Qui est-ce?

Rosalyn YALOW

Jacqueline REMITS• jacqueline.remits@skynet.be

 
Je suis…

Née à Manhattan dans un milieu modeste, de parents juifs immigrés d’Allemagne et d’Europe de l’Est. Dès mon enfance, je me montre têtue et déterminée. J’effectue mes études secondaires à la Walton High School, dans le Bronx. Très tôt, les mathématiques m’intéressent. Puis, ce sera la chimie, grâce à un de mes professeurs. Mes parents me rêvent instit. Mais moi, j’ai d’autres ambitions. Je veux faire des études. À 19 ans, je lis la biographie de Marie Curie, «Madame Curie», écrite par sa fille Eve. Selon moi, un livre que toute femme qui se destine aux sciences devrait avoir sur sa table de chevet. J’étudie la physique au Hunter College de l’Université de New York. Ce domaine me passionne. Hélas, mes parents ne sont pas riches et, en 1939, aucune université américaine n’accepterait d’accorder une bourse en physique à une femme. Heureusement, une possibilité s’ouvre à moi. J’accepte un poste de secrétaire à temps partiel auprès d’un éminent biochimiste. Quelques mois plus tard, une autre opportunité me permet d’aller plus loin. La Seconde Guerre mondiale a démarré et l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign offre aux femmes des bourses d’études sous forme d’un poste d’assistante à la faculté des ingénieurs. Je me retrouve unique femme au milieu de 400 membres du corps enseignant, et la seule depuis 1917 ! Dès 1941, je mène de front 3 activités, l’enseignement, la poursuite de mes études supérieures et la préparation de ma thèse de doctorat en physique nucléaire que je décroche en 1945. Entre-temps, je me marie avec Aaron Yalow, un étudiant de deuxième cycle, un de mes collègues. En 1946, je retourne au Hunter College en tant qu’enseignante en physique. Ne trouvant pas de poste de recherche, j’entre dans un laboratoire médical où je découvre la radiothérapie. Dès 1947, je deviens consultante en physique nucléaire, tout en étant chercheuse à mi-temps au Bronx Veterans Administration Hospital, l’hôpital de l’Administration des anciens combattants du Bronx, l’un des quartiers les plus pauvres de New York. En 1950, je quitte tout pour me consacrer entièrement à mes recherches et à mon nouveau service de radio-isotopie dans cet hôpital. Engagée à temps plein, j’y rencontre le Docteur Solomon Berson, médecin et physicien. Je commence à utiliser les radio-isotopes pour explorer et diagnostiquer différentes maladies. Le Dr Berson et moi travaillerons ensemble pendant plus de 20 ans pour mettre au point la méthode de dosage radio-immunologique qui aboutira à la radio-immunologie. En 1970, je suis nommée chef du laboratoire, rebaptisé plus tard Service de médecine nucléaire de l’hôpital de l’Administration des anciens combattants. En 1976, je deviens la première professeure émérite au Collège de médecine Albert-Einstein à l’Université Yeshiva. Je le quitterai en 1985 pour accepter le titre de professeure émérite à l’École de médecine du Mont-Sinaï.

À cette époque…

En 1945, l’année où je décroche mon doctorat en physique nucléaire, les forces américaines franchissent le Rhin au pont de Remagen en Allemagne, le président Franklin Roosevelt s’éteint à l’âge de 63 ans et son vice-président, Harry Truman, devient président des États-Unis. Hitler se suicide dans son bunker berlinois et les Alliés libèrent les rescapés des camps. En 1950, je commence à travailler à temps plein et la guerre de Corée éclate à l’autre bout du globe. Les troupes nord-coréennes franchissent la ligne choisie à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, ligne de démarcation des influences soviétiques au nord et américaines au sud. En 1977, je reçois le prix Nobel tandis qu’Elvis Presley succombe à une crise cardiaque à 42 ans. 

