En 2013, les professeurs Miika Vikkula et Laurence Boon recevant le Prix de la recherche clinique Inbev-Baillet Latour.

Qui est-ce?

Laurence BOON

Jacqueline REMITS • jacqueline.remits@skynet.be

© BELGA PHOTO DIRK WAEM

 
Je suis…

Diplômée en médecine, chirurgie et accouchements de l’UCLouvain en 1989, je suis spécialisée en chirurgie plastique, esthétique et reconstructrice de l’UCLouvain depuis 1996 et professeure à l’UCLouvain. Quand mon ancien patron aux Cliniques universitaires Saint‑Luc, le Pr Romain Vanwijck, qui avait créé un centre multidisciplinaire pour les anomalies vasculaires, m’a demandé si cela m’intéressait. Je suis donc partie me former dans cette discipline en séjournant 2 ans au Children’s Hospital de la Harvard Medical School à Boston, aux États-Unis, sous la supervision du Pr John B. Mulliken qui m’a transmis sa passion. C’est aussi lui qui m’a conseillé de travailler avec un généticien finlandais. C’est ainsi que j’ai rencontré mon futur mari, le Dr Miikka Vikkula. Avec lui, j’ai fait de la recherche dans le Département de Biologie cellulaire. J’ai obtenu mon doctorat en sciences médicales en 2003 à l’UCLouvain. J’ai ensuite été nommée chargée de cours en 2005. Je suis très active dans la recherche translationnelle et je mène des études cliniques pour développer de nouvelles thérapies contre les anomalies vasculaires. Je suis professeure, médecin clinicienne et depuis 2012, coordinatrice du Centre multidisciplinaire des malformations vasculaires des cliniques universitaires Saint-Luc.

À cette époque…

Lorsque je suis revenue en Belgique et que j’ai créé le Centre multidisciplinaire des malformations vasculaires aux Cliniques universitaires Saint‑Luc, il y a eu l’attaque des tours jumelles du Word Trade Center à New York, le 11 septembre 2001. Je me souviens qu’on était alors en consultation. Soudain, tout s’est arrêté. Nous nous sommes tous retrouvés dans les couloirs, se demandant si c’était réel et essayant de trouver une salle avec une télévision pour obtenir plus d’informations.

J’ai découvert…

À la Harvard Medical School, mon mari et moi avons découvert qu’un gène est muté dans la forme rare des malformations veineuses héréditaires. En 2009, avec nos équipes respectives, nous avons également découvert que les malformations veineuses non-héréditaires sont causées par une mutation génétique, cette fois localisée uniquement dans les tissus affectés par ces malformations appelées malformations somatiques. En 2015, nous avons fait une avancée majeure en découvrant qu’une thérapie médicamenteuse pouvait soigner les malformations vasculaires. Ce traitement, le Sirolimus, améliore de manière spectaculaire la qualité de vie des patients (de 30 à 90%), en réduisant la douleur, en stoppant certains saignements et en diminuant la taille des lésions. Utilisé depuis longtemps pour traiter d’autres pathologies, le Sirolimus est déjà disponible, ce qui a facilité son introduction pour ces indications. Cette découverte est le fruit de plus de 20 ans de recherches menées par nos équipes. Cette avancée représente une étape inédite et d’importance majeure dans le domaine des anomalies vasculaires. La même année, nos équipes découvraient un gène dont les mutations permettent d’expliquer 20% des cas malformations veineuses. Aujourd’hui, grâce à nos travaux conjoints, les scientifiques sont parvenus à établir la cause de 60 à 80% des malformations vasculaires. La complémentarité de nos équipes de recherche, mon mari et moi, nous a permis de comprendre l’origine et les mécanismes de la grande majorité de ces anomalies vasculaires, d’améliorer leur diagnostic et d’ouvrir la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques à l’échelle mondiale.

