite de transfert géostationnaire) et 

Mais encore… 

Ariane 6.4 (10,5 t) décolleront depuis un nouvel ensemble de lancements au Centre spatial guyanais de Kourou. L’objectif est de résister, grâce à des prix et services attractifs, à la concurrence du surprenant Falcon 9 de la firme américaine SpaceX. L’industrie belge est concernée par le programme Ariane 6 réalisé pour l’Esa (European Space Agency) par ArianeGroup: Sabca (Bruxelles) pour les systèmes de pilotage, Thales Alenia Space (Charleroi) pour l’électronique de bord, Safran Aero Boosters (Herstal) pour des vannes cryogéniques. 

L’Algérie et l’Angola… géostationnaires. 

L’année 2017 s’est achevée avec l’accès de 2 pays africains sur ­l’anneau de l’orbite géostationnaire (à quelque 36 000 km à l’aplomb de l’équateur) pour les télécommunications par satellites. L’Algérie met en œuvre Alcomsat-1 avec un contrat «tout compris» de la Cgwic (China Great Wall Industry Corp). Le satellite de 5,2 t était lancé le 10 décembre par une Longue Marche 3 depuis le centre de Xichang pour des services civils et militaires. C’est l’Asal (Agence Spatiale Algérienne) qui est en charge du satellite. Quant à l’Angola, il comptait sur la mise en service d’Angosat-1 fourni «clés en mains» par la Russie. Ce satellite était placé sur orbite géostationnaire le 26 décembre au moyen d’une fusée russo-ukrainienne Zenit 3SL. Une fois largué dans l’espace, Angosat-1 était victime d’une défaillance de ses systèmes électriques. Il n’a pu être mis à disposition du Ggpen (Cabinete de Gestao de Program Espacial Nacional).

New look du Galaxia de Transinne-Libin 

(Photo Idelux)

De 2020 à 2023, Ariane 5 et Ariane 6 seront exploités en parallèle 

(Esa)

Mise à l’honneur d’Alger sur le site chinois de lancements   

(Photos Asal)

La coiffe d’Alcomsat-1


LUNE : retour à la Une

2018 va connaître un regain d’intérêt pour la Lune. Cinquante ans après que Moscou et Washington ont joué la carte du prestige en misant sur la «première» des pas humains à la surface lunaire, il est à nouveau question d’exploration de notre satellite naturel. L’Asie va donner le coup d’envoi à une nouvelle vague de robots lunaires

Le 11 décembre dernier, le Président Trump a promis le retour sur la Lune. En se gardant bien de préciser un échéancier. Il y avait 45 ans, en décembre 1972, le module lunaire Challenger de la mission Apollo-17 était le dernier vaisseau habité à se poser sur le sol lunaire. Dans un cérémonial dont il a l’habitude à la Maison Blanche, Donald Trump a signé un amendement à la National Space Policy. Il avait à ses côtés l’astronaute géologue d’Apollo-17, Harrison Schmitt, qui est le dernier des Américains encore vivant à avoir marché sur la Lune. Il a simplement entériné une feuille de route, dite White House Space Policy Directive 1. Elle désigne la Lune comme prochaine étape de l’Amérique dans la découverte de ­l’espace lointain, qui se poursuivra par Mars… Cette déclaration d’intention fournit une indication sur ce que pourrait être l’après Iss (International Space ­Station). 

À coup sûr, la coopération internationale et le partenariat public-privé vont être encouragés pour entreprendre cette nouvelle phase durant la prochaine décennie. Ceci étant, aucune indication de timing, ni sur un plan de financement. La Nasa, qui fonctionne avec un adminis­trateur intérimaire, devrait prévoir des fonds dans son budget pour 2019. 

L’Iss, qui est habitée sans interruption depuis novembre 2000, prend de l’âge. Ses 2 premiers modules – le Zarya russe et l’Unity américain – datent de la fin 1998, soit près de 20 ans de vie orbitale, à subir les alternances thermiques à chaque orbite, toutes les 90 min, à 420 km d’altitude. Jusqu’où pourra-t-on effectuer des réparations sans compro­mettre la sécurité des équipages à bord ? La fin à l’horizon 2024 ? Mais les États-Unis, la Russie, ­l’Europe, le Japon et le Canada doivent s’accorder sur la manière de mettre fin à ses 450 t en toute sécurité, dans les couches denses de ­l’atmosphère terrestre. 

Base lunaire conçue en Europe selon une impression 3D

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Cap sur un village lunaire ?

