Espace

Quoi de neuf dans l’espace ?

Théo PIRARD  • theopirard@yahoo.fr

SPACEX/NASA

Le 6 février, l’astronaute américaine Christina Koch retrouvait la surface terrestre après avoir séjourné près de 10 mois dans l’Iss (International space station). Elle a passé 328 jours en impesanteur, confinée aux côtés de 5 astronautes et cosmonautes dans un habitacle où ont proliféré les équipements technologiques et scientifiques

Le vaisseau Dragon (1ère version) de SpaceX, proche de la station spatiale
internationale

  

À quelque 400 km au-dessus de nos têtes, l’Iss est habitée sans discontinuité par des équipages depuis novembre 2000. Bientôt 20 années d’activités avec des hommes et femmes à bord. La station est régulièrement – tous les 2 mois – ravitaillée en oxygène, eau, vivres, matériels pour expériences et de maintenance.

  

Quels ravitailleurs sont couramment utilisés pour maintenir une présence humaine ?

Quatre vaisseaux automatiques se relaient pour permettre la vie dans la station. Ils servent par ailleurs à évacuer les déchets et équipements inutiles qui sont détruits lors de la rentrée dans l’atmosphère. Deux sont mis en œuvre par les instances gouvernementales que sont Roscosmos (Agence spatiale russe) et par la Jaxa (Japan Aerospace Exploration Agency). Deux sociétés privées ont, dans le cadre du programme Crs (Commercial Resupply Services) de la Nasa (National Aeronautics & Space Administration), relevé le défi d’assurer la desserte de l’Iss: Space Exploration Technologies (SpaceX) et Northrop Grumman ont investi dans leurs systèmes, lesquels ont démontré leur efficacité.

   Le Progress de la Russie, dont la conception remonte aux années 1970, sert à apporter quelque 3 t. À ce jour, près de 80 exemplaires de versions de plus en plus améliorées, produits par la société Energia et lancés par des fusées Soyouz, ont permis le ravitaillement et l’entretien de l’Iss, ainsi que son maintien sur orbite au moyen de leurs propulseurs.

     Le Htv (H-2 transfer vehicle), alias Kounotori, du Japon fait arriver plus de 6 t de cargo, en étant satellisé par un lanceur nippon H-2. Huit vaisseaux de ce type ont été employés depuis septembre 2009. Son premier ravitaillement eut lieu alors que l’astronaute belge Frank De Winne effectuait son vol de longue durée dans la station.

   Le Dragon de SpaceX offre la particularité d’avoir une capsule récupérable – en partie réutilisable – pour amener un ravitaillement de 3,3 t et pour faire revenir en mer une cargaison de 1,5 t. Une vingtaine de missions ont été effectuées depuis mai 2012. Une version améliorée, dite Dragon 2, est dérivée du vaisseau Crew Dragon qui amènera des astronautes dans l’Iss: sa mise en service est prévue à la fin de cette année.

   Le Cygnus de Northrop Grumman (Orbital) utilise un module pressurisé «made in Italy» de Thales Alenia Space. Lancé par une fusée Antares, il sert depuis septembre 2013 à transporter jusqu’à 3,5 t de ravitaillement. Une douzaine de missions ont été réalisées.

  

Cosmodrome de Baïkonour : le ravitailleur Progress (à droite) est préparé aux côtés du vaisseau Soyouz.(Photo Roscosmos)

  
Un nouveau système de ravitaillement fera son apparition fin 2021 ?

La Nasa à l’issue d’un nouvel appel d’offres Crs a choisi, en janvier 2014, d’ajouter un troisième type de ravitailleur. Sans doute le plus original avec le Dream Chaser de Sierra Nevada Corp. Il s’agit d’un planeur «lifting body» qui reviendra au sol après avoir déchargé quelque 5 t à la station. Il pourra en ramener 1,5 t et sera réutilisable en étant mis en orbite par le nouveau lanceur Vulcan

  

Dans quelle mesure l’Iss prépare l’étape suivante de l’odyssée humaine dans l’espace ?

