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Expériences de mort imminente : que dit la science ?

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D’aucuns attribuent une explication mystique aux expériences de mort imminente. Mais s’il n’est pas commun d’éprouver des sensations telles que quitter son corps, entrer en relation avec des défunts ou encore avoir une perception altérée du temps, la science montre de manière de plus en plus convaincante que ces expériences hors norme sont le fruit d’une cascade de processus neurophysiologiques et psychologiques

 
Les expériences de mort imminente (EMI) sont fréquentes, puisque 10 à 20% des personnes ayant survécu à un arrêt cardiaque en rapportent une. De surcroît, d’autres conditions médicales problématiques peuvent leur servir de terreau: des complications durant une anesthésie, une hémorragie, une septicémie… Il arrive aussi que des personnes relatent l’équivalent d’une expérience de mort imminente alors que leur vie n’a pas été en danger. Une syncope, une séance de méditation, la prise de drogues psychédéliques, une forte fièvre ou encore un stress très aigu, comme par exemple lorsqu’on échappe à la noyade, peuvent parfois suffire à générer un tel phénomène. On parle alors de EMI-like, mais plus souvent de NDE-like (Near-Death Experiences) par référence à leur terminologie anglo-saxonne.

Les composantes des EMI sont très spectaculaires. Sur la base de travaux du Coma Science Group du GIGA-Consciousness de l’ULiège, publiés en 2018 dans PLoS One, on peut en énoncer 11: vision d’une lumière, rencontre avec des défunts ou un être mystique, hyperlucidité, narration de scènes, sensation d’être dans l’obscurité, expérience de décorporation (Out-of-Body Experience – OBE), impression d’être mort, souvenir d’événements vécus, sensation d’entrer dans l’expérience de mort imminente, sensation de rentrer dans le monde réel au terme de l’expérience, perception altérée du temps. Pour être qualifié d’«expérienceur», c’est-à-dire de personne ayant été confrontée à une expérience de mort imminente, il n’est pas nécessaire d’en avoir vécu l’ensemble des phénomènes caractéristiques, mais un certain nombre d’entre eux.

Dans ces conditions – EMI à géométrie variable –, comment déterminer si un individu est ou non un expérienceur ? Des échelles standardisées ont été élaborées à cette fin. En particulier, l’échelle de Greyson qui repose sur 16 questions relatives à différentes dimensions (cognitive, affective, paranormale…) des EMI. Cette échelle a cependant plusieurs limites que le Coma Science Group a essayé de dépasser en proposant en 2020 une «échelle de Greyson revisitée», la Near-Death Experience Content (NDE-C) scale.

 
EMI en enfer

L’échelle élaborée en 1983 par le psychiatre américain Bruce Greyson pèche essentiellement à 2 niveaux: elle manque de nuance et elle ne tient pas compte de l’existence d’EMI vécues négativement sur le plan émotionnel (voir infra). Aussi, au sein du Coma Science Group, l’équipe de Charlotte Martial, neuroscientifique responsable des recherches sur les expériences de mort imminente, a-t-elle conçu une échelle standardisée comportant 20 questions, avec la possibilité de scores échelonnés de 0 à 4 pour chacune des réponse fournies. Un score minimum total de 27 sur 80 serait requis pour qu’il y ait eu EMI classique ou NDE-like. Dans cette nouvelle échelle, 4 nouveaux items ont été introduits en plus des 16 de l’échelle de Greyson. Ces questions supplémentaires, telles que «Avez-vous éprouvé un sentiment de non-existence, de vide absolu et/ou de peur ?», permettent de prendre en considération la présence d’«EMI négatives». En effet, si la plupart des expérienceurs déclarent avoir vécu leur EMI comme un «moment de félicité» et être devenus ensuite moins matérialistes, plus altruistes ou plus empreints de spiritualité, des travaux du Coma Science Group portant sur 123 sujets ayant été en proie à une EMI ont montré en 2019 que 14% d’entre eux l’ont mal vécue.

