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Mimétisme ou l’art d’arnaquer les autres

Laetitia MESPOUILLE • info@curiokids.net

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Et si on te disait que la nature pouvait te jouer des tours ? En jetant un coup d’œil attentif à ton environnement, tu noteras qu’il existe de nombreuses espèces, animales ou végétales, qui ressemblent à d’autres espèces. Est-ce le fruit du hasard ? Pas vraiment !
 

En imitant d’autres espèces ou des objets par la ressemblance ou le comportement, un animal, par exemple, peut se cacher de ses prédateurs ou lui faire croire qu’il est plus dangereux que lui. C’est comme un jeu de cache-cache à l’échelle du monde pour ­assurer sa survie. Les espèces mimétiques sont nombreuses à ­effectuer ce tour de passe-passe: citons par exemple le phasme gaulois, le poisson feuille, le papillon vice-roi, ­l’hippocampe pygmée, la chenille du sphinx et bien d’autres encore. Tentons de les ­débusquer ensemble !

Le mimétisme, c’est quoi ?

Pour faire simple, le mimétisme c’est la capacité de certaines espèces à copier l’apparence ou le comportement d’autres organismes pour duper un autre être vivant. Comme s’ils prenaient le polynectar dans Harry Potter, sauf qu’ici, ce n’est pas une potion.

Autant présent dans le royaume animal que végétal, le mimétisme permet à certains êtres vivants d’augmenter leur espérance de vie, de se nourrir ou de faciliter la reproduction. Il existe différentes formes de mimétismes. Le mimétisme visuel est le plus spectaculaire: l’être vivant imite ­l’apparence physique d’une autre espèce comme ses ­couleurs, sa forme. Par exemple le syrphe ­(syrphus ribesii) est une petite mouche inoffensive et sans dard. Cependant, elle ressemble fortement à la guêpe. Ses prédateurs, par peur de se faire piquer, l’évitent autant que les guêpes !

Cependant, le monde du mimétisme va bien au-delà de la confusion visuelle. Certaines espèces exploitent le mimétisme ­comportemental, olfactif ou encore acoustique comme stratégie infaillible pour se défendre ou se reproduire. La suite de ce dossier te montrera comment. 

Le phasme gaulois se prend pour une branche

Les acteurs du mimétisme

Quand on parle de mimétisme, il faut savoir qu’il y a 3 acteurs importants:

1) Le model: un être vivant (ou non) qui sera imité.

2) Le mime: l’être vivant qui imite le model.

3) Le dupé: l’être vivant qui sera trompé par le mime. Celui-ci appartiendra ­toujours au règne animal.

Rien de tel qu’un exemple pour illustrer le concept. Prenons la mante orchidée (Hymenopus ­coronatus). Cet insecte (le mime) ressemble très fort à une orchidée, une fleur tropicale (le model). Cette petite bestiole mesurant 3 à 6 cm se camouffle en s’installant sur les pétales de la fleur. Elle est pratiquement invisible. Quand un papillon pollinisateur (le dupé) s’approche pour butiner l’orchidée, la mante le saisit avec ses mâchoires et le dévore. Un exemple qui permet à la mante de se nourrir d’insectes volants en faisant le moins d’efforts possible. Fûtée non ?

Au sein même de la fleur, on a du mal à l’apercevoir  !

La mante orchidée se régale de son festin

   Le truc de ouf !

UNE TOUR BAOBAB INSPIREE DE LA NATURE AU SENEGAL

Un immense bâtiment baobab d’une hauteur de 290 m et d’un tronc de 50 m de diamètre verra le jour à Dakar, la capitale du Sénégal. L’originalité de cette tour va bien au-delà de sa forme en baobab, un arbre emblématique de l’Afrique. Elle sera énergétiquement autonome, produira sa propre eau et mobilisera des ressources locales pour sa construction. 

La construction, parlons-en ! Sa façade sera réalisée par impression 3D. Une technique d’ingénierie robotisée qui utilisera l’argile du sol pour imprimer la façade. Ensuite, les panneaux vitrés, composés de cellules photovoltaïques transparentes, produiront de l’électricité.  L’eau de pluie sera récupérée par des membranes et envoyée vers une station de traitement pour la rendre potable. Au sommet, des micro-forêts dédiées à la faune et à la flore africaines seront créées. Le dessin de la façade s’inspire de la croissance d’organismes biologiques. Un motif unique au monde que l’on pourra observer dans un futur proche.  

