Qui est-ce?

Sylvia EARLE

Jacqueline Remits • jacqueline.remits@skynet.be

© Kip Evans for Mission Blue

 
Je suis…

Née à Gibbstown, dans le New Jersey, au nord-est des États-Unis, où je passe mon enfance dans une petite ferme. J’aime explorer les bois près de la maison, observer les animaux et les plantes. Ma mère, infirmière, et mon père, ingénieur, tous deux passionnés de sports au grand air, nous y encouragent, mes frères et moi. En 1947, nous déménageons à Clearwater, sur la côte ouest de la Floride. Un nouveau terrain de jeu pour moi. Je ne tarde pas à tout connaître de la faune et de la flore le long du golfe du Mexique. Pendant les vacances, nous retournons sur les côtes du New Jersey où je découvre les joies de la mer, les crabes et les méduses. En 1952, je lis un article du Commandant Cousteau dans le National Geographic, dans lequel il dit: «La meilleure façon d’observer un poisson, c’est de devenir poisson soi-même.» Je mords à l’hameçon et demande à un ami de mon père de me prêter un scaphandre. Ma vocation scientifique naît lors de cette première plongée sous-marine, quand je fais connaissance avec des poissons nageant dans autre chose que des tranches de citron et du beurre ! Passionnée par les divers aspects de la vie dans les océans, je décide de me spécialiser en botanique, plus précisément en algologie, l’étude des algues. Bénéficiant d’une bourse d’études à l’Université de Floride, je passe des heures au laboratoire marin d’Alligator Harbor, dans le golfe du Mexique. Je réalise de nombreuses plongées avec l’équipement créé par le Commandant Cousteau. Diplômée en 1955, j’intègre l’année suivante l’Université Duke, en Caroline du Nord, et prépare une thèse sur les algues brunes du golfe du Mexique. Malgré mes qualifications, l’Université me refuse un poste d’assistante qui me permettrait de financer mes études, sous prétexte que je suis susceptible de me marier et de fonder une famille ! Je jongle entre mes recherches(pour lesquelles j’ai collecté plus de 20 000 échantillons d’algues), ma vie d’épouse et mon rôle de mère. Je passe ma thèse de doctorat en phycologie en 1966. Après avoir travaillé quelque temps comme chargée de recherche à l’Université de Harvard, je retourne en Floride et deviens directrice résidente du Laboratoire Marin de Cape Haze. En 1968, je plonge pour la première fois à une trentaine de mètres de profondeur, à bord d’un sous-marin crache-plongeurs. Plus motivée que jamais à renouveler l’expérience, je postule l’année suivante pour participer au programme d’habitat sous-marin Tektite, à 15 m de profondeur dans le parc national des îles Vierges. Malgré mon expérience, je suis écartée du projet, les responsables ne pouvant imaginer des hommes et des femmes vivant ensemble dans un laboratoire sous-marin confiné ! En 1976, je deviens conservatrice et chercheuse, et en 1979, conservatrice en phycologie à l’Académie des sciences de Californie, jusqu’en 1986.

 

À cette époque…

En 1935, année de ma naissance, Frédéric et Irène Joliot-Curie, fille de Pierre et Marie Curie, voient leur découverte de la radioactivité artificielle couronnée par le prix Nobel de chimie. En 1955, alors que je suis étudiante à l’Université de Floride, Albert Einstein meurt à l’hôpital de Princeton, dans le New Jersey. En 1970, quand je dirige la première mission sous-marine composée de femmes, le barrage d’Assouan dans le sud de l’Égypte, se termine. Auparavant, pour éviter qu’ils soient engloutis, les temples d’Abou Simbel et leurs gigantesques statues de Ramsès II avaient été découpés, démontés, transportés et reconstruits 65 m plus haut. En décembre 1990, le tunnel sous la Manche est creusé, les travaux seront achevés fin 1993.

