Espace

Notre curieux rapport au temps

Geoffrey VAN HECKE • geoffrey@bvhco.be 

© Ricardo – stock.adobe.com, © vchalup – stock.adobe.com, NASA, ESA, © Dr. Lionel Garcia – Flatiron Research Fellow

L’espace et le temps ne font qu’un, c’est ce que nous enseignent Einstein et sa théorie de la relativité. Abstrait et invisible, le temps n’en est pas moins omniprésent. Est-il pour autant cette variable linéaire et tranquille ? Certainement pas. Il se courbe, se déforme… et pose de nombreuses questions. Peut-il évoluer de manière parallèle, revenir en arrière, stagner, accélérer ? Peu de réponses à ce stade mais de sérieuses pistes. Malgré un Univers complètement démesuré. Apprivoiser l’espace-temps, c’est peut-être abattre des barrières qui paraissent infranchissables 

 
Si d’innombrables étoiles percent l’obscurité quand le Soleil se couche, pourquoi fait-il si sombre la nuit ? Pour une raison simple: une partie d’entre elles n’en sont pas. Il s’agit de galaxies. De fabuleux points lumineux qui renferment des milliards d’autres systèmes solaires. Nous savons qu’ils sont là. À titre d’exemple, une puissante source de rayons X s’est tarie durant 3 h en 2012, dans la galaxie du Tourbillon, à 28 millions d’années-lumière d’ici. Des astrophysiciens pensent que cette source, peut-être un trou noir ou une étoile à neutrons, a été éclipsée par le passage d’une planète. Le cosmos regorge d’opportunités. Plus les découvertes se succèdent, plus notre curiosité s’étend aux confins de l’imaginable. Comprenons-nous réellement ce qui se passe autour ? Voire ce qui se passe à côté, qu’on ne peut ni voir ni toucher. Paradoxalement, le temps est abstrait, complexe et se mélange à l’espace. Il façonne nos vies et les régule; notre existence y est fondamentalement liée. Mais notre vision de celui-ci est-elle correcte ? Selon la théorie du Big Bang, il y a 13,8 milliards d’années, un point plus petit qu’un atome a produit une énorme explosion. De là, toute la matière qui compose notre Univers, qui est encore en expansion aujourd’hui, a été créée. C’est également à ce moment que le temps a commencé à courir et depuis lors, progressé de manière ininterrompue. La grande explosion a projeté des particules qui se sont ensuite regroupées pour former des étoiles, des planètes et des galaxies qui voyagent. Le temps, cependant, semble voyager telle une flèche dans une seule direction, toujours en avant. Mais pourquoi, si l’espace et la matière s’étendent dans toutes les directions, ne fait-il qu’avancer ?  Autrement dit, sommes-nous dans un univers à 2 visages ? Julian Barbour, professeur de physique à l’Université d’Oxford, en est convaincu: à l’époque du Big Bang, le temps a pu courir dans 2 directions opposées.

La 2e loi de la thermodynamique stipule qu’un système évolue toujours vers un état plus chaotique, mais pas l’inverse. L’exemple classique est une tasse en verre: si elle peut se briser en mille morceaux, nous savons qu’il est impossible que ces fragments se rassemblent pour revenir à la tasse en verre tel qu’elle était. Ainsi, le verre est un objet ordonné qui se désordonne lorsqu’il se brise, et c’est un processus irréversible. En physique, cette mesure du désordre est appelée entropie. La 2e loi de la thermodynamique dit que l’entropie ne peut qu’augmenter, jamais diminuer. Nous comprenons donc pourquoi nous disons que le temps ne se déplace que dans une seule direction: parce que le temps ne se déplace que dans la direction où l’entropie augmente.

Les lois de la thermodynamique ont été établies pendant la révolution industrielle, lorsque les ingénieurs essayaient de fabriquer des machines à vapeur plus efficaces, qui gaspillaient moins d’énergie. La 2e loi stipule que lorsque l’énergie est transférée et transformée, une partie est dissipée. Concrètement, c’est du gaspillage. Pour Barbour, c’est là que réside le problème, car cette 2e loi a été élaborée en pensant aux cylindres et aux machines où l’énergie et la chaleur passent d’un endroit à l’autre, confinés dans un espace restreint. L’erreur consiste à croire que ce qui se passe dans un espace fermé est identique à ce qui se passe à grande échelle, dans un univers qui n’a pas de limites.

Si nous mettons un glaçon dans une boîte, l’entropie augmentera de cette manière: nous aurons d’abord un glaçon très propre, c’est‑à‑dire avec une faible entropie. Ensuite, ce bloc va fondre et l’eau se déversera hors de la boîte, ce qui augmentera l’entropie. L’eau finira par s’évaporer et ses particules se répandront de manière indistincte dans la boîte, l’entropie ayant atteint son niveau maximal. Dans un espace sans limites, ces particules d’eau pourraient continuer à voyager et grâce à la gravité, se joindre à d’autres particules pour former de nouvelles structures plus complexes, qui se développeront dans toutes les directions de l’espace… et du temps. Ainsi, selon Barbour, ce qui détermine le passage du temps n’est pas l’augmentation de l’entropie, mais l’augmentation de la complexité, sans limites de temps ni d’espace. 

