Dossier

JO : quid des athlètes intersexuées et transgenres ?

© AFP/Belgaimage, © Justin Casterline, © AFP/Belgaimage

Les performances des athlètes intersexuées et transgenres font vaciller tout le sport féminin. Devant cette situation face à laquelle les athlètes nées femmes se sentent dépourvues, y a-t-il une autre solution que la création d’une «troisième catégorie» sportive à côté de celle des femmes et de celle des hommes ? Plusieurs fédérations ont formulé ce projet et la World Aquatics a même franchi le pas le 16 août 2023. Aux JO de Paris, la participation des athlètes transgenres et intersexuées aux compétitions féminines déprendra des règles en vigueur dans chaque fédération

 
Quatre nouvelles disciplines sportives feront leur entrée aux Jeux Olympiques qui se tiendront à Paris du vendredi 26 juillet au dimanche 11 août: le breaking (ou breakdance), danse acrobatique issue de la culture hip hop, l’escalade, le skateboard et le surf, dont les épreuves éliront domicile loin de la ville Lumière, à Tahiti. Mais la principale nouveauté est peut-être que, pour la première fois, les Jeux accueilleront un nombre égal d’athlètes féminines et d’athlètes masculins – quelque 10 500 au total pour les 2 sexes. L’histoire et le hasard veulent que ce soit précisément à Paris, à l’occasion des JO de 1900, que les femmes furent enfin invitées à participer à des épreuves olympiques. À l’époque, on en dénombra 22… contre 975 hommes.

Mais aujourd’hui, c’est une autre question qui se pose avec insistance: celle de la participation d’athlètes intersexuées (1) – en particulier hyperandrogènes (2) – ou transgenres aux épreuves sportives féminines. Elle n’est pas neuve, loin s’en faut, mais à une époque où le débat sur les identités de genre s’est profondément ancré dans la société, suscitant de vives polémiques, elle revêt une acuité particulière et pousse certaines instances sportives à sortir du bois et à réglementer l’accès aux épreuves féminines avec pour objectif de faire obstacle à ce que beaucoup de sportives cisgenres (3) et d’observateurs considèrent comme une concurrence déloyale. En 2021, une affaire a enflammé les États-Unis, la mèche ayant été allumée par un nageur devenu nageuse, Will Thomas devenu Lia Thomas. Will a concouru durant 3 ans pour l’équipe masculine de natation de l’Université de Pennsylvanie. Sur la distance de 500 yards, il était classé 65e au ranking de la National Collegiate Athletic Association (NCAA), l’association nationale américaine des sports universitaires. Après une hormonothérapie entamée en 2019, Will s’effaça au profit de Lia qui, elle, devint numéro un des nageuses universitaires sur la même distance.

Entre le 3 décembre et le 5 décembre 2021, elle s’adjugea, à 22 ans, le 200, le 500 et le 1 650 yards nage libre lors d’une compétition importante dans l’Ohio, en surclassant ses adversaires. Le jeudi 17 mars 2022, elle fut la première nageuse transgenre à décrocher un titre NCAA – 500 yards nage libre – lors des championnats universitaires américains de natation à Atlanta. Avant la compétition, plusieurs athlètes féminines de l’Université de Pennsylvanie, celle-là même à laquelle appartient Lia Thomas, avaient demandé à la NCAA que la sportive transgenre ne puisse y participer. Dans leur lettre de revendication, ces femmes ont soutenu l’idée que l’identité de genre et le sexe biologique constituent 2 réalités différentes. En l’occurrence, elles tiraient argument de l’avis des experts qui soulignent que les athlètes nés hommes mais devenus femmes conservent des avantages physiologiques par rapport aux femmes cisgenres en matière de performances sportives potentielles. Autrement dit, un traitement hormonal ne peut gommer totalement l’écart qui les sépare et, peut-on ajouter, surtout dans un cas comme celui de Lia Thomas chez qui un tel traitement a été initié après la puberté. Au début des compétitions, des drapeaux ont été déployés autour de la piscine avec pour slogan qu’il fallait sauver le sport féminin. À l’inverse, la nageuse transgenre a reçu le soutien de militants des droits humains ainsi que des mouvements féministes et pro-LGBTQIA+, tous résolument favorables à l’inclusion des personnes transgenres (hommes devenus femmes), hyperandrogènes et intersexuées dans les compétitions féminines.

