Espace

Quoi
de neuf dans l’espace ?

Théo PIRARD

NASA/Victor Zelentsov, NASA/Roscosmos

Il y a 50 ans, la Russie spatiale connaissait son principal échec face au programme américain Apollo. Au sein de ce qui s’appelait l’Union Soviétique, elle avait fait la course en tête dans la conquête du monde spatial en s’octroyant les grandes premières: satellites artificiels, sondes lunaires, cosmonautes autour de la Terre. Elle s’était ainsi dotée d’une industrie fort secrète des systèmes spatiaux, qui lui permet encore de venir en aide au potentiel américain… pour la station spatiale internationale

Cosmodrome de Baïkonour (Kazakhstan) où un lanceur de type Semyorka a envoyé le vaisseau Soyouz MS-16 vers l’ISS, avec à son bord 2 cosmonautes de Roscosmos et un astronaute de la Nasa (avril 2020)

  

Mais ce savoir-faire en matière de lanceurs et satellites, qui fait partie de l’héritage du régime communiste soviétique, n’a plus le punch d’antan. La créativité est pourtant toujours là avec des projets qui ne manquent pas pour que Moscou relance le volet des activités spatiales. 

  
Quels atouts possède la Russie pour un retour en force sur la scène spatiale ?

Moscou continue avec succès d’exploiter les acquis techniques des années 50 et 60, qui lui ont permis de marquer de son empreinte l’odyssée du cosmos: les lanceurs du type Soyouz et les vaisseaux habités du même nom, la famille Proton pour lancer d’importants modules, des sondes d’exploration, de gros satellites d’applications. Ainsi sont nés et ont grandi les principaux acteurs russes de la cosmonautique russe: Energia, Khrounichev, Energomash et Lavotchkine à Moscou, Progress à Samara, Reshetnev à Krasnoyarsk (Zheleznogorsk). Cette infrastructure militaro-industrielle, qui a connu ses heures de gloire jusque sur la Lune et Vénus, entend tirer parti de son savoir-faire dans de nouvelles ambitions de l’agence spatiale russe Roscosmos. Mais le financement d’initiatives coûteuses se heurte aux disponibilités budgétaires, lesquelles dépendent de l’exploitation des richesses du sous-sol, principalement des revenus du pétrole. 

  
L’industrie russe des systèmes spatiaux n’est-elle pas une intéressante source de revenus ?

Après l’implosion en 1991 de l’Union Soviétique, les États-Unis et l’Europe ont cherché à tirer parti de l’expertise unique de cette industrie. La Nasa a voulu coopérer pour les vols habités de longue durée à bord du complexe orbital Mir, dans la perspective de l’Iss (International Space Station). Lockheed Martin a créé la compagnie Ils (International launch services) pour concurrencer Ariane 5 avec la fusée Proton. Il y a la fourniture de moteurs-fusées russes pour équiper les lanceurs américains Atlas V et Antares.

L’Esa s’est intéressée à certaines missions de ses astronautes, tandis que Arianespace voulait commercialiser des services avec le lanceur Soyouz. Ce qui a amené les Russes à prendre pied au Centre spatial guyanais avec l’Els (Ensemble de lancement Soyouz). L’exploitation de la station spatiale internationale dépend largement de Roscosmos pour la fourniture des systèmes Soyouz (visites d’équipages) et Progress (ravitaillements réguliers), qui prennent leur envol de l’emblématique cosmodrome de Baïkonour, enclavé dans la République du Kazakhstan.  

  
Le souffle d’un renouveau de la Russie dans l’espace est annoncé… depuis que le Président Poutine est au pouvoir.
À quoi s’attendre durant les prochaines
années ? 

Le symbole de ce renouveau spatial russe est le cosmodrome implanté à Vostotchny, au sud de l’Extrême Orient (Est de la Sibérie). Mise en service lors d’un premier lancement Soyouz le 28 avril 2016, cette nouvelle infrastructure doit faire en sorte que la Russie dépende de moins en moins du site historique de Baïkonour. Son extension, notamment avec un pas de tir pour les puissantes fusées Angara (réalisées par l’entreprise Khrounichev), fut ralentie par un sérieux problème de détournement de fonds publics. Ce qui est dramatique en Russie pour son programme dans le Cosmos, c’est le manque d’intérêt des jeunes pour les métiers de l’espace et le peu d’engouement des investisseurs pour le business lié au New Space.

