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Thibault GRANDJEAN • grandjean.thibault@gmail.com

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Des «robots vivants» à  l’UNamur !

Si l’on vous parle de robots, il y a fort à parier que l’image qui vous vienne à l’esprit soit celle d’un androïde sophistiqué. À moins que vous ne pensiez à un de ces appareils qui s’invitent dans notre quotidien, comme les aspirateurs autonomes. Bref, vous songerez avant tout à une machine, faite de câbles et de puces électroniques, et non à un être vivant. Aujourd’hui, pourtant, la frontière entre les 2 est de plus en plus mince, et le projet européen BABots (pour Biological Animals roBOTS), coordonné par le Pr Elio Tuci de l’Université de Namur, n’est guère fait pour rétablir un semblant de clarté. Il ambitionne en effet d’utiliser Caenorhabtidis elegans (souvent abrégé C. elegans), un petit ver nématode d’1 mm de long, afin d’en reprogrammer le système nerveux pour effectuer de nouvelles tâches.

À l’heure actuelle, et en dépit des progrès de la miniaturisation, aucun laboratoire n’est capable de produire un robot à la fois suffisamment petit et doté de dispositifs de perception ou de traitement de l’information. Les chercheurs se sont alors demandé s’ils ne pouvaient pas utiliser directement ce que produit la nature. C. elegans est bien connu de nombreux laboratoires: non sentient et ne ressentant pas la douleur, ce ver est utilisé depuis les années 60 comme organisme modèle pour l’étude des neurones ou de la génétique. Par exemple, il a déjà été modifié génétiquement afin d’agir comme biosenseur, en s’illuminant au contact de divers polluants.

Ici, les chercheurs espèrent aller encore plus loin et remanier des pans entiers de leur système nerveux. Dans un premier temps, le projet consistera alors à reprogrammer ces animaux afin de leur permettre de détecter et éliminer des pathogènes comme des bactéries (leur nourriture préférée). Mais l’ambition réelle de BABots est de tester ces organismes dans des environnements strictement contrôlés comme l’agriculture verticale, afin de protéger les plantes contre des pathogènes spécifiques.

Ces «vers élégants» présentent l’avantage d’être faciles à alimenter, à reproduire et éventuellement à dégrader si nécessaire. Ils disposent d’un haut degré de flexibilité et de sophistication, ainsi que d’une sensibilité, d’une agilité et d’une compatibilité avec les autres organismes vivants bien supérieures à n’importe quelle machine. Ils sont en outre dotés d’une capacité de coopération qui intéresse grandement les scientifiques, qui espèrent pouvoir également agir sur cette propriété et ainsi faire émerger de nouveaux comportements. À long terme, ce programme ambitionne de démontrer l’utilité des BABots dans des domaines aussi variés que la distribution de fertilisants, la délivrance de médicaments directement dans le corps humain ou l’assainissement des eaux usées.

Alors s’agit-il d’animaux, de robots, ou des 2 ? En réalité, ce projet touche là aux limites du vivant, ce que l’on nomme la biologie synthétique. Cette discipline a pour ambition de fabriquer des xénobots, c’est-à-dire des organismes qui n’existent pas sur terre, à partir d’éléments vivants. Ainsi, si C. elegans existe à l’état naturel, le ver modifié par les chercheurs sera, lui, une nouvelle création, capable d’un comportement nouveau qui n’existait pas auparavant. Si des xénobots existent déjà en laboratoire, l’utilisation d’organismes aussi complexes est une première.

