Dossier

La vraie nature du mensonge

Taras Chernus/Unsplash, Cleyton Ewerton/Unsplash

Grave faute morale pour les uns, le mensonge apparaît aussi comme une nécessité pour l’harmonie sociale. Mais comment le détecter ? À parler franc, la chose n’est pas souvent aisée. Le professeur Xavier Seron, neuropsychologue, examine le mensonge sous toutes ses coutures. Un voyage qui n’oublie pas de faire étape par la Toile

 
 

Pour Saint Augustin, le mensonge est une faute absolue. Et selon Emmanuel Kant, qui partage cette opinion, il est également une atteinte au droit. Imaginons que durant la Seconde Guerre mondiale, vous ayez caché un Juif dans la cave de votre maison et que la Gestapo ait frappé à votre porte pour vous demander si tel était bien le cas, votre devoir, selon Saint Augustin et Kant, aurait été de répondre oui. Comme le précise le professeur Xavier Seron, ancien président de la Société de neuropsychologie de langue française, membre de l’Académie royale de Belgique et auteur de Mensonges ! Une nouvelle approche psychologique et neuroscientifique (1), cet exemple reflète bien la manière dont le mensonge est généralement appréhendé dans les textes de philosophie morale: une conduite négative et moralement répréhensible qui s’oppose à la vertu d’honnêteté. Toutefois, Augustin considère que si l’on ne peut mentir, on a le droit de se taire, mais surtout de «dissimuler le vrai» par une réponse ambiguë, un subterfuge exempt de tout mensonge. Ainsi, dans l’exemple susmentionné, vous pourriez répondre: «Je sais où il se trouve, mais je ne vous le dirai pas.»

Nous entrons ici de plain-pied dans la sphère de la casuistique, domaine de la théologie qui traite des cas de conscience. «Dissimuler la vérité sans mentir est un « art » dans lequel les Jésuites ont excellé en misant sur les subtilités et les ambiguïtés du langage», indique Xavier Seron. Ainsi, à une question telle que «Cachez-vous un fugitif dans votre maison» (fait avéré), il est possible de répondre non, sans mentir, lorsqu’on n’est que locataire des lieux.

Le professeur Seron souligne que le rigorisme d’Augustin et de Kant n’est pas unanimement partagé. Platon, par exemple, admettait le «mensonge en paroles», celui qui, proféré par les gouvernants, s’avérait utile à la Cité. Et les stoïciens aussi estimaient que si mentir doit être prohibé, la sagesse impose d’admettre quelques entorses à cette règle, de tenir compte des circonstances de la réalité.

De nos jours, les travaux de psychologie classent les mensonges entre prosociaux et antisociaux, les premiers visant à aider ou protéger autrui, les seconds à assurer un profit personnel. Aux yeux de Xavier Seron, le mensonge est une nécessité pour l’harmonie sociale. Et d’illustrer le propos par le cas des mensonges altruistes. «Imaginez que vous ayez 20 ans et que vous soyez assis dans un tram bondé. Vous avez vécu une journée harassante. Une dame âgée arrive, vous vous levez pour lui céder votre place. Elle vous dit: « Merci, mais vous n’êtes pas fatigué au moins ? » Vous l’êtes, mais vous répondrez non.»

Les mensonges constituent un espace à géométrie variable selon leur nature, leur objectif, leur gravité… En outre, ils ne sont pas inféodés à l’expression orale, l’intention de tromper pouvant trouver un terrain fertile dans la rétention d’information, dans des gestes, des mimiques faciales, des émotions feintes ou différentes conduites qui véhiculent un message destiné à tromper son destinataire.

Au poker, le bluff est roi. Mensonges et maîtrise y sont les maîtres mots.

1,65 mensonge
par jour 

Une forme particulière de mensonge est celle qui consiste à se mentir à soi-même. Comme le postule la théorie de la dissonance cognitive proposée en 1957 par le psychosociologue américain Leon Festinger, tout un chacun éprouve le besoin d’une cohérence interne et partant, cherche à diminuer l’écart qui peut exister entre l’image qu’il a de soi et ce qu’il a effectivement réalisé. Le cœur du problème est donc la défense de l’estime de soi. «Un exemple typique est celui de la personne qui se convainc, sans raison objective, que si sa candidature à un emploi n’a pas abouti, c’est parce que le responsable des ressources humaines chargé de l’entretien d’embauche était un incompétent», commente Xavier Seron.

