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Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be

Jim Bendon/Flickr CC BY-SA 2.0, r_lizzimore/Flickr CC BY-NC-ND 2.0, © Don McCrady/Flickr CC BY-NC-ND 2.0 – Biozoom, Alexas_Fotos /Pixabay, © EASYFOTOSTOCK

 
Beau ? Ok, mais pas suffisant !

Il est désormais bien connu que dans le monde animal, la livrée des mâles, surtout quand elle est spécialement chatoyante, constitue un critère de sélection favorable à l’accouplement. Que ce soit pour les mammifères, les oiseaux et les poissons, la beauté apparente, mais aussi la taille font partie, pour les femelles, des critères favorables à la genèse d’une descendance robuste et saine. Cette perception des choses a quelques extensions anthropomorphiques qu’il ne faudrait toutefois pas généraliser. Mais cela rejoint ce que le biologiste Jean Rostand disait il y a longtemps déjà: «ce qu’une femme peut faire de mieux pour ses enfants, c’est bien choisir leur père»; soit un homme idéalement dénué de tare, fort et vigoureux. Il y a incontestablement de ça, même si l’idée est quelque peu réductrice. Comme des chercheurs l’ont récemment constaté, c’est également réducteur chez l’animal. Pour une espèce en tout cas, la seule qui ait été testée dans ce registre-là à ce jour.

On sait les perruches et perroquets mâles particulièrement colorés, un critère qui, ajouté à la longueur des plumes, semble décisif dans le choix opéré par les femelles. Sauf que si on ajoute quelques critères plus «qualitatifs», ce choix peut tout de même s’inverser. C’est ce qu’ont observé des chercheurs chez la perruche ondulée Melopsittacus undulatus, particulièrement commune dans les volières. Après avoir laissé les femelles opérer leur choix sur les critères morphologiques habituels, les scientifiques ont laissé celles-ci observer les mâles choisis et d’autres, confrontés à la délicate mission de débloquer une boîte de graines alimentaires. L’expérience a bien entendu été modulée pour en retirer tout type d’information utile et il en ressort que les femelles peuvent revoir leur choix initial pour le porter ensuite sur le mâle qui, à défaut d’être le plus beau, est en revanche le plus futé.

Toute extrapolation à l’espèce humaine serait un peu hâtive, notamment parce que les tests menés n’ont offert que peu de choix aux animaux d’expérience. Il n’empêche que l’«intelligence» du mâle retenu apparaît non seulement comme un critère de choix, mais il se positionne – pour les perruches en tout cas – en ordre utile avant les critères de beauté.

Nature, 2019; 363: 121-122


Des yeux à briser le noir

Aussi bonne que soit la vue des humains, elle ne permet pas de voir la nuit. Sauf exception et dans ce cas, pourrait-on voir comme en plein jour ? Non, tout de même pas; mais percevoir cette longueur d’ondes que nos yeux ne peuvent percevoir, celle qui, dans la palette des couleurs, suit directement le rouge et que l’on appelle l’infrarouge, oui. Sa longueur d’onde oscille de 750 nanomètres à un millimètre.  On sait qu’il s’agit d’une émission des corps chauds, comme le nôtre, mais aussi comme celui de très nombreuses proies potentielles dans le monde sauvage. Pour leur plus grand malheur, puisque l’on sait que les prédateurs nocturnes, ailés ou non, perçoivent aussi cette gamme d’ondes qui leur permet, dans le noir, de fondre sans coup férir sur ce qui ne peut échapper à leur vision adaptée.

Depuis longtemps, des dispositifs techniques existent qui permettent de transformer ces ondes «thermiques» de grande longueur et de les convertir en une émission d’onde plus courte, généralement dans le registre du vert (soit à un peu plus de 500 nanomètres). Chasseurs, militaires et amateurs de la vie nocturne connaissent les équipements de vision «augmentée» qui disposent de ces adaptations.

