Dossier

La mémoire se conjugue au pluriel

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Longtemps la mémoire fut décrite comme une entité monolithique qu’il fallait entraîner à l’image d’un bodybuilder soulevant des charges. Depuis quelques décennies, cette vision mécaniste est battue en brèche par les travaux de la neuropsychologie et de la psychologie cognitive. La mémoire est le siège de subdivisions neuroanatomiques et fonctionnelles. Elle est plurielle, composée de systèmes et sous-systèmes en interaction sous-tendus par des réseaux neuronaux

 
«La mémoire ne fonctionne pas comme un muscle.
» Ainsi que l’expliquait le professeur Martial Van der Linden, qui fut responsable des unités de psychopathologie et de neuropsychologie clinique aux Universités de Genève et de Liège, on ne «muscle» pas sa mémoire en assemblant régulièrement des puzzles, en s’adonnant à des jeux vidéos qui lui seraient dédiés ni en ingurgitant des listes de mots. «Si vous apprenez des poèmes par cœur, vous améliorerez seulement votre mémoire des poèmes», indiquait-il encore de façon imagée. Non, il n’existe pas de méthode qui permette de doper les performances mnésiques au-delà des domaines spécifiques soumis à un entraînement ni, dès lors, de répondre à des plaintes diversifiées telles que peiner à retrouver des noms de films et d’acteurs, oublier des rendez-vous, perdre sans cesse ses clés ou encore être incapable de suivre une conversation de façon consistante.

L’échec avéré des techniques aux «vertus miracles» et aux parfums souvent mercantiles, certaines qualifiées de «jogging mental» ou de «gym-cerveau» par exemple, s’enracine dans la nature même de la mémoire. Depuis une cinquantaine d’années et plus encore depuis la publication en 1995 des travaux du psychologue Endel Tulving, de l’Université de Toronto, les neuroscientifiques considèrent que la mémoire n’est pas monolithique, mais constituée de systèmes et sous-systèmes indépendants en interaction sous-tendus par des réseaux cérébraux dont certains composants leur sont individuellement spécifiques et d’autres sont communs à plusieurs d’entre eux. Tulving postulait l’existence de 5 systèmes mnésiques principaux, l’un voué à la mémorisation à court terme, la mémoire de travail, et 4 autres, à la mémorisation à long terme: les mémoires épisodique, sémantique et procédurale ainsi que le système de représentations perceptives (PRS). Dans ses grandes lignes, ce modèle reste d’actualité, mais a subi quelques aménagements et extensions. Ainsi, le PRS, auquel le psychologue canadien attribuait une fonction de stockage de la forme et de la structure des objets, des visages et des mots, abstraction faite de leurs propriétés sémantiques (signification), n’a plus la cote chez la plupart des auteurs actuels.

Mémoires de l’éphémère

Selon le professeur Steve Majerus, responsable de l’Unité de recherche en psychologie et neurosciences cognitives (PsyNCog) à l’Université de Liège, il existe une mémoire à très court terme non évoquée par Tulving: la mémoire sensorielle. Elle joue dans le théâtre d’une forme d’instantanéité car elle serait dévolue au maintien en mémoire de perceptions visuelles, auditives, gustatives, olfactives ou kinesthésiques durant une période s’étendant de quelques millièmes de seconde à une seconde. «C’est elle, par exemple, qui contribue au sentiment que nous éprouvons d’une fluidité des mouvements lorsque nous regardons un film tourné en 24 images par seconde. Vu la brièveté de la persistance de l’information perceptive en mémoire sensorielle, cette sensation de continuité de l’action serait perdue si la cadence d’image était inférieure à 16 hertz, la perception d’un mouvement continu faisant alors place à celle d’une succession d’images fixes», rapporte Steve Majerus.

Avec cette mémoire pour le moins éphémère coexiste, dans le court terme, une autre forme de mémoire figurant dans le modèle proposé par Tulving: la mémoire de travail, dont la fonction réside dans le maintien temporaire (moins d’une minute) d’informations sous une forme aisément accessible à la conscience et dans leur traitement contrôlé afin de permettre la réalisation de tâches cognitives. Sans elle, impossible entre autres d’effectuer un calcul mental, de suivre une conversation ou encore de composer un numéro de téléphone après l’avoir consulté dans l’annuaire. En outre, la mémoire de travail est essentielle aux apprentissages, en particulier aux apprentissages scolaires.

