La solitude, ça n’existe  pas ?

Géraldine TRAN – Rédac’chef 

© Lomb – stock.adobe.com

«Je ne les plains pas, parce que je devine que leurs effusions oratoires leur procurent des voluptés égales à celles que d’autres tirent du silence et du recueillement; mais je les méprise.» De qui donc parle Baudelaire dans cet extrait issu de son poème intitulé «La Solitude» («Petits poèmes en Prose») ? Très péjorativement, des «races jacassières», des «bavards», des «malades» (au sens pathologique) qui se dispersent et se perdent dans des échanges sociaux non seulement inutiles mais surtout, destructeurs, des «affolés de l’insociabilité», ceux-là même qui ont perdu leur âme au fin fond de la fosse humaine. Ce qui, pour le poète symbole du Spleen, s’apparente tout simplement à de la prostitution ! Pour lui, ce qui est délétère, ce n’est certainement pas la solitude – qui représente pour lui un immense espace de liberté, de créativité et de profonde connexion avec soi-même – mais bien la vie en société ! C’était en 1869. Cent cinquante ans plus tard, au vu des études scientifiques réalisées depuis, Baudelaire changerait peut-être d’avis (ou s’en retournerait dans sa tombe !). Tout tend à penser qu’au contraire, les échanges, le partage, la validation des émotions par ses pairs, les rituels sociaux et l’adhésion à un groupe social dont on a accepté les codes, seraient bénéfiques pour la santé. Et je parle non seulement de santé mentale, mais aussi de santé physique. Depuis des siècles, les rituels sociaux, les moments de communion, les meetings, les manifestations sont d’ailleurs de précieux outils de cohésion sociale, de renforcement de la communauté, qui donnent aux individus un sentiment d’appartenance et donc de confiance en eux, une force portée par le groupe et même un sens à leur existence. À l’heure où, selon l’OMS, 1 personne sur 6 dans le monde souffrirait de solitude (qui causerait environ 100 décès par heure); où l’individualisme et la méritocratie sont portés aux nues, où l’on pousse les individus à être toujours «plus» (forts, riches, compétents, endurants, rentables…) les laissant jusqu’à penser que l’autre devient un «inconfort» ou un frein, où les réseaux sociaux tendent à refléter un monde fantasmé, la reconnaissance sociale et collective de la solitude comme étant une pathologie à prendre en charge serait peut-être une option. L’automne, s’il rime avec rentrée (scolaire, académique, politique, médiatique…) et donc reconnexion sociale, est aussi une période délicate de froid, de grisaille, d’isolement pour les personnes qui se sentent seules. Comprendre les mécanismes de ce mal du siècle et ses potentielles lourdes conséquences sanitaires (surtout chez les ados), c’est comprendre que la santé, c’est aussi une responsabilité collective. Rendez-vous à la     rubrique Santé ! 

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