À proximité d’un trou noir, le temps ne s’écoule plus.

 
Une variable qui se déforme

Pour se représenter l’espace-temps, il faut imaginer un damier malléable. Si l’on pose un objet massif dessus, les cases se déforment, se courbent. À côté d’un trou noir par exemple, le temps ne s’écoule plus. C’est aussi le cas pour un individu qui se retrouverait dans un vaisseau lancé à la vitesse de la lumière. Ce que l’on appelle le voyage relativiste. De manière imagée, pour figer le temps, il faut le courber au point d’en faire un cercle, nous revenons dès lors au point de départ. Et à la vitesse de la lumière, nous allons aussi vite que lui, faisant que son écoulement s’annule. Bien que théorique, car à l’heure actuelle irréalisable avec nos technologies, le concept a été démontré mathématiquement par une équipe de physiciens, dont Ben Tippett et David Tsang. Sans proposer de modèle clé en main pour construire une machine à voyager dans le temps, ils démontrent qu’elle est théoriquement possible. Pour cela, il faut considérer l’Univers non pas comme un modèle en 3 dimensions spatiales séparées de la 4e (le temps), mais comme un tout simultané. Cela permet d’envisager l’existence d’un continuum espace-temps, dans lequel les 2 sont entremêlés pour donner sa substance à l’Univers. Ben Tippett et David Tsang affirment qu’il est non seulement possible de courber la matière, mais aussi de plier le temps. 

Et puis des multivers…

Déjà gigantesque, le cosmos est-il unique ? Dispose-t-on d’un double dans un monde parallèle ? Le temps file, mais dans combien d’entités ? En 2020, d’étranges particules furent découvertes en Antarctique. Il existerait une autre entité où tout est à l’envers, y compris le temps. Antarctic Impulsive Transient Antenna (Anita) est le nom donné à une expérience scientifique qui consiste à faire voler un ballon géant, chargé de nombreuses antennes, sur des milliers de kilomètres à la recherche de particules de haute énergie venues de l’espace. Au cours de l’un de ses voyages en 2016, Anita a décelé des particules de haute énergie, mais chose étrange, au lieu de venir de l’espace, celles-ci semblaient exploser à partir du sol. Toutes sortes d’hypothèses, fondées sur ce que l’on sait de la physique, ont été avancées pour expliquer ce curieux signal, et toutes ont été écartées. La seule possibilité avancée par les chercheurs serait l’existence d’un univers parallèle inversé, créé au même moment que le nôtre, lors du Big Bang. Dans ce monde miroir, le positif est négatif, la gauche est à droite et le temps se déroule en marche arrière. Ce n’est pas tout. Certains scientifiques pensent avoir aperçu un univers parallèle côtoyant le nôtre. À travers les points les plus éloignés de l’univers, des notes suggèrent que le tissu cosmologique a été perturbé par quelque chose d’incroyablement différent. Le Dr Ranga-Ram Chary a examiné le bruit et les signaux résiduels laissés par le Big Bang dans le fond diffus cosmologique. Un certain nombre de points lumineux épars seraient des signaux issus d’un univers qui s’est cogné contre le nôtre il y a des milliards d’années. D’autres mondes exerceraient une force sur le nôtre, ce qui provoquerait des phénomènes a priori inexplicables. Selon cette théorie, notre univers ne serait donc qu’une gigantesque série de mondes, certains semblables au nôtre, d’autres très différents. Tous ces mondes existeraient simultanément et s’influenceraient les uns les autres par une force de répulsion. Quel que soit le sort de l’Univers au niveau cosmique, une certitude demeure indiscutable: le temps de vie restant limité, il faut en profiter. 

L’expérience ANITA.


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Mais encore…

Raphaël Liégeois arrive dans l’ISS en 2026

Espéré, attendu et maintenant confirmé: le Namurois sera le deuxième astronaute de la promotion 2022 à s’envoler pour la Station Spatiale Internationale. Et le troisième belge dans l’Espace après Dirk Frimout en 1992 et Frank De Winne en 2002 et 2009. 

Le message qui a traversé 24 milliards de kilomètres

Après 7 longs mois de silence, la sonde interstellaire Voyager 1 a enfin repris du service. À 24 milliards de kilomètres de la Terre, elle a recommencé à envoyer des signaux lisibles à la Nasa. Du haut de ses 47 ans, la vieille sonde, qui nous a tant appris sur notre système solaire, a pu être réparée à distance. Actuellement, il s’agit de la machine réalisée par l’Homme la plus éloignée de la Terre. 

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