Mathématiques

Mais pourquoi la racine carrée de -1, c’est interdit !?

Nathan UYTTENDALE, alias Chat Sceptique • chatsceptique@gmail.com
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C’est cool comme opération, la racine carrée. La racine de 9 par exemple, c’est le nombre 3, c’est-à-dire le nombre qui une fois multiplié par lui-même permet de retomber sur 9. «Le» nombre ? Il y a en fait une autre racine, un peu moins «sexy»: -3, vu que -3  x  -3 ça fait bien 9 aussi ! Mais peu importe, le point essentiel est qu’en multipliant une racine par elle‑même, on doit pouvoir reconstituer le nombre initial. Et quelle galère c’est quand le nombre à reconstituer est négatif, comme -1… Vous voyez le problème ? Si la racine est positive, sa multiplication par elle‑même est forcément positive, impossible d’avoir -1. Si la racine est négative, sa multiplication par elle-même donne aussi un nombre positif, donc impossible de retomber sur -1. Bref la racine de -1 n’est ni positive, ni négative. Fichtre !

Sur les bancs de l’école, avant ma rétho, je me souviens distinctement de mes professeurs de mathématiques expliquant que la racine carrée d’un nombre négatif, ça n’existait pas, POINT ! Oser écrire le contraire à une interro, c’était risquer de se prendre un 0. Et puis, sur la fin de ma scolarité, mon prof me dit ceci: «La racine de -1, certains disent que ça n’existe pas. Mais peut-être que c’est juste un nombre d’un nouveau genre, exotique, tout comme les nombres négatifs qui, à une époque, ont été vus comme très étranges !»

Bref, déclarons que la racine de -1, même si ça reste mystérieux, cela vaut «𝑖», un nombre qui n’est ni négatif, ni positif, car bien plus compliqué que ça, on va d’ailleurs dire que c’est un nombre «complexe».

Propriété fondamentale de «𝑖» ? Comme il s’agit de la racine de -1, la seule certitude le concernant est  𝑖×𝑖=-1.

Ce point de départ vous semble naïf ? Et pourtant, c’est grâce à lui que le champ des nombres complexes a été ouvert !

Supposons qu’on souhaite obtenir la racine de -4. On peut écrire: 

√(-4) = √(-1 × 4) = √(-1) × √4 = i × 2

La racine de -4 est donc égale à 2 x la mystérieuse racine de -1 ! À partir de là, nous pouvons juste craquer notre slip et tenter toutes les opérations habituelles: Que vaut par exemple 2𝑖+3𝑖 ? Hé bien, 5𝑖 ! C’est la racine de −25 vu que 5𝑖×5𝑖=−25

Et si j’ajoute, disons, l’entier 3 au nombre 𝑖, quel est le résultat ? 𝑖 étant mystérieux, pas clair de comment y incorporer l’entier 3. Mais on peut toutefois écrire «𝑖+3» faute de mieux. Et que se passe-t-il si je tente d’additionner 𝑖+3 d’un côté et 2𝑖−2 de l’autre ? Hé bien, cela devrait en toute logique donner: 

(𝑖+3)+(2𝑖−2)=3𝑖+1

Poussons plus loin encore: que devrait faire (𝑖+3)2 par exemple ? Il suffit de développer:

(𝑖+3)2=𝑖2+6𝑖+9

Et comme 𝑖2=𝑖×𝑖= −1 (rappelez-vous, c’est notre seule certitude concernant 𝑖), on peut aussi écrire:

𝑖2+6𝑖+9 = −1+6𝑖+9 = 6𝑖+8

Que retenir pour briller en société ? La racine de -1 n’est ni un nombre positif, ni un nombre négatif, mais quelque chose de nouveau: un nombre complexe. Tout nombre qui peut s’écrire sous la forme 𝑎𝑖+𝑏 est appelé nombre complexe, le nombre complexe «𝑖» seul étant le cas particulier où 𝑎=1 et 𝑏=0.

1 chat, 2 chats, 3 chats

Compter nous vient très naturellement. Si naturellement qu’on faisait déjà des entailles dans des os il y a 40 000 ans pour s’en sortir, bien avant l’invention des chiffres arabes qui se sont imposés aujourd’hui.

Notons que d’autres os avec entailles vieux de 80 000 ans ont été retrouvés, mais ces entailles avaient peut-être un simple but décoratif (ce n’est pas clair !)

Quoi qu’il en soit, les mathématiciens regroupent aujourd’hui les nombres utilisés pour compter sous l’appellation «nombres naturels», c’est l’ensemble ℕ. Le nombre 42 en fait partie, tout comme 0, le nombre 8977 ou le nombre 698744 !

Toutefois, il est assez clair que les nombres naturels ne suffisent pas pour gérer le quotidien. Comment indiquer qu’une personne *nous doit* 2 pommes ? Il s’agit d’étendre l’ensemble des nombres naturels pour y incorporer des nombres négatifs tels que -4, -3, -2, -1. Ce nouvel ensemble étendu porte le nom d’ensemble des entiers (relatifs) et il est souvent désigné par la lettre ℤ.

Mais que faire si on se met à manipuler des morceaux de pomme (c’est mieux que des morceaux de chats) ? En divisant des entiers entre eux, comme 1 par 3, nous obtenons de nouveaux nombres, jamais rencontrés encore, mais aussi des nombres déjà bien connus, comme -16 divisé par 2 qui donne -8. 

L’ensemble des nombres obtenus en divisant des entiers entre eux est appelé l’ensemble des nombres rationnels, symbolisé par la lettre ℚ. Cet ensemble contient tous les nombres entiers qui lui-même contient tous les naturels (voir schéma ci-dessous).

Toutefois, certains nombres ne sont pas le résultat de la division de deux entiers. Notablement le nombre π, qui peut être grossièrement approximé par la fraction 22/7 mais ne correspond à aucune fraction de nombres entiers !

En ajoutant à l’ensemble des nombres rationnels les nombres dits irrationnels comme π, nous arrivons enfin à l’ensemble des nombres dits « réels » (ℝ).

L’ensemble des réels est-il lui-même inclus dans un ensemble plus large ? Oui, il s’agit de l’ensemble des nombres complexes (ℂ) dont le présent article est le sujet !

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