Quelle chantier d’envergure internationale, tant scientifique que technologique, lancer ensuite pour la fin de la prochaine décennie ? D’aucuns – comme Elon Musk, fort de sa réussite spectaculaire avec SpaceX – préconisent de donner la priorité à des expéditions humaines sur Mars. La plupart, notamment dans le secteur public, recommandent de passer par l’étape plus prudente de la Lune pour se préparer à une colonisation martienne. Cette idée d’un retour sur notre satellite naturel paraît s’imposer. Reste à définir un planning, un budget et une répartition des tâches entre les nations participantes.   

La question de la coopération internationale dans une activité de grande envergure dans l’espace est abordée lors de chaque Congrès annuel international d’astronautique. L’Europe, via Dr Jan ­Woerner,  directeur général de l’Esa (European Space Agency)), préconise la vision d’un «Moon Village» (village lunaire), qui consisterait en une infrastructure ouverte à la coopération pour des activités scientifiques et technologiques, au moyen de robots ou de laboratoires habités. La Nasa (National Aeronautics & Space ­Administration) propose, de son côté, le dévelop­pement international du Dsg (Deep Space Gateway) ou porte d’accès à l’espace lointain. Elle a lancé les études industrielles en vue de la réalisation de ce complexe habité polyvalent et innovant en orbite lunaire. 

Il y a un demi-siècle, la Lune était âprement disputée par Moscou (à la tête de l’URSS) et Washington. Elle donna lieu à la mise en œuvre d’une fusée géante ultra-puissante: la spectaculaire Saturn V américaine et la secrète N-1 soviétique. Durant Noël 1968, la 3e Saturn V, pour la mission Apollo-8, permit à 3 astronautes de la Nasa de réveillonner en orbite lunaire. Puis vint, en juillet 1969, l’historique mission Apollo-11 avec les premiers pas humains des astronautes Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur le sol lunaire. Mais depuis décembre 1972, celui-ci n’a plus vu de Terriens et la reprise de son exploration in situ risque de prendre encore du temps. 

Il faudra disposer d’un lanceur lourd capable de satelliser de 60 à 120 t en orbite ­terrestre. Un effort ambitieux et coûteux doit marquer les années 2020:

• L’Amérique a en chantier 3 modèles différents de fusées géantes, 1 publique et 2 privées. La Nasa prépare une première version du Sls (Space Launch System) pour un lancement en 2020. Blue Origin, l’entreprise de Jef Bezos (fondateur d’Amazon), développe le lanceur New Glenn au 1er étage réutilisable. SpaceX prévoit de remplacer le Falcon Heavy par le système réutilisable Bfr (Big Falcon Rocket). 

• La Russie et Roscosmos annonce le projet Phœnix pour un super-lanceur à l’horizon 2030, mais les ressources budgétaires seront-elles dispo­nibles ? 

• La Chine avec le Casc (China Aerospace Science & Techno­logy Corporation) a entrepris des études du lanceur lourd Longue Marche 9 pour des expéditions habitées dans l’espace lointain, notamment sur la Lune.  

Une auto électrique dans le système solaire 

Elon Musk, le fantasque patron de SpaceX (transport spatial) et de Tesla (véhicules électriques), a ­décidé de mettre son Tesla ­Roadster autour du Soleil. Cette auto, qui fonctionne sur ­batteries, est la charge utile de la nouvelle fusée Falcon Heavy pour son ­premier lancement. Elle a pu aisément trouver place sous l’énorme coiffe du lanceur lourd privé. On peut s’interroger sur l’intérêt de pareille extravagance dans l’environnement ­spatial. SpaceX a par ailleurs annoncé que le Falcon Heavy servirait au contour de la Lune avec un vaisseau Crew Dragon: à son bord, 2 «touristes» qui ont fait ­fortune… Le Crew Dragon doit ­encore être testé durant cet été. Ce vol doit servir à sa qualification pour des missions habitées vers l’Iss. 

L’ Asie désormais incontournable !

Les Chinois et les Indiens, absents du programme Iss, feront-ils partie du team international pour la relance de l’exploration humaine de la Lune durant les années 2030 ? 2018 devrait à ce propos être marquée par l’arrivée d’engins asiatiques sur la surface lunaire:

• L’Inde, avec la mission Chandrayaan-2 prévue au printemps 2018, veut se poser à la surface lunaire et y faire rouler un micro-rover. Elle comprendra un «orbiter» de 1,4 t (pour des observations de haute définition), un «lander» de 1,2 t et un «rover» d’à peine 20 kg. 

• La Chine prépare la mission Chang’e-4 qui verra, à la fin de l’année, un atterrisseur arriver sur la face cachée de la Lune pour y faire rouler un véhicule électrique ! En vue de cette «première», il lui faudra placer un satellite au point de Lagrange L2 (1,5 million de km de la Terre) pour relayer les communications avec les engins sur le sol lunaire. La sonde Chang’e-4 est la copie améliorée de Chang’e-3, qui avait réussi le premier «alunissage» chinois en décembre 2013.

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