Dossier

De la boule de cristal au laboratoire

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L’astrophysicien français Jean-Claude Pecker disait: «La parapsychologie à l’université ? C’est de la rigolade, on vend des merguez.» Opinion justifiée ou préjugé réductionniste ? La parapsychologie est-elle enlisée dans des sables mouvants ou mérite-t-elle que la science s’y arrête ? À travers le monde, à peine quelques centaines de chercheurs universitaires se sont donné pour objectif de prouver l’existence ou l’inexistence de phénomènes paranormaux et d’identifier les mécanismes qui pourraient les sous-tendre. Une certitude: si ces phénomènes devaient avoir une réalité, il faudrait revisiter les règles de la science

Selon diverses études, 50 à 70% de la population des pays occidentaux croit à l’existence d’au moins un type de phénomènes paranormaux. En outre, 30 à 50% des Occidentaux rapportent avoir vécu une expérience de cette nature, qu’il s’agisse par exemple de télépathie, de prémonition, de décorporation, de hantise, de médiumnité ou encore de psychocinèse. Les expériences paranormales sont également qualifiées d’«exceptionnelles» ou d’«anomales», par référence à la notion d’anomalie, en ce sens qu’elles transgressent des lois physiques réputées établies. En supposant qu’elles procèdent d’un phénomène inconnu, baptisé arbitrairement «psi», elles se subdivisent en 2 domaines principaux. Le premier est la perception extrasensorielle, appelée aussi cognition anomale. Il inclut notamment la télépathie, la clairvoyance, la précognition (pressentiment) ou la rétrocognition, cette dernière désignant la capacité d’accéder par des voies inconnues à des connaissances relatives à des événements passés auxquels on n’a pas assisté. D’après la définition qu’en donne Etzel Cardeña, de l’Université de Lund en Suède, la psychocinèse ou perturbation anomale, second grand domaine du psi, renvoie à l’action directe d’événements mentaux (plus précisément l’intention) sur des objets physiques ou des êtres vivants, et ce, sans le concours d’activités mécaniques ou musculaires.

La notion même de paranormal apparaît particulièrement floue, emberlificotée dans les représentations qu’en ont données les œuvres de science-fiction, l’usage qu’en a fait l’industrie du divertissement et le positionnement que d’aucuns lui confèrent comme zone intermédiaire entre la science et la religion. Aux yeux de beaucoup, elle est nimbée de futilité, de magie et de crédulité. Et l’on ne peut s’empêcher de songer à tous les charlatans qui se déclarent dotés de dons particuliers pour la voyance, le magnétisme ou la médiumnité alors qu’ils s’en remettent à des trucs et ficelles pour pratiquer un business juteux, par ailleurs non régulé. 

 
Impostures et stratégies de lecture

Ceux qui s’adonnent au «commerce» de la voyance ou de la médiumnité, par exemple, ont généralement recours à ce qu’il est convenu d’appeler la «lecture froide». «Cela consiste à soutirer des informations à une personne sans qu’elle ne s’en rende compte. Le principe est simple: plus le voyant ou le médium entretient d’interactions avec la personne qui le consulte, plus il récolte d’informations à partir de la perception de ses hochements de tête, des fuites de son regard, de ses mimiques, etc.», explique Renaud Évrard, psychologue clinicien, enseignant et chercheur en en psychologie à l’Université de Lorraine (Nancy) et cofondateur d’un collectif de chercheurs baptisé Centre d’information, de recherche et de consultation sur les expériences exceptionnelles (CIRCEE). À ce premier niveau basé sur la communication non verbale succède un deuxième niveau de «lecture tiède», c’est-à-dire l’instauration par le pseudo-voyant ou le pseudo-médium d’un dialogue au cours duquel son interlocuteur lâche certains éléments qu’il va pouvoir exploiter pour le convaincre de ses facultés exceptionnelles. Chez certains «professionnels» de la voyance et de la médiumnité des moins honnêtes peut se greffer une «lecture chaude» qui se joue en coulisses et qui consiste à obtenir préalablement des informations par des complices, des recherches sur Internet, etc.

