Espace

Quoi de neuf dans l’espace?

Théo PIRARD 

©Thomas – stock.adobe.com

Les violents bruits de bottes en Ukraine résonnent jusque dans l’espace. Depuis la chute de l’URSS en 1991, tant les États-Unis que l’Europe ont voulu tirer parti du précieux héritage de la technologie spatiale de la Russie et de l’Ukraine. Ils ont misé sur une coopération qui tirait parti du potentiel russo-ukrainien pour le cosmos. D’ambitieuses activités ont ainsi pu se concrétiser: la station spatiale internationale (depuis fin 1998) ainsi qu’un ensemble de lancements Soyouz (pour Arianespace) en Guyane

Ainsi, durant ces 30 dernières années, Moscou a misé sur l’intérêt des Américains et des Européens pour sauvegarder son expertise en astronautique. Aujourd’hui, le Kremlin se sert de ce transfert technologique pour contrarier la stratégie humanitaire de l’Occident en faveur de l’Ukraine. Nous voici revenus au dramatique temps de la Guerre froide. 

Alors que le conflit russo-ukrainien met le monde sous tension, comment se passe la cohabitation entre cosmonautes russes, astronautes américains et  européens à bord de l’Iss ?

Le 1er mars, 6e jour de l’offensive en Ukraine des troupes russes en vue d’«une opération militaire spéciale», la vie à bord de la station était organisée par 6 hommes et 1 femme: 2 expérimentateurs de l’agence spatiale russe Roscomos, 4 chercheurs de la Nasa et 1 représentant allemand de l’Esa. Les opérations à bord se trouvent gérées par 2 centres principaux de contrôle: le Jsc (Johnson Space Center) à Houston (Texas) et le Tsoup (Tsentr Upravlenya Poliotom) à Korolev (Nord de Moscou).

On se demande dans quelle mesure cet ensemble fait de modules habitables russes (5 exemplaires), américains (7), européen (1), japonais (2) et italien (1) pourra être opérationnel au-delà de 2024, jusqu’en 2030. Moscou a fait part de son projet de disposer de sa propre station en détachant des modules russes de l’Iss. En attendant, les équipages continuent à se succéder, en étant lancés à bord de vaisseaux Soyouz (publics) de Roscosmos et Crew Dragon (privés) de SpaceX. De son côté, la Nasa prévoit de recourir à l’initiative privée – à l’entreprise Axiom de vols sur orbite – pour disposer d’une autre station.

L’industrie américaine ne recourt-elle pas aux  motoristes russes pour propulser ses actuels lanceurs Atlas et Antares ?

Afin de proposer des systèmes moins coûteux de lancements dans l’espace, des sociétés US achètent des moteurs-fusées performants à l’entreprise Energomash: c’est le cas de Ula (United Launch Alliance) pour Atlas V, qui effectue surtout des vols gouvernementaux, et Orbital Sciences pour Antares pour ravitailler l’Iss. Suite à la crise russo-ukrainienne, Roscosmos a suspendu la vente de propulseurs «made in Russia» aux Américains. C’est la bonne affaire pour SpaceX qui domine, avec ses lanceurs réutilisables, le marché des activités de transport spatial. 

L’Europe spatiale a beaucoup misé sur une coopération avec la Russie. N’est-elle pas en train d’en faire les frais ?

Via sa filiale franco-russe Starsem créée en août 1996, la société française Arianespace a pu effectuer des lancements Soyouz (37 en tout) depuis Baikonour (Kazakhstan), Kourou (Guyane française), Vostochny (Extrême Orient). Son principal client est l’entreprise britannique OneWeb pour le déploiement de sa constellation haut débit en orbite basse. Arianespace compte sur la mise en service du lanceur Ariane 6 qu’ArianeGroup est en train de développer, mais sa mise au point s’avère plus laborieuse que prévu. L’Esa, pour son exploration de la Planète Rouge, a fait confiance à Roscosmos. La sonde russo-européenne ExoMars combine la plateforme Kazatchok de Lavotchkine et le rover Rosalind Franklin de Thales Alenia Space. Son envol vers Mars au moyen d’une fusée Proton de Roscosmos était programmé pour septembre prochain. Mais il a fallu suspendre les préparatifs vu la guerre en Ukraine.

Share This