J’ai découvert…

La méthode de dosage radio-immunologique. Cette technique très sensible permet de mesurer des quantités infimes de substances biologiques actives présentes en quantité inférieure à un millionième de gramme dans le sang et l’urine. Ce sont nos études, du Dr Berson et de moi‑même, sur les mécanismes du diabète de type 2 qui nous ont conduits à développer cette méthode. Dans les années 1950, on avait observé que les personnes traitées par des injections d’insuline animale développaient une résistance à cette hormone et avaient besoin de doses croissantes pour éviter les effets de la maladie. Mais on ne disposait pas encore d’explications satisfaisantes à ce phénomène. Nous avons émis l’hypothèse que l’insuline étrangère stimule la production d’anticorps. Ceux-ci se lient à l’insuline, l’empêchant ainsi d’entrer dans les cellules et de participer au métabolisme du glucose. Pour démontrer la validité de notre hypothèse à une communauté scientifique sceptique, nous avons combiné des techniques d’immunologie et de marquage radio-isotopiques, afin de pouvoir mesurer des quantités infimes d’anticorps. C’est ainsi que le dosage radio-immunologique est né. La radio-immunologie associe 2 techniques. La première, biologique, utilise des réactions d’anticorps très spécifiques, lesquels permettent l’identification d’une substance organique donnée. La seconde, physique, consiste à marquer ces substances en introduisant dans leurs molécules des atomes radioactifs. Nous ne souhaitons pas déposer de brevet sur nos travaux, nous les communiquons aux chercheurs en visite. Après la mort de Solomon Berson en 1972, j’ai continué de publier. J’ai reçu le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1977 pour la technique de dosage radio-immunologique qui a permis par les développements et les identification d’hormones ultérieurs, conjointement à Andrew Schally et Roger Guillemin, 2 scientifiques américains dont les travaux ont permis d’identifier les hormones hypothalamiques.

Saviez-vous que…

En 1939, à 18 ans, Rosalyn Yalow suit avec passion la conférence sur la fission des atomes donnée par le physicien nucléaire Enrico Fermi, émigré aux États-Unis. Cette fission, que l’on associe à la guerre atomique, permettra plus tard de mettre en lumière les applications médicales des radio-isotopes qui joueront un rôle majeur dans la radio-immunologie qu’elle découvrira.

En devenant assistante à l’université, à la veille de l’entrée des États-Unis dans la Deuxième Guerre mondiale, elle déclarera modestement plus tard que sa chance, elle l’a due au départ des garçons pour l’armée.

Reconnue par un nombre impressionnant de distinctions et d’honneurs, 37 fois docteur honoris causa, Rosalyn Yalow ne s’est pas contentée de rendre hommage à son co-inventeur, le Dr Solomon Berson, dans son discours du Nobel. Après la mort de son collègue, elle a insisté pour que leur laboratoire soit baptisé «Laboratoire de recherches Solomon A. Berson». «Ainsi, son nom figurera sur tous les documents qui sortent de notre laboratoire et ses contributions à notre service de radio-isotopes seront toujours rappelées», avait-elle commenté.

Il est devenu rapidement évident que la méthode du dosage radio-immunologique pouvait être utilisée pour doser des centaines d’autres substances biologiquement actives telles que des virus, des médicaments et diverses protéines. Le dosage radio-immunologique a permis des applications ayant un intérêt pratique, comme le dépistage systématique du virus de l’hépatite B dans les centres de transfusion et la détermination des doses efficaces d’antibiotiques et d’autres médicaments. L’influence de la radio-immunologie sur l’étude des maladies infectieuses s’est avérée aussi révolutionnaire que son impact en endocrinologie. Là où, hier encore, certains virus et bactéries restaient indécelables au premier stade de leur évolution, l’extrême sensibilité de la radio-immunologie permet une détection particulièrement précoce, ce qui diminue considérablement les risques de contamination par voie sanguine.

En 1988, Rosalyn Yalow a reçu la Médaille nationale des sciences décernée par les États-Unis.

 
 

Carte d’identité

Naissance 

19 juillet 1921, Manhattan,
New  York (USA)

Décès

30 mai 2011, Bronx, New York (USA)

Nationalité

Américaine

Situation familiale

Mariée

 
 
  
Diplôme 

Physique au Hunter College de  l’Université de New York, doctorat à  l’Université de l’Illinois

Champs de recherche 

Physique nucléaire, biophysique

Distinctions 

Prix Albert-Lasker pour la recherche  médicale fondamentale  (1976), prix Nobel de physiologie ou médecine (1977)

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