Dossier

Dépression, troubles du comportement  alimentaire : Ados en  danger !

© hikrcn – stock.adobe.com, © alex_marina – stock.adobe.com, © Valerii Apetroaiei – stock.adobe.com

La dépression et les troubles du comportement alimentaire (TCA), telles l’anorexie mentale et la boulimie, font partie des possibles plaies de l’adolescence. Le jeune marche souvent au bord de la dépression. Mais à quel moment tombe-t-il dans la pathologie ? Quant aux troubles du comportement alimentaire, ils toucheraient plus de 10% des adolescents âgés de 12 à 18 ans, très majoritairement des filles. Quels sont les germes des syndromes dépressifs et des TCA chez les adolescents et comment la pédopsychiatrie peut-elle y répondre ?

Il n’y a pas que les adultes qui peuvent être frappé par la dépression. Les adolescents aussi. Chez ces jeunes, la question se révèle des plus délicates. Ainsi, comme le souligne le professeur Alain Malchair, pédopsychiatre, chargé de cours honoraire à l’Université de Liège et actuellement directeur médical du centre La Manivelle, à Liège, il est dans la psychologie normale de l’adolescent d’avoir un vécu interne qui le place souvent en bordure de cette affection. Il est à un âge où l’on expérimente tous les possibles, fussent-ils négatifs, que la vie adulte réservera. Certains auteurs parlent de la paranoïa ordinaire de l’adolescent, parce qu’il se sent très vite dans la peau d’une victime, persécuté, plongé dans un monde bien mal fait à ses yeux.

Dans ces conditions, Alain Malchair estime que la plus grande prudence est de rigueur au moment de poser un éventuel diagnostic de dépression, de trouble bipolaire, voire de schizophrénie chez un adolescent. «Il faut se méfier des étiquetages trop rapides, dit-il. La question à se poser est: le jeune que j’ai devant moi est-il vraiment entré dans la pathologie ou son comportement traduit-il simplement une manifestation de sa personnalité en évolution ?» L’adolescence est le théâtre de remaniements extrêmement profonds, difficiles à vivre dans la mesure où le psychisme ne suit pas suffisamment vite la transformation très rapide du corps. Au cours de la première partie de son adolescence, l’individu est même en quelque sorte «un enfant dans un corps d’adulte».

Comportements compensatoires

Dans son «vécu ambigu», l’adolescent cherche les limites de son corps à la modification brutale et incontrôlable. Il s’efforce de définir sa propre identité. Aussi assiste-t-on parfois à des comportements qui peuvent paraître fâcheux et dommageables, mais qui revêtent généralement des vertus protectrices face à une souffrance morale et sociale; il s’agit en fait de remparts. Ainsi, il n’est pas rare que des adolescents se coupent volontairement avec un couteau ou un cutter. Recherches des limites, certes, mais ce n’est pas tout. Selon Alain Malchair, ils ont également pour objectif de faire couler le sang comme si cela leur permettait d’évacuer une tension intérieure propre à leur statut d’adolescents. «Ils n’ont nullement la volonté de mourir, précise encore le pédopsychiatre, mais il faut être attentif à ce que certaines frontières ne soient pas franchies, comme par exemple se sectionner un tendon.» Les comportements ressortissant à ce qu’il est convenu d’appeler «les équivalents suicidaires» sont nombreux. Rouler à tombeau ouvert sur une mobylette trafiquée en représente une autre illustration.

Chez la fille adolescente se pose par ailleurs, de façon aiguë, la question de la sexualité et du rapport à la séduction. En soi tout à fait sain, le besoin d’affirmer sa féminité peut toutefois lui échapper. On parle du fantasme des lolitas. Ici, l’arbre cache la forêt, l’incertitude quant à ce corps que l’adolescente ne maîtrise pas encore et dont elle se sert pour tester le regard d’autrui et en conclure qu’elle est bien une femme. «Comme les autres, ce comportement compensatoire recèle une part de danger, car certains hommes adultes interprètent le comportement de la jeune fille comme une invitation. Or, ce n’est pas un appel, mais l’expression d’une angoisse», fait remarquer Alain Malchair. De même, certains comportements de type consommation d’alcool ou de cannabis constituent chez l’adolescent une manière de renforcer son sentiment interne de sécurité. Il veut éprouver l’impression d’être plus fort, se protéger des sentiments d’abandon, de vide, bref fermer une porte d’entrée vers la dépression. Le problème est évidemment le risque de voir ces comportements se fixer et faire le lit d’une assuétude.