Publié en 1974, le modèle le plus connu de ce système mnésique est l’œuvre d’Alan Baddeley, de l’Université de York, en Angleterre. Que postule-t-il ? En haut de la pyramide, un administrateur central remplirait les fonctions de chef d’orchestre. Ainsi, dans l’occurrence d’un calcul mental, il gérerait le déroulement des opérations. À un échelon inférieur, 2 systèmes esclaves se chargeraient du stockage temporaire de l’information. Les modèles récents sont très souvent implémentés sous la forme d’architectures computationnelles, impliquant une précision conceptuelle et une falsifiabilité plus élevée. «Actuellement, on parle moins de modèles spécifiques; au contraire, on essaie de mettre en évidence une architecture qui fasse consensus sur des concepts importants pour chacune des fonctions cognitives étudiées», souligne Steve Majerus. L’interaction de différents processus gérant l’attention, le contrôle exécutif, l’activation de souvenirs ou connaissances en mémoire à long terme, la prise en considération de l’«ordre sériel», c’est-à-dire l’agencement des informations dans le bon ordre, est essentielle au bon fonctionnement de la mémoire de travail.

Aujourd’hui, des données convergentes mettent en exergue que des tâches réputées simples, comme la répétition de chiffres ou de mots, recrutent des processus cognitifs complexes et, qui plus est, en partie partagés avec d’autres fonctions cognitives. En effet, de nombreuses études actuelles montrent que les interactions entre les systèmes et sous-systèmes mnésiques sont parfois le moteur de la réalisation de certaines fonctions que l’on attribuait auparavant à un système ou un sous-système spécifique. «Le modèle de Baddeley est historiquement le premier et beaucoup de cliniciens s’y réfèrent encore, alors qu’il s’agit actuellement d’un modèle parmi de nombreux autres, dont certains plus précis et plus complets. Les praticiens se sentent un peu perdus face à la prolifération des modèles – il en existe plus de 30 – et se rabattent sur celui qui était un des premiers», dit Steve Majerus.

Limitée et fragile

La mémoire de travail a une capacité très limitée. Le nombre maximal d’informations qu’un individu est capable de restituer correctement lors de tests reposant sur la répétition verbale de séquences de mots ou de chiffres n’est que de 7 plus ou moins 2 chez un adulte de 18 à 25 ans, de 5 à 6 chez un enfant de 10 ans ou encore de 4 à 5 chez un enfant de 5 ans. Évidemment, ces scores sont sujets à une grande variabilité interindividuelle, mais dépendent également en partie du type d’informations à mémoriser. Si elles sont familières, ils seront très supérieurs à ceux obtenus, par exemple, lorsqu’il est demandé de répéter une phrase d’une langue qu’on ne maîtrise absolument pas. «Au tout début de l’apprentissage d’une nouvelle langue, on ne sera pas capable en général de prononcer correctement plus de 2 ou 3 syllabes d’une phrase, voire parfois aucune», commente le professeur Majerus.

Une autre propriété de la mémoire de travail est sa fragilité. Elle recrute des réseaux cérébraux partiellement modulables suivant le but à atteindre et la nature des informations à traiter (visuelles, auditives…). Or, ces réseaux possèdent une caractéristique qui augmente leur risque de défaillance: ils font appel à de nombreux systèmes et sous-systèmes anatomiquement répartis dans le cerveau. Par conséquent, la probabilité d’une déficience résultant d’une lésion d’une ou plusieurs de ces structures ou d’un problème de connectivité entre certaines d’entre elles est non négligeable. «La probabilité que la mémoire de travail soit affectée par des lésions cérébrales occasionnées par un AVC, un traumatisme crânien, une anoxie ou toute autre cause est élevée. En outre, la fréquence des déficits causés par ces lésions est souvent sous-estimée car ils sont parfois difficiles à détecter», fait remarquer Steve Majerus.

