L'Adn de…

Jean-Marie LOUIS
Horloger-Bijoutier

Propos recueillis par Virginie CHANTRY • virginie@marketrotters.com

© Maxence Dedry

Horloger-bijoutier, c’est une vocation que vous  avez depuis tout petit ?

Oui et non. Mon père est horloger, mais au départ, ce n’était pas un domaine qui m’attirait particulièrement. J’ai donc commencé par des études en bijouterie, un univers plus créatif. Puis, à la fin de mon parcours, j’ai commencé à aider régulièrement mon père dans son atelier. Petit à petit, j’ai découvert l’horlogerie sous un autre angle: la précision des mécanismes, la rigueur nécessaire pour que chaque pièce fonctionne parfaitement… Et c’est ainsi que la passion est venue.

Ça passe par des études dans des écoles spécialisées, mais aussi par beaucoup de stages pour acquérir de l’expérience. Il ne faut pas hésiter à voyager, car chaque atelier a ses propres méthodes et savoir-faire, ce qui permet d’enrichir son apprentissage.

Comment devient-on horloger-bijoutier ?

Vous exercez  actuellement en tant  qu’horloger-bijoutier et gérez votre propre boutique, mais quelle est votre  journée-type ?

J’arrive au magasin aux alentours de 8 ou 9h et je commence par préparer et nettoyer les vitrines avant l’ouverture. Selon les jours, mes tâches varient: parfois, je suis en boutique pour conseiller et échanger avec la clientèle, et d’autres fois, je suis à l’atelier, où je m’occupe des devis – les trier, y répondre – et me consacre au travail plus technique en toute tranquillité. C’est ainsi que devrait se dérouler une journée type… mais en réalité, rien ne se passe jamais exactement comme prévu ! 

La science est très présente dans mon métier, même si on n’y pense pas forcément au premier abord. L’horlogerie repose sur des principes mécaniques et physiques précis: forces, frottements, gravité… Tout doit être parfaitement calculé pour qu’un mécanisme fonctionne correctement. Il y a aussi une dimension chimique, notamment pour le nettoyage des pièces. On utilise des solvants puissants, comme l’ammoniac, l’acétone ou le White Spirit, pour dégraisser certaines montres et pendules, et d’autres produits pour nettoyer les caisses en bois des horloges. Certains mélanges spécifiques permettent de dissoudre les impuretés les plus tenaces. Mais quand on voit les pictogrammes de danger sur les bidons, on comprend vite que ce n’est pas à prendre à la légère. 

Quels sont vos  rapports avec la  science ?

Quelle est la plus  grande difficulté  rencontrée dans  l’exercice de votre  métier ?

Gagner la confiance des clients. Souvent, les objets qu’ils nous confient ont une grande valeur sentimentale: ce sont des montres ou horloges de famille. Il faut donc savoir les mettre à l’aise rapidement, ce qui n’est pas toujours évident. C’est d’autant plus vrai avec les clients plus âgés qui nous apportent leur pendule. Ils peuvent être méfiants, surtout face à un artisan plus jeune. Au début, ils hésitent, posent des questions, cherchent à en savoir plus sur mon parcours. Mais une fois qu’ils découvrent que mon père était horloger lui aussi, ça les rassure. Et il y a aussi la valeur matérielle des objets. Une montre peut valoir 5 000, 10 000, voire 30 000 euros… Ce n’est pas quelque chose qu’on confie au premier venu. Alors, avant de nous laisser leur bien, les clients prennent souvent le temps de se renseigner sur nous. 

Sans hésitation, avoir réussi à créer moi-même des pendules. Passer du côté réparateur au côté créateur est un vrai cap à franchir. Je répare des horloges et des montres depuis 2008. J’en ai vu passer énormément et beaucoup m’ont inspiré. À chaque fois, je me disais: «un jour, il faudrait que j’essaie d’en créer une moi-même». Mais entre l’envie et le passage à l’action, il y a une différence. Concevoir une pendule, c’est un vrai défi: ça demande du temps, un savoir-faire spécifique et surtout beaucoup de persévérance. Sans compter que c’est un travail qui, au départ, ne rapporte rien car je ne travaille en général pas sur commande pour mes créations. Il faut juste y croire, être courageux et aller jusqu’au bout. Alors, voir mes propres créations prendre vie, comme Illustro, dévoilée en 2024 et inspirée par les Jeux Olympiques de Paris, ou encore Palmae, qui rend hommage à Dubaï et qui a été présentée fin février, c’est une vraie satisfaction.  

Quelle est votre plus grande réussite  professionnelle  jusqu’à ce jour ?

