Vers plus de (a)culture scientifique ?

Géraldine TRAN – Rédac’chef 

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Cela fait quelques années maintenant que le développement de la culture scientifique fait l’objet d’un intérêt particulier (en tous cas «déclaré») de la part des secteurs politique, sociologique et scientifique lui-même. Pourtant, l’on constate, en tant que Direction de la Sensibilisation du SPW Recherche, que sur le terrain, les acteurs de diffusion des sciences peinent à trouver une légitimité, une reconnaissance institutionnelle et dès lors, des financements. Dans ce contexte, je me pose de plus en plus la question de la place de la culture scientifique dans notre société. Question évidemment essentielle dans l’exercice de mon métier. Dans quel but, finalement, tente-t-on de diffuser cette fameuse «culture scientifique» ? En effectuant des recherches sur le sujet, je suis tombée sur les réflexions d’un physicien et penseur français, Jean-Marc Levy-Leblond, qui appelle à s’interroger sur le syntagme même de ces 2 mots, qui pour lui, serait inadéquat. D’une part, parce que le mot «culture» «tolère mal quelque étiquette ou épithète» sous peine de déforcer la notion même de culture, qu’il définit comme étant «la capacité à lier différentes formes de pratiques humaines et à les éclairer et féconder les unes par les autres.» Il ne devrait, selon lui, pas y avoir de spécialisation de la culture (musicale, littéraire…).  D’autre part, parler de «diffusion scientifique» postule que celle-ci existe quelque part et ne demande qu’à être partagée. Et où la trouve-t-on ? Dans les milieux scientifiques eux-mêmes, qui sont censés détenir la «science». Or, ce n’est pas si évident dans la mesure où la science se pratiquerait aujourd’hui dans un cadre essentiellement industrialisé, technique et mercantile, inscrite dans le «up to date». Ainsi, l’enseignement des sciences se baserait, à l’heure actuelle, sur les toutes dernières découvertes, faisant fi de la dimension historique qui les sous-tend. Peut-on dès lors parler de «culture» scientifique si l’histoire des sciences y a disparu ? La science ne peut pas se résumer à une accumulation de connaissances et leur diffusion un «stock» à transmettre, mais doit s’inscrire dans une histoire, une démarche et un rapport au monde. Finalement, la question qui se pose serait plutôt la place de la science dans la culture. Elle ne devrait plus être un domaine à part, ni l’apanage d’une élite mais la démarche scientifique (soit la confrontation entre rationalité et subjectivité) qu’elle induit, un élément fondamental de la culture, au sens large. Remettre en question l’expression «culture scientifique», c’est donc interroger la façon dont la société valorise, diffuse ou cloisonne la science. C’est aussi exprimer la nécessité d’un dialogue constructif entre les savoirs et d’une culture partagée par tous, où la science ne serait pas un «supplément d’âme» mais un ferment de compréhension et d’émancipation individuelles et collectives pour une société plus ouverte, critique et démocratique. C’est pour cela que la sensibilisation aux sciences est, selon moi, un enjeu majeur de notre mission de service public. Sur ce, je vous souhaite de belles vacances, reposantes mais aussi enrichissantes en tous points. On se retrouve, les neurones en ébullition, en septembre ! 

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