Mais ne pourrait-on pas tenter d’améliorer directement les yeux (notamment humains) pour leur permettre de gagner une perception de ces infrarouges sans passer par des dispositifs d’optique ? Poser la question est souvent déjà y apporter une réponse car c’est apparemment possible. Chez la souris pour le moment. Des chercheurs ont en effet eu l’idée d’injecter dans les globes oculaires de quelques-uns de ces rongeurs des nanoparticules qui, par leur présence, réduisent de près de la moitié la longueur des émissions dans le rouge long (de l’ordre du millimètre) pour le transformer en vert (535 nanomètres). Afin de confirmer l’efficacité du procédé, les scientifiques ont ensuite soumis les animaux d’expérience à une série de tests opérés dans le noir profond et ont pu vérifier qu’ils pouvaient se guider sans aucun problème quand le parcours à effectuer recevait un éclairage dans le seul registre de l’infrarouge.

Pour l’heure, on ne sait rien encore de l’inconfort possible d’une telle «manipulation» oculaire. Ce qu’on sait toutefois, c’est qu’elle a peu de chance d’être appliquée sous cette forme à des humains, notamment parce que les particules utilisées contiennent des métaux lourds. Il faut bien entendu aussi s’assurer qu’il n’y a pas de risque d’altération de la vision à long terme.

Il y a néanmoins matière à une possible amélioration des aptitudes humaines à la perception dans le noir. Elle peut être utile dans de nombreuses circonstances. Mais il existe d’autres voies explorées, notamment chez le rat, qui tiennent en particulier à des «senseurs» connectés directement au cerveau. Toute idée est bonne à prendre et à tester. Restera ensuite à en valider à la fois l’efficacité et bien entendu, la sécurité.

Nature, 2019; 562: 16-17


Bio zoom

Surnommé la «gazelle-girafe», le gérénuk (Litocranius walleri) ne vit que dans 4 pays d’Afrique: l’Éthiopie, le Kenya, la Somalie et la Tanzanie. Cet animal à l’anatomie particulière, un corps long de 1,60 m de la tête à la queue, peut courir jusqu’à 100 km/h. Grâce à une exceptionnelle souplesse articulaire, il peut s’étirer complètement et accéder à de la nourriture que la plupart des autres herbivores africains, excepté la girafe, ne peuvent atteindre. Son régime alimentaire, composé essentiellement de feuilles et de plantes, lui permet de passer toute sa vie sans boire. Pour défendre leur territoire, les mâles se servent de leurs cornes pouvant mesurer jusqu’à 45 cm de long. De plus, ils possèdent des glandes odorantes au niveau des yeux, qui leur permettent de marquer leur territoire. Le gérénuk est presque considéré comme une espèce menacée par l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Pour défendre leur territoire, les mâles se servent de leurs cornes qui peuvent mesurer jusqu’à 45 cm de long.

De plus, ils possèdent des glandes odorantes au niveau des yeux, qui leur permettent de marquer leur territoire.


La fraise est-elle un fruit ?

Quelle que soit son origine, la fraise est aujourd’hui un des 10 fruits les plus appréciés chez nous (et sans doute ailleurs) en raison de sa couleur, de la douceur de sa pulpe juteuse et sucrée, de son parfum. Si elle est bien implantée en Belgique, elle a des origines multiples et essentiellement lointaines. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés des généticiens qui ont établi que le génome de la plante d’aujourd’hui serait le résultat d’une hybridation impliquant 4 espèces différentes. Deux d’entre elles (Fragaria iinumae et nipponica) seraient japonaises, une autre (Fragaria viridis) est répandue en Europe et Asie, la dernière (une sous-espèce de la fraise des bois Fragaria vesca) est native du territoire américain. Les diverses évolutions acquises jusque-là seraient antérieures à 1 million d’années. Si on s’attache à l’expression des gènes, on se rend compte que ce sont ceux de la modeste fraise des bois (Fragaria vesca) qui semblent s’imposer de façon dominante en matière de couleur et de saveur.