Dans une étude publiée en 2010 dans Human Communication Research, les psychologues Kim B. Serota, Timothy R. Levine et Franklin J. Boster se sont intéressés à la fréquence des mensonges à travers les mesures autorapportées (recension de ses propres mensonges) effectuées par 1 000 adultes représentatifs de la population américaine (classes d’âge, niveaux socioculturels, etc.). La moyenne relevée fut de 1,65 mensonge par jour par personne, mais avec des écarts interindividuels très marqués. En effet, selon les résultats enregistrés, «(…) la moitié des mensonges recueillis est produite par seulement 5% des individus, et 22,7% des mensonges sont dus à 1% de l’échantillon», relate le professeur Seron dans son livre. Toutefois se pose ici la question de la fiabilité des mesures autorapportées. Ne sont-elles pas elles-mêmes entachées de fausses déclarations ?

Les mensonges ne sont pas inféodés à l’expression orale, l’intention de tromper pouvant trouver un terrain fertile dans la rétention d’information, dans des gestes, des mimiques faciales, des émotions feintes ou différentes conduites

Les menteurs pathologiques sont-ils ces personnes à la personnalité psychopathique qui produisent régulièrement des mensonges antisociaux sans ressentir la moindre culpabilité ? Non, la définition du menteur pathologique se réfère aujourd’hui à la mythomanie, à ces individus qui mentent sans raison détectable (si ce n’est le plus souvent pour se mettre en valeur) et surtout se révèlent incapables de contrôler leur propension au mensonge. Dans son livre, Xavier Seron cite l’exemple d’un juge californien, nommé Patrick Couwenberg, qui s’était inventé une biographie où cohabitaient des origines aristocratiques, une jeunesse méritante, des exploits militaires ou encore des diplômes prestigieux. Un journaliste découvrit le pot aux roses en 1997. «Lorsqu’il sera confronté à l’absence de preuves en faveur de ses fabuleux récits, dans un premier temps, le juge se défendra en disant que, comme il a également été un agent de la CIA, l’Agence a intentionnellement caché toutes les traces de son existence antérieure. Il finira cependant par reconnaître ses affabulations et sera démis de ses fonctions», peut-on lire dans Mensonges ! Une nouvelle approche psychologique et neuroscientifique.

C’est ici que transparaît une double différence entre le menteur pathologique et le sujet délirant. Chez le premier, les propos émis revêtent une certaine plausibilité, ce qui n’est pas le cas chez le second, lequel pourra affirmer, par exemple, avoir été emmené dans une soucoupe volante par des extraterrestres. D’autre part, le mythomane finit par céder aux contre-arguments déployés contre ses assertions, tandis que la personne délirante ne fléchit pas. 

 
Fonctionnement sociétal 

Le cerveau des menteurs pathologiques diffère-t-il structurellement ou fonctionnellement de celui des sujets normaux ? «Pour l’heure, les très rares expériences de neuroimagerie menées dans ce cadre ne permettent de dégager aucune certitude, notamment parce qu’elles mêlent des populations très différentes: menteurs pathologiques, psychopathes et simulateurs», indique Xavier Seron. Cela étant, tout semble indiquer que la propension au mensonge pathologique soit d’éclosion précoce – durant l’enfance ou l’adolescence – et puisse avoir pour terreau des traumatismes, tels le décès d’un parent ou l’abandon. «Quant à la motivation du mythomane, elle serait en lien, selon certains chercheurs, avec un besoin de reconnaissance de soi. Ce qui expliquerait pourquoi le menteur pathologique est habituellement le héros de ses récits», dit notre interlocuteur.

On peut considérer que dans la vie quotidienne, plus de 90% des propos tenus ne sont pas mensongers. Pour le professeur Seron, il existe une propension en faveur de la vérité, de sorte que la communication entre les humains est globalement vraie. Au sein d’une espèce qui échange des informations à l’envi, cela paraît indispensable au bon fonctionnement sociétal. Il est d’ailleurs vraisemblable que cette propension ait été sélectionnée par l’évolution.

 
Un peu mieux que le hasard

Ce sont des préoccupations sociétales qui, dans les années 1950, furent à l’origine des premières recherches de psychologie sur le mensonge. Le monde juridique et son homologue économique étaient (et restent) les principaux demandeurs de tels travaux, le but étant de démasquer des fraudeurs, de vérifier la véracité de témoignages ou encore de mener à bien des expertises médico-légales en débusquant les simulateurs.

