Qui est-ce?

Katalin KARIKÓ

Jacqueline Remits • jacqueline.remits@skynet.be

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Je suis…

Née en Hongrie en plein régime communiste. Je grandis au sein d’une famille chrétienne dans la ville de Kisújszállás, où mon père est boucher. Très tôt, je me passionne pour les sciences. Après le lycée, j’intègre l’Université de Szeged où j’obtiens une maîtrise puis un doctorat en biochimie. Je poursuis mes recherches et mes études postdoctorales au Centre de recherche biologique de l’Académie hongroise des sciences, toujours à Szeged. C’est là que je commence à m’intéresser à l’acide ribonucléique messager (ARNm). Ces molécules donnent aux cellules un mode d’emploi sous forme de code génétique afin qu’elles produisent des protéines bienfaisantes pour notre corps. Cela mérite de s’y pencher sérieusement mais dans les laboratoires hongrois, les moyens manquent. En 1987, recrutée par le Département de biochimie de l’Université Temple à Philadelphie (Pennsylvanie), je pars aux États-Unis avec mon mari  et ma fille de 2 ans, Suzanna Francia. Grâce à une bourse postdoctorale, je participe à un essai clinique au cours duquel des patients atteints du sida, de maladies hématologiques et de fatigue chronique sont traités à l’aide d’acide ribonucléique double brin (ARNdb). À l’époque, cette recherche est considérée comme révolutionnaire. En 1990, j’entre dans un établissement proche, l’Université de Pennsylvanie (UPenn) où j’enseigne. Je soumets ma première demande de bourse pour laquelle je propose d’établir une thérapie génique basée sur l’ARN messager. L’UPenn mène alors des travaux de recherche sur l’utilisation de l’ADN pour transformer les cellules et s’attaquer à des maladies comme la mucoviscidose ou le cancer. Je poursuis le même but, mais avec l’ARN. J’avais compris qu’en attaquant l’ADN, en modifiant le génome des cellules, on prenait le risque d’introduire des modifications génétiques délétères. Je fais savoir mon opposition mais je n’arrive pas à convaincre de la pertinence de mes points de vue. Si bien qu’en 1995, en voie d’accéder au professorat, je suis écartée de la liste des titularisations et rétrogradée au rang de «simple» chercheuse. Comme je l’ai confié au site médical Stat, «Normalement, à ce stade, les gens disent au revoir et s’en vont car c’est trop horrible». D’autant qu’à l’époque, je ne dispose pas de la fameuse «carte verte» de résidente et j’ai besoin d’un travail pour renouveler mon visa. En même temps, cela me devenait difficile de financer les études supérieures de ma fille avec mon salaire raboté. Je pense aller voir ailleurs ou même faire autre chose car j’en viens à me dire que je ne suis pas assez bonne ou intelligente. Malgré ces doutes, je m’accroche et me consacre à corps perdu à ma passion. Je me dis, «tu vois, la paillasse (du labo) est là, tu n’as plus qu’à faire de meilleures expériences. Réfléchis bien et au final, demande-toi: Que puis-je faire ? Ainsi, tu ne gâches pas ta vie». Depuis lors, la thérapie basée sur l’ARN messager est le principal intérêt de mes recherches. Et en 1997, une simple rencontre devant la photocopieuse va changer mon destin. J’y fais la connaissance de Drew Weissman, immunologiste à l’Université de Pennsylvanie et qui travaille alors sur le vaccin contre le VIH. Nous décidons de collaborer.

 
À cette époque…

L’année où j’arrive aux États-Unis, en 1987, est aussi celle de la signature par Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan, du traité historique sur l’élimination des missiles intermédiaires stationnés en Europe. C’est le premier véritable accord de désarmement de l’ère nucléaire. Dix ans plus tard, en 1997, l’année où je rencontre Drew Weissman, en Chine, Deng Xiaoping, ancien compagnon d’armes de Mao Zedong et qui a engagé son pays dans l’économie de marché, s’éteint à l’âge de 92 ans. En 2005, année où nous publions notre découverte, l’ouragan Katrina fait plus de 1 800 morts au Sud des États-Unis.

