Technologie

Police scientifique:

comme à la télé ?

2e partie

Virginie CHANTRY  •  virginie.chantry@gmail.com

©netatmo

Dans le numéro précédent, nous introduisions le métier d’enquêteur forensique de la Police Technique et Scientifique (PTS) de la police fédérale. Après avoir brièvement décrit la police intégrée à 2 niveaux, nous plongions ensuite dans le vif du sujet avec la science forensique et les techniques de prélèvement employées par les labos de la PTS. Cependant, il faut savoir que ces labos ne sont pas les seuls à disposer de techniques forensiques. En effet, la DJT ou direction centrale de la police technique et scientifique intervient également dans certaines enquêtes. Sortons notre loupe et ouvrons l’œil ! L’enquête suit son cours…

La DJT est en charge du suivi de tout ce qui touche à la science forensique au sein de la police fédérale. Elle assume des missions stratégiques, tactiques, ainsi que d’appui opérationnel au profit d’autres services, notamment  la  PTS, à l’aide de différentes techniques qui ne sont pas disponibles dans les 14 labos décentralisés dits «de terrain». Ces experts viennent en 2e ou 3e ligne après l’enquêteur tactique et l’enquêteur forensique.La DJT est divisée en plusieurs services, notamment:

  • • La Disaster Victim Identification Team (DVI) est chargée entre autres de l’identification des corps des victimes de catastrophes, d’accidents ou de certains crimes;
  • • Le Service des Sciences du ­Comportement (GWSC) reprend les auditions avec polygraphe (détecteur de mensonge), l’aide à l’audition de mineurs, l’analyse comportementale et des affaires de mœurs;
  • • Le Laboratoire Audio et Vidéo (LAV) est spécialisé dans le traitement et l’analyse d’images notamment acquises par caméra de surveillance. Il comprend également la section responsable de la réalisation des portraits robot;
  • • L’Office Central pour la Répression des Faux (OCRF) couvre les domaines des faux documents et du faux-monnayage;
  • • L’Unité Centrale (UCE) est en charge de la gestion de la banque de données de certaines traces autres que digitales;
  • • Le Service d’Identification Judiciaire (SIJ) est ­responsable de la base de données judiciaire des empreintes et traces digitales.
  • C’est sur ces 2 derniers services, les plus proches du travail de la PTS sur le terrain, que nous allons nous pencher.

L’Unité Centrale

Dans le cadre d’une restructuration interne de la direction centrale, l’Unité Centrale sera intégrée, dès le 1er mai 2018, à la division stratégique et politique de la DJT. Celle-ci est entre autres ­chargée de développer des normes et mettre en place une standardisation des méthodes de ­travail au sein des laboratoires de la PTS; développer et ­coordonner les réseaux d’experts en traces de semelles de chaussures, en incendie, etc…; mettre en place un contrôle qualité; créer une équipe R&D au profit des laboratoires de la PTS; continuer de réaliser des expertises en PTS, en ce compris les expertises dans la banque de ­données nationale (SDB en référence au néerlandais sporendatabank, voir détails ci-après).

En dépit de ce changement structurel et bien que le cadre de ses missions connaîtra certainement quelques modifications, il nous paraissait important, car il reste au cœur du travail de la PTS, d’évoquer ici le travail de l’UCE tel qu’il était jusqu’ici. En effet, ce laboratoire ­central intervient actuellement en tant qu’appui aux enquêteurs des labos de terrain pour les traces d’oreilles, de semelles de chaussures et d’outils rassemblées au sein de SDB. Les experts comparent ainsi les traces prélevées par les labos de terrain avec toutes les traces déjà reprises dans la banque de données, ce qui peut éventuellement mener à faire des liens avec d’autres affaires. Ces experts sont également à même de comparer les traces prélevées, non pas avec une autre trace, mais avec une référence. Généralement, l’UCE ne ­descend pas sur la scène de crime mais reçoit directement des labos de ­terrain les prélèvements des traces pour ensuite les digitaliser et les stocker dans SDB. Cela se fait encore «manuellement» même si le déploiement national de l’application SDB dans tous labos de terrain est prévu dans le courant de cette année.

Plus concrètement, s’il s’agit de traces de semelles ou d’oreilles prélevées avec de la gélatine noire, on aura plutôt recours à un gelscan pour en ­numériser tous les détails grâce à un scanner spécifique à tête fixe constitué d’un plateau mobile sur lequel est posé la gélatine et d’un système d’éclairage. De la sorte, il n’y a pas de verre entre la tête de numérisation et le transfert. Si c’est de la gélatine blanche, un simple scanner suffit mais la résolution obtenue sera moindre.

