Qui est-ce?

Sandrine GARBAY

Jacqueline REMITS• jacqueline.remits@skynet.be

 
Je suis…

Aujourd’hui directrice générale du Château Guiraud depuis mai 2022. Auparavant et pendant 24 ans, j’ai été maître de chai au Château d’Yquem. Née à Bordeaux, je suis tombée toute petite dans l’univers viticole. Mes parents aiment le vin, mais ne sont pas issus de ce milieu. Un jour, en me promenant sur les quais de Bordeaux avec mon père, je découvre le mot «œnologue» sur une plaque professionnelle. Il m’explique ce que c’est et immédiatement, je pense que c’est un métier qui m’intéresserait beaucoup. Il y a l’aspect chimie, biologie du vin, des matières que j’adore au lycée, et un côté terrain et produits nobles qui m’attirent terriblement. Mais je ne bois alors pas une goutte de vin ! Ce n’est donc pas pour l’amour du vin, mais plutôt pour celui de ma région, Bordeaux. Je me dis que c’est sans doute ma voie. À la sortie du baccalauréat, je m’inscris en fac de biologie. Diplômée œnologue en 1989, j’effectue des recherches en vue de ma thèse de doctorat en sciences biologiques et médicales en recherche sur le vin à l’Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) de l’Université de Bordeaux. Ma thèse, que je passe en 1994, porte sur la fermentation malolactique des vins rouges. Un double diplôme pas si courant. Après 5 ans de recherche, ma volonté est d’être sur le terrain. Le Château d’Yquem me recrute à la sortie de ma thèse. Je peux encore faire des manips de labo tout en étant au sein d’une propriété et en contact avec le produit. Quatre ans après mon arrivée, en 1998, le maître de chai part à la retraite, à qui je succède, à 31 ans seulement. Je ne fais plus que du terrain. Comme je suis l’une des premières femmes maîtres de chai dans un grand cru de Bordeaux, cela fait pas mal de bruit. À l’époque, c’est avant-gardiste. Aujourd’hui, il y en a beaucoup plus, des directrices techniques et, depuis quelques années, des cheffes de culture, très rares à mon époque. Des petites remarques de la part de visiteurs qui me prennent pour une guide touristique, j’en ai eues !

En 2022, je tourne cette page importante. En devenant directrice générale de Château Guiraud, je prends des responsabilités transversales, de la vigne au chai, en passant par la gestion globale du cru. Un superbe défi. Parmi les objectifs, il y a la production de grands liquoreux, bien sûr, mais aussi la valorisation de grands blancs secs. Cela nous permet de continuer à produire nos grands vins liquoreux qui restent notre priorité. Mon but est de faire de mieux en mieux en qualité et de valoriser un peu plus les vins. Et, évidemment, nous allons poursuivre notre engagement bio. Avec le propriétaire, nous continuons de développer l’activité œno-touristique et l’hôtellerie haut de gamme. Par ailleurs, je trouve aussi une satisfaction intense dans l’enseignement en donnant une formation aux professionnels du vin à mon ancien Institut. 

À cette époque…

Le 14 juillet 1989, année où je suis diplômée œnologue, Paris célèbre avec faste le bicentenaire de la Révolution avec un spectacle hors du commun. En 1998, quand je deviens maître de chai, encore un 14 juillet à Paris sur les Champs-Élysées, les Français font à nouveau la fête, mais cette fois pour leur Coupe du monde de foot. Cette année-là, le fameux Château Pétrus, un Pomerol dans le Bordelais, a été noté 98 sur 100 par Robert Parker, critique en œnologie américain de référence, connu pour ses guides sur le vin. L’année 2022, quand je suis nommée directrice générale de Château Guiraud, a été idéale pour les vins de garde, ce que sont, par excellence, les sauternes.

J’ai découvert…

La recherche en œnologie progresse sans cesse, que ce soit sur les raisins ou la vinification. Aujourd’hui, on fait de plus en plus de la viticulture de précision et on s’appuie sur la science pour faire un travail plus précis, pour raisonner nos pratiques agricoles, mais aussi au niveau du chai et de la vinification. De gros progrès ont été faits, notamment sur la typicité des vins, une meilleure maîtrise du fruité. Cela a beaucoup aidé les œnologues que nous sommes à mieux exprimer nos terroirs, nos identités et le fruité de nos vins.

