Internet

Le Web à travers les générations : un sacré choc culturel !

Julie FIARD • jfi@easi-ie.com  •     Olivier SAIVE

 
Il y a quelques jours, j’ai assisté à une scène digne d’une série humoristique sur Netflix: un Baby Boomer en panique devant l’écran de son ordinateur, sur lequel un message de maintenance lui demandait de redémarrer la machine: «Mais si je redémarre, je perds toutes les données qui se trouvent dans l’ordinateur, non ?!». À côté de lui, un ado de la Génération Z scrollait TikTok à une vitesse défiant presque celle de la lumière. Entre ces 2 mondes, un Millennial tentait d’envoyer un e-mail… mais peinait à comprendre pourquoi il ne pouvait tout simplement pas copier-coller la «pièce jointe» dans le message. Si vous n’avez pas compris un seul mot de ce paragraphe, cet article va potentiellement vous intéresser.

En effet, selon la génération à laquelle nous appartenons, notre rapport au numérique, et à la technologie en général, varie du tout au tout. Là où les Baby Boomers et la Génération X ont appris l’informatique avec les premiers ordinateurs, les disquettes et les CD-ROM (et maîtrisent toujours mieux Excel que leurs petits-enfants !), les Millennials, eux, sont experts en réseaux sociaux mais paniquent à la moindre évocation d’un tableur. Quant à la Génération Z et Alpha, leur dextérité sur smartphone défie toute entendement: ils peuvent tenir une conversation, répondre à 10 messages et monter une vidéo sur CapCut, tout en regardant une série… Mais leur demander de compresser un fichier ou de mettre en page un document Word, c’est plus compliqué !

Dans cet article, nous allons explorer ces différences d’usage du Web à travers les générations. Pourquoi nos parents maîtrisent-ils mieux Word que Google Drive ? Pourquoi les Millennials passent-ils des heures sur Instagram mais ne sont pas capables d’utiliser un simple tableur ? Et comment encourager la Génération Z à explorer Internet au-delà des quelques applications qu’ils utilisent, sans pour autant se perdre dans un scroll infini ? En comprenant ces écarts, il devient possible d’adapter l’apprentissage et de proposer des solutions concrètes pour que chacun puisse mieux maîtriser l’outil informatique.

Les différentes générations et leur relation au Web

   Les Baby Boomers (1946-1964) : les pragmatiques du numérique

Les Baby Boomers, ceux qui sont donc nés dans un monde sans Internet, ont dû intégrer le numérique à l’âge adulte, souvent par nécessité plus que par intérêt spontané. Contrairement aux générations suivantes, qui ont grandi avec les technologies, leur apprentissage a été progressif et souvent réactif, en fonction des besoins du quotidien.

   LEURS USAGES

    La communication: emails, SMS et messageries comme WhatsApp ou Messenger sont devenus des outils courants pour garder le contact avec leurs proches. Facebook reste leur réseau social privilégié, leur permettant de suivre l’actualité de leur entourage et de participer à des groupes d’intérêt.

    Les achats en ligne: initialement réticents, ils ont progressivement adopté le e-commerce, notamment pour des achats pratiques (voyages, électroménager, produits du quotidien). Les plateformes comme Amazon et les grandes enseignes ont su les rassurer avec des systèmes de paiement sécurisés et un service après-vente accessible.

    L’information et le divertissement: toujours attachés aux médias traditionnels (journaux, télévision), ils se tournent désormais vers le Web pour s’informer, via des sites d’actualité et YouTube. Certains explorent également les blogs et forums spécialisés pour approfondir leurs centres d’intérêt.

   LEURS DÉFIS

    La cybersécurité et la méfiance en ligne: moins sensibilisés aux risques du Web, ils sont plus vulnérables aux arnaques (phishing, faux emails de banques…). Leur prudence vis-à-vis des paiements en ligne et des nouvelles plateformes peut limiter leur adoption de certains services numériques.

    L’adaptation aux nouvelles interfaces: les évolutions constantes des applications et des systèmes peuvent être déconcertantes. Entre mises à jour fréquentes, interfaces peu intuitives et démultiplication des plateformes, l’usage du numérique leur paraît parfois complexe. La dématérialisation des démarches administratives est une source de stress, par peur de faire une erreur irréversible ou de bloquer un dossier.

    L’intégration des outils collaboratifs et du cloud: bien que certains utilisent Word et Excel depuis longtemps, la transition vers le stockage en ligne (Google Drive, Dropbox, Microsoft Teams) reste plus laborieuse, ces outils leur semblant abstraits et éloignés de leurs habitudes.