Lia Thomas (à gauche), de l’Université de  Pennsylvanie, monte sur le podium après avoir  remporté le 500 yards libre tandis que les autres  médaillées (de gauche à droite) Emma  Weyant, Erica Sullivan et Brooke Forde, posent  ensemble en signe de protestation.

Avantages structurels

Une photo, qui a fait le tour du monde, montre Lia Thomas seule sur le podium après son titre sur 500 yards à Atlanta le 17 mars 2022. Les 2 autres médaillées posaient avec la nageuse classée quatrième. «Cette photo en évoque une autre où l’on voit les athlètes classées quatrième, cinquième et sixième du 800 mètres féminin des JO de 2016 à Rio de Janeiro, en athlétisme, se congratuler à l’arrivée de l’épreuve, s’en considérant comme les vainqueurs morales», indique le docteur Jean-Pierre de Mondenard, médecin français du sport, responsable des contrôles antidopage sur le Tour de France de 1973 à 1975 et auteur de nombreux livres et articles de revue.  Lors de ce 800 m remporté par Caster Semenya, championne sud-africaine présentant une hyperandrogénie, qui régna sans partage sur les courses de demi-fond féminin de 2008 à 2018, les médaillées d’argent et de bronze, Francine Niyonsaba (Burundi) et Margaret Wambui (Kenya), possédaient également des taux de testostérone anormalement élevés pour des femmes (voir Athena n°345, p. 23).

La question des sportives intersexuées, hyperandrogènes ou transgenres s’alignant dans des compétitions féminines ne date pas d’hier. Ainsi, Jean-Pierre de Mondenard cite un chiffre édifiant: en 1967, 60% des records du monde féminins en athlétisme étaient détenus par de telles athlètes. Ces dernières années, c’est l’affaire Semenya qui a suscité le plus de remous, mais l’affaire Thomas s’est inscrite dans son sillage. À telle enseigne que World Aquatics, la fédération internationale de natation, qui tenait un congrès extraordinaire à Budapest lors des championnats du monde, a annoncé en juin 2022 interdire aux athlètes transgenres de participer aux épreuves féminines à moins que le changement de sexe soit antérieur à l’âge de 12 ans. En outre, elle fit état de sa décision de faire de la natation le premier sport qui mettrait sur pied une «catégorie ouverte» destinée aux nageurs de tous les sexes et de toutes les identités de genre, ce qui inclut les transgenres, les hyperandrogènes et les intersexuées. Fondée sur un projet élaboré par un groupe composé de sportifs, de médecins, de scientifiques et de défenseurs des droits humains, cette proposition a recueilli 71,5% des votes des congressistes. Membre de ce groupe de travail, Sandra Hunter, directrice du Centre de recherche sur la performance sportive et humaine à l’Université Marquette de Milwaukee, aux États-Unis, insista sur les avantages structurels que les hommes acquièrent à la puberté et qui ne disparaissent pas après un traitement hormonal axé sur une baisse drastique de leur taux de testostérone. Le 16 août 2023, World Aquatics annonçait la création effective d’une catégorie ouverte. Celle-ci devait être officiellement inaugurée en octobre de la même année au meeting de Berlin. Coup dans l’eau, puisque l’on ne recensa aucun inscrit pour la première de cette catégorie. Ce qui n’a pas désamorcé pour autant la volonté de la fédération internationale de poursuivre dans la voie qu’elle s’est tracée.

LES DIVIDENDES  D’UNE PUBERTÉ  MASCULINE

Après une puberté masculine, quels  sont les avantages, pour la  performance sportive, dont  continuent à bénéficier les  sportives transgenres malgré un  traitement hormonal de  transformation par rapport aux  femmes cisgenres ? Illustrons le  propos en nous référant au cas de  Lia Thomas, anciennement Will  Thomas. Les avantages dont jouit la  nageuse transgenre américaine  se situent principalement à  3 niveaux: anthropométrie,  composition corporelle, appareil  cardiovasculaire. Premier  avantage:  une plus grande force musculaire, en particulier au  niveau  du train supérieur. «Or, chez  les nageurs de crawl de haut  niveau, 70% de la force de  propulsion totale provient des bras, alors que 30% se situe dans les jambes», écrit sur son blog le  docteur Jean-Pierre de Mondenard.  Autre avantage: les  bras, spécialement les avant-bras,  sont plus longs, ce qui procure un  effet de levier plus important, donc  un bénéfice sur le plan biomécanique. Troisième  élément: un pourcentage de graisse  corporelle plus faible – il  varie entre 10 à 14% du poids du  corps chez les nageurs, entre 14 et  18% chez les ondines. Toutefois,  cela ne constitue un atout que dans  les épreuves de sprint; sur les  longues distances, la meilleure  flottabilité qu’assure la graisse  réduit la traînée hydrodynamique – les nageuses occupent une position  horizontale plus  haute sur l’eau – et, par  conséquent, est favorable à la  performance. Chez Lia Thomas, les  glandes mammaires sont très peu  développées. Voilà qui influe  positivement sur  l’hydrodynamisme. 