 

Une porte grande ouverte

Quand y a-t-il entrée dans la pathologie dépressive chez l’adolescent ? Bien que l’affection ait des spécificités propres quand elle survient durant cette période de la vie, le diagnostic repose principalement sur le critère classique d’un ralentissement psychomoteur durable (plus de 2 ou 3 mois). On assiste à une perte de l’élan vital, à l’incapacité à ressentir du plaisir dans des situations précédemment jugées plaisantes (anhédonie).

La dépression peut survenir chez des adolescents dont les mécanismes compensatoires n’ont pas suffi à leur assurer une protection suffisante. Mais attention, les comportements de compensation perdent leur pouvoir protecteur s’ils basculent dans l’assuétude et risquent ainsi de tracer eux-mêmes le sillon de la dépression. L’assuétude a en effet pour corollaires le décrochage scolaire, le développement de comportements inadéquats, l’apparition ou l’exacerbation de tensions familiales, une désinsertion progressive par rapport au milieu social de l’adolescence… Autant d’éléments qui engendrent un mal-être propice à la genèse d’un syndrome dépressif. Chez l’adolescent, une autre voie d’entrée dans la dépression réside dans le fait d’avoir vécu dans l’inhibition, la difficulté de s’affirmer (en particulier socialement), et d’en éprouver une douleur morale. «L’anxiété sociale peut être une porte grande ouverte sur un vécu dépressif qui peut se muer en syndrome dépressif avec un risque de passage à l’acte suicidaire», commente le professeur Malchair. Des conséquences similaires peuvent aussi résulter d’un phénomène qui a pris une ampleur considérable depuis une quinzaine d’années et est de plus en plus souvent impliqué dans le mal-être des adolescents: le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. «Lorsqu’un psychiatre ou un psychologue prend en charge un adolescent ou un enfant victime de harcèlement, il est essentiel qu’il associe les parents à son action, et ce, pas tant sur le plan thérapeutique à proprement parler, mais afin de les pousser à intervenir vigoureusement auprès de la direction, des professeurs et des éducateurs de l’école dans un but de protection de leur fille ou de leur fils, dit le pédopsychiatre. En effet, les établissements scolaires sont parfois peu réactifs face à la question du harcèlement.»

Fragilité narcissique

Bien qu’il ne nie pas l’utilité des antidépresseurs dans certains cas, le professeur Malchair estime qu’il faut y regarder à 2 fois avant d’en prescrire chez les adolescents. Leur administration à de jeunes dépressifs, mais surtout à de jeunes individus qui traversent un moment de mal-être n’ayant de la dépression que l’apparence, n’est pas sans danger. De fait, certaines de ces molécules induisent dans un premier temps une élévation de l’anxiété, susceptible de favoriser un passage à l’acte suicidaire. Par ailleurs, toujours selon le directeur médical du centre La Manivelle, une psychothérapie s’impose dans le cadre d’un syndrome dépressif avéré chez l’adolescent, même si un traitement pharmacologique est prescrit.

Quel type de psychothérapie ? Aux yeux de notre interlocuteur, il n’y a pas de voie royale en la matière, la plasticité de l’adolescent lui permettant de tirer profit de différentes approches pour autant que le thérapeute fasse preuve d’empathie et soit à l’aise dans le modèle qu’il a choisi. «Néanmoins, dit-il, on ne soigne pas un adolescent comme on soigne un adulte, car l’interaction n’est pas la même. En aucune manière, il ne faut malmener la fragilité narcissique foncière de l’adolescent par une confrontation brutale au réel – incarnée, par exemple, par une réalité scolaire désastreuse. Dans ce cas, il se cabrerait, se refermerait, se sentirait persécuté. Assez paradoxalement, il convient à la fois de mettre des gants et d’être direct, mais toujours à travers une porte étroite qui donne au patient le moins de prise possible sur les mécanismes de rationalisation et d’intellectualisation que les adolescents utilisent comme moyens de défense.» Et d’ajouter: «Avec un adulte, on peut s’interroger sur le pourquoi du comment et l’amener à prendre conscience des mécanismes inconscients sous-jacents. Si l’on arpente ce terrain avec un adolescent, il vous démontrera par a + b que le temps est à la pluie, alors qu’il fait plein soleil.»