Quels conseils  donneriez-vous à un  jeune qui aurait envie  de suivre vos traces ?

Le conseil que je donnerais – et que j’ai déjà eu l’occasion de donner – c’est de ne jamais brûler les étapes. J’entends souvent dire, notamment à l’école, que dès qu’on sort de formation, on peut ouvrir sa boutique et se lancer. Mais en réalité, on en est très, très loin. Ça ne se passe jamais comme ça. Il faut être patient, apprendre le métier sur le terrain et se former auprès d’autres professionnels avant de vouloir se lancer seul. L’expérience est essentielle, et rien ne remplace les années passées à observer, pratiquer et perfectionner son savoir-faire.
 
 

CARTE D’IDENTITÉ

Jean-Marie LOUIS

ÂGE : 38 ans

LIEU DE NAISSANCE : Liège

LIEU DE RÉSIDENCE : Liège

SITUATION FAMILIALE : Célibataire,
1 fille et 1 deuxième attendue pour la mi-mai

PROFESSION : Horloger
– Bijoutier

FORMATION : 5 ans de formation en  bijouterie au Centre  d’Enseignement Secondaire Léon  Mignon à Liège

    www.jeanmarielouis.com/

Je vous offre une  seconde vie pour un  second métier…

Si je devais envisager un second métier, je serais coach sportif, en athlétisme évidemment. J’ai découvert cette pratique à 17 ans et j’ai été sacré champion de Belgique du 100 m à 2 reprises, en 2009 et 2017. Cette expérience m’a permis de comprendre l’importance de l’entraînement, de la discipline et de la persévérance. Transmettre cette passion et accompagner de jeunes athlètes dans leur progression serait pour moi une suite logique.  

Voler: ça, j’aimerais bien ! Pouvoir voyager comme je veux, aller de pays en pays, surtout sous le soleil. Et puis, j’aime la vitesse, donc combiner les deux, ce serait vraiment top. 

Je vous offre un  super pouvoir… 

Je vous offre un  auditoire…

J’aimerais m’adresser à des personnes exerçant des métiers liés à la création, pas forcément des horlogers ou des bijoutiers. Je leur proposerais de concevoir un projet sans limite de temps ni de budget, juste pour voir jusqu’où leur créativité peut les mener.

Je ferais des expériences pour explorer de nouveaux métaux. On connaît déjà très bien l’or, l’argent, le laiton, le cuivre… Ce serait intéressant d’imaginer d’autres métaux précieux et prestigieux, mais avec des couleurs inédites. Par exemple, en associant l’or à d’autres substances pour obtenir des teintes différentes de tout ce qui existe aujourd’hui.

Je vous offre un  laboratoire… 

Je vous transforme  en un objet du  21e siècle…

Un smartphone, parce qu’on peut lui poser toutes les questions: il sait tout. J’aurais bien aimé être comme ça !

Direction le soleil ! Tout ce qui est Amérique latine, j’adore. Ou alors chez mes grands-parents en Jamaïque… mais ça, j’y suis déjà allé. Donc je dirais plutôt Cuba, Mexique ou Colombie: ça me tenterait vraiment !

Je vous offre un  voyage…

Je vous offre un face  à face avec une  grande personnalité  du monde…  

C’est une question compliquée… En ce moment, un horloger suisse m’intéresse particulièrement: Philippe Dufour. J’aime beaucoup son travail et la façon dont il présente les choses. Il m’inspire beaucoup. J’aimerais vraiment le rencontrer. Et qui sait ? Peut-être que ça arrivera un jour (rire).  

Oui, ça peut donner l’image d’un métier à l’ancienne, avec des vieilles horloges, des vieilles montres… mais pas que ! On essaie d’innover. Dans mes créations horlogères, j’aime utiliser les techniques actuelles pour faire des choses un peu plus exotiques. Le classique, ce n’est pas trop mon truc. Je pense qu’il faut montrer une autre image de l’horlogerie, faire passer un message différent de ce côté classique qui domine encore beaucoup. Bien sûr, ça plaît à un large public, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas explorer d’autres voies. En bijouterie, c’est pareil : ma compagne Clélia est beaucoup plus dans la couleur et la modernité quand elle crée des bijoux. Il n’y a pas que le diamant dans la vie ! Bref, il faut sortir des sentiers battus et ne pas se limiter à ce qui se fait depuis toujours. 

La question «a  priori»: horloger- bijoutier, c’est un peu  un métier traditionnel figé dans  le temps, réservé aux  créations  classiques et aux  réparations de vieux objets, non ?

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