Dans un tout autre registre, le cœur des personnes ayant eu une puberté masculine est plus gros que celui des femmes. «Le volume du cœur féminin est inférieur de 25% à celui des hommes et le débit cardiaque maximal est moindre (27,5 l/mn versus 35 l/mn). Chez la femme, la capacité à transporter l’oxygène du sang n’atteint que 80% de celle relevée chez l’homme», commente Jean-Pierre de Mondenard. Or, une des composantes essentielles du VO2 max (4) réside dans la capacité du système cardiovasculaire à fournir de l’oxygène aux muscles. Le taux d’hémoglobine, plus élevé chez l’homme, est un parfait indicateur de cette réalité.

Enfin, en comparant les chronos que Lia Thomas a réalisés par rapport à ceux qui étaient les siens lorsqu’elle s’appelait Will, un homme, il semble ressortir que malgré le traitement hormonal auquel elle s’est soumise pour changer de sexe, sa sécrétion de testostérone dépasserait celle d’une femme cisgenre. «Sans compter la conservation d’un nombre de récepteurs aux androgènes nettement supérieur», insiste le docteur de Mondenard. Ainsi, sur 200 m nage libre, la différence entre les records mondiaux masculin et féminin est de 10,76% et, sur 400 m, de 7,44%. Sur les distances avoisinantes de 200 et 500 yards, les écarts entre Will et Lia étaient nettement plus faibles. Respectivement 2,6% et 5,76%. Des chiffres qui pourraient en dire long.

 
Critères à préciser

La décision de juin 2022 de World Aquatics a rapidement fait florès. Ainsi, 2 jours à peine après l’annonce de son intention de créer une troisième catégorie, l’International Rugby League (IRL), qui dirige le rugby à XIII au niveau international, décréta l’interdiction pour les personnes transgenres de prendre part aux matches internationaux féminins tant que n’aura pas été définie une «politique d’inclusion complète». Saisissant le ballon ovale au bond, les fédérations anglaises de rugby à XIII et à XV ont annoncé le 29 juillet 2022 que sur la base d’éléments scientifiques ainsi que pour des raisons de sécurité, elles fermaient la porte des compétitions féminines aux joueuses transgenres. Dans un communiqué, la Fédération du jeu à XV (RFU) a souligné que «la recherche a fourni des preuves que les différences physiques entre joueurs nés de sexe masculin et féminin et que les avantages en termes de force, d’endurance et de physique apportés par la testostérone et la puberté masculine sont « significatifs » et conservés même après suppression de la testostérone». Par ailleurs, dans une dépêche de l’AFP, on pouvait lire: «Début juillet, la Fédération britannique de triathlon avait elle aussi annoncé que les femmes transgenres nées hommes ne seraient pas en mesure de concourir face à des athlètes nées femmes mais pourraient participer à une nouvelle catégorie ouverte.»

Le 23 mars 2023, ce fut au tour de World Athletics, la fédération internationale d’athlétisme, d’exclure des compétitions féminines les athlètes transgenres ayant connu une puberté masculine. Application de la mesure à partir du 31 mars 2023. Parallèlement, elle a durci ses exigences à l’égard des athlètes intersexuées en leur imposant de maintenir désormais leur taux de testostérone sous le seuil de 2,5 nanomoles par litre de sang (2,5 nmol/l) durant 24 mois avant une compétition féminine, au lieu de 5 nmol pendant 6 mois (voir infra). Toutes les disciplines relevant de sa compétence sont concernées. Le 9 avril 2024, on apprenait d’autre part qu’aux États-Unis, la National Association of Intercollegiate Athletics, qui chapeaute 241 petits collèges et universités (83 000 athlètes) interdisait aux femmes transgenres la participation aux épreuves sportives féminines. Cette mesure sera-t-elle bientôt adoptée aussi par la NCAA, dont les membres sont de grandes écoles et des universités ?
La réponse demeure en suspens.