Trois types d’EMI négatives ont été répertoriées, en accord avec les données de la littérature: les EMI inversées, les EMI vides et les EMI infernales. Comme le soulignait Héléna Cassol, première auteure de l’article, les EMI inversées présentent les mêmes composantes que les EMI vécues positivement (lumière, OBE…), mais le ressenti des sujets revêt une forte connotation négative. Les EMI vides, elles, sont caractérisées par un sentiment terrifiant de vide intersidéral, de néant et de solitude absolue. Elles possèdent peu de dimensions communes avec les EMI positives ou inversées. Quant aux EMI infernales, elles sont encore plus terribles. L’expérienceur fait état de rencontres avec des monstres, le diable, etc. Pour lui, c’est l’enfer ! À l’instar des EMI vides, ces expériences comportent peu de dimensions des EMI positives ou inversées. Dans l’étude, les EMI négatives étaient par ailleurs associées à une plus grande proportion d’arrêts cardiaques consécutifs à des tentatives de suicide. «On peut émettre différentes hypothèses à cet égard, commente Charlotte Martial. L’une d’elles est que le contexte de tentative de suicide dans lequel certains expérienceurs ont vécu leur EMI a pu influencer leurs émotions au cours de cette expérience.» La chercheuse ajoute que l’on recense également des EMI à propos desquelles les expérienceurs relatent la cohabitation d’émotions positives et d’émotions négatives. Et, d’autre part, que certaines personnes éprouvent des difficultés à intégrer dans leur vie quotidienne l’expérience extraordinaire qu’elles ont vécue, quand bien même celle-ci avait été positive. Ce qui amène la neuropsychologue à imaginer l’éventualité d’un suivi, d’un trajet de soins pour aider les expérienceurs en difficulté psychologique.

Le modèle NEPTUNE

On pourrait se demander si les souvenirs d’EMI ne sont pas faux, imaginés. On sait que sur le plan phénoménologique, les souvenirs réels, c’est-à-dire ayant trait à des événements matériellement établis, sont plus riches en détails que les souvenirs imaginés, ceux qui consistent à se rappeler un événement que l’imagination a bâti de toutes pièces – par exemple, la représentation mentale que l’on s’était forgée de vacances futures. Or, dans un article publié en 2013 dans PLoS One, les chercheurs du Coma Science Group ont montré que les souvenirs d’EMI étaient d’une rare richesse en détails sensoriels, autoréférentiels et émotionnels. Et même d’une richesse supérieure aux souvenirs réels – on pourrait parler d’«hyperréalité». Cependant, ce constat n’accrédite pas la thèse que les phénomènes rapportés – l’entrée dans un tunnel, une décorporation, une rencontre avec des défunts… – correspondent à des stimuli externes authentiques, mais il souligne l’intensité hors norme des sensations éprouvées.

Les théories explicatives des EMI peuvent être regroupées en 3 catégories: spirituelles, psychologiques et neurophysiologiques. Les premières ne reposent sur aucune démonstration rigoureuse. Les neuroscientifiques rappellent que personne n’a jamais pu mettre en évidence un phénomène conscient sans activité neuronale. Les tenants de l’explication spirituelle affirment que les EMI sont la preuve de l’existence d’une vie après la mort. «Tout vient d’une confusion entre les concepts de mort cérébrale, où le cerveau est devenu totalement inactif, et de mort clinique, qui se limite à la cessation de la respiration et de la circulation sanguine, laissant ainsi encore une chance de récupération», souligne Charlotte Martial. Par définition, les expérienceurs n’ont jamais connu la mort ! D’autre part, la théorie spirituelle fait l’impasse sur la réalité des NDE-like.

Il existe plusieurs interprétations psychologiques des EMI, mais elles demeurent des hypothèses. Élaborée conjointement par l’Université de Copenhague et l’Université de Liège, l’une d’elles a été publiée en 2021 dans Brain Communications. Elle postule que les EMI pourraient s’inscrire dans une perspective évolutionniste et consisteraient en un sentiment de perte du sens de la réalité, ce qui servirait de moyen de défense psychologique devant une situation critique de mort imminente. En quelque sorte, notre inconscient embellirait la situation pour nier l’imminence de notre disparition et agirait ainsi comme un mécanisme de survie en favorisant adaptation et résilience à des conditions extrêmes. Aux yeux des chercheurs belges et danois, la thanatose, comportement animal souvent appelé «simulacre de mort» (ou «immobilité tonique») et consistant à se figer pour se faire passer pour mort en cas de menace d’un prédateur, pourrait être le fondement évolutif des expériences de mort imminente. Ils suggèrent que l’acquisition du langage a permis aux humains de transformer le processus relativement stéréotypé de la thanatose en perceptions riches constitutives des EMI et partant, de l’étendre à des situations sans lien avec la présence d’un prédateur. D’après les propos de Steven Laureys, c’est peut-être la première fois que l’on peut attribuer un but biologique aux expériences de mort imminente, qui serait le bénéfice de la survie. Nonobstant, 2 questions viennent directement à l’esprit. Comment cette hypothèse est-elle compatible avec l’existence des EMI négatives, où le sujet ne vit pas une «fable» mais plutôt un «cauchemar» ? Et comment l’est-elle avec la réalité des NDE-like, où la vie n’est nullement en péril ? «Nous devrons analyser notre hypothèse sous toutes ses facettes pour évaluer sa compatibilité avec de telles situations», indique Charlotte Martial.