À côté de cela, cette unité possède également des compétences d’expertise non liées aux données de SDB. Elle peut par exemple être appelée en deuxième ligne par un magistrat, en concertation avec le labo de terrain en charge du dossier. Un de leurs domaines d’expertise pourra porter sur la morphoanalyse des traces de sang ou BPA (Bloodstain Pattern Analysis), qui consiste en l’étude des projections de sang (orientation, ­position, forme) dans le but de déterminer les actions à l’origine des traces. Pour ce faire, ces dernières doivent être digitalisées sur la scène de crime, d’abord à l’aide d’un quadrillage puis de façon détaillée selon des normes spécifiques. Autre compétence: la comparaison faciale, entre par exemple le visage d’un individu sur des images de vidéosurveillance et celui d’un ­suspect.

La DJT et ses différents services appuient les enquêteurs forensiques des labos de terrain: compétences spécifiques, techniques particulières et/ou matériel spécialisé sont mis au service de l’enquête.

L’UCE dispose également de matériel spécialisé, comme des systèmes portables de fumigation de cyanoacrylate, qui seront désormais dispatchés parmi certains labos de terrain. Pour révéler les traces digitales dites aussi dactyloscopiques ou papillaires, les techniques de poudrage (voir Athena n° 335) sont indiquées si le support de trace ne peut être emporté hors de la scène de crime et/ou si la trace ne doit pas être exploitée pour d’autres recherches comme l’ADN. Dans le cas contraire, l’objet est emporté afin d’utiliser une autre méthode qui laisse les traces ADN exploitables: l’armoire de fumigation de cyano­acrylate, encore appelée armoire cyano. ­L’objet sur lequel on cherche à mettre en évidence des traces digitales est placé dans cette armoire hermé­tiquement fermée. Une colle de type Super Glue, du cyanoacrylate, est alors chauffée jusqu’à 120 °C, température à laquelle elle est vaporisée dans l’armoire. On parle de fumigation. Au contact de certaines substances contenues dans la trace digitale et à condition que le taux d’humidité soit à 80%, la colle constituée de molécules simples appelées monomères forme des macromolécules par polymérisation, ce qui laisse un dépôt blanc sur les crêtes papillaires qui peuvent alors être photographiées. Cette technique est particulièrement appropriée aux supports non-poreux tels que sacs en plastique et bouteilles. Une variante consiste à utiliser du Lumicyano™, une substance composée de cyanoacrylate et d’une poudre qui rend la trace fluorescente sous lumière UV. Cela peut être utile si la couleur du support ne permet pas un bon contraste avec le blanc des crêtes. Chaque labo de terrain possède au moins une armoire cyano. Le système portable de fumigation de cyanoacrylate (tente cyano) de l’UCE peut être demandé afin d’étudier de plus grands volumes, comme un véhicule ou une plantation de cannabis, dans le but de révéler les éventuelles traces digitales sans avoir à passer la zone complète au poudrage et tous les objets à l’armoire cyano.

Le Service d’Identification Judiciaire

Le SIJ est un service d’appui dans les enquêtes judiciaires qui contribue également à ­assurer l’identité biométrique des individus. À cette fin, ses experts récoltent, sous forme d’images avec des contraintes d’échelle, de résolution et de ­format, les empreintes digitales et traces papillaires provenant de condamnés, de ­suspects ou de scènes de crime. Les unités zonales et fédérales de la police peuvent faire appel à leur ­service et sont également des fournisseurs de données papillaires. Lorsqu’un suspect est interrogé dans leurs locaux, un jeu d’empreintes ­complet (les empreintes décadactylaires ou TP pour Ten Print) est acquis grâce à un livescan. Ce scanner est en réalité une station à distance permettant ­d’injecter la fiche TP directement dans la base de données APFIS (Automated Palmprint and Fingerprint Identification System) du SIJ. Il fournit ensuite le résultat de la comparaison avec les empreintes digitales (référence à référence) stockées dans APFIS, à savoir la réponse à la question: l’individu a-t-il déjà été dactyloscopé ? Les labos de terrain transmettent par ailleurs des données au SIJ comme les traces dactyloscopiques prélevées sur les scènes de crime pour tenter de faire des liens avec des individus connus ou d’autres affaires. 

En Belgique, le travail de comparaison entre 2 références est entièrement effectué par APFIS – qui est également un logiciel. Le seuil de ­correspondance entre 2 fiches TP est très élevé, ce qui permet de diminuer fortement le risque de faux positifs. Lorsqu’il s’agit d’une comparaison entre 2 traces ou entre une trace et une référence, une première analyse est effectuée de manière automatisée afin de ­fournir des candidats pour la comparaison. Ensuite, l’approche de vérification et de validation requiert l’intervention de 2 opérateurs, appelés dactyloscopes, qui procèdent à un double contrôle. Le principe d’analyse, en ­théorie, est simple. Prenons le cas de la comparaison de 2 traces. Le dactyloscope regarde d’abord si elles se ressemblent dans leur forme générale. Une empreinte digitale est constituée de 5 zones: centrale, basale, distale, marginale à gauche et marginale à droite (voir illustration 1 ci-dessous). Un point de convergence entre ­différentes zones est appelé delta. De plus, il existe des grandes familles de figures qui aident à la comparaison de la forme générale: arcs, boucles et verticilles (tourbillons). Si une trace contient un delta ou un arc et pas l’autre alors que la forme générale est bien visible sur les 2 traces, pas la peine de continuer.  En revanche, si la figure est identique sur les 2 traces ou si la qualité des traces n’est pas suffisante pour visualiser les figures, l’analyse est poursuivie et l’opérateur se penche sur les minuties, points caractéristiques des crêtes comme la bifurcation, l’arrêt de ligne, le lac ou le pont (voir illustration 2 ci-dessous). Pour déclarer une identification, 12 minuties similaires doivent être repérées. Et tout cela est fait à l’œil par un expert !

