Qui est-ce?

Gertrude ELION

Jacqueline REMITS• jacqueline.remits@skynet.be

© GSK 

 
Je suis…

Une pharmacologue, virologue, immunologue et biochimiste américaine. Passionnée par la science dès mon enfance, j’ai découvert de nouveaux traitements concernant notamment la leucémie et le sida. Un long chemin où, en tant que femme, j’ai toujours dû me battre. Je suis née dans une famille juive newyorkaise de la classe moyenne. Mon père, Robert Elion, d’origine lituanienne, est chirurgien-dentiste. Ma mère a fui les persécutions antisémites en Pologne. En 1924, après la naissance de mon frère, nous déménageons dans le Bronx, un quartier pauvre de New York. Toute petite, j’admire déjà Marie Curie et Louis Pasteur et je dévore les livres de vulgarisation scientifique. En 1929, l’année de la Grande Dépression, mon père fait faillite. Il restera endetté jusqu’à la fin de ses jours. Le décès de mon grand-père des suites d’un cancer de l’estomac me pousse à me lancer dans la recherche médicale et plus précisément, dans la recherche d’un traitement contre le cancer. Un long parcours semé d’obstacles. Le premier est celui de la situation financière de ma famille. Je réussis facilement à l’école, on me dit surdouée. Il est vrai que je termine mes études secondaires à seulement 15 ans. Mais comment entreprendre des études universitaires ? À l’époque, les universités sont très restrictives envers les filles. Mais planche de salut pour moi: les établissements scolaires rattachés à l’Université de New York sont gratuits. C’est le cas du Hunter College où je suis admise et où j’obtiens le Bachelor of Science en 1937 avec la mention suma cum laude, qui me permet d’entrer dans la fraternité étudiante Phi Beta Kappa. Je souhaite continuer des études universitaires, bien sûr, mais en tant que fille, je dois faire mes preuves. Pendant un semestre, j’enseigne donc à la Cornell School of Nursing, une école de soins infirmiers. Finalement, je suis acceptée à l’Université de New York, et la seule fille admise ! En 1941, j’obtiens un Master of Science. Je souhaite entreprendre une thèse de doctorat, mais toujours parce que je suis une fille, ma demande de bourse d’études est refusée. Je travaille alors comme assistante de laboratoire pour la Quaker Maid Company. Comme il est difficile pour une femme de trouver un emploi de chercheuse, je deviens professeure de physique-chimie dans des établissements d’enseignement secondaire de New York. La Seconde Guerre mondiale est là et la mobilisation des hommes ouvre de nouvelles perspectives aux femmes en leur permettant de les remplacer. C’est ainsi que je commence à travailler pour la firme pharmaceutique Johnson & Johnson. En 1944, grâce à mon père, je fais la rencontre de George Hitchings. Il dirige un laboratoire de recherche au sein de la compagnie pharmaceutique Burroughs-Wellcome (future GlaxoSmithKline). Contrairement aux idées reçues sur les femmes, ce directeur de recherche avait déjà recruté une assistante. L’entretien d’embauche étant concluant, je suis engagée comme assistante de recherche. Pendant 20 ans, aux côtés de George, je vais mener des recherches sur l’immunologie, la virologie, le métabolisme de l’acide nucléique, dans la prolongation des travaux sur l’ADN d’Oswald Avery et de Rosalind Franklin (   voir Athena n° 359, pp. 30-31).

En 1967, quand George Hitchings prend sa retraite, je quitte la firme pour créer mon propre laboratoire indépendant à l’Université Duke de Durham en Caroline du Nord. J’y dirige le département de la recherche médicale et pharmaceutique jusqu’à mon départ à la retraite en 1983. Lorsque Burroughs-Wellcome emménage à la technopole du Research Triangle Park en Caroline du Nord, j’établis un partenariat entre cette société et mon laboratoire. 

À cette époque…

En 1960, je synthétise l’Allopurinol et John F. Kennedy, 43 ans, est élu président des États-Unis. En 1978, quand nous mettons au point l’Aciclovir, le prix Nobel de la Paix est décerné à Anouar el-Sadate, président égyptien, et à Menahem Begin, Premier ministre israélien, pour les efforts qu’ils ont accomplis pour rétablir la paix au Proche-Orient. En 1988, quand je reçois moi‑même le prix Nobel, George Bush père devient le 41e président des États-Unis, succédant au républicain Ronald Reagan dont il était le vice-président.