Au fil du temps, le spectre de la recherche s’est élargi, mais la question clé demeure: comment détecter le mensonge ? Les études scientifiques ont montré qu’il existe une importante variabilité interindividuelle dans la capacité de «bien mentir», avec 2 extrêmes: les piètres et les excellents menteurs. En revanche, on observe une grande uniformité dans les (faibles) aptitudes des individus à repérer les mensonges. «Elles ne varient en effet que de 2% entre les meilleurs détecteurs et les moins bons», précise le professeur Seron.

 

Quand la Toile menace la démocratie

La Toile est le théâtre d’arnaques, de rumeurs, de fake news, de présentations fallacieuses de soi… Dans Mensonges ! Une nouvelle approche psychologique et neuroscientifique, Xavier Seron y consacre un chapitre intitulé «Mensonges sur le Net».

Vous évoquez différents types d’arnaques sur Internet en lien avec des mensonges organisés et criminels. Elles sont parfois colossales ?

Je cite notamment le cas de l’arnaque romantique. Une personne séduisante vous contacte pour nouer une relation amoureuse. Vous correspondez avec elle sur le Net, des liens se tissent, vous finissez par être ferré. C’est alors que, pour une raison X, cette personne vous dit avoir un urgent besoin d’argent et sollicite votre aide. Eh bien, selon des données récentes, entre 2008 et mi-2011 plus de 230 000 victimes seraient tombées dans le panneau rien qu’en Angleterre, qui plus est pour des sommes allant de 50 000 à 240 000 livres !

S’y ajoutent toutes les rumeurs infondées ?

Sur le 11 septembre, par exemple, ou sur le fait que l’Homme ne soit jamais allé sur la Lune. Ces rumeurs, qui alimentent les théories du complot, me semblent toucher prioritairement des personnes qui sont habitées par une certaine anxiété. Je crois aussi que leur impact considérable n’est pas étranger à l’opinion dangereuse, mais partiellement correcte, que les individus qui ont du pouvoir disposent de la capacité de mentir. Opinion notamment entretenue par le fait que la presse, jugée complice, ne dénonce pas complètement les milieux politiques quand ils transmettent des messages mensongers. À force de côtoyer les élites politiques, artistiques et financières dans des cercles fermés, les journalistes sont aujourd’hui considérés par beaucoup comme inféodés au pouvoir et le statut de contre-pouvoir de la presse s’en trouve gravement menacé.

Quelle est votre vision de la problématique des fake news ?

Tout d’abord, il existe des procédures de ciblage, les «bulles filtrantes», qui tirent profit de la capacité des grands opérateurs du Net, comme Facebook et Google, à collecter des données multiples relatives aux internautes, souvent à leur insu, en se basant sur les traces laissées par leur activité sur le réseau. L’importance du phénomène est telle que les détails de notre vie privée (lectures, loisirs, déplacements, achats, goûts artistiques, orientation politique, pratiques alimentaires et sexuelles…) et de celle de milliards d’autres personnes s’inscrivent dans de gigantesques mémoires artificielles qui les analysent, les croisent, les recoupent au moyen d’algorithmes mathématiques extrêmement puissants. Ces données constituent le bras armé du ciblage, lequel trouve un allié de choix dans le «biais de confirmation», bien connu en psychologie, qui, je l’écris, rend les individus particulièrement réceptifs aux informations qui répondent à leurs attentes et renforcent leurs opinions, avec pour conséquence l’enfermement progressif des internautes dans un entre-soi informationnel clos.

La possibilité technique de diffuser les informations à grande échelle et le relais assuré autour d’eux par les internautes qui en sont les dépositaires contribuent à la diffusion massive des fake news vers les cibles choisies. Mais au-delà de ces considérations, l’élément essentiel me semble être le fait que, dans la communication actuelle, le statut de la vérité n’a plus d’importance. Déjà dans la publicité, on ne communique plus guère sur le produit mais sur une ambiance qui séduit. De la même manière, un Donald Trump se soucie comme d’une guigne de la vérité. Ce qui lui importe, c’est de délivrer le message qui est attendu par ses potentiels électeurs. La vérité n’est donc plus au cœur du processus décisionnel, ce qui représente une menace pour la démocratie.

