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Protéger les animaux grâce au secteur spatial

Geoffrey VAN HECKE • geoffrey@bvhco.be 

© Jurgens – stock.adobe.com, © SigfoxFoundation, © Giovanni Cancemi – stock.adobe.com, NASA, © Ahmed – stock.adobe.com

Le braconnage détruit depuis longtemps le patrimoine génétique de l’humanité. Les causes sont multiples. Corruption, explosion démographique, manque de sensibilisation, manque de synergies… Si l’écotourisme est régulièrement cité pour inverser la tendance, le salut du rhinocéros, espèce gravement menacée, viendra peut-être du ciel

 
Le rhinocéros est en danger: 2 sociétés, Sigfox et Eutelsat, se sont associées pour lutter contre le braconnage de ce grand herbivore. Aujourd’hui, dans la famille des rhinocérotidés, il ne reste que 5 espèces dans le monde (2 en Afrique et 3 en Asie). Le rhinocéros blanc du Nord (une sous-espèce), par exemple, est au bord de l’extinction complète. Auparavant, la principale menace était la destruction de son habitat naturel mais aujourd’hui, le braconnage est devenu la première cause du déclin des populations de ce mammifère, un des plus massifs des terres émergées. En Chine et au Vietnam par exemple, ses cornes sont consommées sous forme de poudre à des fins médicinales.

Pour lutter contre cette chasse, la société Sigfox, spécialiste des objets connectés, s’est investie dans le projet Now Rhinos Speak, réalisé en partenariat avec 3 grandes organisations internationales dédiées à la conservation de cette espèce: International Rhino Foundation, Save The Rhino et Lowveld Rhino Trust. La Sigfox Foundation a «conçu et mis en place une solution de suivi à distance de rhinocéros évoluant dans leur environnement naturel», nous explique sa Présidente, Marion Moreau. Le service se fonde sur le réseau à très bas débit de Sigfox, conçu pour l’Internet des objets. Un tel réseau permet de transmettre des petits messages sur de très grandes distances et d’utiliser un capteur à bas coût. Pour moins de 40 euros pour 4 années d’utilisation, ce capteur de très petite taille est logé dans la corne du rhinocéros. Il ne gêne pas l’animal (lequel ne supporte pas les colliers) et consomme très peu d’énergie. Il a une durée de vie de 4 ans et envoie 3 fois par jour la position GPS de l’animal connecté. Le reste du temps, il est en veille, ce qui le rend impossible à intercepter par les braconniers. Cette expérience s’est révélée concluante. La mise en place de ce dispositif a permis d’améliorer l’identification des zones de vigilance, ainsi qu’une meilleure allocation des moyens dédiés à la protection sur le terrain. Eutelstat s’engage de son côté à accompagner ce déploiement des ressources satellitaires nécessaires.

À terme, la Sigfox Foundation souhaite améliorer le capteur et lui donner de nouvelles fonctions. Par exemple, l’utilisation d’accéléromètres donnera des informations sur le comportement des rhinocéros dans leur milieu naturel, ce qui améliorera dans le même temps la compréhension de l’espèce. D’autres voies d’amélioration sont à l’étude, comme des capteurs d’intrusion, de localisation et d’autres liés au comportement de l’animal. Cependant, la Fondation ne parle pas de ces évolutions futures «pour ne pas renseigner les braconniers et donc mieux protéger ces rhinocéros». Il est aussi envisagé d’adapter ces capteurs à d’autres espèces menacées, comme les éléphants.

La course technologique

Des ONG comme le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), l’Institut Jane Goodall ou le WWF intègrent depuis des années d’innombrables outils dans leur stratégie de protection de la faune et de l’environnement, que ce soit pour lutter contre le braconnage, préserver les écosystèmes et la biodiversité ou limiter les conflits entre l’homme et les animaux sauvages. Caméras-pièges, capteurs acoustiques ou infrarouges, traqueurs, détecteurs de mouvements, drones… La panoplie d’objets connectés potentiellement utiles à la conservation est aussi vaste que les moyens de télécommunications disponibles: satellites, Wi-Fi, réseau privé LTE/4G, réseaux à bas débit Sigfox ou LoRa reliés à un cloud. Pour les gestionnaires de parcs, la difficulté est de concilier l’inventivité presque sans limite des développeurs avec les contraintes d’un terrain rustique, de moyens limités et de personnels souvent mal voire pas du tout formés. Et de résister ainsi à la tentation de se lancer dans une «course à l’armement» technologique alors que sur le continent africain, 80% des réserves sont sous-financées, et qu’au niveau mondial, à peine un quart d’entre elles sont considérées comme bien gérées. «Seules les technologies vraiment utiles, peu coûteuses, faciles d’utilisation et robustes peuvent représenter une solution efficace», souligne Geoffroy Mauvais, coordinateur du Programme pour les aires protégées d’Afrique & Conservation de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Sur un marché «de niche» comme celui de la conservation, «les solutions technologiques qui se développeront sont celles qui peuvent être utilisées ailleurs que dans les parcs», poursuit-il en plaidant pour la mise en place d’une forme d’autorité scientifique qui canaliserait efforts et moyens au bénéfice des solutions les plus efficaces. C’est le calcul qu’a fait Sigfox, dont les capteurs conçus pour les rhinocéros trouvent, sous des formes différentes, des applications dans de multiples domaines allant du suivi des bagages dans les aéroports à l’assistance aux chercheurs en Antarctique.

