Qui est-ce?

Julia ROBINSON

Jacqueline REMITS • jacqueline.remits@skynet.be

Wiki/George M. Bergman CC BY-SA 4.0, Photo courtesy of Mathematical Sciences Research Institute

 
Je suis…

Une mathématicienne américaine connue pour mes travaux sur le 10e problème de Hilbert, à la croisée des mathématiques et de l’informatique. Je suis née à Saint-Louis, dans le Missouri, fille de Ralph et Helen Bowman. Avec mes parents et ma sœur aînée Constance, nous déménageons en Arizona où je vis mes premières années. Je passe très peu de temps avec ma mère car elle décède en 1922, alors que j’ai seulement 3 ans. En 1925, mon père, ma sœur et moi, nous déménageons encore, cette fois à San Diego, en Californie. À 9 ans, je suis obligée de garder le lit pendant un an à cause d’une terrible scarlatine assortie de complications. Deux ans plus tard, je reprends enfin le chemin de l’école, le lycée de San Diego. Répondant à un test de QI, j’obtiens un résultat légèrement inférieur à la moyenne (98). Cela s’explique parce que je n’ai pas l’habitude de passer des tests et que je lis lentement. C’est à cette époque que je commence à m’intéresser aux mathématiques. En 1936, à 17 ans, j’entre à la San Diego High School, aujourd’hui l’Université d’État de San Diego. Être la seule fille à choisir l’orientation mathématiques-physique ne m’empêche pas de recevoir les félicitations en fin d’année. J’ai 20 ans en 1939 quand j’intègre l’Université de Californie à Berkeley où je complète mes études de premier cycle et de cycles supérieurs. Ce sont alors les meilleures années de ma vie, je suis vraiment heureuse ! En 1941, j’épouse mon professeur de mathématiques, Raphael Robinson, un mathématicien de grand talent. Dès mes débuts dans la vie professionnelle, ma carrière académique est contrariée par un règlement qui, à l’époque, interdit à l’université de recruter 2 époux comme professeurs. Pour cette raison, je vais rester longtemps cantonnée au laboratoire de statistiques. J’obtiens mon doctorat en 1948 sous la direction d’Alfred Tarski, l’un des maîtres de l’école polonaise de logique et l’un des mathématiciens logiciens les plus éminents du 20e siècle. Avec ma thèse «Définissabilité et problèmes de décision en arithmétique», je démontre qu’un entier peut être défini de manière arithmétique en fonction de la définition d’un nombre rationnel et de l’addition et la multiplication sur les rationnels. Je définis les entiers parmi les rationnels, d’où je déduis que la théorie du corps des rationnels est indécidable et, par extension, que la théorie des corps est aussi indécidable. C’est seulement en 1976 que je suis nommée professeure titulaire de mathématiques à Berkeley. Un enseignement à temps partiel, car je ne me sens toujours pas assez forte pour un emploi à temps plein.
J’y exercerai jusqu’en 1985.

À cette époque…

Quand j’entre à l’Université de Californie à Berkeley en 1939, le 1er septembre, en Europe, les troupes allemandes envahissent la Pologne, la France et l’Angleterre se mobilisent. C’est le début de la Seconde Guerre mondiale. L’année de mon mariage, en 1941, les Japonais attaquent Pearl Harbour, ce qui provoque la destruction d’une partie de la flotte américaine du Pacifique. En 1976, quand je suis élue membre de la division de mathématiques de l’Académie nationale des sciences, le démocrate Jimmy Carter devient le 39e président des États-Unis. En 1983, quand je suis choisie pour la présidence de la Société mathématique américaine, le militant syndicaliste polonais Lech Walesa obtient le prix Nobel de la paix et Barbara McClintock (    voir Athena n° 347, mai-juin 2020, pp. 10-11), le Nobel de médecine.