Dans un article publié en 2022 dans Journal of the Society for Psychical Research, Renaud Évrard s’est intéressé à la dynamique dans laquelle s’entremêlent ces différentes stratégies de lecture. La première étape en est le «drainage dialogal» qui, via les interactions engagées, pousse l’interlocuteur à révéler des informations cruciales sur lui-même sans s’en rendre compte, par sa gestuelle ou ses réponses verbales. «Arrive alors un moment où le voyant ou le médium apprend quelque chose qu’il va pouvoir reformuler en faisant croire que ce savoir lui a été transmis par un esprit, un ange ou qu’importe. Selon les termes du philosophe Bertrand Méheust, c’est l’étape du « captage dialogal »: le voyant ou le médium s’empare de l’autorité épistémique, il est celui qui sait», indique le chercheur de l’Université de Lorraine. Dans l’article, il s’est intéressé à la performance de Christophe Jacob, un médium actif à Metz. Par le biais de 6 interactions qui se déroulèrent en seulement 2 minutes, le médium parvint au captage dialogal sur une participante totalement inconnue de lui. Dès cet instant, le moindre de ses conseils engendra une vive émotion chez la personne concernée et son adhésion sans réserve.

Renaud Évrard tient cependant à préciser qu’il n’est pas impossible que les consultations de voyance ou de médiumnité, fussent-elles souvent pratiquées par des individus sans scrupules, puissent être assimilées à une forme de «thérapie alternative» dans la mesure où certaines études américaines leur reconnaissent malgré tout des effets positifs. De l’ordre du placébo en quelque sorte. 

Ceux qui s’adonnent au «commerce» de la voyance ou de la médiumnité œuvrent dans un univers dérégulé, ce qui leur permet de recourir à des trucs et ficelles appelés lecture froide, lecture tiède et lecture chaude

Science ou pseudo-science ?

Renaud Évrard estime par ailleurs que ces praticiens du paranormal œuvrant dans un univers dérégulé occultent peut-être une réalité: l’existence effective de cognitions anomales telles que la voyance et la médiumnité, mais une médiumnité qui, pour les parapsychologues menant des recherches universitaires – il s’agit généralement de psychologues de formation -, ne cautionnerait en rien l’idée d’une vie après la mort ni, partant, celle de la présence de ces entités que l’imaginaire collectif a appelées les esprits. Pour Renaud Évrard, il serait antiscientifique  d’écarter d’un revers de la main l’éventualité de toute cognition anomale. Au-delà de la guerre entre «croyants» et «opposants résolus» à la possibilité même de tout phénomène paranormal, le débat porte sur la validité que l’on confère aux travaux des parapsychologues universitaires. On ferraille alors sur la question de l’existence de carences méthodologiques, de biais de confirmation, de biais de publication, etc.

Dans un livre intitulé Phénomènes inexpliqués (1), Renaud Évrard écrit: «Bien sûr, il ne manque pas de pseudo-experts qui professent telle ou telle interprétation de l’inconnu, parés de tous les atours de la science. Il suffit parfois à certains d’avoir à brandir leurs titres, obtenus dans d’autres disciplines reconnues, pour prétendre parler d’autorité. En réalité, des chercheurs qui analysent les avancées scientifiques en parapsychologie, voire y contribuent, on en compte moins de 500 dans le monde.» Un des problèmes majeurs de la recherche en psychologie anomalistique (parapsychologie) est la difficulté d’atteindre une masse critique de travaux et de résultats expérimentaux. «Les financements en parapsychologie sont anémiques étant donné que le domaine n’est plébiscité ni par l’industrie pharmaceutique, ni par la physique fondamentale, ni par aucun autre secteur», commente notre interlocuteur.