C’est avec cette vision évolutionniste en toile de fond qu’a été proposé récemment un premier modèle intégratif des EMI qui vise à expliquer leur émergence par une cascade de processus neurophysiologiques et psychologiques concomitants. Baptisée NEPTUNE (Neurophysiological Evolutionary Phychological Theory Understanding Near-Death Experience), cette approche, fruit d’une collaboration entre le Coma Science Group et des chercheurs internationaux, a été publiée le 31 mars 2025 dans Nature Reviews Neurology. Dans ce modèle, les neuroscientifiques émettent notamment des hypothèses sur des caractéristiques spécifiques des EMI. «Ainsi, nous avons identifié certains systèmes de neurotransmission qui pourraient être associés spécifiquement à l’encodage en mémoire des souvenirs d’EMI, d’autres au sentiment de bien-être, d’autres aux hallucinations visuelles, d’autres encore à l’impression d’hyperréalité…», commente Charlotte Martial.

UN PENCHANT POUR L’IMAGINAIRE

Le Coma Science Group s’est intéressé à un trait de personnalité à propos duquel les chercheurs liégeois ont formulé l’hypothèse qu’il puisse favoriser la production de souvenirs d’EMI. En collaboration avec l’Université de Maastricht, ils ont en effet mené une étude centrée sur la notion de «fantasy proneness», une inclination au fantasme et à l’imaginaire. Publiée en 2018 dans Frontiers in Psychiatry, l’étude regroupait 228 participants, dont 51 ayant eu une EMI classique et 57 une NDE-like. Les 120 autres volontaires constituaient 2 groupes contrôles, l’un composé de personnes ayant connu une situation de danger de mort sans EMI et l’autre, d’individus en bonne santé n’ayant jamais été confrontés ni à un tel danger ni à une EMI. 

Tous les participants furent soumis à un questionnaire baptisé The creative experiences questionnaire (CEQ), une mesure d’auto-évaluation reposant sur 25 items. Il apparut que les sujets ayant relaté une NDE-like présentaient une propension plus grande à capturer des états de conscience faisant la part belle à l’imaginaire et au fantasme que les membres des 2 groupes contrôles, mais également que les participants du groupe «EMI classiques». Se pourrait-il dès lors que chez ceux qui se sont trouvés à la lisière de la mort, l’expérience ait été d’une telle intensité que sa remémoration ne nécessitait pas une inclination à pousser les portes de l’imaginaire alors que cette tendance était requise pour se souvenir de NDE-like ? La question reste posée.

Méthodes indirectes

Une étape ultérieure sera d’approfondir le versant neurophysiologique des EMI. Ce dernier est au cœur des théories les plus crédibles à l’heure actuelle. Les mieux assises associent les diverses composantes des EMI (tunnel de lumière, OBE…) à un dysfonctionnement de régions cérébrales spécifiques lors de crises physiologiques aiguës, en particulier une hypoxie résultant d’un traumatisme crânien, de troubles cardiaques, d’une intoxication au monoxyde de carbone, etc. Les faits plaident en faveur de cette hypothèse. Ainsi, en 2002, le neurochirurgien Olaf Blanke et ses collaborateurs de l’hôpital universitaire de Genève ont provoqué une expérience de décorporation (OBE) chez une patiente épileptique en lui stimulant involontairement la jonction temporo-pariétale droite du cerveau. Quelques années plus tard, le même résultat fut obtenu expérimentalement à Anvers et à Genève par stimulation de la même région cérébrale.

La recherche des corrélats neuronaux des différentes composantes des EMI est évidemment très ardue, surtout parce qu’elle ne peut s’opérer en situation, c’est-à-dire en temps réel – arrêt cardiaque, traumatisme crânien, hémorragie… D’où le recours à des méthodes indirectes de détection qui font appel à des NDE-like induites en laboratoire chez des volontaires.