Les 5 zones d’une empreinte digitale.

Exemples de points caractéristiques d’une empreinte digitale.

Aide extérieure

trat, faire appel à des partenaires externes ayant développé des compétences particulières complémentaires à celles de la PTS et de la DJT. Parmi eux, on trouve des laboratoires d’analyse ­privés ou publics comme l’INCC, Institut National de Crimina­listique et de Criminologie, situé à Bruxelles. L’INCC ­possède diverses expertises. Par exemple en fibres textiles: lorsqu’un enquêteur forensique récolte des fibres sur une scène de crime, le ­prélèvement leur est envoyé pour analyse et éventuel­lement comparaison avec un vêtement de référence. Cet institut est également en charge de la gestion des banques de données nationales en matière génétique et possède l’expertise requise pour effectuer des analyses et obtenir le profil ADN d’un individu sur base d’une trace. De plus, en cas de tir sur une scène de crime, il est parfois demandé par le magistrat qu’un expert en balistique de l’INCC intervienne pour une étude approfondie. Il effectue alors une comparaison entre les éléments ­retrouvés sur la scène de crime et ces mêmes éléments en provenance d’une arme de référence: projectiles, douille, marques du percuteur de l’arme sur le culot de la douille, etc. Si les traces sont identiques, il peut alors conclure que c’est bien l’arme du crime, reste à savoir qui l’a réellement employée, mais ça, c’est le travail du policier en charge de l’enquête tactique.

La PTS peut encore avoir recours à la Défense pour leurs connaissances en déminage, à la Protection civile pour leur équipement et savoir-faire notamment en cas de risques nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou encore aux services d’incendie pour leur matériel. Nous sommes donc loin, en 2 articles, d’avoir fait le tour de tout ce que la science forensique a à offrir…

Challenges pour l’avenir

À l’heure actuelle, il existe 14 laboratoires de PTS sur le territoire belge, un par arrondissement judiciaire. D’ici quelques années, il ne devrait plus y en avoir que 5: Anvers, Gand, Liège, Charleroi et Bruxelles. Ils feront partie du FPL ou Forensic Police Laboratory. Et l’investigation de la scène de crime sera, quant à elle, assurée par les sections CSI ou Crime Scene Investigation. Le travail des enquêteurs forensiques sera donc scindé en 2 parties distinctes et un CSI pourra faire appel au FPL pour effectuer les analyses requises.De plus, l’activité en labo concernant l’ADN et la dactyloscopie devra ­respecter la norme ISO17025 pour les laboratoires d’étalonnages et d’essais, alors que l’activité de terrain sera soumise à d’autres standards. Ces changements trouvent leur origine dans le Traité européen de Prüm du 27 mai 2005 qui permet l’échange des profils ADN, des empreintes digitales, mais aussi des données concernant l’immatriculation de véhicules entre les pays l’ayant ­ratifié. Ces échanges requièrent des normes communes afin d’assurer la ­fiabilité des données fournies par chaque pays.

Merci à Laurent Coucke, Laurent Sartorius, Ikram Gharrafi et Caroline Dereyne de la DJT, Pierre Simon de la PTS de Liège, Robert Vankan de la PTS de Luxembourg et Eric Snoeck de la PJF de Liège.


Techno-Zoom

En ces périodes parfois fraîches, il n’est pas toujours évident de chauffer certaines pièces de la maison comme on le ­souhaiterait, surtout si l’on dispose d’un seul thermostat. Une fois la température atteinte dans la pièce où il est situé, le ­système de chauffage s’arrête partout et bye bye la chambre à température idéale en allant se coucher. La société française Netatmo propose une solution pour y remédier: la vanne de chauffage connectée. Compatible avec presque tous les types de radiateurs à eau chaude, elle doit être installée à la place de la vanne classique. Le fonctionnement du radiateur est alors régulé par la température de la pièce dans laquelle il se trouve. La température désirée peut être choisie en tournant manuellement la vanne mais aussi à l’aide d’une app qui permet de programmer différents modes de chauffage (nuit, confort, absent, etc.) ou d’allumer les radiateurs à distance juste avant le retour de vacances. Netatmo n’est bien entendu pas la seule solution du genre. Quelques recherches sur Internet ou auprès de votre chauffagiste vous permettront de choisir ce qui vous convient le mieux.

www.netatmo.com


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