Dominante en Occident, la science issue du courant des Lumières a fixé les exigences auxquelles doit répondre un candidat nouveau phénomène pour être reconnu. «Sauf que toutes les exigences formulables aujourd’hui se basent sur du connu, des habitudes de pensée qui, par définition, n’anticipent aucunement sur l’inconnu», considère Renaud Évrard dans son livre. Et de préciser: «Les modèles actuels attribuent au psi des propriétés qui chamboulent la façon même de faire de la science.» Aussi le courant des sceptiques tend-il à ne voir dans la parapsychologie qu’une pseudo-science sans fondements fiables. Ce à quoi Renaud Évrard, qui ne se décrit en rien comme un «croyant» mais comme un chercheur, répond qu’il convient au contraire de s’octroyer les moyens de mettre à l’épreuve nos préjugés réductionnistes. Dans les années 1970, en pleine guerre froide, Américains et Soviétiques ont d’ailleurs essayé d’élaborer des programmes d’entraînement militaire, dont les archives sont désormais déclassifiées, centrés sur le développement de facultés qui rendraient possible l’espionnage psychique. Ces recherches furent abandonnées sous le prétexte officiel qu’elles étaient peu efficaces. D’autres travaux, portant sur le pressentiment, accumulent les succès en laboratoire sans aboutir à davantage d’applications pratiques. Certains chercheurs suggéraient notamment la conception d’une «combinaison» dont seraient équipés les soldats, laquelle détecterait leurs réactions physiologiques associées à l’anticipation inconsciente d’une menace immédiate, tel le risque de marcher sur une mine, afin qu’ils aient un temps d’avance sur les dangers.

À l’Université de Lund, Etzel Cardeña a effectué une «méta-analyse des méta-analyses» relatives aux recherches sur le psi appréhendé sous ses différents visages – précognition, rêves télépathiques, psychocinése, etc. Cette étude a été publiée en 2018 dans American Psychologist. D’après ses conclusions, chacune des méta-analyses prises isolément montre, à de rares exceptions près, des résultats en faveur de l’existence du phénomène étudié. Et, comme le confirme Renaud Évrard, les résultats cumulés des différentes méta-analyses rendent très plausible la réalité des phénomènes psi. «La preuve serait à la fois horizontale, dans la mesure où différents tests de laboratoire mettent en exergue la présence d’une anomalie dans des champs de recherche différents, et verticale, du fait que les exigences de l’analyse statistique auxquelles sont soumises les données accumulées par les parapsychologues depuis des décennies sont du même niveau que celles permettant de conclure à la qualité d’un médicament», indique-t-il. De l’ordre de 0,20, les tailles d’effet sont petites mais constantes, comparables, voire supérieures à celles qui consacrent un phénomène comme établi en psychologie sociale.

Renaud Évrard ne soutient pas pour autant que l’on détient une preuve irréfutable de l’existence du psi, car les exigences en matière de preuves ne cessent d’évoluer, mais il insiste sur les efforts constants que les parapsychologues universitaires ont consentis pour jouer le jeu de la science expérimentale. Dans Phénomènes inexpliqués, il souligne que «la revue officielle de l’American Psychological Association, la plus importante société de psychologie dans le monde, publie un article affirmant que le niveau de preuves en parapsychologie a atteint la barre fixée par la communauté scientifique.» Ce constat s’appuie sur l’accumulation de travaux expérimentaux relatifs au «psi» (le supposé facteur inconnu derrière le paranormal, rappelons-le) publiés dans d’éminentes revues comme Science ou Nature.

Déprivation
sensorielle

Des expériences de différentes natures ont été conduites dans des conditions de plus en plus sophistiquées pour valider ou invalider l’existence de phénomènes psi. Un protocole fréquemment utilisé pour tester la perception extrasensorielle – télépathie, précognition… – est le Ganzfeld. De quoi s’agit-il ? D’un champ sensoriel uniforme induit par une lumière rouge et un bruit aléatoire, dans lequel baigne un participant confortablement assis dans un fauteuil. «Le but est que cette « déprivation sensorielle » lui permette de se concentrer sur ses ressentis », précise Renaud Évrard. Dans les années 1970-80, lors d’expériences centrées sur la télépathie, une personne qualifiée d’«émetteur» regardait une image ou une vidéo parmi un ensemble de 4 images ou de 4 vidéos. Le participant testé (le «récepteur») devait identifier l’image ou la vidéo regardée par l’«émetteur», lequel était installé dans une autre pièce. «Depuis, l’ »émetteur » a été remplacé par un ordinateur distant qui sélectionne aléatoirement l’image ou la vidéo», explique Renaud Évrard. Si personne n’est appelé à regarder l’ordinateur, les chercheurs testent la clairvoyance, la faculté d’acquérir des connaissances sur des événements présents sans l’intervention des sens. Si quelqu’un regarde l’ordinateur, l’étude est axée sur la télépathie. Et si l’ordinateur «choisit» l’image ou la vidéo après que le participant a opéré sa sélection, l’objectif est d’évaluer la précognition. Globalement, les méta-analyses révèlent à partir de milliers d’essais entrepris dans des dizaines de laboratoires que les «participants Ganzfeld» devinent correctement la cible dans quelque 31% des cas. Or, ce chiffre est supérieur de 6% à celui que devrait livrer le hasard (25%). Faible taille d’effet, certes, mais qui se retrouve dans de nombreux domaines de recherche en psychologie.

