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Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be

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Du confinement et de ses bienfaits ignorés

De près de 2 ans d’un confinement imposé, on a surtout retenu l’essentiel des effets négatifs. Il en a été suffisamment question que pour y revenir encore. Ce que le temps qui passe et l’accumulation des recherches rétrospectives permettent, c’est de dégager, en marge, quelques effets moins connus ou ignorés de cette réduction de liberté. Ceux-ci peuvent se positionner dans tous les registres, de manière positive et parfois moins glorieuse. On a fait remarquer qu’en dépit de quelques bonnes résolutions affichées, nombre de contemporains sont malheureusement retombés dans les travers d’avant confinement, avec tous les excès d’achats addictifs et compensatoires que cela implique. Mais d’autres ont pris la mesure des effets bénéfiques d’une saine dépense d’énergie, ainsi que des effets environnementaux du télétravail: réduction de la consommation de carburants et des pollutions associées, gain de temps à consacrer à d’autres activités, etc. Tout cela a pu être évalué sans difficulté au niveau individuel.

Mais il existe d’autres effets qui n’apparaissent qu’avec le temps et à la faveur de mesures spécialisées. La teneur en ozone de l’air, par exemple. On n’évoque souvent ce gaz que pour sa raréfaction saisonnière dans la haute couche atmosphérique (stratosphère) dans l’hémisphère sud, plus rarement pour ses effets hautement toxiques dans les couches plus basses (troposphère). Sauf pendant les quelques jours de fortes chaleurs (quand il y en a…) où la proportion de ce gaz (O3) devient trop élevée dans les zones plus massivement polluées. S’il réverbère, en altitude, comme tous les gaz composés de 3 atomes au moins, une partie du rayonnement solaire – et en particulier ceux qui sont les plus dangereux pour la peau – il est aussi, au niveau du sol un puissant oxydant. Il est donc dangereux pour les muqueuses où il peut à la longue provoquer quelques dégâts au niveau des respiratoires notamment. D’où quelques conseils de prudence parfois rappelés en été, à l’usage des enfants et des personnes sensibles.

Des études ont montré que la réduction du trafic et celle de l’activité industrielle, notamment en Chine et aux États-Unis, ont mené à une réduction substantielle à la fois de ce gaz et de ceux qui y sont associés, comme les oxydes d’azotes (NOx). Il s’agit d’un de ces effets collatéraux favorables des confinements. Va-t-il s’inscrire favorablement dans le temps ? Ça, c’est une autre histoire… 

   Science, 2021; 372: 1163

 
Les oiseaux ont-ils du flair ?

Quelques idées bien arrêtées savent avoir la vie longue. La science n’en est pas exempte. Un des exemples qui connaît aujourd’hui de multiples corrections dans la presse scientifique est l’odorat des oiseaux. Pendant longtemps en effet, on a pensé qu’ils n’en avaient pas ou peu. C’est vrai qu’ils ont de quoi compenser, en particulier avec une vue qui leur permet d’embrasser tout l’espace avec une acuité à nous rendre jaloux. Ils ont aussi, pour certaines espèces (notamment migratrices) la faculté de se situer par rapport à l’axe magnétique du globe et se fixer ainsi un axe migratoire ou retrouver leur nid. Il nous faut donc aujourd’hui revoir encore notre copie. Non seulement les oiseaux ont de l’odorat, mais ils semblent en avoir bien davantage que nous, les humains, preuves génétiques à l’appui. 

Si ce n’est pour l’«intérêt» scientifique, en quoi ce genre de découverte a-t-elle une quelconque importance ? On va le voir, cette importance peut être multiple et pratique. Qui, par exemple, n’a pas vu des centaines de mouettes suivre un tracteur dans son travail des champs pour, dans sa foulée, prélever du sol retourné vers et insectes. Comment font-elles ? Une réponse: l’odeur. D’où une idée qui n’a rien de saugrenu: ne pourrait-on pas diffuser dans l’atmosphère rurale, à certaines périodes, ce qui attire les insectivores dans les champs et les jardins ? Des odeurs neutres pour les humains mais attractives pour les prédateurs qui feraient faire l’économie de pesticides divers tout en favorisant la bombance de nuisibles. Et puis, un peu plus de mésanges dans un jardin, cela ne manque pas de charme, non ? Des applications sont-elles déjà en cours de validation à grande échelle ? Peut-être. Le bon sens étant de faire en sorte que la présence plus massive d’oiseaux ne soit pas une nuisance plus importance que celle des insectes. J’espère qu’on y pense…