J’ai découvert…

En 1950, George Hitchings et moi synthétisons l’Azathioprine, dérivée de la 6-mercapopurine. Si, contrairement aux attentes, elle n’a aucun effet sur la leucémie, en revanche, des chercheurs de l’Université Tufts découvrent qu’elle est efficace pour empêcher la production d’anticorps lors de transplantations d’organes. L’Azathioprine sera également utilisée pour le traitement des arthrites rhumatoïdes. En 1960, je synthétise l’Allopurinol pour traiter les cas d’hyperuricémie, une maladie liée notamment à des insuffisances rénales ou au traitement des cancers par radiothérapie ou chimiothérapie. En 1963, ce traitement montre également son efficacité pour traiter la goutte et, en 1973, pour soigner la leishmaniose, maladie répandue en Afrique australe, ainsi que la maladie de Chagas. Un traitement qui figure désormais sur la liste modèle de l’OMS des médicaments essentiels.

En 1978, après 7 années de recherche et développement avec mon équipe, j’ai mis au point l’Aciclovir. Ce médicament antiviral est conçu pour traiter principalement le virus d’Epstein-Barr, l’encéphalite herpétique, l’herpès génital. Il est commercialisé sous le nom de Zovirax. L’Aciclovir figure, lui aussi, sur la liste modèle de l’OMS des médicaments essentiels.

Saviez-vous que…

Tout au long de sa carrière, Gertrude Elion a développé de nouvelles molécules pour lutter contre les infections des agents pathogènes dans les cellules hôtes, notamment dans le domaine des antirétroviraux, parmi les 45 brevets à son nom.

En 1983, Gertrude Elion, dite Trudy, a pris sa retraite et est devenue professeure émérite auprès de diverses institutions telles quel l’OMS et l’American Association for Cancer Research de Philadelphie. Elle a également été consultante auprès de la Burroughs-Wellcome et a dirigé une équipe de chercheurs qui a mis au point l’Azidothymidine, premier médicament antirétroviral utilisé pour le traitement de l’infection par le VIH.

En 1996, l’American Association for Cancer Research, avec le soutien de la GlaxoSmithKline, crée le AACR Gertrude B. Elion Cancer Research Award. D’un montant de 75 000 dollars, ce prix est destiné à de jeunes chercheurs afin de les encourager à mener des recherches sur l’étiologie, le diagnostic, le traitement ou la prévention du cancer.

En 1999, la Triangle Community Foundation et le Burroughs-Wellcome Fund créent le Gertrude B. Elion Mentored Medical Student Research Award. D’un montant de 10 000 dollars, il récompense de jeunes chercheuses dans le domaine de la santé.

Si elle n’a pu aboutir à son doctorat, elle a obtenu plus tard le titre de docteur honoris causa dans de nombreuses universités, dont l’Université polytechnique de New York et l’Université George Washington.

Trop préoccupée par ses recherches, Gertrude Elion n’a jamais pris le temps de se marier et de fonder une famille. Elle est décédée le 21 février 1999 des suites d’une hémorragie cérébrale à l’hôpital de Chapel Hill en Caroline du Nord.

Selon le docteur Paul Calabresi de l’Université Brown, l’Azathioprine est «le premier immunosuppresseur efficace pour des transplantations de reins et d’autres organes». Quant à la création de l’Allopurinol, il a fait dire à Thomas Krenitski, professeur de l’Université Cornell, que «Trudy a fait plus pour l’humanité que mère Térésa».

L’American Chemical Society fait état de 225 articles que Gertrude Elion aurait publié sur ses recherches. Plus de 200 d’entre eux sont consultables sur le site    www.academictree.org

Elle est inscrite sur la liste des femmes ayant façonné la science américaine, liste établie par l’Académie des sciences (NAS) des États-Unis. Plusieurs de ses médicaments figurent sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS.

 
 

Carte d’identité

Naissance 

23 janvier 1918, New York (USA)

Décès

21 février 1999, Chapel Hill, Caroline du Nord (USA)

Nationalité

Américaine

Situation familiale

Célibataire

  
Diplôme 

Bachelier en sciences au Hunter  College de New York, master en  science à l’Université de New York

Champs de recherche 

Pharmacologie, virologie,  immunologie et biologie cellulaire

Distinctions 

Prix  Nobel de physiologie ou médecine (1988); lauréate du prix  Lemelson pour l’ensemble de ses  travaux pharmaceutiques

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