 

J’ai découvert…

Pionnière dans la protection des fonds marins, j’ai étudié et découvert les effets de la pollution sur la vie dans les océans, plus particulièrement sur les récifs coralliens, et n’ai cessé de réveiller les consciences. En 1970, j’ai retenté ma chance pour participer au programme Tektite II. Cette fois, je suis nommée chef de la mission composée de 5 femmes. C’est la première fois que des femmes séjournent à bord d’une station sous-marine ! Nous effectuons des plongées pour étudier la faune, la flore et leur environnement. Entre 1972 et 1975, je participe à plusieurs missions dans le laboratoire sous-marin de l’Institut océanographique américain. J’étudie les grands cachalots, la migration des baleines. Leurs déplacements, enregistrés, sont diffusés auprès du public. En 1979, j’établis le record féminin de plongée en profondeur lors d’une descente à 381 m pendant plus de 2 h. En 1981, avec mon futur (puis ex) 3e mari, l’ingénieur Graham Hawkes, je fonde Deep Ocean et Deep Ocean Engineering, 2 entreprises qui conçoivent des véhicules sous-marins permettant aux scientifiques d’observer la vie marine à des profondeurs jamais atteintes. En 1985, l’équipe conçoit le Deep Rover, un sous-marin de recherche capable d’opérer à 1 000 m de profondeur. L’année suivante, je deviens la première femme à atteindre cette profondeur en solitaire. En 1990, je quitte Deep Ocean Engineering pour devenir directrice scientifique au National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), première femme à ce poste. En 1992, je fonde une entreprise d’ingénierie marine. Je mène différentes expéditions toujours dans le but d’explorer la vie sous-marine.

  

  

  

Saviez-vous que…

Si Sylvia Earle a su combiner carrière scientifique et vie de famille, elle ne laissait passer aucune mission. Elle a transmis sa passion à ses enfants qui ont collaboré à plusieurs projets. Elle n’a cessé de faire valoir la science au féminin. L’expédition Tektite II marque le début d’une place plus importante des femmes dans l’océanographie.

En 1991, pendant la guerre du Golfe, elle a mené plusieurs expéditions scientifiques dans le golfe Persique, 800 000 t de pétrole brut y avaient été déversées par l’armée irakienne pour retarder les troupes américaines. Son objectif était d’évaluer l’impact écologique de ces déversements pétroliers. «Il est difficile d’imaginer comment les tortues vont creuser à travers l’asphalte pour déposer leurs œufs… Personne ne connaît l’impact du pétrole sur cet écosystème végétal et animal incroyable», a-t-elle dit alors. En 1998, nommée «exploratrice en résidence» pour le National Geographic, elle y était surnommée «Her Deepness» (Son Altesse des Profondeurs). Entre 2006 et 2009, elle a dirigé le conseil consultatif Google Ocean constitué d’une équipe de 30 scientifiques chargés de la validation scientifique des données transmises sur Internet.

Cela fait plusieurs décennies que Sylvia Earle s’est engagée dans la protection des océans. «Il y a 50 ans, lorsque j’ai commencé à explorer les océans, personne n’imaginait que ce que l’on jetait ou ce que l’on prélevait dans l’océan puisse lui nuire. À l’époque, c’était pour nous une mer d’Eden, mais maintenant nous savons ce qu’il en est et nous sommes confrontés à la perte possible de ce paradis.» En 2008, elle a fondé Mission Blue, dont l’objectif est d’alerter l’opinion publique sur l’état critique des océans et de soutenir des initiatives prises pour les sauvegarder comme les aires marines protégées. Le documentaire du même nom, produit par Netflix, a été multi-primé.

Elle a plongé à bord d’une trentaine de sous-marins différents, dirigeant plus de 100 expéditions et totalisant plus de 7 000 h sous l’eau. Elle est l’auteur de plus de 200 publications scientifiques et de 13 livres, dont Blue Hope: Exploring and Caring for Earth’s Magnificent Ocean (2014). Elle a donné des conférences dans plus de 90 pays et est apparue dans des centaines de productions télévisuelles. Elle a reçu de nombreuses distinctions nationales et internationales dont le prix TED 2009 pour son projet de création d’un réseau mondial d’aires marines protégées, ou encore le prestigieux prix des Nations-Unies pour l’environnement.

www.mission-blue.org
www.ted.com/speakers/sylvia_earle 

  

Naissance 

30 août 1935, Gibbstown (New Jersey, États-Unis)

Nationalité

Américaine

Situation familiale 

Divorcée, 3 enfants

 

Diplôme 

Sciences à l’Université d’État de Floride et phycologie à l’Université Duke 

Champs de recherche 

Biologie marine, océanographie

Distinctions 

Prix «champion pour la planète» de l’ONU et première femme célébrée à la cérémonie de l’Explorers Club (2014); docteur honoris causa de 27 universités, dont de l’ULiège (2016); prix Princesse des Asturies
(2018)

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