Tout est-il dit en matière de génomique ? Non, bien entendu. La fraise, depuis qu’elle fait l’objet d’une exploitation plutôt intensive, bénéficie d’une sélection très orientée pour en faire émerger l’une ou l’autre des qualités maîtresses. Ce qui ne doit pas faire oublier que comme toute autre plante, elle doit aussi beaucoup à l’environnement qui lui est proposé.

Mais finalement, la fraise est-elle réellement un… fruit ? Pour la quasi-totalité de ses consommateurs occasionnels ou réguliers, ça va de soi. Pour les puristes, ça l’est un peu moins. Il s’agit en réalité de la modification d’un réceptacle floral, certes charnu, qui porte à sa surface externe des akènes, ces petites structures enfoncées dans des logettes à leur taille, et qui ont des allures de graines. Bref, avec cette petite précision botanique en plus, on ne verra désormais plus tout à fait la fraise de la même façon !

Nature Genet. 2019; 51: 541-547

 
Se coucher avec les poules ? 

S’endormir semble être devenu un problème majeur pour nombre de contemporains à en juger au nombre de publications sur le sujet et au nombre tout aussi important de bonnes recettes – y compris parapharmaceutiques – pour inverser l’ordre des choses et favoriser l’acquisition d’un repos plus réparateur.

Deux constats peuvent être faits en première analyse à ce sujet. D’une part, nous sommes très inégaux en la matière, certains ayant à peine posé la tête sur l’oreiller qu’ils sont dans les bras de Morphée. Mais d’autre part, on sait depuis toujours aussi qu’il existe un lien entre le «stress» du soir et l’aptitude à trouver rapidement le sommeil. Et dans ce stress figure l’intensité de la lumière à laquelle on est soumis en soirée. Le lien, on le connaît: il s’appelle mélatonine. Cette hormone, secrétée par la glande pinéale – une expansion de la base du cerveau – est produite le soir et prépare naturellement à l’endormissement. Problème: la lumière retarde sa production et par voie de conséquence, l’émergence du sommeil aussi.

Des chercheurs australiens ont récemment voulu quantifier ce qui relie les 2 paramètres. Ils ont par conséquent soumis un groupe représentatif de patients à des lumières artificielles d’intensité et de durée variables, pendant 4 heures et moins. Ils ont ensuite dosé la quantité de mélatonine circulante à espaces réguliers. Comme on pouvait s’en douter, la production de mélatonine a non seulement chuté de moitié en moyenne, mais le sommeil a été retardé en lien direct avec l’intensité de la lumière émise.

Autre constat: la grande variabilité de réponse hormonale d’un individu à l’autre, laquelle peut varier du simple au quintuple. Nous ne sommes à l’évidence pas égaux dans ce registre là non plus. Mais il y a déjà moyen d’atténuer les effets de la difficulté à s’endormir en réduisant les lumières trop intenses et en supprimant celles qui ne sont pas nécessaires. Et pourquoi ne pas se coucher «avec les poules» quand la lumière naturelle faiblit ? Certain(e)s disent le souhaiter en secret. Si elles ou ils en ont la possibilité, après tout, pourquoi ne le feraient-ils pas ?

Proc. Natl Acad.Sci.USA. 
http://doi.org/c6jq (2019)

 
Naître ou ne pas naître ?