Il y a longtemps que le docteur de Mondenard préconise la création d’une troisième catégorie à côté du sport masculin et du sport féminin. Il redoute qu’on voie ce dernier partir en déliquescence si ses palmarès ne sont plus ornés que des noms de sportives transgenres, hyperandrogènes ou intersexuées. Selon lui, «ce sera difficile de contenter tout le monde, mais il n’y a d’autre issue que de créer une troisième catégorie». Il reproche cependant au monde sportif de ne pas avoir anticipé ce qui est devenu un problème criant, mais qui a toujours existé. Par exemple, on estime que 26,7% des athlètes féminines médaillées d’or aux JO de Tokyo en 1964 n’étaient pas des femmes cisgenres, mais des personnes intersexuées, hyperandrogènes ou transgenres – à l’époque, aucun contrôle n’était effectué en la matière. Anticiper aurait été de commanditer des études scientifiques destinées à déterminer précisément l’impact de l’intersexualité, de l’hyperandrogénie et du transgendérisme sur les performances sportives ainsi que les mécanismes mis en jeu. Des travaux récents ont fourni certaines réponses, mais d’autres sont nécessaires pour élucider des questions qui restent coiffées d’incertitude. La crédibilité des critères qui doivent permettre d’établir de façon efficiente et irréfutable le contour de la troisième catégorie en dépend. «Prenons un exemple, suggère Jean-Pierre de Mondenard. Malgré les évidences, d’aucuns contestent le taux de testostérone comme critère déterminant. Pourquoi ? Parce que certains hommes chez qui ce taux est bas réalisent malgré tout des performances exceptionnelles. Tout semble indiquer que c’est parce qu’ils ont davantage de récepteurs à la testostérone, mais personne ne l’a démontré formellement jusqu’à présent

L’effet Obélix

A priori, le taux de testostérone est probablement le meilleur paramètre pour décider de l’inclusion de sportives intersexuées, hyperandrogènes ou transgenres dans une catégorie qui leur serait réservée ou dans une catégorie ouverte. En effet, l’hormone mâle semble être, dans leur cas, l’élément clé qui leur apporte un avantage au niveau des performances. Toutefois, son dosage ne suffit probablement pas à faire le tour de la question. Quelques études éparses (2014, 2017, 2021) relativisent d’ailleurs l’impact de la testostérone sur les performances sportives. Toutefois, il est communément admis que l’hormone mâle et ses dérivés synthétiques intéressent les sportifs pour plusieurs raisons: en particulier, ils agissent comme des «engrais du muscle», augmentent l’érythropoïèse et, partant, le transport de l’oxygène, influent sur le psychisme en rendant l’individu plus pugnace, plus volontaire, capable d’accepter des charges d’entraînement plus lourdes. Avec la testostérone, ce n’est pas un élément qui se trouve bonifié, mais un ensemble de facteurs. «C’est comme si vous aviez un autre moteur», insiste le docteur de Mondenard. «Nier cette réalité n’est pas une solution», déclare pour sa part le professeur Jacques Balthazart, professeur émérite de l’Université de Liège, où il dirigeait le Laboratoire de biologie du comportement. Et d’ajouter que certains pays cherchent assidûment à identifier et à recruter des personnes transgenres, hyperandrogènes ou intersexuées pour gagner des titres dans les catégories féminines. À cela se greffe le risque que les femmes cisgenres soient poussées encore un peu plus dans les bras du dopage et utilisent des molécules artificielles indétectables produites par des «stéroïdes designers», la testostérone exogène, elle, pouvant être mise en évidence par le biais d’un test isotopique applicable depuis 1999.

Même si les athlètes intersexuées, hyperandrogènes et transgenres se plient à un traitement hormonal pour réduire drastiquement leur taux de testostérone, voire également à un éventuel traitement chirurgical dans le cas des sportives transgenres, les unes et les autres continuent à bénéficier de ce que d’aucuns ont appelé l’«effet Obélix», du nom du célèbre Gaulois des BD tombé tout petit dans la marmite contenant la potion d’invincibilité préparée par le druide Panoramix. Autrement dit, leur «histoire physiologique» nimbée de testostérone ne peut être effacée. Plus précisément, elles conservent, après la puberté, des avantages sportifs discriminants par rapport aux femmes cisgenres (voir encadré).

Caster Semenya, d’Afrique du Sud, célèbre sa  victoire dans la finale féminine du 800 m des  Championnats du monde d’athlétisme de l’IAAF  2009, le 19 août 2009 à Berlin.

