Espace

Quelles exoplanètes pour abriter la vie ?

Fleur OLAGNIER • fleur.olagnier@gmail.com

©Supernova – stock.adobe.com, University of Hawaii/University of California, NASA, ALEX BOERSMA/université de Montreal

La recherche de planètes extrasolaires bat son plein. À ce jour, près de 4 800 ont été officiellement détectées. Pourquoi un tel engouement ? Dans l’espoir d’une découverte majeure: une forme de vie extraterrestre. Super-Terres, mini-Neptunes… D’après les dernières publications scientifiques, les planètes les plus susceptibles d’abriter la vie ne seraient pas forcément les plus similaires à la Terre. Zoom sur les meilleures candidates

Que l’on s’intéresse aux sciences de l’espace ou non, il est une question qui réunit tous les êtres humains: y a-t-il de la vie ailleurs dans l’Univers ? Cette énigme passionne d’autant plus les foules que, statistiquement, la réponse est oui. Les images du télescope spatial Hubble couplées aux données des observatoires terrestres ont en effet montré, en 2019, que l’Univers contiendrait 2 000 milliards de galaxies. La Voie lactée rassemblerait à elle seule plus de 900 milliards de planètes, dont tout de même 300 millions potentiellement habitables en orbite autour d’étoiles de type solaire… Des chiffres assez incroyables.

Alors aujourd’hui, les astrophysiciens travaillent sans relâche à répertorier ces planètes. C’est au 16e siècle que les astronomes ont évoqué pour la toute première fois l’existence des exoplanètes, aussi appelées planètes extrasolaires, qui par définition se trouvent hors du Système solaire et gravitent autour d’une étoile autre que le Soleil. Les premiers travaux scientifiques concrets ont démarré au 19e siècle, et c’est aux astronomes Aleksander Wolszczan et Dale Frail que l’on doit la première découverte d’un tel astre, en 1992. Plus précisément, ils ont repéré 2 des 4 planètes extrasolaires qui gravitent autour du pulsar Liche, dans la constellation de la Vierge. Au 1er juillet 2021, 4 777 planètes extrasolaires ont été recensées dans 3 534 systèmes planétaires, et des milliers d’autres sont en attente de confirmation. Aujourd’hui, une exoplanète est découverte en moyenne… chaque jour !

Les petites étoiles

L’objectif principal est aujourd’hui d’étudier plus en détails les exoplanètes répertoriées, afin de, peut-être, mettre en lumière celle qui abritera la vie. Pour maximiser leurs chances, les chercheurs s’intéressent la plupart du temps aux exoplanètes qui gravitent autour d’étoiles de petite taille. «En réalité, on cherche partout où l’on peut, corrige Michaël Gillon, astrophysicien et maître de recherche FNRS, spécialiste en exoplanétologie au sein de l’unité de recherche Astrobiologie de l’ULiège. Mais il est vrai qu’avec nos instruments, il est plus facile de détecter les exoplanètes qui gravitent autour d’étoiles bien plus petites et moins massives que le Soleil, des étoiles que l’on nomme « naines rouges »». 

1.  Il ne doit faire ni trop chaud ni trop froid pour que la vie puisse se développer

De plus, les exoplanètes d’intérêt se trouvent dans la zone d’habitabilité de leur étoile, c’est-à-dire à une distance telle de leur soleil que la quantité d’énergie reçue pourrait permettre à l’eau d’exister sous forme liquide à leur surface (voir photo 1). Si la planète est plus proche de son étoile (un peu plus proche que la Terre dans le cas du Système solaire), l’eau se vaporise, et si elle est trop éloignée (plus loin que Mars), l’eau gèle. L’exoplanète la plus proche de la Terre à se trouver dans la zone d’habitabilité de son étoile est Proxima Centauri b. Découverte en 2016, elle est située à 40 000 milliards de kilomètres de nous.