Si les 2 voies sont valables à ses yeux, il faut toutefois distinguer les thérapies familiales proprement dites, où les parents sont parties prenantes au travail thérapeutique, et les thérapies individuelles, auxquelles il est souvent utile de les intégrer. Dans ce second cas, Alain Malchair estime que la présence du jeune est indispensable lorsque ses parents sont invités à s’exprimer, sous peine d’écorner le lien de confiance qu’il a tissé avec son psy. L’inverse n’est pas vrai. «Il faut que l’adolescent sache que ce qu’il va confier ne sera pas répété à ses parents – cela relève d’ailleurs du secret médical, c’est lui le patient – et, d’autre part, qu’il soit informé de ce dont le thérapeute a connaissance, indique-t-il. Beaucoup de parents demandent à me voir sans le jeune et souhaitent que je ne lui dévoile pas la teneur de nos discussions. Je refuse systématiquement. Je leur réponds: « Si vous avez quelque chose à dire, il faut qu’il le sache, sans quoi ces informations sont inutilisables pour la thérapie ».»

L’ENFANT, AUTRE CIBLE DE LA DÉPRESSION

Bien que la dépression semble notablement plus rare chez les enfants que chez les adolescents, elle n’en est pas moins une réalité. Elle est d’ailleurs probablement plus fréquente qu’on ne le croit habituellement. Pourquoi ? Chez l’enfant déprimé, le trouble est internalisé et contraste avec des comportements visibles, car externalisés, comme l’hyperactivité, l’agressivité, les troubles oppositionnels avec provocation, etc. L’écueil devant lequel nous place l’enfant déprimé est qu’il ne dérange pas, à telle enseigne que son mal-être peut passer inaperçu. D’autant que dans les représentations des adultes, un enfant est joyeux par définition. «S’il a l’air triste ou peu expansif, on aura tendance à minimiser sa souffrance, à la considérer comme sans gravité et passagère», regrette le professeur Malchair. Il y a cependant des signes d’appel, fussent-ils indirects, voire flous, auxquels les parents, les enseignants, le médecin de famille doivent être attentifs. Quels sont-ils ? Notamment un trouble de l’appétit, des douleurs digestives, une baisse de tonus psychique, des cauchemars, un évitement des relations sociales ou encore une perte de goût pour des activités auxquelles l’enfant participait volontiers. «Par exemple, il faut s’interroger quand un enfant qui adorait se rendre chez les louveteaux ou aller jouer au foot n’a plus envie de le faire», fait remarquer le pédopsychiatre.

Hormis une éventuelle mais rare dépression endogène, le syndrome dépressif dont peut souffrir un enfant est lié à des événements de vie dont, entre autres, une séparation parentale, la maladie grave d’un proche, le fait d’appartenir à une fratrie où le handicap d’un frère ou d’une sœur monopolise l’attention des parents, le rejet, la maltraitance, la préférence des parents pour un autre de leurs enfants, le harcèlement scolaire…

 «En cas de séparation parentale, il est tragique mais malheureusement banal que la souffrance de l’enfant soit niée ou alors que la responsabilité en soit attribuée à l’autre parent et que l’enfant soit utilisé comme une arme contre cet ex-conjoint, ce qui, en outre, est propice à générer chez le petit garçon ou la petite fille un conflit de loyauté», souligne le directeur médical du centre La Manivelle. Et d’expliquer que ce type de situation est de nature à favoriser l’émergence de troubles comportementaux externalisés à l’adolescence, tels que la consommation de substances, une dépendance aux écrans, de l’agressivité… Le passage à l’acte suicidaire est assez exceptionnel chez l’enfant, mais pas l’idéation suicidaire. Il intériorise l’idée que si on ne l’aime pas, y compris si on le maltraite, c’est sa faute, qu’il est un problème et que mieux vaudrait pour ses parents qu’il ne soit plus là.

Selon le professeur Malchair, il n’est pas question de mettre un enfant sous antidépresseurs; non, il faut surtout l’écouter et tenir compte de sa tristesse. Lorsque la dépression sévit à cet âge, une prise en charge intégrant les parents dans le travail thérapeutique est, à ses yeux, l’option à privilégier car il est essentiel de rendre à l’enfant la place qu’il mérite dans l’univers familial.