   La Génération X (1965-1980) : les bâtisseurs du numérique

La Génération X a grandi sans numérique mais a assisté à son essor et l’a intégré progressivement, notamment dans le cadre professionnel. Cette génération a dû s’adapter à l’arrivée des ordinateurs personnels, d’Internet et du digital, sans l’aisance intuitive des générations suivantes, mais avec une certaine maîtrise acquise au fil du temps.

   LEURS USAGES

    Les outils bureautiques: formée avec des logiciels comme Word, Excel et PowerPoint, cette génération s’est largement approprié les outils bureautiques classiques. Cependant, bien qu’ayant adopté progressivement les solutions collaboratives comme Google Drive ou Microsoft OneDrive, le passage au cloud est moins naturel.

    L’Internet professionnel: premiers utilisateurs du Web en entreprise, ils ont rapidement intégré l’email, les moteurs de recherche et les plateformes métiers. Aujourd’hui, leur maîtrise de l’informatique en milieu professionnel est solide, même si la multiplication des outils et des nouvelles pratiques peut parfois les dépasser.

    Les premiers réseaux sociaux: ayant connu les débuts des espaces communautaires en ligne (MySpace, Skyblog, MSN, Caramail, forums, blogs), ils ont progressivement migré vers Facebook, LinkedIn et Instagram. Certains s’adaptent aux nouveaux formats comme TikTok, mais restent plus à l’aise sur des plateformes privilégiant l’écrit et les échanges professionnels.

   LEURS DÉFIS

    Une évolution technologique rapide: l’accélération du numérique, avec le développement du cloud, de l’intelligence artificielle et de l’automatisation, impose un apprentissage constant. Beaucoup doivent s’adapter à un environnement professionnel en mutation, où les méthodes de travail évoluent sans cesse.

    De nouveaux modes de communication à apprivoiser: si les emails restent leur standard, ils doivent composer avec l’essor des messageries instantanées professionnelles (Slack, Microsoft Teams) et des visioconférences (Zoom, Google Meet), qui modifient les interactions au travail.

    La gestion du numérique au sein de la famille: nombreux sont ceux qui, en tant que parents, doivent gérer leur propre adaptation au digital tout en accompagnant leurs enfants, plus à l’aise avec les outils mais parfois peu conscients des enjeux (sécurité en ligne, addiction, désinformation).

   Les Millennials/Génération Y (1981-1996) : les consommateurs du Web

Les Millennials, nés entre 1981 et 1996, ont vécu en pleine explosion numérique, devenant les témoins de la transition de la société vers l’ère digitale. Évoluant avec Internet et la révolution mobile, ils sont les premiers à intégrer ces technologies dans leur quotidien personnel et professionnel. Contrairement aux générations précédentes, qui ont dû s’adapter à l’arrivée du numérique, la Génération Z l’a adopté de manière naturelle.

   LEURS USAGES

  Les réseaux sociaux: les Millennials ont été les pionniers de plateformes comme Facebook, Twitter, Instagram et plus récemment, TikTok. Ces réseaux sont devenus des espaces essentiels d’expression personnelle, de communication et de création d’image. Ils ont aussi été des acteurs majeurs dans l’essor du marketing d’influence, influençant les comportements d’achat des consommateurs.

  Le streaming: avec des plateformes comme Netflix, YouTube, et Spotify, cette génération a transformé la consommation de films, séries et musique, favorisant un modèle dématérialisé et personnalisé.

  L’influence digitale: la génération a vu un grand nombre de ses membres devenir créateurs de contenu, blogueurs ou vloggers. Ces influenceurs ont appris à bâtir des communautés et à utiliser leur notoriété pour générer des revenus, transformant les réseaux sociaux en de véritables outils de marketing.

   LEURS DÉFIS

   Connaissances de base en informatique: bien que les Millennials aient grandi avec l’informatique et la digitalisation, leur expertise se limite souvent à une utilisation de base des outils numériques, principalement orientée vers la consommation (réseaux sociaux, streaming, etc.)

   Cybersécurité: la prise de conscience des enjeux liés à la cybersécurité (protection des données, gestion des mots de passe, sécurité en ligne) reste souvent insuffisante. Beaucoup d’entre eux ne maîtrisent pas les bonnes pratiques de sécurité, ce qui les expose potentiellement à des risques.

   Programmation: bien que certains Millennials aient une formation technique, la majorité d’entre eux n’ont pas développé de compétences approfondies en programmation ou en développement logiciel. Ils utilisent les technologies sans comprendre en profondeur leur fonctionnement sous-jacent.