À cette réalité s’en ajoute une autre: un des facteurs communs à la majorité des troubles neurodéveloppementaux et des troubles des apprentissages, tels que la dyslexie, la dysphasie, la dyscalculie, les déficits attentionnels ou encore l’extrême lenteur dont font montre certains enfants dans l’acquisition des matières scolaires, est presque systématiquement une moindre capacité de la mémoire de travail par rapport à la norme. D’après les neuroscientifiques, il existe par ailleurs un lien étroit entre les capacités de la mémoire de travail et ce qu’il est convenu d’appeler l’«intelligence fluide». Une forme d’intelligence axée sur la résolution de problèmes impliquant un raisonnement et ce, indépendamment de nos connaissances acquises, territoire de l’«intelligence cristallisée». «Les individus dotés d’une mémoire de travail plus performante sont à même de prendre en compte une quantité supérieure d’informations lors des traitements cognitifs. Capables de combiner un nombre plus important de variables dès le début du processus de résolution d’un problème, ils y apportent en général une solution plus rapide et potentiellement de qualité supérieure», explique le professeur Majerus.

Afin de se jouer quelque peu de sa capacité limitée, la mémoire de travail dispose d’un outil stratégique: établir un lien entre les informations à traiter à court terme et certaines informations stockées dans les mémoires épisodiques et sémantiques, 2 mémoires à long terme qui peuvent la délester de certaines opérations et, par là même, lui permettre d’en effectuer d’autres.
 
 

Qui suis-je et qui serai-je ?

Selon le psychologue britannique Martin Conway, décédé en 2022, la mémoire autobiographique se réfère aux souvenirs détaillés d’épisodes vécus par un individu (mémoire épisodique) ainsi qu’aux connaissances générales lui permettant de situer ces épisodes dans l’ensemble de son histoire personnelle (mémoire sémantique). Par là même, elle est essentielle à la construction de notre identité, au sentiment qui nous habite d’une continuité personnelle malgré les aléas et changements de caps qui jalonnent nos existences. Se souvenir des expériences que nous avons personnellement vécues contribue beaucoup à cette fonction, mais également les connaissances plus abstraites, plus sémantiques que nous avons de notre propre passé.

Toutefois, une autre dimension doit encore être prise en considération: le «raisonnement autobiographique», notre capacité d’extraire le sens de nos expériences, en lien avec nos caractéristiques personnelles, avec d’autres événements vécus, avec nos buts… Se crée ainsi un récit de vie qui nous confère notre identité. «L’image de soi dépend aussi dans une large mesure de la mémoire autobiographique: ce dont nous nous souvenons détermine comment nous nous percevons», dit le professeur Arnaud D’Argembeau.

En quelque sorte, le passé, le présent et le futur s’entremêlent à travers la mémoire autobiographique. Car une autre de ses fonctions consiste à utiliser les informations émanant de nos expériences de vie et de nos connaissances sur notre passé personnel pour résoudre certains de nos problèmes du moment, nous permettre d’envisager l’avenir et nous guider dans la définition et l’obtention de nos objectifs. Des études ont montré que des patients amnésiques incapables de se souvenir consciemment d’un seul épisode de leur passé personnel ne parviennent pas non plus à se projeter mentalement dans le futur. C’est le vide des 2 côtés ! D’autre part, des personnes présentant des lacunes au niveau des connaissances plus générales relatives à des périodes de leur vie sont également en difficulté quand il s’agit d’imager de façon cohérente le «profil» de périodes de vie futures – ce que je ferai au terme de mes études et de mon stage… «À l’ULiège, nous nous sommes demandé quels étaient les points de convergence entre la représentation du passé et l’imagination du futur, explique Arnaud D’Argembeau. L’idée générale qui ressort de nos études est que pour pouvoir se représenter des événements futurs, nous devons initialement employer des détails extraits d’événements passés et stockés en mémoire épisodique, avant de les réutiliser en les recombinant de manière nouvelle.» Un raisonnement similaire vaut pour les connaissances sémantiques relatives à son propre passé. Enfin, l’imagerie cérébrale nous enseigne que les régions du cerveau recrutées pour se remémorer des événements spécifiques passés (en rapport avec notre famille ou des vacances, par exemple) ou, au contraire, pour imaginer des événements similaires ayant trait au futur sont en grande partie les mêmes.