Après les «super-Terres» et les «mini-Neptunes»…

En outre, pour que la vie puisse apparaître, il faut remplir d’autres critères: taille suffisante pour retenir une atmosphère, température de surface accueillante, champ magnétique pour la protection contre le vent stellaire… Ainsi, de prime abord, on pourrait penser que les exoplanètes les plus susceptibles d’abriter la vie sont les plus ressemblantes à la Terre. Or… pas forcément. Des chercheurs de l’Université de Cambridge (Royaume-Uni) ont en effet publié, à la fin de l’été 2021, une étude interpellante sur le sujet dans The Astrophysical Journal. Ils y suggèrent que les exoplanètes les plus prometteuses ne sont en réalité pas celles que l’on croit. 

2. Comparaison entre la Terre et une mini-Neptune

C’est vers un type spécifique de «super-Terres» ou «mini-Neptunes», ces planètes plus petites que Neptune mais au moins 1,7 fois plus grandes que la Terre, qu’il faut se tourner. Pour rappel, les «mini-Neptunes» possèdent en général une épaisse atmosphère d’hydrogène et d’hélium, avec un noyau de glace et de roche (voir photo 2). «Jusqu’à présent, on considérait qu’avec leur atmosphère très étendue et massive, les mini-Neptunes avaient une pression et une température à la base de l’atmosphère trop importantes pour que l’on puisse y trouver un océan sous forme liquide», souligne Michaël Gillon. Or, d’après les chercheurs de l’Université de Cambridge, il existe une version bien spécifique des super-Terres qui pourrait déroger à la règle.

… ces planètes nommées «hycéennes»

Sous leur épaisse atmosphère d’hydrogène et d’hélium, la surface des exoplanètes en question serait recouverte d’océans d’eau liquide très chauds, dans lesquels pourrait se trouver une vie microbienne similaire à celle des fonds marins terrestres les plus extrêmes ! Leur atmosphère très riche en hydrogène et la présence d’un océan global leur vaut le nom de planètes «hycéennes» ou «hycéaniques», néologisme proposé par les auteurs. Ces exoplanètes ont une taille jusqu’à 2,6 fois celle de la Terre. Leur température atmosphérique peut atteindre les 200 °C, mais leur océan offre une protection pour la vie microbienne. La publication évoque aussi des mondes hycéaniques «sombres» qui abritent des organismes seulement sur leur face nocturne (comme la face cachée de la Lune) et des mondes hycéaniques «froids», qui reçoivent peu de rayonnement de leur étoile. Dans les 2 cas, les planètes hycéennes permettent une zone habitable beaucoup plus large que les planètes semblables à la Terre, grâce à leur océan qui fait office de véritable écrin protecteur. «C’est excitant que des conditions habitables puissent exister sur des planètes si différentes de la Terre» souligne la co-auteure de l’étude, Anjali Piette.

«Les planètes hycéennes ouvrent un nouveau boulevard dans notre recherche de vie extraterrestre, poursuit l’astrophysicien Nikku Madhusudhan, également co-auteur. Quand on cherchait des biosignatures sur les exoplanètes, on se concentrait essentiellement sur les planètes similaires à la Terre, qui sont un point de départ raisonnable. Mais mon équipe et moi-même pensons désormais que les planètes hycéennes offrent une meilleure chance de révéler ces biosignatures».

Plus précisément, les astrophysiciens ne recherchent pas telle ou telle molécule, mais plutôt un mélange bien particulier. «Nous cherchons surtout des mélanges hors équilibre de molécules oxydantes et réductrices. Car si un tel mélange subsiste, c’est qu’il y a un excédent de l’un ou l’autre type de molécule, possiblement créé par un mécanisme biologique», détaille Michaël Gillon.  

Les astrophysiciens de Cambridge, de leur côté, ont déjà identifié 11 planètes hycéennes en orbite autour d’étoiles «proches» du Système solaire, qu’il serait intéressant d’étudier. Ce sont des naines rouges situées entre 35 et 150 années-lumière de la Terre, comme K2-18b (voir photo ci-contre), une exoplanète dont on a découvert en 2019 que son atmosphère renfermait de grandes quantités de vapeur d’eau… «De telles planètes, plus grosses, possèdent une atmosphère peu dense et étendue. Cela devrait permettre de détecter bien plus facilement avec nos instruments diverses molécules simples, et d’en déduire la composition atmosphérique, précise l’astrophysicien liégeois. Outre les planètes hycéennes, d’autres travaux théoriques ont montré que l’eau pourrait exister sous forme de gouttelettes dans l’atmosphère de mini-Neptunes situées dans la zone habitable de leur étoile. De là à imaginer des formes de vie microbienne en suspension, il n’y a qu’un pas que certains collègues ont déjà franchi.» 