Le Ganzfeld est considéré comme un inducteur d’états de conscience non ordinaires (communément appelés jusqu’ici états modifiés de conscience). Expérimentalement, on constate que ces derniers favorisent la manifestation potentielle de phénomènes psi. D’où l’intérêt, par exemple, des études sur les rêves prémonitoires menées dans des laboratoires du sommeil, où les sujets sont réveillés en phase de sommeil paradoxal. À l’instar du Ganzfeld et des rêves, l’hypnose, la relaxation, la méditation ou la prise de drogues psychédéliques seraient susceptibles de faciliter le psi. Dans sa «méta-analyse des méta-analyses» publiée en 2018 dans American Psychologist, Etzel Cardeña fait référence à une théorie de Charles Honorton (1946-1992), fondateur des Psychophysical Research Laboratories à Princeton. «Selon la théorie de la « réduction du bruit », écrit Cardeña, l’information psi est subtile et a plus de chance de rester non consciente au milieu d’informations écrasantes délivrées par les sens et les actions corporelles, sauf si ces entrées sont réduites.»

 
Impossible n’est pas psi

La principale objection formulée pour tordre le cou à l’hypothèse de la réalité de phénomènes paranormaux est qu’ils enfreindraient des lois de la physique. Impossible, le psy ? Dans sa «méta-analyse des méta-analyses», Etzel Cardeña taxe de présupposé l’affirmation selon laquelle un événement ne peut en affecter un autre à distance sans l’intermédiaire d’une forme d’énergie connue. Et il émet un avis analogue au sujet des prises de position qui, en dépit des données rassemblées, bannissent la possibilité que des événements futurs puissent en influencer d’autres qui leur sont antérieurs (rétrocausalité). Pour justifier son point de vue, il souligne que les théories en physique évoluent et défient également le sens commun.

Prenons l’exemple de la rétrocausalité. Pour lui laisser une chance, Cardeña évoque notamment la théorie de l’univers-bloc proposée par Einstein. Pour ce dernier, l’univers-bloc est constitué d’un continuum d’espace-temps à quatre dimensions souple, malléable, déformable par la matière qu’il contient, mais dépourvu de tout flux temporel. L’ensemble des événements passés, présents et futurs y coexistent. «Dans cette conception, tout ce qui a existé existe encore dans l’espace-temps et tout ce qui va exister y existe aussi», indique le physicien français Étienne Klein. Quelle serait alors la singularité des événements présents ? Ils n’en auraient d’autre que d’advenir là où nous nous trouvons dans l’espace-temps. Dans la théorie de l’univers-bloc, l’histoire de la réalité serait déjà écrite et nous la découvririons pas à pas. Perspective éminemment déterministe. L’univers-bloc rejette cependant le concept de «présent universel» au profit d’un «présent relatif» propre à chaque observateur. Cardeña s’en remet par ailleurs à des expériences qui concluent à la possibilité de phénomènes de rétrocausalité quantique. On pourrait citer entre autres celle, publiée en 2012 dans Nature, des physiciens de l’équipe du professeur autrichien Anton Zeilinger, prix Nobel de physique en 2022. Cardeña s’efforce également de contrer les autres objections émises pour conclure à l’inexistence du psi. Ainsi, pour invalider l’argument de l’impossibilité d’une action directe de la pensée sur des objets physiques ou des êtres vivants, il se réfère notamment aux travaux du professeur Bernard Carr, mathématicien et cosmologiste de l’Université de Londres, lequel, dit Cardeña, «a décrit de récentes approches hyper-spatiales ou hyper-dimensionnelles qui postulent des dimensions additionnelles à celle du temps et aux trois dimensions de l’espace». Ce qui, au terme d’un raisonnement que nous n’aborderons pas ici, autoriserait l’esprit et la matière à interagir via une dimension commune.