 
Notre histoire personnelle

Au nombre des 5 systèmes de mémoire principaux définis par Endel Tulving, les mémoires épisodique et sémantique sont qualifiées d’explicites ou de déclaratives, les souvenirs qu’elles abritent pouvant être décrits verbalement. Quand nous nous souvenons d’avoir mangé dans un restaurant italien le jour de l’an et d’y avoir croisé un chanteur connu qui avait un peu trop bu, c’est notre mémoire épisodique qui est à la manœuvre. Permettant le stockage et la prise de conscience d’épisodes personnellement vécus ainsi que du contexte de leur encodage, elle est le support de notre histoire individuelle. L’encodage, précisément, est multimodal en mémoire épisodique, dans la mesure où il peut impliquer des éléments visuospatiaux, auditifs, olfactifs, kinesthésiques, gustatifs ou encore émotionnels. Cette pluralité facilite la récupération des souvenirs ayant trait aux événements spécifiques vécus à un moment particulier de notre passé – par exemple, la cérémonie de mariage d’un ami. En quelque sorte, il y a plusieurs fils sur lesquels il est possible de tirer pour parvenir à se remémorer un souvenir épisodique qui a été préalablement encodé puis consolidé. La récupération d’un tel souvenir est active, repose sur une recherche stratégique de l’information, par indices.

C’est à ce stade que la mémoire épisodique a partie liée avec les fonctions exécutives, ensemble de processus cognitifs de haut niveau qui nous permettent de nous adapter à notre environnement lorsque les routines d’action ne peuvent suffire. «Il s’agit d’une recherche active visant à réinstaller volontairement un contexte de récupération et de localiser un indice à partir duquel les processus associatifs qui relient les différentes éléments contextuels pourront opérer», indique Sylvie Willems, chargée de cours en neuropsychologie clinique de l’adulte à l’ULiège. La récupération stratégique d’un souvenir en mémoire épisodique peut être altérée et mener à des problèmes d’amnésie. Toutefois, à côté de cette «recollection volontaire» existe une possible «recollection spontanée». Des processus associatifs, plus automatiques, assurent alors la récupération du souvenir épisodique pour autant que les indices disponibles soient suffisamment nombreux pour conduire à une activation de la représentation globale disponible en mémoire.

Le professeur Majerus aime à rappeler la phrase de Voltaire: «Ce qui touche le cœur se grave dans la mémoire.» En effet, il est établi que les émotions favorisent l’encodage des souvenirs épisodiques. En 1977, Roger Brown et James Kulik, 2 psychologues de l’Université Harvard, ont d’ailleurs introduit la notion de «souvenirs éclair», qui se réfère aux circonstances dans lesquelles on a appris un événement public important comme les attentats du 11 septembre. Selon les 2 psychologues, les événements émotionnels donnant lieu à des souvenirs éclair assureraient un encodage plus détaillé et plus exact du contexte dans lequel on en a pris connaissance, ce qui garantirait un maintien prolongé en mémoire des souvenirs qu’on s’en est forgés. Des études ultérieures ont cependant révélé que si ces souvenirs particuliers sont souvent enregistrés de manière plus détaillée et plus durable, ils sont néanmoins susceptibles, comme les autres souvenirs épisodiques, de renfermer des erreurs et des distorsions, de faire l’objet d’ajouts au fil du temps ou d’être progressivement amputés de certains éléments. «La mémoire ne repose jamais sur un enregistrement littéral de ce qui se produit; elle est le fruit de reconstructions successives», commente le professeur Arnaud D’Argembeau, directeur de recherche FNRS au sein de l’unité PsyNCog. De surcroît peuvent naître de faux souvenirs aux confins d’un épisode qui n’aurait jamais été vécu mais émanerait d’un rêve, d’un souhait, d’une pensée… Ce n’est pas par hasard si en 1994, le médecin et philosophe américain Israël Rosenfield, à l’époque professeur de neurosciences et d’histoire des idées à la City University de New York, publia un essai intitulé L’invention de la mémoire.

 
Connaissances générales

Vous n’ignorez pas que Donald Trump et été réélu président des États-Unis, que Paris est la capitale de la France et que le Real Madrid est un club de football. Ces connaissances ressortissent à la mémoire sémantique, second grand système mnésique à long terme de caractère déclaratif (ou explicite). Il s’agit du réceptacle de «nos connaissances générales sur le monde». Les mots pourraient cependant être trompeurs, car son territoire s’étend bien au-delà des sphères de la géographie, de l’histoire ou de la littérature, notamment. Non, la mémoire sémantique sert également de support à nos connaissances de la signification des mots (vocabulaire) ou des sons (un beuglement est émis par un bovin et un miaulement par un chat), de la fonction des objets et des outils, des concepts mathématiques (ce qu’est une addition ou un triangle) ou encore des scripts relatifs à l’attitude à adopter dans des lieux bien définis, tels qu’un cinéma ou la salle d’attente d’un notaire. «Puisqu’elle stocke les connaissances sur le monde, la mémoire sémantique comprend beaucoup de concepts communs à toute une culture», souligne Christine Bastin, maître recherche FNRS au sein du GIGA-CRC Human Imaging de l’ULiège.