 

Ces conclusions émanent d’une méta-analyse réalisée par les psychologues américains Charles F. Bond Jr et Bella M. DePaulo. Publiée en 2006, elle s’appuyait sur 206 recherches regroupant 24 000 sujets à qui il appartenait d’opérer la discrimination entre des propos vrais et des mensonges. Comme l’indique le professeur Seron dans son livre, le pourcentage moyen de réussite fut de 54% de détections correctes. «Nous sommes en fait à peine un peu meilleur que le hasard !», écrit-il. En outre, toujours d’après la méta-analyse, nous identifions correctement davantage de propos vrais (61%) que de propos mensongers (47%). «Ce qui traduit un biais en faveur de la vérité», fait remarquer le neuropsychologue.

Les chiffres énoncés dans la méta-analyse doivent cependant être nuancés. Pourquoi ? Parce que les situations expérimentales concernées sont peu écologiques. D’une part, les propos soumis aux participants sont habituellement enregistrés et présentés sur vidéo. D’autre part, il est le plus souvent demandé aux émetteurs de produire 50% de propos vrais et 50% de mensonges, alors que l’on sait que, dans la réalité quotidienne, plus de 90% des propos sont véridiques.

Quoi qu’il en soit, l’asymétrie entre l’existence de menteurs très adroits et nos faibles capacités de détection des mensonges n’est pas anodine, notamment lorsque la justice doit se prononcer sur la culpabilité d’un individu ou qu’un expert médico-légal doit faire la part entre la vérité et la simulation.

Les limites du polygraphe ont été clairement démontrées. Deux études de terrain ont été consacrées à la question de l’identification correcte des coupables. Selon la première, la performance serait de 76% et selon la seconde, de 42% seulement. Par ailleurs, des individus avertis sont capables de piéger le système.

 
Un espion soviétique

En psychologie, 2 courants de recherche ont axé leurs travaux sur l’identification des mensonges. Le premier, d’origine déjà ancienne, repose sur l’analyse des émotions. Il se fonde sur plusieurs présupposés: mentir irait de pair avec un état émotionnel particulier, lequel se traduirait par un ensemble de réactions physiologiques, somatiques et comportementales très difficiles à contrôler volontairement. Aussi des indices reflétant l’état émotionnel de la personne qui profère un mensonge permettraient-ils de la confondre – l’expression faciale, le rougissement, la sudation, etc. «Cette approche aboutit à une impasse, explique le professeur Seron. Les recherches nous conduisent à la conclusion que la liaison entre état émotionnel et mensonge est inconstante et varie selon les individus. Ainsi, certaines personnes, particulièrement parmi celles qui profèrent fréquemment des mensonges, mentent sans état d’âme et parviennent donc à masquer leurs réactions émotionnelles. En revanche, des personnes de nature anxieuse peuvent soulever la suspicion alors qu’elles disent la vérité.»

Né en 1934, le psychologue américain Paul Ekman, de l’Université de Californie, fut le premier à essayer d’établir une correspondance univoque entre des expressions faciales et les émotions censées les avoir générées. Il proposa d’ailleurs un système sophistiqué de codage des émotions centré sur les expressions faciales: le Facial Action Coding System, qui se fonde sur l’observation des muscles à l’origine de ces dernières. «Ekman a également montré que lorsqu’un individu éprouve une émotion qu’il s’efforce de cacher, celle-ci transparaît néanmoins un bref instant sur son visage sans qu’il puisse la réfréner, rapporte le professeur Seron. Il s’agit d’une microexpression d’une durée d’environ 40 à 70 millisecondes que seuls des observateurs entraînés peuvent détecter via l’analyse image par image d’enregistrements vidéo. Mais l’usage de cette technique ne permettra pas de distinguer l’anxiété cachée de l’homme honnête de celle du menteur.»

Les défenseurs de l’idée que des signaux verbaux et non verbaux trahiraient l’état émotionnel du menteur postulent que c’est le caractère non écologique, presque aseptisé, des expériences menées en laboratoire qui est la cause des faibles performances recueillies en exploitant cette voie. Une étude américaine mettant à profit les vidéos de 52 personnes s’étant exprimées à la télévision dans le cadre de la disparition d’un proche a confirmé la faible fiabilité de la détection d’un mensonge par le biais des émotions. La moitié de ces personnes furent d’ailleurs convaincues d’assassinat; bref, elles avaient menti lors de leur message télévisé. Dans l’étude, un expert spécialisé dans la reconnaissance des expressions faciales selon le Facial Action Coding System proposé par Ekman fut sollicité. Il ignorait évidemment les tenants et aboutissants de la recherche. Les résultats qu’il obtint ne se révélèrent guère probants: il débusqua moins de 60% des menteurs. En revanche, il réussit à identifier plus de 80% des sujets qui avaient dit la vérité.

