L'Adn de…

Raphaël
LIÉGEOIS
(Candidat) Astronaute

Propos recueillis par Géraldine TRAN• geraldine.tran@spw.wallonie.be

©BELGA/ERIC LALMAND, ©ESA – P. Sebirot

Astronaute, c’est une vocation que vous avez depuis tout petit ?

Oui et non. Je dirais que c’est plus un rêve qu’une vocation car une vocation, ça voudrait dire que je me serais toujours dit que ça arriverait. Or j’étais tout à fait conscient qu’il était peu probable que je devienne un jour astronaute. Je n’ai donc pas construit ma vie autour de la réalisation de ce rêve. Mon papa m’a transmis très tôt le goût des maths. Je me suis naturellement orienté vers les sciences et le métier d’ingénieur civil parce j’aimais les sciences, puis le génie biomédical grâce à l’ouverture de ce nouveau master lorsque j’étais en bachelier. J’ai choisi les sciences et l’étude du cerveau par passion et non dans le seul but de devenir astronaute.

La première condition est d’avoir un master en sciences (médecine, biologie, chimie, physique, mathématiques…) ou d’être pilote à l’armée. Puis de connaître l’anglais et une autre langue si possible. Donc c’est assez ouvert. Ensuite, il faut postuler lorsqu’il y a un appel ! Le processus de sélection est évidemment assez long: de mars 2021 jusqu’au 23 novembre dernier, donc environ 18 mois. Pour résumer, cela se passe en 6 étapes: 1) une lettre de candidature et de motivation (1 300 candidats sur 22 500 poursuivent); 2) une journée de tests psycho-techniques à Hambourg (1 300 => 400); 3) tests psychologiques au Centre des Astronautes de Cologne (400 => 100); 4) une semaine de tests médicaux à Toulouse (100 => 50); 5) une interview devant diverses personnes clés (50 => 25); 6) une interview devant le Directeur général de l’Esa. À la fin, 17 candidats ont été retenus en tant que astronautes de carrière ou réservistes.

Comment devient-on (candidat) astronaute ?

Vous travaillez actuellement en tant que chercheur en neurosciences à l’École Polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), mais quelle est votre journée-type ?

Ce qui est bien, c’est que je n’en ai pas. Une partie de mon temps est consacrée aux réunions avec les étudiants pour travailler sur leurs projets. Une autre, aux expériences avec l’IRM (Imagerie par résonnance magnétique) ou l’EEG (Électroencéphalogramme). J’écris aussi du code pour analyser les données, je rédige des articles scientifiques et communique sur mes travaux. Cependant, dès avril 2023, j’entame la formation d’astronaute à temps plein au Centre des Astronautes à Cologne. 

J’ai assez vite été attiré par les maths puis les sciences parce que je me suis rendu compte qu’elles nous permettaient de comprendre et d’améliorer le monde. Je les trouve utiles bien sûr mais aussi amusantes et belles. Un exemple qui m’a marqué, c’est la suite de Fibonacci, un mathématicien italien du 13e siècle. Elle commence par 1-1-2-3-5; le nombre suivant est la somme des 2 précédents. Cette suite a des liens avec plein de choses comme le nombre de pétales de la plupart des fleurs, le nombre d’or, l’homme de Vitruve… C’est passionnant !

Quels sont vos rapports avec la science ? Quels sont vos premiers souvenirs
«scientifiques» ?

Quelle est la plus grande difficulté rencontrée dans l’exercice de votre métier ?

Je pense que ce sera certainement de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie de famille.  Ce sera un vrai challenge car même en dehors des expéditions spatiales, nous serons amenés à beaucoup voyager. Nous prenons cela comme une opportunité que nous allons essayer de vivre en famille. 

Pour moi, chaque projet de recherche qui arrive à terme, c’est à dire qui aboutit à un article scientifique, est une réussite. Je suis fier des projets d’étudiants, originaux ou ambitieux en terme en masse de données, auxquels j’ai pu contribuer. Et de chaque collaboration avec l’un ou l’autre scientifique. Il n’y a pas un projet spécifique que je pourrais ressortir plus qu’un autre.

Quelle est votre plus grande réussite professionnelle jusqu’à ce jour ?

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui aurait envie de suivre vos traces ?

