L'Adn de…

Dorothée BRIDOUX Diététicienne

Propos recueillis par Virginie CHANTRY • virginie@marketrotters.com

Diététicienne, c’est  une vocation que  vous avez depuis  toute petite ?

Absolument pas ! Après ma rhéto, j’ai passé 2 ans dans une école de danse professionnelle. Des problèmes aux genoux m’ont contrainte à me réorienter. Lors d’une journée portes ouvertes à l’IPL à Bruxelles (ndlr: Institut Paul Lambin, faisant partie de la Haute École Léonard de Vinci), j’ai été franchement attirée par les cours dispensés en diététique: une base scientifique étroitement liée à la santé.

Avant tout, il faut être épicurien – aimer manger et goûter fait partie de notre job ! Curiosité (le domaine évolue sans cesse), rigueur scientifique et attrait pour le médical sont essentiels pour dispenser des conseils nutritionnels adaptés. Et finalement, une bonne dose d’empathie est essentielle pour créer du lien avec nos patients. Au niveau formation, le bachelier dure actuellement 3 ans, avec une possible extension à 4 ans dans le futur. Plusieurs écoles francophones le proposent: HEPH-Condorcet (Tournai), IPL et HELdB (Bruxelles), HEPL (Liège). Des spécialisations existent ensuite en nutrition sportive, pédiatrique, gériatrique, etc. Il est aussi possible de poursuivre avec un master en nutrition ou en santé publique.

Comment devient-on  diététicienne ?

Vous exercez  actuellement en tant  que diététicienne  dans le service de  gériatrie au Centre  Hospitalier de  Wallonie Picarde à  Tournai (CHWAPI),  quelle est votre journée-type ?

Être diététicien en milieu hospitalier, et plus précisément dans une unité de soins (ce qui est différent d’être en consultations externes), implique que la journée est rythmée par les horaires de la cuisine de collectivité. Nos adaptations des plateaux repas doivent respecter les horaires de production en cuisine. Une fois cet impératif respecté, la journée se partage entre des anamnèses alimentaires, des calculs des besoins nutritionnels en lien avec les motifs d’admission à l’hôpital et les antécédents médicaux des patients. Ensuite, je donne des conseils nutritionnels adaptés, avec pour objectif de favoriser un vieillissement en bonne santé.

L’un des plus grands défis en gériatrie est de lutter contre la dénutrition, qui est responsable de la fragilité chez le patient âgé. Ainsi, je jongle entre l’équilibre alimentaire, la texture, les portions servies, l’enrichissement des repas et, dans certains cas, une nutrition par sonde. Les restrictions alimentaires injustifiées n’ont pas leur place en gériatrie ! Ce qui rend ce travail particulièrement riche, c’est l’approche pluridisciplinaire et une collaboration quotidienne avec les différents soignants (médecin-gériatre, infirmier, logopède, kinésithérapeute, ergothérapeute, psychologue…). Cependant, notre premier partenaire reste le patient, ainsi que son entourage, surtout lorsque la personne âgée présente des troubles cognitifs.

Une base solide en chimie et biochimie est indispensable pour exercer ce métier. La chimie est omniprésente, que ce soit dans la composition des aliments ou lors de leur cuisson. Ces processus engendrent de véritables réactions physico-chimiques, qui peuvent avoir des effets bénéfiques ou, au contraire, délétères, selon les pathologies. Cette connaissance fait le lien entre science et médecine en mettant la chimie au service de la santé. De plus, le diététicien bénéficie également d’un bagage solide en physiopathologie, essentiel pour associer efficacement nutrition et soins de santé adaptés à chaque patient.

Quels sont vos  rapports avec la  science ?

Quelle est la plus  grande difficulté  rencontrée dans l’exercice de  votre métier ?

Le respect de la profession de diététicien ! Nous faisons sans cesse face à des personnes qui s’estiment capables de donner des conseils nutritionnels avec peu, voire aucune formation. Cela peut s’avérer dangereux pour la santé des patients, avec des conséquences parfois néfastes qui se manifestent des années plus tard comme une dégradation de la fonction rénale. Le plus grand danger, c’est l’absence de cadre légal pour ces pseudo-formations, alors que les diététiciens, eux, sont strictement encadrés par un arrêté royal. 