   Science, 2021; 373: 143-144 et 154-155

La mort programmée

Le mythe de l’immortalité hante l’homme depuis qu’il a pris conscience de sa fin inéluctable. Avec le temps, l’avancement des connaissances et de la science en général, c’est plus raisonnablement l’allongement de la durée de vie qui s’est petit à petit imposée. Avoir une vie limitée certes, mais longue et en bonne santé, ce qui substitue intuitivement l’idée de longévité à celle de vieillissement, plus péjorative. La longévité n’est pas acquise d’office à la naissance. La génétique – en dehors des pathologies qui hypothèquent lourdement la durée de vie – intervient pour 30% déjà, mais ce sont les facteurs non héréditaires (en particulier environnementaux) qui se paient la part la plus importante dans les 70% résiduels. Et ces facteurs peuvent bien entendu avoir un effet cumulatif sur lequel chacun peut jouer favorablement. Faut-il rappeler à ce propos que la stratégie la plus opérante pour prolonger la vie tient à la restriction calorique ? Les expériences menées chez l’animal dont la souris et le singe primate l’ont clairement montré. On sait par ailleurs que certaines addictions qui ont la vie dure réduisent substantiellement la durée de vie, en particulier en raison des pathologies graves et invalidantes induites.

Et les télomères, alors ? Pour mémoire, il s’agit des extrémités de chacun des chromosomes qui ont la particularité, dès la fin du développement embryonnaire, de perdre une partie de leur longueur, «datant» de la sorte l’état de vieillissement des cellules qui les renferment. Une cellule du corps humain se multiplie en théorie et en moyenne une cinquantaine de fois, mais arrivée au terme du cycle, elle ne meurt pas pour autant: elle entre en sénescence, ce qui marque en revanche le début d’un affaiblissement progressif de ses fonctions. Cet affaiblissement procède le plus souvent d’une boucle de rétroaction positive qui implique le stress oxydant, une altération des processus de réparation de l’ADN, une augmentation de l’état inflammatoire et quelques autres de nature épigénétique qui amplifient de façon graduelle l’effet de chacun d’entre eux. Cette lente érosion métabolique est celle qui explique la survenue des maladies dites liées à l’âge, comme l’athérosclérose, l’arthrose, l’insulinorésistance et autres joyeusetés du genre. Le tableau ne s’arrête pas encore à cela: il faut aussi compter avec une incidence d’infections virales et bactériennes plus grandes et une réduction massive des cellules souches. Les télomères évoqués peuvent être en partie reconstitués par une enzyme spécialisée, la télomérase. Est-ce suffisant pour enrayer le processus ? L’enrayer, non. Le ralentir, peut-être, comme l’ont montré des expériences menées chez l’animal.

Au final, que nous reste-t-il à faire ? Réduire les causes de vieillissement prématuré en optant pour un environnement sain, une alimentation qui l’est aussi et qui soit réduite à nos seuls besoins. Une accumulation d’excès, on le sait, peut se montrer cause de pathologies menant à une fin de vie parfois difficile et écourtée. La fin viendra de toutes façons. On peut se consoler en remarquant que dès l’instant que nous avons transmis notre ADN à la génération suivante, nous avons participé à un long processus évolutif qui a commencé avec des organismes unicellulaires il y a 3,5 milliards d’années et qui est au moins arrivé jusqu’à nous. Et un tel bail, c’est presque déjà l’éternité ! 

   Médecine/sciences, 2020; 36: 1113-1116

Plastiques à la nage

Évoquer la présence de matières plastiques dans les mers et océans relève malheureusement aujourd’hui du lieu commun, tant la réalité est inscrite dans les esprits et malheureusement aussi dans les faits. Prévues pour être imperméables et résistantes au temps qui passe, ces matières si associées à notre quotidien ont tout, en cas d’arrivée dans l’eau, pour y rester longtemps. Et comme la production se poursuit à cadence élevée dans des usines bien terrestres, la présence dans l’eau a tendance à devenir hautement cumulative tant que des dispositions ne sont pas prises pour en contrôler la destruction ou le recyclage intégral. On en est loin. On estime à 6% le recyclage et 8,5% l’incinération. Le reste ? Un usage continu pour 30,1% (seaux, boîtes de conservation alimentaire, etc.) et le solde, soit 55,4%, est jeté en décharge… ou ailleurs. Plus de la moitié, par conséquent.

Ce solde massif est fait d’emballages pour près de la moitié (47%), le reste étant constitué de déchets divers et de toutes tailles, de la microparticule de pneu au filet de pêche. Certains flottent en surface où, si on met les moyens techniques nécessaires en œuvre, on peut les repêcher. Certes pas tous: des micro plastiques s’y retrouvent aussi massivement qui échapperaient à toute tentative mécanique de récupération. D’autres sédimentent sur les hauts et bas fonds où ils peuvent altérer les formes de vie qui s’y trouvent, comme les coraux. Il y a enfin tout ce qui flotte entre deux eaux, là où les poissons, les mammifères marins, les tortues peuvent les confondre avec des proies potentielles ou s’y faire prendre malheureusement comme dans un garrot. Les nano plastiques y seraient aussi les plus nombreux, ballottés par les mouvements des courants océaniques.