 

Futures missions européennes

L’arrivée du James Webb Space Telescope (JWST), qui doit être lancé ce 18 décembre 2021 (voir Athena n° 353) et devrait fournir ses premières images courant 2022, est pour cela très attendue. «Le JWST devrait nous apporter un niveau de détection inégalé, qui permettra de repérer les molécules intéressantes directement dans les atmosphères de planètes telluriques extrasolaires», commente Michaël Gillon. Et la Nasa pense déjà à la suite. «Le successeur du James Webb devrait permettre de produire des images d’étoiles proches de type solaire avec suffisamment de contraste et de résolution pour détecter autour d’éventuelles planètes jumelles de la Terre…» Ce projet, pharaonique s’il en est, ne devrait pas voir le jour avant une vingtaine d’années. 


Espace

Mais encore…

Théo PIRARD • theopirard@yahoo.fr

 

Le 1er microsatellite belge en activité depuis 20 ans

Le Proba-1 (Project for on-board autonomy) de l’ESA (European Space Agency) était satellisé au moyen d’un lanceur indien Pslv le 22 octobre 2001. D’une masse de 94 kg, ce démonstrateur technologique continue à bien se comporter sur orbite. Il fut réalisé en Belgique par la société anversoise Verhaert (QinetiQ Space) et est équipé d’un logiciel Spacebel qui lui assure une autonomie très performante dans l’espace. Contrôlé par le Centre ESA de Redu-Libin (province de Luxembourg), il sert toujours à des prises de vue de l’environnement terrestre. On peut le considérer comme un pionnier du système européen Copernicus pour le suivi du changement climatique et de la biodiversité globale. Entretemps, deux autres Proba, autonomes sur orbite grâce à Spacebel, ont été satellisés: Proba-2 (120 kg) dans l’espace depuis novembre 2009 pour une contribution européenne à l’étude des relations Soleil-Terre, puis Proba-V(égétation) (140 kg) autour de la Terre depuis mai 2013 pour une mission de télédétection avec des senseurs à hautes performances.

Proba-V, le successeur et héritier du premier Proba qui continue à bien se comporter autour de la Terre.
(Doc ESA)

 

Une constellation de Spacebel au service des ressources agricoles

La réussite exceptionnelle des petits satellites Proba constitue une belle référence pour l’industrie spatiale en Belgique. Ce qui permet à celle-ci de se positionner pour des applications innovantes dans l’espace. Ainsi, avec sa start-up ScanWorld, Spacebel propose le déploiement d’une constellation de 4 à 8 petits satellites dotés d’un détecteur hyperspectral très performant. L’objectif est de fournir aux services d’agriculture et d’alimentation une source permanente de données précises sur l’état de la végétation sur l’ensemble du globe. En septembre dernier, ScanWorld signait un premier partenariat avec la société ConstellIR (Fribourg) afin de valoriser l’imagerie hyperspectrale depuis l’espace dans l’analyse des ressources en eau et pour les prévisions des récoltes. Il est prévu de tester un premier satellite ScanWorld dès 2023. 

 

De l’hyperspectral spatial grâce à la caméra Elois d’Amos

La société liégeoise, qui est depuis 35 ans experte dans l’instrumentation optique pour télescopes et à bord de satellites, a décroché en octobre le contrat Elois (Enhanced Light Offner Imaging Spectrometer) de l’ESA. Il s’agit d’un imageur compact qui est capable d’observer dans quelque 200 bandes spectrales avec une fauchée de 70 km. Il prendra place à bord de la plateforme suédoise InnoSat qui doit être satellisée en 2024 afin de préparer l’ambitieuse mission CHIME (Copernicus Hyperspectral Imaging Mission)/Sentinel-10 du système européen de télédétection Copernicus.

CHIME, l’Europe à la mode de l’hyperspectral pour la télédétection spatiale.
(Doc ESA)

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