Le trajet de soins du patient âgé permet aujourd’hui de le suivre après une hospitalisation. Il s’agit de le revoir en hôpital de jour. Quelle satisfaction de retrouver un patient en meilleure forme, appliquant les conseils nutritionnels reçus ! Cela donne vraiment du sens à mon travail quotidien.

Quelle est votre plus  grande réussite  professionnelle  jusqu’à ce jour ?

Quels conseils  donneriez-vous à un  jeune qui aurait envie  de suivre vos traces ?

Les débouchés professionnels sont nombreux et variés pour un jeune diététicien: les structures de soins (hôpital, maison de repos), le milieu scolaire, les cuisines de collectivité, le contrôle qualité et l’hygiène alimentaire, l’industrie agroalimentaire, le marketing… Alors, qu’il laisse place à son imagination: partout où l’alimentation a une importance, le diététicien a sa place !
 

CARTE D’IDENTITÉ

Dorothée BRIDOUX

ÂGE : 42 ans

LIEU DE NAISSANCE : Tournai

LIEU DE RÉSIDENCE : Tournai

SITUATION FAMILIALE : En couple, maman de 2 enfants

PROFESSION : Diététicienne

FORMATION : Bachelier
en diététique spécialisé en approche interdisciplinaire en gériatrie

    https://www.chwapi.be/services-medicaux/pole-nutrition/

Je vous offre une  seconde vie pour un   second métier…

Je ne crois pas que je m’éloignerais beaucoup de mon métier actuel… J’aurais envie d’associer l’activité physique à la nutrition. Alors, comme second métier, pourquoi pas kinésithérapeute ! Avec pour objectif de faire bouger davantage les gens tout en respectant leurs capacités physiques. 

Laissons place à l’utopie: offrir à chacun la possibilité de manger à sa faim !

Je vous offre un   super pouvoir… 

Je vous offre un   auditoire…

Sans hésiter, je m’adresserais aux jeunes futurs médecins pour introduire la notion de collaboration et de complémentarité avec les paramédicaux qu’ils rencontreront sur le terrain. Je leur rappellerais que s’alimenter est un soin à part entière, y compris à l’hôpital.

Toute seule, je risque de faire exploser le labo ! Avec une bonne équipe, je développerais de nouvelles sources de protéines (insectes, microalgues, levures, …) avec un impact minimal sur l’environnement. Un vrai défi !

Je vous offre un laboratoire… 

Je vous transforme en un objet du  21e siècle…

Personnellement, je choisirais l’appareil photo numérique: j’adore capturer les moments de la vie, surtout en famille ! Professionnellement, plutôt qu’un objet, je choisirais un mouvement en plein essor: consommer local et privilégier les circuits courts. Connaître l’origine des produits qui composent notre assiette est essentiel. 

Le Canada: ses grands espaces, la nature à l’état pur ! Il faut aussi souligner que le Canada a une longueur d’avance sur nous en matière de stratégie nutritionnelle en milieu de soins. Là-bas, le bien-être des aînés est une véritable priorité nationale.

Je vous offre un voyage…

Je vous offre un face   à face avec une grande personnalité du monde…

Je reviens à ma passion pour la danse… Maurice Béjart ! Son côté visionnaire et avant-gardiste dans ses chorégraphies m’impressionne.

Il y a 20 ou 30 ans, peut-être… On m’interpelle encore souvent avec un traditionnel: «fromage blanc-carotte, c’est la base !» Heu… non, pas du tout ! Quelle horreur, fuyez si c’est ce qu’on vous propose, car le risque de dénutrition est bien présent pour tous, à tout âge et peu importe votre corpulence. À l’heure actuelle, le diététicien va avant tout privilégier une alimentation équilibrée, variée et personnalisée, avec même de la place pour des douceurs ! Si l’alimentation nécessite d’être plus sélective en raison de certaines pathologies, le diététicien n’utilisera plus le terme régime, synonyme de restriction. On parle désormais d’alimentation thérapeutique, une approche qui rejoint la notion de soin et, surtout, celle de prendre soin de l’autre.

La question «a priori»: diététicien, c’est avant tout donner des régimes, non ?

   En savoir plus :

www.vinci.be/fr/formations/dietetique

Share This