Cette étape devrait être un retour sur la Lune pour une implantation permanente. L’exploitation de l’infrastructure internationale de plus de 400 t autour de la Terre permet de maîtriser tant les longs séjours en impesanteur que les conditions de vie confinée pour des vols de plus en plus lointains. Avec l’objectif d’économiser l’oxygène, l’eau et les vivres. Tout en veillant à empêcher toute contamination par un virus… Il est question de réaliser Lunar Gateway ou base habitée sur orbite lunaire. La Nasa vient de retenir l’offre de SpaceX pour la desserte (approvisionnement, retrait des déchets) de Lunar Gateway avec le vaisseau Dragon XL (contrat Gateway Logistics Services).  

  

Mais encore…

Première prolongation en orbite géostationnaire

Deux satellites commerciaux ont, le 25 février, réussi leur jonction à quelque 35 800 km au-dessus de l’équateur. Le Mev-1 (Mission Extension Vehicle) de Northrop Grumman et SpaceLogistics, lancé de Baïkonour (par une fusée Proton) le 9 octobre dernier, est allé se fixer sur le satellite Intelsat 901 que l’opérateur global Intelsat exploite depuis juin 2001. Il en a pris le contrôle pour reprendre sa mission de télécommunications sur l’Atlantique pendant au moins 5 années. Ce succès démontre qu’il sera possible à l’avenir d’aller sauver un satellite ou de lui donner une nouvelle vie. Dans 5 ans, il est prévu que le Mev-1 soit en mesure de se détacher de l’Intelsat 901, puis de manœuvrer vers un autre satellite dont le contrôle d’attitude se montre défaillant.

Le constructeur de systèmes spatiaux Northrop Grumman a démontré qu’il est techniquement possible que des relais géostationnaires aient une seconde vie. Ira-t-il jusqu’à commercialiser une flotte de bus de remplacement ? Déjà, un Mev-2 est en préparation pour un lancement avec Ariane 5 à la fin de l’année. Intelsat prévoit de l’utiliser pour prolonger les services avec l’Intelsat 10-02

2022: trio de gaganautes autour de la Terre.

L’Inde se prépare à être la prochaine nation à effectuer des vols spatiaux habités avec son Indian Human Spaceflight Programme. L’Isro (Indian Space Research Organisation) a depuis 2007 le projet de développer un vaisseau spatial piloté. Baptisé Gaganyaan, il est constitué d’une capsule conique pour un équipage de 3 gaganautes et d’un module de service équipé de 2 propulseurs. D’une masse de 7,8 t, il sera satellisé par un puissant lanceur Gslv MkIII à la fiabilité renforcée depuis le centre de Sriharikota (près de Chennai).

Deux tests en mode automatique sont planifiés pour 2021. Le premier vol avec 3 gaganautes, d’une durée d’une semaine sur une orbite entre 300 et 400 km, est prévu durant 2022. Quatre pilotes indiens ont été sélectionnés pour suivre un entraînement à la Cité des Étoiles près de Moscou. À noter que le pilote indien Rakesh Sharma est allé dans l’espace pendant plus de 7 jours en avril 1984: un accord de coopération entre Moscou et Delhi lui a permis de séjourner dans la station soviétique Saliout-7.

Mission russo-européenne Exomars reportée à 2022

L’ESA (European Space Agency) et Roscosmos se sont mis d’accord pour que leur mission conjointe avec la plate-forme Kazachok et le rover Rosalind Franklin fasse l’impasse de la fenêtre martienne de cet été. Il s’agit de se donner un maximum de chances pour réussir. Le logiciel pour l’ouverture des parachutes de descente sur Mars a révélé quelques faiblesses. La pandémie du Covid-19 n’a rien arrangé pour garantir des préparatifs dans la sérénité. Il faudra attendre jusqu’au printemps 2022 pour que l’Europe et la Russie coopèrent sans anicroches sur la Planète Rouge.

Vue d’artiste de l’approche du Mev-1 vers le satellite Intelsat (Photo Northrop Grumman)

L’Inde mise sur la fiabilité de son puissant lanceur Gslv-MkIII pour des missions de gaganautes (Photo ISRO)

  

L’ISRO a déjà testé dans l’Océan Indien la récupération de la capsule de son vaisseau Gaganyaan (Photo ISRO)

Le rover européen ExoMars a déjà subi des tests intensifs chez Airbus, au Royaume-Uni (Photo Airbus/ESA)

Share This