Éthique médicale bafouée

Avant le cas Thomas, c’est celui de la coureuse à pied de demi-fond Caster Semenya qui avait fait couler beaucoup d’encre depuis les championnats du monde de 2009 à Berlin – hyperandrogène, Semenya y avait survolé la concurrence. En 2018, la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), rebaptisée World Athletics en octobre 2019, en vint finalement à interdire la participation aux épreuves féminine allant du 400 m au mile aux athlètes dont le taux de testostérone ne serait pas inférieur à 5 nanomoles par litre de sang (5 nmol/l) pendant les 6 mois précédant une telle épreuve. Cette réglementation apparut comme ayant été faite sur mesure pour évincer Caster Semenya des compétitions qu’elle dominait de la tête et des épaules. En effet, il est évident qu’un taux de testostérone élevé constitue un atout important dans bien d’autres disciplines sportives, tant pour les hommes que pour les femmes. Le 23 mars 2023, World Athletics a interdit, nous l’avons signalé, les compétitions féminines aux athlètes transgenres ayant connu une puberté masculine, mais a également durci son règlement à l’égard des athlètes intersexuées et hyperandrogènes. D’une part, l’interdiction visant la participation aux épreuves féminines allant du 400 m au mile a été étendue à l’ensemble des disciplines de l’athlétisme. D’autre part, pour prendre part à ces compétitions, il s’agira désormais pour les femmes non cisgenres de maintenir leur taux de testostérone sous le seuil de 2,5 nmol par litre de sang pendant 24 mois.

Par ailleurs, dès 2018, l’IAAF a suggéré aux athlètes concernées par un taux d’hormone mâle dépassant la limite réglementaire de le faire baisser par voie médicamenteuse, notamment par la prise de pilules contraceptives. Ce qui bafoue l’éthique médicale et a conduit l’Association médicale mondiale (AMM) à s’insurger contre cette idée. Sans doute est-ce une des raisons de la décision prise en 2023 par World Athletics de bannir les personnes transgenres des compétitions féminines d’athlétisme.

La question des sportives intersexuées, hyperandrogènes ou transgenres s’alignant dans des compétitions féminines ne date pas d’hier. Ainsi, Jean-Pierre de Mondenard cite un chiffre édifiant: en 1967, 60% des records du monde féminins en athlétisme étaient détenus par de telles athlètes. Aujourd’hui, les affaires Semenya et Thomas ne font que s’inscrire dans la même logique.

Dans une directive de 2015, le Comité international olympique (CIO) recommandait aux fédérations internationales, mais sans les y contraindre, de ne laisser participer aux compétitions féminines que des athlètes dont le taux de testostérone ne dépassait pas 10 nmol/l de sang. Il a revu sa position en novembre 2022 en abandonnant cette norme facultative et en laissant à chaque fédération le soin de gérer la situation. Aux JO de Paris, il appartiendra donc à chaque fédération de faire (ou non) la «police du genre et de l’intersexualité».

«Le CIO reconnaît qu’il doit être du ressort de chaque sport et de son organe directeur de déterminer comment un(e) athlète peut être avantagé(e) de manière disproportionnée par rapport à ses pairs, en tenant compte de la nature de chaque sport », a communiqué l’instance internationale. Pourquoi ce changement d’attitude ? Probablement en raison du manque de consensus scientifique relatif aux effets (directs) de la testostérone sur les performances sportives, mais aussi pour couper l’herbe sous le pied des traitements hormonaux dégradants destinés à «manipuler» le taux de testostérone de certaines athlètes au mépris des conséquences préjudiciables et non encore connues (cardiovasculaires, carcinologiques…) qu’elles pourraient avoir à en subir. La mise sur pied effective d’une catégorie ouverte ou réservée aux sportives transsexuelles, hyperandrogènes ou intersexuées contournerait cet écueil tout en gommant l’impact des avantages structurels issus d’une puberté masculine.

(1) Nées avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions typiques du sexe masculin ou du sexe féminin.

(2) Qui présentent un excès d’hormones masculines. L’hyperandrogénie entre dans le spectre de l’intersexualité.

(3) Une personne est dite cisgenre lorsque son identité de genre correspond à son sexe biologique.

(4) Le VO2 max exprime le volume (V), mesuré par minute, d’oxygène (O2) consommé par l’organisme en effort maximal (max) soutenu pendant un laps de temps déterminé.

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