Dans une expérience conduite à l’ULiège, de jeunes volontaires ont été placés en état de syncope via une hyperventilation induite par des manœuvres de Vasalva (1). Le professeur Thomas Lempert, de la Clinique universitaire Rudolf Virchow à Berlin, avait montré en 1994 que des individus mis en syncope à la suite de telles manœuvres relataient parfois des souvenirs similaires à des souvenirs d’EMI. Lors de l’expérience entreprise à Liège, au cours de laquelle les corrélats neuronaux des composantes d’EMI ont été recherchés par électroencéphalographie à haute densité (256 électrodes), 8 participants sur 22 rapportèrent des souvenirs conformes à ceux d’une NDE-like selon l’échelle de Greyson. Qu’observèrent les chercheurs ? Une augmentation, chez ces 8 personnes, de la «complexité cérébrale» (brain complexity), laquelle se traduit par des connexions neuronales plus riches et plus dynamiques ainsi que par leur grande diversité architecturale. «D’autre part, souligne Charlotte Martial, nous avons mis en évidence, chez ces sujets, une augmentation des ondes lentes, notamment delta et thêta, dans la zone temporo-pariétale, région que la littérature décrit comme impliquée dans la conscience. En outre, la jonction temporo-pariétale est celle dont la stimulation accidentelle puis expérimentale a donné lieu à des expériences de décorporation. Enfin, la littérature associe les ondes delta et thêta aux expériences subjectives vécues sous drogues psychédéliques

Certaines substances psychédéliques peuvent induire des expériences qui ressemblent à des manifestations d’EMI. L’administration de kétamine ou de DMT (2) est régulièrement utilisée en laboratoire comme un moyen de provoquer des NDE-like. En 2019, les chercheurs du Coma Science Group ont publié un article dans Consciousness and Cognition, où, après avoir comparé 165 substances, ils conclurent que les plus propices à induire des expériences phénoménologiques proches des EMI étaient la kétamine, puis la salvia (difficilement exploitable car les sujets à qui elle est administrée croient véritablement mourir), la DMT, la psilocybine et le LSD.

Une des caractéristiques qui ressort souvent de la prise de drogues psychédéliques est que leurs consommateurs font fréquemment une expérience appelée «ego dissolution» qui se traduit par un estompage de la frontière entre soi et l’environnement, donc de la perception de soi. «Or, rappelle Charlotte Martial, nombre d’expérienceurs déclarent avoir été connectés à leur environnement, à l’univers, à la nature, parfois à d’autres êtres qu’ils ont pu rencontrer durant leur EMI.» Quatre-vingts volontaires ayant connu une EMI classique et 20 autres une NDE-like ont été soumis à un questionnaire relevant de l’échelle Ego Dissolution Inventory (EDI), qui permet de quantifier la dissolution de l’ego. Résultat ? Une corrélation positive entre le score à l’EDI et le score recueilli à l’échelle Near-Death Experience Content scale élaborée à Liège en 2020. Autrement dit, plus l’expérience de mort imminente avait été intense dans le souvenir des expérienceurs, plus la dissolution de l’ego l’avait été également. De surcroît, une corrélation du même ordre fut établie entre l’intensité des épisodes rapportés de décorporation et le score à l’EDI.

Par ailleurs, l’hypnose a été employée à Liège par la professeure Marie-Élisabeth Faymonville pour essayer de stimuler chez des expérienceurs une reviviscence des émotions ressenties durant leur EMI. «Parmi ces volontaires, 2 dames ont expliqué avoir revécu des émotions aussi intenses que durant leur expérience de mort imminente et, de plus, elles se sont rappelé des détails qu’elles avaient oubliés lors de leur narration initiale, rapporte Charlotte Martial. Évidemment, on ne saura jamais si ces souvenirs ont été créés pendant l’hypnose ou si celle-ci les a fait remonter à la surface

(1) Technique consistant à expirer fortement tout en maintenant la bouche et le nez fermés.

(2) NN-diméthyltryptamine.

 
Reconnexions à l’environnement ?