  Approche intuitive vs expertise technique: leur usage des technologies reste largement intuitif, axé sur l’utilisation d’applications ou de services prêts à l’emploi, sans une connaissance approfondie des processus techniques qui les soutiennent (comme les algorithmes, l’architecture des systèmes, ou le codage derrière les interfaces).

   Difficulté à suivre les évolutions technologiques: face à la vitesse à laquelle la technologie évolue (cloud computing, intelligence artificielle, automatisation), de nombreux Millennials se retrouvent dépassés, ce qui engendre un fossé dans leur capacité à s’adapter aux nouveaux outils ou à en comprendre les implications techniques.

   La Génération Z (1997-2012) : les digital natives

La Génération Z est la première génération à avoir grandi dans un environnement totalement numérique. Souvent qualifiés de Digital Natives, ils sont constamment connectés et utilisent les technologies presque instinctivement, avec une grande aisance sur les plateformes sociales et les applications de création de contenu.

   LEURS USAGES

    Création de contenu et interaction sociale en ligne: sur des plateformes comme TikTok, Instagram, YouTube et Snapchat, la Génération Z est très active dans la création et le partage de contenu, cherchant à exprimer leur identité et à interagir avec des communautés en ligne. Ces espaces sont devenus des lieux de validation sociale.

    Multitâche et adaptabilité: ils sont capables de gérer simultanément plusieurs tâches numériques – conversations instantanées, vidéos en streaming, interactions sociales sur différents réseaux – avec une grande fluidité et adaptabilité, ce qui reflète un usage intensif des technologies.

   LEURS DÉFIS

   Sécurité des données: malgré leur activité numérique, ceux de la Génération Z sont souvent moins conscients des risques liés à la sécurité des données. Le partage constant d’informations personnelles sur les réseaux sociaux les rend vulnérables à des violations de la vie privée, à la cybercriminalité et à l’exploitation de ses données.

   Dépendance aux écrans: leur utilisation excessive des appareils numériques peut entraîner une dépendance, avec des conséquences négatives sur leur bien-être, telles que l’anxiété liée à l’image de soi, des troubles du sommeil, ou encore des difficultés à se déconnecter du monde numérique.

   La Génération Alpha (2013 et +) : les ultra-connectés

La Génération Alpha, née après 2013, représente une nouvelle ère où les enfants grandissent totalement immergés dans les technologies numériques. Dès leur plus jeune âge, ils sont exposés à des appareils sophistiqués, des assistants vocaux intelligents, des écrans tactiles et des applications éducatives. Ce lien précoce avec la technologie façonne leur mode d’apprentissage, leurs interactions sociales et leur rapport au monde.

   LEURS USAGES

    L’apprentissage précoce des outils numériques: les enfants de la Génération Alpha font leurs premiers pas dans le monde numérique dès leur plus jeune âge. Ils maîtrisent rapidement les outils numériques comme les applications éducatives et les jeux interactifs, souvent avant d’entrer à l’école. Ce lien intime avec la technologie stimule leur curiosité et les aide dans leur développement cognitif.

    L’intelligence artificielle et l’automatisation: la Génération Alpha grandit avec des technologies avancées comme l’intelligence artificielle et les assistants vocaux (Siri, Alexa). Ces outils sont non seulement utilisés pour l’éducation, mais aussi pour gérer des tâches quotidiennes à la maison. En conséquence, ces enfants bénéficient d’une exposition accrue à l’IA, ce qui leur permet d’acquérir des compétences précieuses dès leur jeune âge.

 
   LEURS DÉFIS

    Manque de recul critique sur les technologies: cette Génération grandit dans un environnement où la technologie est omniprésente, ce qui peut limiter leur capacité à prendre du recul et à évaluer les implications de son utilisation. Ils sont souvent moins conscients des risques sociaux, éthiques et psychologiques associés à l’usage des outils numériques.

    Dépendance accrue à la technologie: leur exposition précoce à des appareils et à l’intelligence artificielle les rend fortement dépendants des outils numériques, ce qui peut nuire à leur capacité à développer des compétences autonomes et critiques.

    Compréhension limitée des enjeux: en raison de leur jeune âge et de leur forte immersion numérique, la Génération Alpha peut manquer de la maturité nécessaire pour comprendre les conséquences à long terme de leur usage des technologies, comme la gestion de la vie privée et des données personnelles.

 
Chaque génération aborde le numérique à sa manière, que ce soit par nécessité, intuition ou exploration. Il est aussi important de noter que tout le monde ne se retrouve pas entièrement dans ces catégories. Dans la seconde partie de cet article, nous explorerons comment, au-delà de ces différences, chaque génération peut mieux maîtriser les outils numériques à travers des prises de conscience et des solutions adaptées.

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