La situation est-elle sans retour ? Peut-être pas; en tout cas pour ce qui doit être produit à l’avenir. La collecte menant à la destruction, et idéalement au recyclage, mérite d’être optimalisée. Elle ne le sera que si ce secteur atteint un niveau de rentabilité économique. On sait aussi que l’usage définit une foule de plastiques différents par leur nature chimique. Les PET (Polyéthylène téréphtalates) sont les plus abondants. Or, leur recyclage est normalement maîtrisé. Il s’agit de polymères qui peuvent être décomposés en unités de base par l’action successive de deux enzymes, la PETase et la MHETase. Les unités rendues à leur forme la plus simple (éthylène glycol et acide téréphtalique) sont alors prêtes pour une nouvelle polymérisation industrielle, les faisant échapper à un rejet aveugle dans un environnement qui n’est pas fait pour les accumuler. On sait enfin que des bactéries semblent capables de dégrader certaines des matières plastiques, bien qu’encore à un niveau bien modeste.

Récupération des déchets en surface des eaux, recyclage industriel massif des composants les plus abondants et dégradation fine et contrôlée: voilà 3 solutions à mettre en œuvre pour au moins atténuer la charge polluante cumulative. Encore faut-il qu’une volonté existe de s’y investir… 

   Science, 2021; 373: 34-39

Neandertal le séducteur ?

Si l’homme de Neandertal reparaît de façon épisodique dans la presse scientifique, c’est parce qu’il le mérite sans doute, mais aussi parce que la recherche le dévoile régulièrement un peu davantage. Jadis et pendant longtemps considéré comme une brute épaisse, il s’est affiné avec le temps, ce qui ne devrait pas nous déplaire puisque d’Engis à Spy, ce lointain cousin doit beaucoup – pour ce qu’on sait de lui – à son terroir wallon. S’il n’est pas originaire d’Eurasie (ce qui n’est pas avéré), c’est là qu’il a vécu le plus longtemps, dans des conditions qui n’étaient pas les meilleures, puisqu’il était contemporain des dernières glaciations. Il était présent il y a plus de 400 000 ans et aurait disparu il y a 32 à 39 000 ans, toutes ces datations étant susceptibles de s’affiner encore.

Si sa morphologie ne correspond pas trop aux canons actuels de la beauté, Neandertal n’en a pas moins procédé à quelques échanges peu diplomatiques avec des espèces ou sous-espèces d’Homo apparentées, comme en témoignent des publications récentes. On sait déjà depuis quelques années qu’il a habité, à l’Est, l’Asie centrale et même la Sibérie où il a fréquenté de très près l’Homme (disons la femme…) de Denisova. Ce sont des sites de fouilles dont on a exhumé des vestiges soumis tant à l’examen morphologique que génétique qui en témoignent. Pour l’occasion, on a pu affiner la connaissance que l’on a de son ADN, ce qui nous en dira davantage sur ce que nos génomes ont en commun. Déjà, on sait qu’en bons contemporains, Neandertal et sapiens ont aussi partagé des gentillesses ce qui vaut à l’Homme moderne de posséder 2 à 3% environ de gènes de ce cousin. Est-ce tout ? Apparemment non, puisque des vestiges exhumés du sol d’Israël, datés de 140 000 à 120 000 ans d’ici et soumis à examen génétique, tendraient à démontrer que Neandertal, passant par là, aurait acquis un peu de génome plus archaïque et, partant, non européen.

Le territoire occupé par ce cousin lointain pendant plusieurs centaines de milliers d’années était vaste, mais cela ne l’aurait pas empêché – sans doute pour y trouver des conditions de survie plus favorables – d’aller vers le sud. À ce propos, il n’est pas inutile de se souvenir que les importantes variations climatiques traversées ont eu des répercussions sur le niveau des mers et océans, permettant à leurs contemporains de gagner des territoires que des bras de mers rendent plus complexes à gagner aujourd’hui.

Les quelques pourcents que Neandertal nous a légués sont donc mâtinés d’acquisitions glanées de-ci, de-là. On ne va pas l’en accuser à quelques dizaines de milliers d’années de distance. Et puis après tout, ne lui doit-on pas une part de notre richesse génétique ? 

   Science, 2021; 372: 1424-1433 

BIOZOOM

On ne le voit pas sur cette photo mais si vous blessez un dragonnier de Socotra (Dracaena cinnabari), c’est du sang qui coulera. Enfin, plutôt de la résine rouge dite sang-dragon. Selon la légende, ces arbres endémiques de l’île de Socotra (Yémen, Océan indien) seraient nés là où le sang de Ladon, le dragon à 100 têtes terrassé par Hercule, a coulé. Grâce à leur feuillage en forme de parasol et leur hauteur (jusqu’à 12 m), ils parviennent à capter l’eau suffisante à leur survie dans cet environnement montagneux et aride. Ils fournissent par la même occasion un bel abri pour les oiseaux ou animaux qui cherchent de la fraîcheur. Rares arbres présents sur cette île, ils sont aujourd’hui menacés par un climat de plus en plus sec, un nombre croissant de tempêtes et surtout par les chèvres et moutons qui grignotent tout sur leur passage, y compris les jeunes pousses, à qui il faut une centaine d’années pour devenir adultes… 

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