Ce n’est pas tout. La mémoire sémantique renferme aussi des connaissances personnelles générales ou abstraites que nous avons de notre propre passé – des souvenirs portant sur des événements répétés, comme des réunions de travail qui avaient lieu tous les vendredis, ou appartenant à une même période (mon séjour à Madrid en 2008). Ainsi que l’indique Arnaud d’Argembeau, il peut en outre s’agir de souvenirs ayant trait à de «grandes périodes qui découpent la vie d’une personne». Par exemple, l’époque où cette personne vivait en colocation. À cela s’ajoutent encore des connaissances factuelles sur soi – date et lieu de naissance, etc.

Les différents systèmes et sous-systèmes mnésiques sont sous-tendus par des réseaux neuronaux parfois vastes et disséminés dans l’ensemble du cerveau – c’est en particulier le cas pour la mémoire épisodique et la mémoire de travail. Ces entités ne vivent pas en vase clos mais entretiennent des interactions, voire d’étroites relations comme celles, susmentionnées, entre la mémoire de travail et ses homologues épisodique et sémantique. À l’interface de ces 2 dernières a d’ailleurs été développé un concept essentiel: la mémoire autobiographique, élément clé de la construction de notre identité et de notre capacité de nous projeter dans l’avenir (voir encadré ci-dessus).

De nouvelles aptitudes

Creusets de souvenirs pouvant être verbalisés, les mémoires épisodique et sémantique sont sans doute celles qui correspondent le mieux à l’idée que nous nous faisons communément de la mémoire. Toutefois, lorsque nous débrayons spontanément au volant de notre voiture, sans réfléchir, ce n’est pas elles qui sont impliquées mais un autre système mnésique à long terme, implicite cette fois, non déclaratif: la mémoire procédurale. Sa fonction ? Stocker des connaissances qui reposeraient sur des apprentissages répétés ne pouvant s’acquérir que par l’action et qui s’exprimeraient sous la forme de nouvelles aptitudes motrices comme jouer du piano, perceptives comme arriver à lire dans un miroir ou cognitives comme effectuer «automatiquement» certaines opérations simples de calcul mental – songeons aux tables de multiplication. «La mise en œuvre du langage oral aussi relève de la mémoire procédurale, rapporte Steve Majerus. On sait, sans devoir y réfléchir, comment bouger la langue et les lèvres, comment contrôler la respiration pour produire les mots. Le babillage chez le jeune enfant est un apprentissage procédural».

La mémoire n’est pas monolithique, mais constituée de systèmes et sous-systèmes indépendants en interaction sous-tendus par des réseaux cérébraux dont certains composants leur sont individuellement spécifiques et d’autres sont communs à plusieurs d’entre eux.

Il existe d’autre mémoires implicites dont, selon certains neuropsychologues, les conditionnements émotionnels. Ainsi, entendre un aboiement alors qu’on a été un jour glacé d’effroi devant un chien menaçant peut ressusciter une peur intense. Sont aussi rangés au nombre des mémoires implicites les réflexes conditionnés et les effets d’amorçage, où un stimulus (l’amorce) se manifestant peu avant un autre (la cible) influence la façon dont ce dernier sera traité, et ce, sans que l’individu soit conscient de cette influence.

La prise en charge des troubles de la mémoire s’est dégagée d’une vision «musculaire» du fonctionnement mnésique, du moins en clinique. Forte du concept d’une mémoire plurielle, et à défaut de pouvoir restaurer les facultés perdues à la suite d’un AVC, d’un traumatisme crânien, d’une anoxie ou encore d’une tumeur, elle cherche à exploiter les ressources offertes par les systèmes mnésiques préservés au sein du puzzle de la mémoire.

   Pour ses recherches visant à améliorer la compréhension et la prise en charge des troubles de la mémoire épisodique, l’équipe de Sylvie Willems recrute des patients ayant eu un traumatisme cérébral léger à sévère, récent ou ancien.

Tout patient intéressé peut contacter son équipe via l’adresse mail: maud.billet@uliege.be

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