La Tower of Life, …

… un exemple de biomimétisme architectural

   Le savais-tu ?

LE MIMÉTISME, UNE STRATÉGIE VIEILLE DE 270 MILLIONS D’ANNÉES

Le mimétisme n’est pas neuf. Les espèces animales exploitent cette stratégie depuis des millions  d’années. À ce jour, les recherches menées sur une aile de sauterelle fossilisée montrent que cet insecte exploitait déjà cette stratégie de mimétisme en prenant l’apparence d’une feuille d’arbre. 

Plus précisément, les ailes de la sauterelle ont l’apparence de l’espèce végétale préhistorique Taeniopteris, une espèce végétale présente dans cette région de la France à la même période. Ce fossile, découvert dans un gisement des Alpes-Maritimes, date de 270 millions d’années. Juste avant les premières plantes à fleurs. 

 
À quoi ça sert d’imiter les autres ?

Nous te le disions, le mimétisme dans la nature n’est pas dû au hasard. Si certaines espèces imitent une feuille d’arbre ou un caillou, c’est pour une bonne raison: assurer sa survie. Plus précisément, le mimétisme sert à se défendre des prédateurs, chasser ses proies plus facilement, passer inaperçu ou faciliter la reproduction. Autant de fonctions vitales pour les espèces animales et végétales. 

SE DÉFENDRE DES PRÉDATEURS

Quand on est une proie, il faut pouvoir se défendre sinon on termine dans l’estomac de son prédateur. Mais quand on n’a pas de dard comme l’abeille, ou de piquants comme le hérisson, il faut trouver une parade. Pour échapper à cette dure loi de la nature, ressembler à une espèce dangereuse ou toxique s’avère être une stratégie plus qu’intéressante.

CHASSER INCOGNITO

Certains prédateurs aussi nous la jouent à l’envers. Pour assurer leur festin, certains prédateurs ont la capacité d’imiter une espèce inoffensive, pour s’approcher en douce de leur proie. Tout comme le loup qui se déguise en brebis dans le conte. Un bel exemple est l’araignée argiope argentée (Argiope argentata). Cet arthropode tisse des toiles avec des motifs originaux, ressemblant aux motifs de certaines fleurs. Les abeilles, attirées par ce qu’elles pensent être du nectar, se jettent dans la toile. Et voilà, le repas est servi.

SÉDUIRE SA BELLE SANS EFFORT

Certains poissons mâles se font passer pour des femelles pour les approcher plus facilement en période de reproduction. C’est le cas par exemple du poisson Blennie paon (Salaria pavo). En période de reproduction, la femelle ondule d’une certaine manière et présente une couleur définie. Une fois les œufs pondus, le mâle garde le nid jusqu’à l’éclosion. Mais il arrive qu’un mâle se fasse passer pour une femelle en ondulant de la même manière, pour s’approcher du nid avant la ponte des œufs. Il arrose le nid de sa semence. Avec un peu de chance, un ou plusieurs œufs seront fécondés.

DISPARAITRE EN 2 SECONDES

Le camouflage, ou l’art de se cacher, est une stratégie répandue sur terre comme dans les mers. Le meilleur exemple est l’hippocampe pygmée (Hippocampus bargibanti) dont la capacité de camouflage est telle qu’il n’a été découvert qu’en 1969. Ce poisson rikiki de 2 cm à tête de cheval a l’apparence de la gorgone Muricella, une cousine des coraux. Son corps et sa couleur imitent à la perfection celui de la gorgone. Si bien que son prédateur, le poisson-faucon à long nez, a du mal à le distinguer.

Et toi, tu l’avais vu ?