Les travaux pris pour caution par Cardeña émanent généralement de scientifiques de renommée internationale. Voilà qui est de nature à titiller certaines visions dogmatiques et à encourager la poursuite de recherches sur le psi. Néanmoins, l’explication des mécanismes impliqués dans de possibles phénomènes paranormaux reste de l’ordre de la spéculation. Faisons un nouveau détour par la rétrocausalité. Les physiciens considèrent qu’injecter les principes de la mécanique quantique dans l’univers-bloc reviendrait à reconnaître la rétrocausalité, donc que le futur peut agir sur le présent et le passé. Très bien, mais encore faudrait-il que les 2 théories majeures de la physique moderne puissent se marier, c’est-à-dire qu’on atteigne le graal en réussissant à élaborer une «théorie quantique de la gravitation».

Le paradoxe du psi

La «méta-analyse des méta-analyses» d’Etzel Cardeña relatives aux expériences sur le psi, y compris par exemple celles, apparemment extrêmes, consistant en une interaction mentale destinée à stimuler ou calmer une personne, plaide en faveur de l’existence de phénomènes paranormaux. La réalité du psi est-elle prouvée pour autant ? Non. Outre que la méthodologie expérimentale ne cesse d’évoluer avec des exigences revues à la hausse, les phénomènes montrent leurs limites lorsqu’on leur impose d’être absolument prévisibles et reproductibles. «Selon certains chercheurs, les phénomènes psi se caractérisent par leur «élusivité», en ce sens que les résultats expérimentaux déclinent à mesure que le nombre d’essais identiques augmente.», indique Renaud Évrard. La question est alors: faut-il conclure à l’inexistence des phénomènes psi ou chercher une explication alternative ? Autre obstacle majeur: le «paradoxe du psi». En science, le principe d’objectivité est primordial, le chercheur ne doit jouer aucun rôle dans le résultat qu’il obtient, de sorte que n’importe quel chercheur dans le monde puisse obtenir le même résultat avec la même «recette». Or, les parapsychologues ont mis en évidence de longue date que, peu importe les participants, les résultats expérimentaux en matière de psi vont dans le sens des attentes des expérimentateurs – plus ou moins croyants ou sceptiques. Comme le souligne le professeur Thomas Rabeyron, de l’Université de Lorraine, cet «effet expérimentateur psi» rend caducs la plupart des résultats obtenus en parapsychologie. Parallèlement se dévoile un paradoxe: la méthode scientifique basée sur l’objectivité a été employée pour démontrer que celle-ci est toute relative. On ne peut plus garantir l’indépendance des attentes du chercheur et de ses résultats. Comment s’extraire de cette impasse ? «De deux choses l’une: soit on rejette la parapsychologie, soit il faut revisiter les règles de la science», conclut Renaud Évrard.

La réputation de la parapsychologie, fût-elle universitaire, demeure désastreuse dans la plupart des cercles scientifiques. Elle est victime non seulement d’amalgames avec des pratiques relevant du charlatanisme et de la cupidité ainsi que de sa remise en cause de lois physiques très majoritairement jugées inviolables, mais aussi de reproches méthodologiques souvent plaqués sur les travaux expérimentaux entrepris, et ce, malgré des protocoles de plus en plus rigoureux, enfin probablement de la tendance à inscrire dans la sphère des troubles psychiques les témoignages de ceux qui déclarent avoir vécu des expériences paranormales. Dans ce contexte, la communauté scientifique n’est pas encline – à tort ou à raison – à se contenter de succès statistiques pour reconnaître une réalité au psi. Pour en consacrer le bien-fondé, elle exige que les mécanismes sous-tendant les potentiels phénomènes inexpliqués soient élucidés. Or, parmi la vingtaine de modèles théoriques actuellement à l’étude pour interpréter les phénomènes psi, aucun ne fait consensus.

(1) Renaud Évrard, Phénomènes inexpliqués, HumenSciences, mars 2023.

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