J’ai découvert…

Je me suis attaquée au problème de la décidabilité pour les équations diophantiennes, le fameux 10e problème de Hilbert. David Hilbert était un mathématicien allemand, souvent considéré comme l’un des plus grands mathématiciens du 20e siècle. Une équation diophantienne est une équation polynomiale à une ou plusieurs inconnues dont les solutions sont cherchées dans les nombres entiers, éventuellement rationnels, les coefficients étant eux-mêmes entiers. Ce 10e problème de Hilbert était au cœur de mes préoccupations dès la fin des années 50. Il demande un algorithme pour déterminer si une équation diophantienne a des solutions en nombres entiers. Une série de résultats développés dans les années 1940 à 1970 par les mathématiciens Martin Davis, Hilary Putman, Youri Matiiassevitch et moi-même ont résolu ce problème par la négative, à savoir qu’aucun algorithme de ce type ne peut exister. Mes travaux sur les équations diophantiennes et la décidabilité ne permettent donc pas de résoudre ce problème. Mais en 1970, la preuve de l’indécidabilité du 10e problème de Hilbert, fournie par Youri Matiiassevitch, s’appuie largement sur mes travaux.

Je m’éloigne de ce thème seulement 2 fois au cours de mes recherches en faisant quelques incursions en dehors de la logique et par un goût pour la théorie des nombres. La première fois pour ma thèse sur la résolution ou la non-résolution de problèmes mathématiques. Il s’agissait de mon premier article, publié en 1948, sur l’analyse séquentielle en statistique. La seconde fois avec un article publié en 1951 et une incursion dans la théorie des jeux. Avec cette théorie, je prouve que la dynamique de jeu fictive converge vers l’équilibre de Nash à stratégie mixte dans le cadre d’un jeu à somme nulle à 2 joueurs.

Saviez-vous que…

Julia Robinson a été l’une des premières femmes à obtenir un doctorat en mathématiques à l’Université de Californie à Berkeley. Le 10e problème de Hilbert est l’un des 23 problèmes de mathématiques posés par David Hilbert en 1900. Ils ont façonné la recherche mathématique pendant plus de 100 ans et continuent d’inspirer le monde mathématique.

La créativité et les prouesses mathématiques de Julia Robinson ont été reconnues partout aux États-Unis. Championne de toutes les causes, elle a accepté, avec un certain plaisir, les honneurs qu’à l’apogée de la vague féministe, la communauté mathématique américaine lui a accordés. Elle est la première femme à être élue, en 1976, membre de la division de mathématiques de l’Académie nationale des sciences. En 1982, elle est conférencière Noether, du nom d’Emmy Noether, une mathématicienne allemande (    voir Athena n° 337, mai-juin 2018, pp. 10-11). En 1983, elle est la première femme à recevoir une bourse Mac Arthur et la première femme à présider la Société américaine de mathématiques. En 1985, elle devient membre de l’Académie américaine des arts et des sciences.

Elle meurt de leucémie à Oakland en Californie, à l’âge de 65 ans.

Sa sœur aînée, Constance Reid, est une vulgarisatrice de mathématiques et biographe de mathématiciens dont, bien entendu, Julia. 

Le 7 janvier 2008, un documentaire sur Julia Robinson, «Julia Robinson and Hilbert’s Tenth Problem», produit et réalisé par George Csicery, écrivain et cinéaste indépendant américano-hongrois, a été présenté en première au Joint Mathematics Meeting à San Diego. 

Depuis 2013 et jusqu’à aujourd’hui, un festival de mathématiques américain, fondé par Nancy Blachman (éducatrice américaine, partisane des mathématiques récréatives et de la sensibilisation aux mathématiques), parrainé par l’American Institute of Mathematics et avec l’accord de Constance Reid, porte le nom de Julia, le Julia Robinson Mathematics Festival. Il a pour but de rendre hommage à son héritage et d’encourager les étudiants et les étudiantes de tous horizons à s’intéresser aux mathématiques.

Dans «L’autobiographie de Julia Robinson», elle souligne: «Ce que je suis vraiment, c’est une mathématicienne. Plutôt que d’être reconnue comme la première femme de telle ou telle chose, je préfèrerais être reconnue, comme toute mathématicienne, simplement pour les théorèmes que j’ai prouvés et les problèmes que j’ai résolus.» Pour Julia Robinson, être mathématicienne était plus important qu’être une femme mathématicienne.

 

Carte d’identité

Naissance 

8 décembre 1919, Saint-Louis (Missouri, États-Unis)

Décès

30 juillet 1985, Berkeley (Californie, États-Unis)

Nationalité

Américaine

Situation familiale

Mariée

 

  
 
Diplôme 

Mathématiques à l’Université d’État de San Diego et l’Université de Californie à Berkeley

Champs de recherche 

Mathématiques

Distinctions 

Prix Mac Arthur (1983); membre de  l’Académie américaine des arts et des sciences (1985)

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