ACTU Science

LE BIOMIMETISME: QUAND LA NATURE INSPIRE LES  SCIENTIFIQUES

Qu’il s’agisse de se soigner, se déplacer, se défendre ou créer des outils pour la vie de tous les jours, l’homme s’est toujours inspiré de la nature. Et il a raison. Autour de nous, les plantes, les animaux et les bactéries ont prospéré sur la terre grâce à un ensemble d’expériences. Notre planète est en réalité un immense laboratoire qui date de plus de 3,8 milliards d’années et dont les résultats de la recherche sont présentés autour de nous: la nature. Le fait d’imiter la nature pour transposer ses solutions dans nos technologies s’appelle le biomimétisme. Les premiers hommes utilisaient des cailloux en forme de dents pour garnir leurs flèches. Depuis, la nature a été un modèle pour l’homme. Créer des médicaments révolutionnaires, de nouveaux matériaux, des bâtiments plus durables, des textiles pour le sport,… voici autant d’exemples d’applications inspirées par la nature pour solutionner de grands problèmes. Il faut que tu saches que la nature fonctionne toujours selon un principe d’économie d’énergie, de fonctionnement optimal et sans production de déchet. Tout se récupère. En biomimétique, on s’attache à ces mêmes principes . Imiter la nature pour des applications durables et respectueuses de l’environnement. C’est un domaine dans lequel la recherche investit énormément d’argent car les enjeux sont cruciaux pour apporter des solutions efficaces et durables, sans nuire à notre planète.

Léonard De Vinci s’est inspiré des oiseaux pour imaginer ses machines volantes

 
Le caca, c’est pas bon

Ressembler à un caca d’oiseau, une fiente pour parler correctement, est la stratégie appliquée par la chenille du papillon porte-queue (Papilio cresphontes). Ce grand papillon diurne vivant au Canada est très grand. Son envergure peut atteindre les 11 cm. Sa larve, la chenille, est de couleur marron et blanche, à l’image d’une fiente d’oiseau. Une manière de prendre son petit déjeuner tranquillement sur une feuille d’arbre sans se faire attaquer.

Cette chenille donne tout sauf envie de la manger ! Beurk !

Le selfie du jour

LES ORCHIDEES OPHRYS

Orchidée mouche, orchidée araignée, orchidée abeille, voici des fleurs qui ne se gênent pas pour tromper les insectes pollinisateurs. Un de leurs pétales, appelé lèvre, ou encore labelle, est plus long et bien particulier. Ce pétale prend l’apparence d’une femelle abeille ou guêpe. Les mâles, qui espèrent se reproduire avec la soi-disant femelle, visitent la fleur. Pas de chance, ce n’était pas une jolie demoiselle ! Cependant, le mâle ne repart pas bredouille, il se charge de pollens et poursuit son chemin. Pourquoi les orchidées trompent-elles les insectes ? Certainement pas pour les manger. Mais parce qu’elles ont besoin d’eux pour polliniser d’autres orchidées et assurer la reproduction de ces fleurs. 

 
Chenille ou vipère ?

Il n’y a pas que la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ! La chenille du Sphinx (Hemeroplanes ornatus), un papillon des forêts tropicales humides d’Amérique centrale, a une bien étrange manière de se défendre. Quand elle est menacée, cette chenille verte gonfle sa tête et son thorax pour prendre l’apparence d’une petite vipère. La couleur, la forme triangulaire de la tête et même les écailles. Ce n’est pas tout, elle pousse le mimétisme jusqu’à imiter l’ondulation de la vipère en situation d’attaque. Une aptitude remarquable qui fait fuir ses prédateurs, alors qu’elle n’a pas de venin. 

Séduire pour mieux te manger

Le ballet des lucioles est envoutant et merveilleux pour ceux qui ont la chance de les voir. Ces petites lumières clignotantes dans l’obscurité sont en réalité des messages envoyés entre mâles et femelles en saison de reproduction. Le mâle reconnait le signal d’une femelle de sa propre espèce. Quand la femelle est disposée à se reproduire avec un mâle, elle lui fait comprendre qu’il peut voler jusqu’à elle. Durant cette période, les lucioles adultes se nourrissent peu. Sauf les lucioles femelles du genre Photuris. Ces femelles imitent le signal lumineux des femelles du genre Photinus pour attirer les mâles. Le mâle attiré par la femelle est saisi et mangé dès son atterrissage. Par contre, elles ne mangent pas les mâles de leur propre espèce. Il ne faut pas exagérer non plus !

Des feuilles mortes ? Non, un gecko très malin !

Le gecko satanique est un amusant spécimen. Ce gecko, Uroplanus phantasticus de son petit nom, a un corps brun, et parsemé de lignes qui rappellent les nervures des feuilles. Avec sa queue en forme de feuille morte, ce petit malin habitant les forêts humides de Madagascar, disparait en un éclair dans la végétation. 