Ce qui caractérise l’assemblage et l’élevage du Château d’Yquem, c’est le terroir exceptionnel avec ce savoir-faire de vins liquoreux ancré dans l’équipe. Le vignoble couvre une mosaïque de sols différents avec de l’argile magnifique qui donne une complexité particulière. Être situé sur un des points culminants de Sauternes lui vaut des températures légèrement supérieures, d’où un mûrissement plus précoce, des courants d’air permanents garantissant un bon séchage des raisins, point important pour un développement équilibré du botrytis. Ce petit champignon donne des misères dans la plupart des vignobles, mais il est sublimé quand on produit de grands vins liquoreux. Pour la vinification, nous sommes très rigoureux sur la sélection des raisins. Nos vendangeurs sont expérimentés pour choisir les plus belles grappes. Une vendange par tri successive. Pour les vins liquoreux, on coupe des morceaux de grappes, jamais des grappes entières. En moyenne, on passe 4 à 5 fois sur chaque pied de vigne pour aller ramasser cette vendange botrytisée au fur et à mesure du développement du champignon. Le gros travail pour nos vins liquoreux, c’est cette vendange particulière avec ce savoir-faire de tri. Elle démarre, en général, mi-septembre pour se terminer début novembre. Une fois le raisin ramassé, il est pressé le plus vite possible pour extraire le jus. Le moût de raisin est mis à fermenter en barriques de chêne français neuves, avec les levures naturelles pendant 3 semaines environ. Ensuite, le vin va être élevé dans ces mêmes barriques pendant 2 ans. On fait un soutirage de temps en temps pour clarifier le vin. Après, il est mis en bouteille. Classique et naturel. On procède à l’assemblage des 2 cépages, sémillon et sauvignon blanc, en sélectionnant les meilleurs lots du millésime et uniquement ceux-là. Certaines années, il arrive que nous ne sortions pas de millésime, quand la pourriture noble ne se développe pas comme on veut et qu’on n’arrive pas à faire des vins de qualité. Vu les exigences de sélection, le rendement du vignoble est petit: un pied de vigne de Château d’Yquem ne produit qu’un verre contre une bouteille ailleurs, généralement.

Au Château Guiraud, les terroirs sont assez différents, un peu plus légers, des sables, des graves et des veines argileuses. Cela donne des vins avec une identité plus légère, plus délicate aussi. La particularité de Guiraud est d’avoir une forte proportion de sauvignon. L’assemblage se fait avec 65% de sémillon et 35% de sauvignon. On est un des seuls à Sauternes à avoir cette proportion. Ce qui fait son identité.

Saviez-vous que…

Le Château d’Yquem, une propriété de plus de 400 ans d’histoire sur une centaine d’hectares, produit un premier cru supérieur de Sauternes, l’un des vins liquoreux les plus célèbres au monde. Sa production est d’environ 80 000 bouteilles par an. Ce vin ne se boit pas lors de ses jeunes années. Il doit patienter pendant 4 années avant d’être sur le marché. Il faut une dizaine d’années pour développer la palette aromatique. La conversion du Château d’Yquem à l’agriculture biologique est officielle avec certification depuis 2022. Mais le processus était déjà engagé depuis des années. 

À une centaine de mètres de là, Château Guiraud est un domaine viticole d’une centaine d’hectares aussi et situé également à Sauternes, à 45 km au sud de Bordeaux. Il est classé premier grand cru dans la classification officielle des vins de Bordeaux de 1855. Sa production est d’environ 300 000 bouteilles par an, dont 200 000 de blancs secs. Implanté dans un écrin de biodiversité, engagé depuis 1996 dans une démarche de viticulture biologique, il a été le premier des premiers grands crus à obtenir le label AB en 2011. Situé sur la Route des Vins de Bordeaux, il est ouvert au public 7 jours sur 7, accueillant en moyenne 10 000 visiteurs par an.  

 

Plus d’infos

chateauguiraud.com

 

Carte d’identité

Naissance 

6 août 1967 à Bordeaux (France)

Nationalité

Française

Situation familiale

Mariée, 2 enfants (un fils et une fille)

Diplôme 

Doctorat en sciences biologiques et  médicales, diplôme national  d’œnologie à l’Université de Bordeaux

Champs de recherche 

Microbiologie, bactéries lactiques

Distinctions 

Major de promotion et prix pour  son mémoire pour ses études  d’œnologie de la Liberté (2015)

Share This