 
Sans préparation ni cuisson

Changeons de registre. Dix à 15% des jeunes âgés de 12 à 18 ans souffriraient de troubles du comportement alimentaire (TCA), avec une large prédominance féminine – neuf filles pour un garçon. Souvent, ces troubles débutent par la pratique d’un régime. Par exemple, dans le but d’avoir la taille mannequin. Les travaux scientifiques aboutissent à la conclusion que les adolescentes qui en suivent un régulièrement ont 12 fois plus de risque de devenir boulimiques que celles qui ne restreignent pas leur alimentation.

La durée moyenne des TCA est de 6 ans, mais ils peuvent persister toute la vie. Parmi les 80% de malades qui en guérissent, 50% continueront malgré tout à entretenir des préoccupations pour leur poids, leur silhouette et leur alimentation. Il existe divers troubles du comportement alimentaire, mais les plus fréquemment évoqués sont la boulimie et l’anorexie mentale. La première se manifeste par des épisodes hyperphagiques auxquels succèdent des comportements destinés à éviter la prise de poids. Durant la crise, l’adolescent consomme de manière compulsive, éventuellement sans préparation ni cuisson, les aliments qu’il cherche à éviter habituellement. Ensuite, après quelques heures de frénésie alimentaire, il se fait vomir, pratique le sport de façon excessive et, parfois, prend des laxatifs ou s’impose un jeûne draconien. Ces stratégies lui permettent de maintenir son poids à un niveau plus ou moins constant, de sorte que, contrairement à ce qu’on observe dans l’anorexie, les accès boulimiques, accomplis en secret, peuvent passer inaperçus pendant des années et demeurer longtemps compatibles avec une vie normale sur les plans familial, social et professionnel. En général, l’épisode boulimique s’achève néanmoins dans la honte, la culpabilité, le dégoût de soi et un profond sentiment de solitude.

Dans l’anorexie mentale, l’une des missions des parents est de reprendre temporairement en charge le contrôle de l’alimentation et de l’activité physique de l’adolescent. Dans la boulimie, leur première tâche est de contribuer à réduire les comportements compensatoires à l’ingestion de nourriture (vomissements, hyperactivité physique…), mais sans recourir à la contrainte. Ils doivent aussi veiller à la régularité des repas.

Dans l’anorexie mentale, le processus est différent: l’adolescent craint ou refuse de maintenir son poids à un niveau minimal normal pour son âge et sa taille. Dans nos sociétés, la valorisation de la minceur véhiculée notamment par la mode n’est pas étrangère au phénomène. Mais aujourd’hui, d’après les spécialistes, un autre phénomène favorise également les comportements alimentaires restrictifs: la valorisation du végétalisme et du véganisme auxquels adhèrent de plus en plus de jeunes, mais qui dérivent chez certains vers des TCA. Ces troubles débouchent régulièrement sur des tentatives de suicide, en particulier dans le cas de l’anorexie mentale à l’âge adulte.

Quant à l’origine de ces troubles, elle est complexe et varie d’un individu à l’autre. Les études scientifiques pointent du doigt des facteurs génétiques et épigénétiques, mais aussi des facteurs psychologiques fréquemment associés à des traumatismes découlant de moqueries, de harcèlement, de violences verbales ou physiques, ainsi que des facteurs culturels, sociaux ou familiaux. À cela s’ajoutent entre autres les risques d’accès hyperphagiques découlant de la pratique d’un régime. «L’anorexie mentale, en particulier, est décrite aujourd’hui comme une affection à la fois neuropsychiatrique et métabolique. Cette dernière composante a été mise récemment en évidence, notamment à la suite du développement des connaissances génétiques relatives à des gènes codant pour des données anthropométriques telles que le poids, la composition corporelle et la distribution de la masse graisseuse», précise le psychiatre Yves Simon, président du Centre d’Expertise Poids, Image du corps et Alimentation (CEPIA). Certains traits de personnalité se trouvent également au cœur du débat. Ainsi, comme le rappelle le thérapeute, «les patients présentant une anorexie mentale ont des problèmes avec les émotions, fortement associées avec le perfectionnisme, l’anxiété sociale et le surcontrôle des impulsions et, dans la boulimie, on montre une dysrégulation des émotions, une sensibilité au rejet et un sous-contrôle des impulsions et des émotions».