Bien sûr, il ne faut jamais perdre ses rêves de vue mais il ne faut pas non plus, je pense, partir de l’idée que c’est l’unique voie possible. D’autant qu’il existe de nombreux facteurs qu’on ne maîtrise pas. Si j’avais eu une densité osseuse trop basse par exemple, ma candidature n’aurait pas été retenue. Certains ont été éliminés alors qu’ils sont en bonne santé. Le plus précieux conseil serait de d’abord trouver sa voie et de faire ce que l’on aime avec passion. J’étais très heureux d’être chercheur en neurosciences et j’aurais continué avec le même enthousiasme. Une chose est sûre, pour devenir astronaute, il est impératif d’être très motivé, d’avoir le goût de l’aventure et un certain sens de l’exploration et de la communication.


 

CARTE D’IDENTITÉ

Raphaël Liégeois

ÂGE : 34 ans

SITUATION FAMILIALE :
Marié, 2 enfants

PROFESSION : Ingénieur, chercheur en neurosciences
et candidat astronaute

FORMATION : Secondaires générales à l’Athénée Royal
de Namur. Ingénieur civil en génie biomédical à l’ULg. Master en physique fondamentale à l’Université Paris-Sud Orsay. Doctorat en neurosciences à l’ULg.

Je vous offre une seconde vie pour un second métier…

Il y a quelques siècles, j’aurais choisi navigateur parce que c’est un métier d’exploration et de connaissances scientifiques. C’était finalement un métier assez ressemblant à l’exploration spatiale. Aujourd’hui, je dirais journaliste ou grand reporter pour aller à la rencontre des gens, donner la parole à ceux qui ne l’ont pas.  

Voyager dans le temps, pas spécialement pour changer les choses mais je serais curieux par exemple de me retrouver dans un forum romain ou au départ de l’expédition de Magellan. 

Je vous offre un super pouvoir…

Je vous offre un auditoire…

Déjà, peu importe le public tant qu’il est intéressé, que l’on peut interagir, discuter, échanger. J’aurais envie surtout de parler de la beauté des sciences, montrer qu’elles peuvent être amusantes, en plus d’être utiles. C’est la pierre angulaire de ma carrière. 

Il y a encore beaucoup de choses à comprendre sur la nature du monde qui nous entoure, sur les origines du système solaire, de la Terre et le Big Bang.

Je vous offre un laboratoire…

Je vous transforme en un objet du 21e siècle…

La capsule Orion du projet Artemis, envoyée autour de la Lune. C’est un projet ultra ambitieux, qui va mener à de nombreuses découvertes. On peut en être fiers puisqu’elle est à moitié européenne. Au-delà de l’aspect financier, nous avons une véritable expertise qui a su rassurer les Américains sur le fait de nous prendre comme partenaires. C’est un vaisseau spatial qui va, je pense, nous faire vibrer dans la décennie à venir, voire plus loin. 

Un voyage vers l’ISS (la Station spatiale internationale), ce serait déjà extraordinaire. S’il y a «plus», comme la Lune ou plus loin encore, là ce serait vraiment la cerise sur le gâteau !

Je vous offre un voyage…

Je vous offre un face à face avec une grande personnalité du monde…

Si c’est quelqu’un de disparu, je dirais Magellan. Son tour du monde est sûrement une des plus grandes aventures, un des plus grands exploits de l’Histoire de l’Humanité. Il a duré 3 ans, il ne savait pas où il allait, le tout dans des conditions extrêmes. J’aimerais qu’il me raconte où il a puisé sa force. Sinon, dans les vivants, ce serait Elon Musk pour savoir comment il envisage le futur et la conquête spatiale.

Être astronaute, c’est quand même 20 ans de carrière. Il faut savoir que la formation de base dure environ 1 an et demi. La formation à une mission spécifique dure entre 2 et 3 ans. La mission elle-même est de plus ou moins 6 mois avant le débriefing qui se prolonge sur 6 mois à 1 an. Grosso modo, on arrive à 5 ans par mission. Si l’on compte 2 missions (c’est la moyenne sur le temps d’une carrière d’astronaute), nous voilà à 10 ans. Entre les missions, on ne chôme pas non plus. On participe à des conférences, des programmes de vulgarisation scientifique, au développement des vaisseaux spatiaux (comme Thomas Pesquet pour Artemis), à l’amélioration des procédures… 

La question «a priori»: astronaute, c’est pas vraiment un métier, ça se résume à quelques semaines en apesanteur…

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