Des choses troublantes ont été racontées à propos de certaines EMI. Ainsi, d’aucuns affirment que, une fois réanimés, des patients ont pu reconstituer les conversations et les actes du personnel médical occupé à les maintenir en vie et même décrire ce qui s’était passé dans les pièces voisines. Toutefois, la relation de cas isolés pèse de peu de poids en science; la crédibilité passe par la méthodologie scientifique contrôlée et la loi du nombre. Car il faut faire la part du hasard statistique, des interprétations peu rigoureuses et de la fumisterie. On ne peut non plus exclure que des patients aient eu des moments de conscience durant lesquels ils ont été en connexion avec l’environnement, ont vu, entendu ou ressenti des choses alors qu’on les croyait totalement inconscients. Menée sur 2 060 patients entre 2008 et 2012 sous la direction de Sam Parnia de l’Université de Southampton, l’étude multicentrique AWARE apporte de l’eau à ce moulin. De fait, elle concluait que le cerveau humain conserve une activité consciente durant une période évaluée à 3 minutes après un arrêt cardiaque. Cette étude comporte néanmoins des limites méthodologiques. «Que le cerveau reste actif un certain temps est démontré, mais il est assez hasardeux d’avancer un chiffre concernant la durée de cet épisode», soutiennent Steven Laureys et Charlotte Martial.

Celle-ci ajoute que son équipe est occupée à mener une étude en salle de réanimation au CHU de Liège. Grâce aux techniques EEG, le but est de déterminer de potentiels moments de conscience chez des personnes considérées comme inconscientes à la suite, par exemple, d’un arrêt cardiaque ou d’une intubation résultant d’une complication opératoire. Comme elle le précise, il est possible également qu’en dehors d’éventuelles reconnexions à l’environnement, des reconstitutions similaires à celles de rêves puissent également être le support d’étonnantes descriptions en lien avec les attentes du sujet, les propos qui lui ont été tenus après son EMI ou encore sa connaissance de l’environnement – tout le monde a déjà vu via les médias, voire personnellement, des salles d’opération, des scènes de réanimation, etc.

Pour certains, les expériences de mort imminente constituent la preuve de l’existence d’une vie après la mort. Quelles que soient les convictions de chacun à propos de l’âme et de l’au-delà, il ne devrait échapper à personne que ce raisonnement est sans fondement. En effet, par définition, aucun de ceux qui ont rapporté un vécu (bien réel) d’EMI n’a connu la mort au moment de cette expérience hors du commun, sinon il n’aurait pu la relater ensuite.

Il existe plusieurs interprétations psychologiques des EMI, mais elles demeurent des hypothèses. L’une d’elles postule que les EMI pourraient s’inscrire dans une perspective évolutionniste et consisteraient en un sentiment de perte du sens de la réalité, ce qui servirait de moyen de défense psychologique devant une situation critique de mort imminente. 

Les tenants de la conception d’une âme extérieure au corps se fondent principalement sur le fait que 80% des personnes ayant connu une expérience de décorporation déclarent avoir assisté, d’une position surélevée, à la scène de leur réanimation. Dans le cadre de l’une ou l’autre recherche, dont l’étude AWARE, des chercheurs eurent l’idée de dissimuler, à proximité du plafond de blocs opératoires, des images invisibles à un patient couché sur la table d’opération. Ils partaient du principe que si elles étaient vues, cela accréditerait l’idée que la conscience est dissociable du corps. Pour l’heure, aucun expérienceur ne put faire état de leur présence. Les neuroscientifiques de l’ULiège veulent néanmoins pousser les investigations plus loin en essayant de tester de façon aussi rigoureuse que possible la réalité des éléments troublants rapportés dans le cadre de certaines OBE. C’est pourquoi ils ont placé des caméras dans la salle de réanimation du CHU de Liège afin de filmer la prise en charge des patients et, moyennant leur consentement, comparer ultérieurement leurs rapports subjectifs de vécu d’OBE ou de NDE avec les images vidéo. Premiers résultats de cette étude en cours attendus dans environ un an. «À mon sens, s’il devait y avoir concordance entre ces images et les récits subjectifs portant sur des souvenirs de la prise en charge en réanimation, cela ne permettrait pas de conclure que la conscience peut se localiser en dehors du cerveau mais qu’il existe une réalité physiologique permettant au patient de disposer d’un minimum de conscience alors qu’il était jugé totalement inconscient. Un tel résultat remettrait cependant en question toute la littérature scientifique sur la conscience», conclut Charlotte Martial.

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