 
J’ai découvert…

Les réactions immunitaires induites par l’ARN messager. Mes recherches portent sur la thérapie génique. En les poursuivant, j’imagine l’ARNm fournir aux cellules des instructions afin qu’elles fabriquent elles-mêmes les protéines thérapeutiques. Drew et moi mettons au point une parade qui permet à l’ARN synthétique de ne pas être reconnu par le système immunitaire. Cette solution permet d’éviter de modifier le génome des cellules. Cette technologie suscite d’abord des critiques car elle entraîne des réactions inflammatoires, l’ARNm étant considéré comme un intrus par le système immunitaire. Mais notre découverte, publiée en 2005, nous attire des louanges. En 2012, nous déposons un brevet pour l’utilisation de plusieurs nucléosides modifiés permettant de réduire la réponse immunitaire antivirale à l’ARNm. Nous continuons nos recherches et nous réussissons à placer notre précieux ARN dans des «nanoparticules lipidiques». Cet enrobage leur évite de se dégrader trop vite et facilite leur entrée dans les cellules. En 2013, je réalise que je n’aurai pas l’occasion d’appliquer mon expérience de l’ARNm à l’Université de Pennsylvanie. J’accepte alors le poste de vice-présidente senior au laboratoire allemand BioNTech. Mes recherches contribuent à l’effort de cette entreprise pour créer des cellules immunitaires produisant des antigènes vaccinaux. Ces cellules révèlent également que la réponse antivirale de l’ARNm donne aux vaccins contre le cancer un élan supplémentaire dans la défense contre les tumeurs. En 2020, cette technologie est utilisée dans un vaccin candidat conjointement par les laboratoires de BioNTech et Pfizer, ainsi que par ceux de Moderna, qui peuvent dès lors mettre au point leurs réponses à la Covid-19. Ces vaccins sont basés sur une même stratégie, qui consiste à introduire des instructions génétiques dans l’organisme afin de déclencher la production d’une protéine identique à celle du coronavirus et provoquer ainsi une réponse immunitaire. Comme je l’ai raconté au journal The Telegraph, à l’annonce des résultats d’efficacité du vaccin développé par Pfizer et BioNTech, je me suis mise à respirer très fort. J’étais tellement excitée que j’ai eu peur de mourir ! Après quasiment 40 ans d’efforts, mes recherches sur l’ARN messager utilisé pour mettre au point ce vaccin sont enfin validées. Je n’avais pas imaginé qu’il y aurait un tel coup de projecteur sur cette technologie. Je n’étais vraiment pas préparée à être sous les feux de la rampe.

  

Saviez-vous que…

Au cours de sa carrière, Katalin Karikó a souvent dû faire face au sexisme. On lui demandait le nom de son superviseur, alors qu’elle dirigeait son propre labo, ou bien on l’appelait «madame», là où ses collègues masculins étaient identifiés comme «professeurs».

Le mari de Katalin a toujours dit que ses recherches étaient de l’amusement, tant elle est passionnée. En même temps, elle s’est battue pour financer les études de sa fille Suzanna Francia, qui finira diplômée de l’Université de Pennsylvanie. Et qui remportera la médaille d’or au sein de l’équipe d’aviron américaine lors des Jeux olympiques de 2008 et 2012.

Après avoir appris l’approbation du vaccin développé par Pfizer/BioNTech, Katalin a fait un écart en dévorant un paquet de ses bonbons préférés. Même si la chercheuse savoure son succès, «l’heure n’est pas encore aux cotillons et au champagne», comme elle l’a résumé à CNN. «Nous fêterons tout cela quand les souffrances humaines seront derrière nous, quand les épreuves de cette période terrible seront terminées. Cela arrivera, je l’espère, cet été. Quand nous aurons oublié le virus et le vaccin, alors je le célébrerai vraiment.»

Grâce à leurs travaux, Katalin Karikó et Drew Weissman sont pressentis pour le prochain prix Nobel.

  

Naissance 

17 janvier 1955, Szolnok (Hongrie)

Nationalité

Hongroise

Situation familiale 

Mariée, 1 fille

 

Diplôme 

Maîtrise en sciences et doctorat en biochimie à l’Université de Szeged 

Champs de recherche 

Thérapie génique basée sur l’ARN messager

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