Le polygraphe ou détecteur de mensonges est conçu, lui aussi, autour de l’analyse de la réaction émotionnelle. Mais cette fois, à travers des paramètres électrophysiologiques tels que le rythme cardiaque, la pression artérielle ou encore (et surtout) la réaction électrodermale (conductance cutanée) (2). «Ses limites ont été clairement démontrées, indique Xavier Seron. Des individus avertis sont capables de piéger la dynamique expérimentale.» Comme il le relate, ce fut notamment le cas d’un célèbre espion soviétique, qui avait placé une punaise dans sa chaussure et appuyait dessus avec son pied afin de provoquer d’intenses réactions électrophysiologiques en réponse à des stimuli non pertinents. Un document X, par exemple, alors que c’était un document Y qui était de nature à le confondre. Deux études de terrain ont été consacrées à la question de l’identification correcte des coupables par le polygraphe. Selon la première, la performance serait de 76% et selon la seconde, de 42% seulement.

Effort mental

Le second courant de recherche centré sur la thématique de l’identification des mensonges se réfère aux fonctions exécutives, c’est-à-dire à l’ensemble des processus cognitifs qui, au-delà des routines, sont nécessaires à la planification, l’évaluation et le contrôle de nos actions. Quelle est l’idée sous-jacente ? Que par rapport à l’exposé de la vérité, mentir réclame un effort mental supérieur. Aussi une voie suivie pour déstructurer les mensonges est-elle d’augmenter artificiellement l’effort mental à fournir par le sujet. Par exemple, en lui demandant de raconter à l’envers le récit qu’il a exposé, ce qui, théoriquement, sera beaucoup plus ardu si les événements rapportés sont le fruit d’une invention. «Néanmoins, souligne Xavier Seron, l’affirmation massive selon laquelle mentir est plus compliqué que dire la vérité est fausse. Il existe de nombreux mensonges qui sont plus simples et plus naturels à émettre que la vérité. Par ailleurs, la charge mentale imposée par un mensonge est partiellement fonction du degré de préparation du menteur. Enfin, raconter une histoire à l’envers, par exemple, peut mettre en difficulté des individus qui ont pourtant relaté des faits réels.»

Peut-être sera-t-il possible d’isoler, par neuroimagerie fonctionnelle, des activités neuronales sous-tendant la production de mensonges. «Cependant, dit Xavier Seron, on n’a pu trouver à ce jour une signature cérébrale du mensonge et il est d’ailleurs probable qu’il faille raisonner par types de mensonges. De surcroît, les expériences en IRMf réalisées à ce jour ne sont pas écologiques. Elles sont proches du théâtre, puisqu’on demande aux participants d’endosser un rôle de menteur, de produire des mensonges à des moments déterminés, qui ne se traduisent pas par des récits mais se résument à de brèves réponses par oui ou par non. Enfin, dans ces expériences, menées auprès d’étudiants universitaires collaborants, les enjeux émotionnels sont quasi nuls.».

https://www.brut.media/fr/science-and-technology/peut-on-vraiment-detecter-les-mensonges–e9cc5b56-ed4a-4678-b710-686d663b344b

Tromperies animales

Probablement est-il raisonnable de penser que le mensonge trouve des précurseurs dans les «tromperies» que l’on observe au sein du monde animal, ces postures et émissions de signaux destinées à falsifier la réalité, notamment dans le but d’échapper à un prédateur ou d’asseoir un statut de dominant. «L’animal trompe toujours dans son intérêt et est inféodé au moment présent, tandis que l’être humain peut mentir pour des raisons diverses et éventuellement en se projetant dans une perspective future», conclut toutefois Xavier Seron.

(1) Xavier Seron, Mensonges ! Une approche psychologique et neuroscientifique, Odile Jacob, 2019.

(2) Les variations de la conductance cutanée traduisent des changements des propriétés électriques de la peau.

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