Le capteur GPS Sigfox est placé dans la corne du rhinocéros endormi. L’opération est impressionnante mais ne fait pas mal, la corne n’étant composée que de kératine, comme nos ongles. 

Associer les habitants à la préservation de leur propre environnement

Sigfox a dans le même temps entamé une collaboration avec l‘Institut Jane Goodall, qui fait figure de pionnier en matière d’utilisation des nouvelles technologies et de «crowdsourcing» dans le domaine de la conservation. Il ne s’agit pas cette fois d’équiper les chimpanzés chers à la primatologue britannique de capteurs, mais de participer, avec d’autres acteurs comme la Nasa, à un ambitieux programme de préservation des écosystèmes et de développement durable sur un vaste territoire de l’ouest de la Tanzanie. «Il est essentiel d’associer les habitants à la préservation de leur propre environnement, a rappelé Jane Goodall lors d’une visite à Paris en décembre 2018. La technologie fournit des outils très précieux, mais elle ne peut pas faire le travail seule. La clé, c’est l’implication des communautés.»

Ce constat, l’IFAW l’a aussi dressé au Kenya, où le projet tenBoma développé en collaboration avec le Kenya Wildlife Service (KWS) et les populations locales a permis, selon l’ONG, de réduire de 90% le braconnage des éléphants dans le parc de Tsavo en 5 ans. «Nous avons élaboré un écosystème technologique sophistiqué mais qui reste très simple pour les utilisateurs en première ligne, a souligné Faye Cuevas, vice-présidente d’IFAW, en présentant à Paris ce projet visant à renforcer la coordination et l’efficacité des services luttant contre la criminalité organisée. L’analyse poussée des données nous permet d’identifier les « hotspots » du braconnage et de concentrer les moyens humains dans ces zones. Les signaux d’alerte remontant du terrain nous permettent d’intervenir avant que les braconniers ne passent à l’acte», a expliqué à Reuters cette ancienne officier de l’armée américaine. Malgré un passé d’analyste de drone, Faye Cuevas a fait le choix de ne pas utiliser ces outils de surveillance fragiles et onéreux – les plus performants coûtent jusqu’à 250 000 euros – pour privilégier «l’implication des communautés locales et des instruments d’alerte très simples», comme un logiciel installé sur un smartphone. Un choix en partie dicté par le fait que les parcs kényans, comme beaucoup d’autres en Afrique, ne sont pas clôturés et que les animaux s’aventurent souvent à l’extérieur. Situation qui, comme c’est le cas avec les ours ou les loups en France, génère des conflits avec les villageois qui perdent bétail ou récoltes. 


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Mais encore…

Pourquoi l’hélicoptère Ingenuity s’est crashé sur Mars

Un an après le crash sur Mars de l’hélicoptère Ingenuity – premier engin à réaliser un vol contrôlé et motorisé sur une autre planète que la Terre – les experts de la NASA ont reconstitué la suite d’évènements qui ont probablement mis fin à cette incroyable mission. Trop peu d’informations sur la texture du sol et une vitesse horizontale trop rapide auront eu raison d’Ingenuity

Chopper, le successeur d’Ingenuity

Équipé de 6 rotors et possédant l’envergure d’un SUV, Chopper serait 20 fois plus lourd qu’Ingenuity. Il pourrait embarquer 5 kg d’instruments scientifiques en parcourant de matière autonome jusqu’à 3 kms par jour. «En une semaine, il pourrait couvrir la même distance que Perseverance (en près de 4 ans), a souligné l’ingénieur Theodore Tzanetos, chef de projet d’Ingenuity. Ce qui changerait radicalement la donne en termes de découvertes et d’exploration.»

Le sol lunaire, terrain fertile ?

Exolith Lab a mené une expérience destinée à comprendre la fertilité des sols extraterrestres. Les chercheurs américains derrière cette étude ont observé que le sol martien était moins propice que celui de la Lune en ce qui concerne la culture du maïs. La raison derrière le fait que Mars est un terrain moins propice à la pratique de l’agriculture spatiale réside dans sa composition. Bien qu’il contienne des taux élevés d’azote, élément vital pour le développement futur de la vie sur la planète, ses taux en oxygène sont bien trop bas pour que les plantes puissent se développer au mieux. 

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