Dame Nature, qui a bien fait les choses, a prévu qu’il naisse à peu près autant de garçons que de filles. L’objectif primordial tient bien entendu au maintien de l’espèce, tout homme arrivé à l’âge «adulte» étant susceptible de pourvoir à la génération suivante avec une ou plusieurs femmes (et inversement, une fois encore). Encore faut-il que tous arrivent à cet âge de maturité sexuelle, qu’ils aient envie d’enfanter et soient en mesure de le faire. Et encore faut-il également que chacune des conceptions arrive au terme du développement utérin. Les fausses-couches et pathologies multiples du développement peuvent prendre leur écot, menant à des interruptions de grossesse spontanées ou volontaires. Et il faut enfin compter, dans certaines cultures, avec les choix des parents de privilégier un sexe plutôt que l’autre; ou, pour être clair, préférer la naissance d’un garçon plutôt qu’une celle d’une fille. Les raisons de ce choix sont multiples et bien connus: bras vigoureux pour reprendre l’entreprise familiale, absence de dot à payer pour le mariage du garçon, lequel a par ailleurs la tâche d’allumer le bûcher funéraire du père, etc.  Un choix culturel et religieux qui peut mener à de nombreuses discussions qui sortent du cadre de cette évocation.

Ce que des chercheurs ont récemment tenté de faire, c’est établir une quantification du «déficit» en filles pour l’ensemble du monde en l’espace du dernier demi-siècle. Et le nombre est conséquent, puisqu’on l’évalue à 23 millions ! Il n’étonnera personne de constater que les contributions les plus importantes aux avortements sélectifs sont ceux de la Chine (11,9 millions) et de l’Inde (10,6 millions), mais ce ne sont pas les seuls à déréguler le sex ratio qui, dans ces cas, est de l’ordre de 110 garçons pour 100 filles. On est loin d’un tel déséquilibre dans les pays occidentaux où filles et garçons sont en général attendus avec le même bonheur.

On sait enfin à quoi un tel déséquilibre mène: un déficit de filles à marier dans les pays qui opèrent cette sélection; des filles – souvent très jeunes – qui sont ensuite achetées, sinon kidnappées dans des pays limitrophes au bénéfice d’hommes souvent beaucoup plus âgés.

Légiférer sur le tri prénatal des fœtus sur base du seul sexe est une chose, modifier les habitudes culturelles en est évidemment une tout autre. Le facteur temps n’y est pas à la même échelle…  

Proc. Natl Acad.Sci.USA.  
http://doi.org/c6jq (2019)

Mucoviscidose:
l’antifongique du salut ?

La mucoviscidose (ou fibrose kystique) est la maladie génétique dont la prévalence est la plus élevée; on estime qu’1 enfant sur 4 000 en Europe est porteur d’une des 1 800 mutations recensées à ce jour. Résultat: la protéine codée par ce gène (appelée CFTR pour cystic fibrosis transmembrane conductance regulator) ne remplit plus correctement sa fonction et les cellules du poumon surtout, mais aussi d’autres organes, s’en ressentent assez gravement. Dans le poumon, ce sont plusieurs ions essentiels à la fonction des cellules épithéliales qui dérégulent: sodium, potassium, mais surtout bicarbonate et chlorure. L’une ou l’autre enzyme se trouve également affectée. Dans le registre clinique, on en connaît la conséquence: un épaississement des sécrétions bronchiques, une élimination insuffisante des bactéries, puis une inflammation et une infection chroniques des tissus. La maladie reste à ce jour sans traitement réel; tout au plus peut-on en atténuer les effets. Sauf qu’à en croire un article récent, une perspective semble se dessiner. Elle tient à un antifongique, l’Amphotéricine B qui, dans le cadre de tests menés in vitro, semble réguler le transport des principaux ions affectés.

Ce n’est qu’un premier pas, mais il semble prometteur, même si la substance est tout de même toxique pour les cellules et même si on ne peut attendre d’une petite molécule comme celle-là de répliquer l’ensemble des fonctions d’une protéine complexe. Mais les résultats relevés sur des cellules humaines et porcines semblent sans appel. Il va falloir doser et probablement apporter quelques compléments thérapeutiques pour renforcer les effets observés. Si ces premiers résultats sont confirmés in vivo, c’est la vie de dizaines de milliers d’enfants qui risque de s’en trouver modifiée. Positivement, on l’aura compris. Et il est urgent de le voir…

Nature, 2019; 567: 315-317 et 405-408


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