En 2016, nous avons réalisé une première mondiale en traitant in utero un fœtus atteint d’une malformation lymphatique au niveau de la région cervicale. Cette intervention innovante a consisté à administrer le médicament à la maman pendant la grossesse, permettant ainsi à celui-ci d’atteindre le fœtus à travers la barrière placentaire. Cette prise en charge multidisciplinaire s’est accompagnée d’un suivi au long cours. Le traitement s’est poursuivi chez l’enfant pendant quelques années. Aujourd’hui âgée de 8 ans, la fillette se porte bien et connaît une croissance normale. Les résultats de cette intervention exceptionnelle ont été publiés dans la revue Nature Cardiovascular Research. Il s’agit d’une avancée majeure dans la prise en charge des fœtus souffrant de malformations vasculaires importantes.

À l’issue d’un essai clinique avec un autre médicament, nous avons aussi pu sauver la main d’une jeune fille de 19 ans qui devait être amputée. Des centaines de patients ont déjà pu bénéficier de ces avancées cliniques en plein essor. Ces traitements médicamenteux, réalisé aux Cliniques universitaires Saint-Luc à Woluwe-Saint‑Lambert, devraient améliorer la vie de milliers de patients en Belgique et à terme, de plusieurs millions de malades dans le monde.

Saviez-vous que…

Les malformations ou anomalies vasculaires font partie des maladies rares. Il en existe toutefois une quarantaine, ce qui signifie que 3 personnes sur 1 000 en souffrent. On estime que 6 000 en sont atteintes en Belgique. À 80% d’origine génétique, ces amas de vaisseaux mal formés entraînent une circulation sanguine anormale dans les régions concernées. Ces pathologies, qui peuvent atteindre n’importe quel tissu ou organe, provoquent des douleurs chroniques et des saignements. Ces maladies très handicapantes et douloureuses, parfois mortelles, touchent aussi bien les adultes que les enfants.

En 2013, Laurence Boon et son mari ont reçu le Prix annuel de la recherche clinique par le Fonds InBev-Baillet Latour pour leurs recherches dans le domaine des maladies vasculaires et des lymphoedèmes.

Laurence Boon est membre active de plusieurs sociétés scientifiques, dont l’Académie Royale de Médecine depuis 2015. Elle a présidé l’International Society for the Study of Vascular Anomalies (ISSVA) et, avec son mari, elle est co-présidente des Réseaux européens de référence ERN pour les anomalies vasculaires (VASCERN-VASCA).

Le 23 septembre 2024, Laurence Boon et Miikka Vikkula ont reçu le Prix international Gagna & Van Heck décerné par le FNRS pour leurs travaux sur les maladies incurables, leur contribution à la compréhension des anomalies vasculaires orphelines et les avancées thérapeutiques significatives qu’ils ont engrangées, menant à des progrès médicaux à dimension internationale. «C’est une grande fierté que notre travail soit reconnu de la sorte, a-t-elle souligné. Ce prix montre que les avancées médicales sont le résultat d’une recherche de longue haleine. Il met en valeur notre travail en binôme qui combine l’excellence clinique et la recherche fondamentale, ce qui est essentiel pour améliorer la qualité de vie de nos patients.» Le Prix international Gagna & Van Heck, d’un montant de 75 000 €, est remis tous les 3 ans par le FNRS. Il est destiné à récompenser un chercheur.euse ou un médecin dont les travaux ont contribué à la guérison d’un mal jusque-là incurable, ou dont la recherche mène à l’espoir d’une proche guérison. Ce prix à portée mondiale a été remis pour la première fois à une équipe belge.

 

Carte d’identité

Naissance 
12 juin 1963, Ixelles

Nationalité

Belge

Situation familiale

Mariée, 1 enfant

 
Diplôme 

Médecine à l’UCLouvain, spécialité  en chirurgie plastique,  reconstructrice et esthétique

Champs de recherche 

Malformations et tumeurs vasculaires

Distinctions 

co-lauréate avec son mari, le Prof Miikka Vikkula, du Prix de la  recherche clinique Inbev-Baillet  Latour (2013), Edelweiss Award for  Health Professional – RadioOrg  (Rare Disease Belgium) (2023), Prix  international Gagna & Van Heck du  FNRS (2024)

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