 
Les différentes formes de mimétisme

1) MIMÉTISME BATÉSIEN

Une bonne stratégie de survie est de se faire passer pour plus méchant qu’on ne l’est. ­Certains êtres vivants imitent alors des modèles dangereux appartenant à d’autres espèces. Des modèles qui ont soit des épines ou des aiguilles, soit qui émettent des ­substances chimiques toxiques comme le venin. Le ­prédateur ne faisant pas la différence entre ­l’espèce toxique et l’espèce ­inoffensive, ­s’abstient de le manger. Voilà comment ­certaines espèces trompent leurs ennemis pour se défendre. C’est comme si tu portais un kimono et une ceinture noire de karaté sans avoir suivi de formation. Ton ennemi, devant ton habit de karateka, fera certainement demi-tour. C’est le scientifique britannique Henry Walter Bates qui a étudié cette forme de ­mimétisme au 19e siècle. De nombreuses espèces parmi les papillons, les serpents, les fourmis, les guêpes, les pieuvres exploitent cette stratégie pour se jouer de leurs prédateurs.

2) MIMÉTISME MULLÉRIEN

Certaines espèces, toutes toxiques ou ­dangereuses, adoptent les mêmes formes ou couleurs. Comme ils se ressemblent tous, ces animaux se protègent les uns les autres contre les prédateurs. Le prédateur ne doute pas, il sait par expérience que ces êtres-­vivants-là seront immangeables voire ­mortels. Pour bien comprendre, imagine que tu es vraiment ­ceinture noire de karaté. Ton kimono blanc ressemble à celui de Judo, d’Aïkido, de jujitsu… autant d’arts martiaux différents assurant la protection. Pour tout le monde, ton kimono blanc et ta ceinture veulent dire «attention, je peux te mettre KO !», sans même pouvoir faire la différence entre les différents kimonos. Et bien c’est pareil ici avec cette forme de mimétisme découvert par Fritz Müller, un zoologue allemand lui aussi du 19e siècle. 

3) AUTOMIMÉTISME

L’automimétisme s’opère au sein d’une même espèce. Soit en consommant des plantes qui ­rendront leur goût détestable, soit en affichant sur leur corps un œil ou une tête. Dans le premier cas, le papillon Monarque est un papillon ­apprécié des geais bleus. Cependant, ce papillon a un goût détestable quand il se nourrit sur sa plante: ­l’asclepias. À un point tel que l’oiseau le vomit s’il tente de le manger. Dans l’autre cas, certains animaux présentent un œil ou un visage sur leur corps. Les ailes du papillon bleu Strymon melinus comportent le dessin d’une fausse tête. Si bien que l’araignée sauteuse ou les oiseaux ­s’attaquent aux ailes et non à la tête de l’animal, avec une chance plus grande pour lui de s’échapper.

4) CAMOUFLAGE

Le camouflage est une stratégie différente puisque l’espèce animale imitera son environ­nement pour disparaître. En prenant la couleur ou la forme d’une feuille, d’une pierre, du sable, ou d’une brindille, ces espèces mimétiques passent inaperçues. C’est pratique quand on est tout petit. Cependant, ça marche également sur les plus gros animaux. Au lieu de prendre la forme d’un objet, leur pelage prend la teinte de leur environ­nement. Ainsi le léopard tacheté passe inaperçu dans la brousse. La robe du zèbre est pleine de rayures, une manière de troubler son prédateur principal, le lion. Certains animaux peuvent ­changer de couleur à la demande. Ainsi le caméléon adapte la couleur de sa peau suivant qu’il soit sur un tronc d’arbre, le sable ou la terre.  

LE P’TIT DICO

PRÉDATEUR : c’est l’espèce qui mange (consomme) d’autres espèces pour vivre.

PROIE : c’est l’espèce qui est chassée par le prédateur pour être mangée.

FOSSILISÉ un procédé naturel très lent durant lequel les tissus de l’être vivant sont remplacés par des minéraux.

LARVE : c’est le premier stade de développement du «petit» après l’éclosion de l’œuf. Il achève son développement en dehors de l’œuf.

ESPÈCE : en biologie, on parle d’une espèce quand les individus peuvent se reproduire entre eux et obtenir des jeunes viables, capables de se reproduire aussi.

 
Ton p’tit LABO

Une expérience à faire avec Curiokids: «Plutôt gonflées ces bactéries !»

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