Family Based Therapy

Mais comment venir en aide aux adolescents souffrant d’un TCA ? À l’heure actuelle, une thérapie familiale spécifique, la Family Based Therapy (FBT), est considérée comme la thérapie de référence. Cependant, elle demeure peu utilisée dans les pays francophones où d’autres thérapies qui, contrairement à elle, n’ont pas fait l’objet d’évaluations sérieuses sont encore dominantes et tendent en outre à attribuer une responsabilité aux parents dans le trouble de leur enfant, alors qu’il y a lieu d’en faire des partenaires sur le plan thérapeutique et non de les percevoir comme un «problème».

Il est essentiel d’informer les proches du jeune patient afin d’éradiquer de fausses idées sur sa maladie et de les conseiller sur la manière d’agir. Mal informés, ils peuvent développer un modèle de la maladie qui pourrait être à la base de la détresse du patient, ainsi que de leur propre détresse ou de leur incompréhension, et favoriser le maintien du problème. Aux yeux des thérapeutes appliquant la Family Based Therapy, il est essentiel de travailler avec la famille en vue d’améliorer la communication et les relations en son sein, ce qui peut se révéler déterminant dans la bonne réponse de l’adolescent à la prise en charge de son trouble alimentaire. Une des clés de voûte de la FBT est de convier parents et adolescent à des entretiens individuels et collectifs. «Il s’agit de veiller à ce que les parents apprennent à réfréner leur propension à réagir émotionnellement et à émettre des critiques à l’égard du jeune malade», commente Yves Simon.

Dans l’anorexie mentale, l’une des missions des parents est de reprendre temporairement en charge le contrôle de l’alimentation et de l’activité physique de l’adolescent. Dans la boulimie, leur première tâche est de contribuer à réduire les comportements compensatoires à l’ingestion de nourriture (vomissements, hyperactivité physique…), mais sans recourir à la contrainte. Ils doivent aussi veiller à la régularité des repas. Pour initier le processus du contrôle alimentaire par les parents, un «repas thérapeutique» est habituellement proposé très tôt au cours de la prise en charge. De quoi s’agit-il ? D’un repas familial en présence d’un ou d’une psychologue qui observe le fonctionnement de la famille à cette occasion et peut également amener les parents à mieux comprendre les besoins nutritionnels du jeune, ceci en collaboration avec un diététicien ou une diététicienne connaissant les principes de cette technique. L’accent sera mis par la suite sur les éventuels problèmes relationnels ou émotionnels détectés.

 
Techniques multifamiliales

En raison d’un état de dénutrition mettant en danger la santé physique et mentale de l’adolescent (hypoglycémie, tension artérielle très basse, température corporelle sous 35,5 degrés…), une hospitalisation est parfois nécessaire avant qu’une FBT puisse être instaurée. Elle peut également se justifier lorsque la thérapie entreprise ne porte pas ses fruits, que se manifestent des problèmes psychologiques induisant de la dépression ou un risque suicidaire ou encore que le contexte familial est délétère.

«Lors d’une courte hospitalisation avant le début de la FBT, l’alimentation par sonde permet entre autres de restaurer des fonctions cognitives altérées par la dénutrition, ce qui facilite l’engagement dans la thérapie, souligne Yves Simon. Dès le troisième jour, l’apport calorique vient alors, pour moitié, d’une alimentation classique. Dans ce cadre, il est demandé aux parents de prendre les repas avec le jeune afin de préparer le retour à la maison et l’engagement dans la FBT.» Une fois le comportement alimentaire restructuré au cours de la thérapie d’un TCA, le travail n’est pas terminé. Il reste à aborder la question des défis de l’adolescence sous l’angle des préoccupations corporelles, du perfectionnisme, des relations avec les autres jeunes, de l’impulsivité, de la timidité, de la sexualité, etc.  Autant de facteurs qui peuvent jouer un rôle dans ces troubles.

La Family Based Therapy s’ouvre par ailleurs à la possibilité de constituer des groupes réunissant plusieurs familles. «Les échanges avec d’autres familles nous ont ouvert les yeux sur ce qui aidait ou n’aidait pas notre fils», confiaient les parents de Paul, un garçon boulimique de 17 ans. De surcroît, les familles s’encouragent, se soutiennent, ce qui influence positivement la motivation de chacun. «Il est maintenant démontré que les techniques multifamiliales ont un impact favorable sur le processus de rétablissement», assure de docteur Simon.

Share This