Tout ceci soulève de grandes questions éthiques et juridiques quant aux limites de ce qui est naturel ou non, et de ce qu’un laboratoire ou une firme peut s’approprier. C’est pourquoi ce projet comportera une équipe qui travaillera sur la conception d’un cadre éthique, qui analysera en profondeur les implications par rapport aux règles actuelles autour de la brevetabilité du vivant. Outre l’UNamur, ce projet multidisciplinaire fera appel à des organismes prestigieux comme le Département de neurobiologie médicale de l’Université hébraïque de Jérusalem, ou encore l’Institut Max Planck de neurobiologie du comportement et celui du comportement animal.

www.babots.eu

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L’ACTU DES LABOS 

Un antibiotique dans le lait de lune

Contrairement à son nom, le lait de lune ne provient pas de notre satellite naturel. Il s’agit d’un dépôt pâteux que l’on retrouve fréquemment dans les grottes calcaires, et qui est utilisé dans la médecine traditionnelle humaine et vétérinaire comme agent anti-infectieux. Nombre de nos antibiotiques utilisés aujourd’hui ont une origine naturelle, et c’est pourquoi des chercheurs du centre d’ingénierie des protéines de l’Université de Liège ont eu la curiosité d’en analyser la flore microbienne. Leurs échantillons, récoltés dans les grottes wallonnes du plateau condrusien, ont mis en évidence divers actinomycètes, une classe de bactéries à l’origine de plusieurs de nos antibiotiques actuels. Mais la véritable surprise est venue de l’analyse de leur génome, qui a révélé plusieurs séquences codant pour des molécules encore inconnues.

En collaboration avec HEDERA-22, une spin-off de l’ULiège spécialisée dans la découverte et la production de biomolécules d’intérêt thérapeutique, des bactéries ont été extirpées de leur milieu naturel et mises en culture. Ces travaux ont permis d’obtenir un premier antibiotique, la lunaemycin, qui présente des propriétés intéressantes, notamment contre les bactéries Gram-positives multi-résistantes. De nombreux tests doivent encore être menés pour évaluer si cet antibiotique sera un jour exploitable, mais ces travaux sont d’ores et déjà bienvenus dans la course perpétuelle aux nouvelles molécules antibactériennes.

www.uliege.be

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Le gaz qatarien sensible aux marées noires

Situé sur la côte Est de la péninsule arabique, le Qatar fait face au Golfe Persique. Première réserve mondiale de pétrole, cette mer est aussi une des plus polluées de la planète. En moyenne, entre 100 000 et 160 000 tonnes d’or noir y sont accidentellement déversées chaque année. 

Or, le Qatar est aussi extrêmement aride et dépend presque exclusivement de la désalinisation de l’eau de mer pour ses apports en eau potable. Une équipe de chercheurs de l’UCLouvain a mis en évidence qu’en cas de pollution, la protection des stations de désalinisation entrainera également une grande perturbation, voire la fermeture des ports. 

Une affaire sensible alors que la guerre en Ukraine a contraint l’Europe à trouver des alternatives au gaz russe en se tournant notamment vers le gaz qatarien acheminé par méthanier.

   T. Anselain et al., Nature Sustainability, 2022.

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Un sablier au cœur des neurones

Contrairement aux autres espèces, le cerveau humain se développe lentement. Jusqu’à plusieurs années lui sont nécessaires afin d’atteindre sa pleine maturité. Mais qu’est ce qui décide de la durée de développement des neurones eux-mêmes ?  Car qu’ils soient cultivés in vitro ou greffés dans un autre organisme, les neurones gardent la vitesse de développement propre à leur espèce. Une équipe de chercheurs de de l’ULB et de la KU Leuven s’est penchée sur ce problème en ciblant spécifiquement les mitochondries, de petits organites qui jouent le rôle de centrale d’énergie de nos cellules. Les biologistes ont alors découvert que ces dernières jouent  un rôle de «sablier intracellulaire», via le  métabolisme du glucose et leur activité oxydative. Ces recherches ouvrent la voie à des techniques de  maturation plus rapides  des neurones en laboratoire, un gain de temps considérable pour l’étude des maladies neurologiques.

   Iwata et al., Science, 2023

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Une charte scellée restituée à la Belgique

La restitution par les musées d’objets du patrimoine à leur pays d’origine ne concerne pas que les cas emblématiques liés au passé colonial ou à des sites comme le Parthénon en Grèce. Une charte scellée datant de 1176 a été rendue à la Belgique par le Metropolitan Museum de New York. Anciennement conservée à l’Abbaye de Messines, elle avait disparu pendant la première Guerre Mondiale lors de la destruction du bâtiment, avant son acquisition par le musée en 1923.