Superbe envol du Soyouz MS-16, le 8 avril

Photo de famille, avant le lancement : le masque est de rigueur pour ceux qui ne font partie des équipages de vol et de réserve

  

 

Mais encore…

Impact économique de la pollution spatiale

L’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) vient de publier une étude (1) sur la viabilité à long terme des activités dans l’espace: elle met l’accent sur les vulnérabilités socio-économiques des débris spatiaux en constante augmentation et tire la sonnette d’alarme sur les risques accrus de collisions sur orbite. Des mesures de gestion du trafic orbital s’imposent, qui passent par une surveillance constante de tous les objets, petits et grands, autour de la Terre, constate l’étude. «Les techniques d’enlèvement actif de débris sont à divers stades d’essai, faisant intervenir des acteurs tant privés que publics. Mais les questions juridiques liées à la propriété des débris, à la responsabilité civile et au financement à long terme des opérations sont loin d’être résolues.» S’intéressant à la problématique de la pollution spatiale, la Commission Européenne analysait en 2018‑19 la faisabilité de la mission European RemoteDebris. Pour l’heure, elle doit faire face à d’autres priorités… terrestres. 

Lanceur lourd chinois pour une station et Mars

Le 5 mai dernier, Pékin a testé la version CZ-5B de son lanceur Longue Marche nouvelle génération. Ce lancement, qui a eu lieu depuis le Wenchang sur l’île de Hainan, a permis de mettre à l’épreuve le prochain vaisseau des taïkonautes: en partie réutilisable, celui-ci doit servir au programme chinois de station spatiale et pour des missions d’exploration lointaine. 

La station devrait voir le jour en 2022. Par ailleurs, dès le 23 juillet, une CZ-5 servira à expédier la sonde Huoxing-1/Tianwen-1 et un micro-rover vers la Planète Rouge. À noter que le 1er étage (20 t) de la puissante Longue marche 5, après avoir survolé Los Angeles et New York, est rentré dans l’atmosphère en faisant tomber des débris en Côte d’Ivoire, dont les habitants ont cru que le ciel leur tombait sur la tête…

Le confinement observé depuis l’espace

Les satellites Sentinel du programme Copernicus, réalisés par l’industrie européenne pour l’ESA, démontrent chaque jour leur capacité de suivre l’évolution de l’environnement terrestre. À l’heure de la pandémie COVID-19 et du confinement qu’elle a entraîné en Chine, puis en Europe, ils ont pu se rendre compte de changements dans le paysage et surtout, dans l’atmosphère. Ainsi la chute de la mobilité dans les villes et la réduction des activités industrielles ont pu être mises en évidence par l’instrument Tropomi (Tropospheric monitoring instrument) du satellite Sentinel-5P en orbite depuis octobre 2017. Ses mesures des concentrations de dioxyde d’azote ont montré une baisse significative de la pollution. Comme quoi, les systèmes spatiaux sont désormais incontournables pour bien se rendre compte du changement climatique à l’échelle globale. Les pollueurs, constamment épiés par des satellites, n’ont qu’à bien se tenir.

L’espace va-t-il devenir un dépotoir à hauts risques ? Il faut s’en inquiéter. (Doc.
ESA)

La Chine marque de plus en plus de son empreinte l’odyssée de l’espace. (…) (Photo CAST)

(…) Avec le vol réussi du lanceur CZ-5B, ainsi que du prototype du prochain vaisseau pour taïkonautes. (Photo CAST)

(…) Avec le vol réussi du lanceur CZ-5B, ainsi que du prototype du prochain vaisseau pour taïkonautes. (Photo CAST)

Une année sépare ces 2 observations de la France, réalisées en mars 2019 et en mars 2020 : moins de pollution suite au confinement ! (Doc. ESA)

 

  

(1) Cette étude de 63 pages est disponible sur le site de l’ESA (European Space Agency) qui a contribué à sa rédaction avec la fourniture de données.

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